I hate everything about you

Deuxième semaine de cours et déjà collé, il devait probablement venir d'établir un nouveau record. Eiji froissa le petit papier qu'il tenait en main, trouvé dans son casier en sortant des cours de la matinée, et le jeta dans la première poubelle venue, agacé. Pas si surpris que ça – sa manière de sécher l'espagnol n'avait rien eu de subtile – mais agacé des proportions que ça prenait. Enfin, à quoi s'attendait-il ? Nouveau lycée, bien plus strict que l'ancien, et son comportement laissait déjà à désirer... au moins ne s'était-il pas encore battu. Toute son énergie était allait dans la course ou dans le kendo, avec des adversaires à sa mesure qui lui avaient permis d'exprimer toute sa hargne sans crainte. En fin de journée, les muscles épuisés et les membres encore endoloris des coups pris sous son armure, il n'avait eu aucune envie d'aller encore chercher noise à d'autres personnes.

Le jeune homme referma avec un peu trop de force la porte de son casier et quitta le hall sous le regard outré d'un deuxième année apparemment choqué d'un tel comportement. Machinalement, le jeune homme se dirigea vers le self pour aller chercher un bentô. De base, il avait prévu de manger à la cafet avec Hugh et Kanta, mais l'heure de la colle lui imposait un changement de programme.
Une dizaine de minutes plus tard, il avait prévenu ses amis et les abandonnait au self pour aller manger tranquillement son bentô sur un banc au calme, peu enclin à discuter à cet instant. Il avait laissé sa veste à côté de lui et remonté les manches de sa chemise, profitant de la chaleur sur sa peau. Le bento fut vite expédié, laissant au jeune homme un peu de temps à révâsser avant de devoir retourner dans la salle de cours où était prévue la colle.

Sécher les cours d'espagnol... Eiji n'avait eu aucune envie d'y assister et de revoir le visage de Jiro, qui se surimposerait forcément à cette impression qu'il avait eu dans le dojo, ce visage au doux sourire penché vers lui. C'était trop perturbant. Il avait cru pouvoir fuir en même temps qu'il changeait de lycée, mais bien trop vite, Kantaro avait eu la joie de lui faire la liste des professeurs qui avaient changé d'établissement avec eux. C'était surtout le prof de maths qui semblait le mettre en joie. Pour Eiji, c'était le nom du prof d'espagnol qui l'avait mis en émoi. C'était tout simplement horrible. D'être.... comme ça, d'être complètement troublé à l'idée de le voir, et de comprendre ce que cela voulait dire. Quelque part, dans ses moments les plus détendus, il arrivait presque à croire que ce n'était qu'une illusion, quelque chose que faisait son esprit dans un esprit de rébellion.
Ils ne s'étaient croisé qu'une seule fois, quand l'équipe de kendo avait cédé le dojo à l'équipe de Kyudo. Au milieu du groupe de sportifs bruyants et surexcités après l'entrainement, il n'avait guère fait plus que de croiser le regard sombre du kyudojin silencieux au milieu de la petite équipe plus restreinte qui observait les kendokas avec un peu d'impatience.

Eiji s'imposa de sortir de ses pensées et se leva de son banc, jetant sa boite à bento maintenant vide. S'il avait eu le temps, il aurait fait un détour par le chenil pour aller voir Shizuka, malheureusement, le temps tournait trop vite et l'heure de la colle se rapprochait. Avec un soupir agacé, l'adolescent se releva, récupéra sa veste et prit le chemin pour retourner au bâtiment Showa, croisant les élèves des autres années qui retournaient eux aussi en cours. Comme prévu, la salle des 3-A était entièrement vide, le tableau effacé après le dernier cours du matin qu'il avait soigneusement évité. Il ne s'était pas encore retrouvé dans le groupe qui devait nettoyer la salle après les cours. Revenir en salle après avoir séché le cours aurait été assez délicat à faire.

Le jeune homme referma à moitié la porte derrière lui et déposa son sac sur une des tables avant de se diriger vers une fenêtre et de l'ouvrir, faisant entrer l'air estival dans la pièce, réalisant seulement qu'il était seul dans la salle. Ce ne serait donc pas une colle collective ? Eiji grimaça, se rendant compte de l'étendu de son manque de connaissance de ce nouveau lycée. Il ne savait même pas qui serait là pour s'occuper de lui. Le petit papier avait été signé par l'administration de manière on ne peut plus neutre, et non par le professeur en question. Il verrait surement vite...

Eiji s'appuya au rebord de la fenêtre, le regard dirigé vers la montagne au loin. Vivement que cette colle passe et qu'il puisse aller s'entrainer.

La sonnerie annonçant la fin des cours résonna comme une libération. C'était rare qu'il ressente une telle chose dans son travail, pourtant cette classe lui donnait envie de fuir à chaque fois. Jiro essayait de n'en rien montrer, affichant un sourire tranquille, mais il devait constamment éviter à son regard de se poser sur un bureau précis s'il voulait réussir à le conserver. Il était déjà suffisamment douloureux de devoir faire l'appel et de ne jamais obtenir de réponse pour le même nom ... Nom de la personne qui aurait dû occuper le bureau incriminé, et qui était toujours absent ... Kimihiro Eiji ...

Ca avait commencé à Hamura, après leur rencontre nocturne fortuite au dojo, où Eiji s'était confié à lui alors qu'il était ivre. Au début, il s'était dit que le jeune homme devait se sentir mal après ces confidences, et qu'il lui fallait du temps pour accepter et digérer le fait que son sensei soit au courant. Mais plus le temps passait, et moins Jiro était sûr de cette version. Avec leur transfert, il avait espéré un retour sur de nouvelles bases, mais il n'en fut rien ... au contraire ... Eiji persistait à l'éviter ... non, à le fuir ... et il ignorait la véritable raison de ce comportement.
A cela venaient se greffer ses propres sentiments confus à l'égard de l'adolescent, rendant la situation à la limite du supportable. Il fallait vraiment qu'il prenne sur lui pour donner cours à la 3-A.

Ce jeudi matin ne faisait pas exception, mais avec un petit plus qui le mettait dans un état proche de la fébrilité. Aujourd'hui, il allait enfin pouvoir lui parler. Enfin ... Il avait pris sa décision en début de semaine, après le cours des 3ème années où Eiji était une fois de plus absent. Un sentiment de culpabilité l'avait assailli au moment de glisser le billet dans le casier du jeune homme, mais c'était fait à présent, et il ne restait plus qu'une heure.

Après avoir demandé aux élèves restant de libérer la salle avant 13 heures, Jiro gagna son appartement pour tenter de manger un peu avant la rencontre. Contrairement à son habitude, il se contenta d'un sandwich sur le pouce, qu'il ne réussit même pas à finir. Hime se délecta des morceaux de jambon restant, et le pain atterrit dans la poubelle. Il se sentait tout aussi fébrile et inquiet que lors d'un premier rendez-vous. C'était pourtant loin d'être le cas, mais ses sentiments le rendaient nerveux. Il ne fallait pas qu'Eiji s'en rende compte. Mieux, il fallait qu'il réussisse à les chasser ... ou tout au moins, à en faire abstraction ...

Jiro se retrouva pour la seconde fois de la journée devant la porte de la classe des 3-A. Il apposa sur celle-ci le papier signalant qu'elle serait occupée pour les deux heures à venir. Deux heures ... Il n'avait rien prévu qui ait un lien avec une quelconque colle. Il voulait juste lui parler.

Prenant une profonde inspiration, Jiro pénétra dans la salle, refermant doucement la porte derrière lui, comme s'il cherchait à mesurer chaque geste. Figé contre le cadre de la porte, il n'arrivait pas à entrer plus en avant. Son regard fit le chemin à sa place, trouvant Eiji appuyé contre la fenêtre, perdu dans la contemplation du paysage. Le soulagement de le voir présent retira un poids de ses épaules. Il avait crains qu'il ne se présente pas. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il n'avait pas spécifié qui le convoquait

" Je n'aurais jamais pensé en être réduit à utiliser une telle méthode pour pouvoir te parler un jour ... "

Sa voix était étonnamment calme en comparaison de son ressenti. Malgré cela, il n'avait pas totalement réussi à dissimuler la pointe de tristesse qui perçait à travers. Il espérait juste que ce serait suffisant pour que le jeune homme ne s'en rende pas compte.

" Eiji ... Qu'est-ce qui se passe ? "

A quel moment les choses avaient-elles dégénérées ? Y avait-il vraiment un moment précis où, de sensei attitré et apprécié en Kyudo, Jiro était devenu autre chose ? Si oui, il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Quand il repensait aux entraînements, ils revoyaient des moments agréables de concentration et de calme, ou alors ces quelques fou-rires qu'ils avaient partagés pour une bétise quelconque sous le secret du dojo, dépassant le côté formel de l'entraînement et du tir. Des conversations çà et là sur sa vie, ses entrainements, sa passion des arts martiaux, en échange de quelques morceaux de la propre vie de son sensei, en Espagne, dans l'Ambassade, les entrainements avec son propre sensei qui n'était autre que sa mère. C'était tout. Rien d'ambigüe ou de bizarre, juste une entente complice et chaleureuse qui l'avait incité à se donner plus à fond pour le kyudo qu'il ne l'avait jamais fait.
Alors qu'est-ce qui avait changé ? Certes, c'était une conversation sur lui qui avait déclenché les évènements qui avaient amenés à sa rupture avec Konata, mais quelque part, il était presque sur que cela ne voulait rien dire. Ils auraient fini par se séparer dans tous les cas. Konata aurait peut-être attendu un peu plus longtemps avant de l'envoyer promener, voilà tout...

La porte glissa derrière lui et le jeune homme laissa échapper un soupir. Plus tôt la comme commencerait, plus tôt il s'en échapperait... La voix douce qui l'interpela le figea sur place, lui imposant de se retourner lentement comme un animal pris au pièce, jusqu'à ce que son regard se pose sur Jiro. Non, il ne l'aurait jamais cru capable d'en venir à de telles extrémités, sinon il ne serait pas venu dans la salle. Il semblait... triste ? Dans sa voix comme dans ses gestes manquait l'énergie mesurait dont il faisait toujours preuve et qui faisait pétiller ses yeux. Sa passion d'enseigner, l'espagnol comme le kyudo. L'idée avait déjà fait grimacer Eiji, en un autre temps, quand son sensei avait essayé de lui expliquer le plaisir du partage de l'expérience et de ses connaissances, à l'abri sur le pas de tir. Le cœur du jeune homme sauta un battement. Était-ce de sa faute s'il était dans cet état ? Il l'avait fui pour ne pas être sur de l'effet que l'homme avait sur lui... A aucun moment il n'avait pris en compte ce que cette absence aurait comme effet. Ou, plus simplement, il avait juste cru qu'il n'y en aurait pas.

Sans répondre, Eiji le fixa, scrutant du regard chaque parcelle de son visage, de son corps, pour essayer d'avoir la réponse à cette question qu'il avait tant de mal à se poser. Qu'était Jiro pour lui ? La matérialisation de ses angoisses depuis qu'il lui avait avoué son homosexualité dans le secret du dojo ? Un espèce de fantasme que son esprit essayait de lui imposer parce que lui essayait par tous les moyens de ne pas accepter son attirance pour les hommes ? La troisième possibilité, il n'avait pas voulu y penser depuis qu'il avait fui le dojo, le coeur battant. De l'attirance... Se l'avouer revenait à accepter sa sexualité entièrement, non ? A accepter d'être un homme un peu raté, quoi qu'en dise Hugh.
Alors pourquoi avait-il le coeur serré devant ce regard triste ? Pourquoi n'avait-il jamais pu avoir le ventre noué de la même façon en serrant Konata dans ses bras ?
Il avait toujours cru qu'aimer la petite jeune fille avait été naturel. Elle était mignonne, caractérielle, intéressante. Mais elle ne réveillait pas en lui le même écho qu'à présent. Il avait dans la bouche un arrière gout de miel et d'amer. Les choses étaient différentes.
Non, il était différent ?

Eiji retrouva sa voix en même temps qu'il se redressait pour s'approcher de son professeur, contournant les tables vides qui étaient le dernier rempart entre eux deux. Il était peut-être temps qu'il redevienne lui-même et cesse de se prendre la tête sans cesse. Habituellement, il était plus prompt à agir... c'était surement ça qui clochait le plus.

" J'avais besoin d'une réponse, mais je ne savais pas à quelle question..."

Il avait compris la question, et il n'y avait qu'une seule solution d'en avoir une réponse nette. Le jeune homme ne s'arrêta devant son sensei que pour lever les mains et les poser sur la porte, de part et d'autres de ses épaules, l'emprisonnant aussi nettement que dans une cage. Les yeux de Jiro étaient au même niveau que les siens et Eiji les accrocha un instant avant de poser ses lèvres sur les siennes. Il n'y avait qu'une seule façon de savoir ce qui affolait réellement ses sens.

La surprise sur les traits d'Eiji était loin d'être feinte. Non, ça ne lui ressemblait pas d'agir ainsi, mais poussé dans ses derniers retranchements, il savait user de moyens différents. Dans cette situation, Jiro n'avait plus trouvé d'autre recours. Le jeune homme le fuyait en cours, au dojo et s'arrangeait même pour ne pas avoir à le croiser dans les couloirs dès qu'il l'apercevait au loin. Au mieux, avait-il réussit à croiser rapidement son regard alors que tous deux étaient au milieu d'autres personnes. Rien de plus. Comment réussir à lui parler dans ces conditions ? Cette utilisation de son statut d'enseignant était la seule chose qu'il avait pu se permettre sans paraître suspect.

Et à présent qu'ils étaient face à face, que devait-il faire ? Et si Eiji refusait de lui répondre ? Et si tout ça ... était de sa faute ... ? A la réflexion, c'était le plus probable ... Il avait dû avoir un geste, un regard ou une parole qui avait laissé paraître son attirance, voir ses sentiments, et Eiji le fuyait à cause de ça. Pourtant, il s'était déjà repassé tous les évènements et discussions possibles sans rien trouver de significatif ... Quoique cette fameuse nuit au dojo était un tant soit peu limite ...

Tout à ses réflexions, Jiro nota le mouvement de son élève et le suivit du regard. Plus il se rapprochait et plus il lui était évident qu'Eiji avait changé, physiquement parlant. Il avait déjà eu cette impression en l'apercevant au loin, mais là ça lui sautait aux yeux. Le jeune homme avait gagné en muscles ces dernières semaines. A bien y penser, c'était une conséquence logique : Eiji se réfugiait toujours dans le sport quand il n'allait pas bien.
Son regard cessa sa contemplation pour revenir se perdre dans celui d'Eiji, lorsque ce dernier prit la parole. Sa réponse ouvrait le champ libre à trop de questions pour qu'il sache comment l'interpréter. Le plus important était de savoir s'il avait trouvé la question et la réponse qui s'y associait. L'emploi du passé signifiait-il que c'était le cas ? Et si oui, était-il en droit de lui demander de plus amples détails ?

Jiro réalisa subitement que le visage du jeune homme était beaucoup plus proche que ce que les convenances autorisaient. Eiji s'était immobilisé tout près de lui, le laissant interloqué. Mais la question qui fleurissait dans son esprit n'eut pas le temps de naître sur ses lèvres, scellées dans un baiser inattendu.
Un baiser ...
Pour un moment, Jiro cessa totalement de penser, ne se laissant plus guider que par son instinct et un désir dont le phantasme devenait soudain bien réel. Ses lèvres s'entrouvrirent, répondant avec délicatesse au baiser chaste, le cœur battant à tout rompre, les yeux fermés comme pour nier l'évidence. Puis la réalité revint le frapper brusquement, lui faisait prendre conscience de ce qu'il était en train de faire. D'une main tremblante, l'enseignant repoussa légèrement Eiji.

" Non ... "

Sa voix manquait sérieusement de conviction et Jiro fut contraint de détourner le regard pour ne pas céder à la tentation d'étreindre le jeune homme. Sa langue passa sur ses lèvres nerveusement.

" Je ... Pardon, Eiji ... Pardon, si mon comportement t'a laissé penser que ... que ... qu'il y avait quelque chose ... Ce n'était pas mon intention ... "

Oui. Ne surtout pas penser que les sentiments d'Eiji puissent être réels ... C'était ce qu'il avait de mieux à faire ... pour eux deux ...

Il avait voulu une réponse nette. Il n'avait pas imaginé ce qu'elle serait. Le coeur battant à tout rompre menaçant de sortir de sa poitrine, cette sensation au creux de son ventre, brulante et insistante... La réaction physique était aussi douloureuse qu'effrayante, et surtout, impossible à nier. Impossible de nier que la proximité de Jiro lui faisait de l'effet, plus que celle de Konata ne lui avait jamais fait. Deux envies se bataillaient présentement dans son esprit : un "arrête" clair et net, pour empêcher cette perte de contrôle qu'il sentait venir comme une chute libre, et un "encore" parce qu'il ne demandait qu'à explorer ces sensations, à voir où elles pouvaient le mener.
La décision fut prise pour lui quand Jiro le repoussa doucement, marmonnant des explications dont Eiji ne percuta pas vraiment la portée, trop focalisé sur ses propres sentiments. De toute façon, pourquoi aurait-il prété attention à une explication aussi faiblement donnée ? La dernière fois qu'un mec l'avait embrassé et qu'il n'avait pas voulu, il avait frappé.

Eiji ne releva pas les yeux pour fixer Jiro, trop mal à l'aise. D'avoir embrasser l'autre homme sans lui demander, d'avoir tout simplement embrassé un autre homme et d'avoir aimé ça. D'avoir avoué son attirance pour son sensei de kyudo d'une manière qui ne laissait aucun doute.
Si, quelques secondes auparavant, il pouvait encore songé à renier son homosexualité, difficile maintenant de dire que ce n'avait été que la passade du moment, alors que son corps en demandait encore.

Le jeune homme redressa la tête et fixa son sensei. Jiro semblait aussi déconcerté et affolé que lui, loin de la colère ou de l'agacement qu'un baiser sauvage aurait du lui imposer. Un tel regard aurait peut-être suffi à remettre les choses à leur place, mais dans l'état actuel des choses, il donnait plutôt envie à Eiji de le serrer contre lui. D'où venait de telles envies ? C'était comme si le baiser avait ouvert une vanne, le laissant libre de désirer plus maintenant qu'il avait accepté. Le jeune homme céda à l'impulsion, passant outre la tentative un peu faible de Jiro de le repousser pour regouter à nouveau à ses lèvres, y retrouvant la même sensation qu'au premier baiser.

Le jeune homme recula d'un coup, se cognant dans la table la plus proche derrière lui qui l'empécha de mettre la distance qu'il aurait voulu.
Il avait juste voulu une réponse à sa question, pas se voir ouvrir des tas de possibilités effrayantes et excitantes. Surtout excitantes. Il n'était pas sur de vouloir penser à ce moment à cet instant.

" Désolé..."

Eiji esquiva le regard de son sensei en se sauvant, quittant la pièce aussi vite que si un oni était apparu pour le dévorer, sans jeter un regard en arrière, abandonnant dans la salle son professeur et son sac, totalement oublié dans l'idée de s'éloigner ce qui le troublait tant. Il aurait été plus simple de ne jamais s'essayer à ce baiser impie... même s'il avait beaucoup de mal à oublier cette sensation qui flirtait encore sur ses lèvres ou dans son ventre comme un papillon. Le fruit interdit avait un parfum enivrant qui semblait demander à ce qu'il y retouche...

Il avait imaginé toutes les raisons possibles, même les plus improbables, pour lesquelles Eiji le fuyait. Mais celle-ci était la seule qui ne lui était pas venue à l'esprit. Non ... C'était celle qu'il s'était interdit d'envisager. Celle qui n'avait pas le droit d'exister. Celle qu'Eiji venait de lui fournir avec démonstration à l'appui ...

Malgré sa tentative pour garder une certaine maîtrise, Jiro sentait son visage enflammé, son cœur emballé et ses membres tremblants. Son corps entier le trahissait, lui criant de se laisser aller en dépit de sa raison. Et Eiji ne semblait pas décidé à l'écouter non plus, revenant à la charge dans un nouveau baiser plus appuyé, auquel il ne chercha même plus à résister. Il réussit tant bien que mal à retenir son envie de l'enlacer, serrant les poings pour ne pas céder.

Heureusement, cette fois-ci Eiji se recula, brusquement, comme s'il prenait soudain conscience de ce qu'il venait de faire. Jiro n'eut pas un seul geste pour le retenir lorsqu'il prit la fuite. S'il avait eu un miroir à cet instant, il aurait pu lire l'affolement dans son regard, mais il n'avait pas besoin de ça pour savoir qu'il était en pleine panique. Ses jambes cédèrent et il glissa lentement contre la porte jusqu'au sol où il resta prostré de longues minutes.

Il était venu parler, trouver une réponse, mais ce qu'il avait déclanché en faisant ça le dépassait totalement. S'il pouvait lutter contre ses sentiments, savoir que l'attirance était réciproque rendait la situation totalement ingérable. Que devait-il faire à présent ? Trop de questions ... et la sensation persistante des lèvres d'Eiji ne l'aidait pas à réfléchir calmement ...

Mécaniquement, Jiro se remit debout et quitta la salle de classe, avançant dans les couloirs sans vraiment avoir conscience de sa destination. Ce ne fut que lorsqu'il se retrouva devant la porte de l'appartement 2 qu'il réalisa ce qu'il venait chercher, et auprès de qui ...