[FINI] Hangover [Ryosuke]

Élève de la prépa

Les soirées en boîtes de nuit étaient tellement bien, tellement intéressante et tout simplement géniales, sur le coup. On buvait, on sentait les effets positifs de l’alcool sur notre corps, on se déchaînait et on oubliait. C’était incontestablement de super moments, dans la mesure où on pouvait s’en rappeler le lendemain, de ces instants de bonheur et d’enivrance extrêmes.

Effectivement, Aya avait sans doute trop forcée sur la vodka et le saké hier, ou plutôt cette nuit. Aussi, elle avait embrassé un jeune homme, Yuusuke si elle s’en souvenait bien. Etaient-ils allés plus loin qu’un simple baiser ? Elle ne le savait pas. Ou ne le savait plus. Quoi qu’il en soit, en ce réveillant le matin, ou plutôt l’après midi étant donné qu’il était près de 15h, Aya ne souhaitait qu’une seule chose : mourir. Ou alors se rendormir, l’un des deux ferait l’affaire, mais elle avait un train à prendre. Ses parents l’avaient donc, de manière assez dure et froide, sortis de son lit, l’avaient obligée de s’habiller rapidement en dépit de son mal de crâne assez fort puis l’avaient envoyé, sans repas, à la gare. Un mal pour un bien, Aya n’avait vraiment pas faim et songeait même que, si elle avait l’estomac remplis il ne le resterait pas longtemps.

Elle se retrouvait donc maintenant devant l’entré de la Ginkgo Gakuen et soupira lourdement. Le soleil et la chaleur ne faisaient qu’accentuer sa migraine. Elle secoua légèrement la tête, remit son sac en place sur son épaule et prit le chemin vers la rivière. Au moins là, il ne risquait pas d’y avoir grand monde, surtout pas à cette heure. Il était 16h30.

Soupirant pour la énième fois, elle se choisit une place un peu à l’écart au pied d’un cerisier. Il n’était pas très grand ni même très impressionnant, mais il offrait assez d’ombre pour respirer. Elle posa son sac sur le sol et se laissa tomber à côté. Après avoir observée pendant quelques instants l’eau, elle se recula et s’allongea dans l’herbe. Fermant les yeux, elle porta ses mains à ses tempes, grimaçant. Ce n’était que durant les lendemains de soirée qu’on regrettait de s’être trop lâcher. Mais les regrets ne changeaient rien au fait qu’en ce moment même, Aya se sentait franchement mal et avait l’impression que sa tête allait exploser.

Invité

La fièvre du samedi soir… Par une quelconque miraculeuse volonté, Ryosuke y avait échappée. Confiné dans sa chambre au fin fond de la demeure familiale, il s’était vu pris de tremblements inexpliqués et d’une transe à laquelle il crut ne pas survivre. Un simple état de manque qui se manifestait de temps en temps, lorsque la tentation était trop forte. Il avait feint la maladie auprès de son entourage et avait lutté contre lui-même pour ne surtout pas céder à l’appel de l’alcool. Cela ne lui ressemblait tellement pas de se laisser ainsi aspirer par une telle spirale, pourtant, son corps avait grand mal à se désintoxiquer de cette substance diabolique. Sa dernière prise de boisson remontait à il y a seulement quelques jours, dans la plus grande discrétion, en compagnie de ses plus vieux amis qui ne se doutait pas de son niveau de dépendance. Il avait décidé de rentrer ce week-end, pour passer du temps avec son frère et sa sœur qu’il ne pouvait voir dû à l’éloignement, peut-être n’avait-il pas eu une si bonne idée… Tout ceci commençait à être préoccupant.

Pour autant, le jeune homme n’était pas décidé à confier ses maux à quelqu’un, persuadé d’être dans le devoir et en mesure de pouvoir résoudre son problème seul. Le lendemain, ce fut tôt et quelque peu émotionnellement affecté qu’il regagna le lycée. Mais comme toujours, il fit bonne figure en ne montrant pas une once d’existence de ses soucis, et souriait au premier qu’il croisait. Il passa la matinée sur ses révisions pour être certain de ne pas être pris au dépourvu le moment venu puis resta un long moment le sentô de l’établissement. L’après midi venu, il proposa à un camarade de classe d’aller promener son chien, ce qui lui permettrait de s’aérer l’esprit également. Ce fut donc en direction de la rivière qu’il flânait paisiblement, le regard surveillant parfois l’akita inu qui l’accompagnait. Il s’agenouilla près du lit de l’étendue aquatique pour flirter avec elle du bout des doigts… Il ignorait si c’était l’éducation qu’il avait reçue qui agissait ainsi, mais il se sentait parfaitement en osmose avec la nature et ne pouvait qu’y trouver paix et réconfort. Si seulement la vie pouvait être aussi placide et magique que le chant de l’eau qui s’écoule…

Cependant, cet instant fut rapidement interrompu par les aboiements d’Iko, le chien qu’il avait pris avec lui. Celui-ci – pour une raison inconnue – en avait visiblement après une innocente jeune fille simplement installée à l’ombre. Aussitôt, Ryosuke accourut et attrapa doucement le canidé par son collier en lui caressant le crâne pour le calmer.

« Iko, ça suffit, on aboie pas après les gens comme ça. Excusez-le mademoiselle. »

Ce fut en levant ses prunelles vers la pauvre victime qu’il la reconnut. La jeune fille n’était nulle autre qu’une élève de l’établissement, bien qu’en année supérieure. Il la connaissait pour l’avoir mainte fois croisée dans le dojo – alors que le club de kendo ne désirait que faire partir le club d’arts martiaux de là, certes – mais ne lui avait jamais réellement parlé. Des phrases d’usage seulement, la politesse de se saluer, l’échange d’un regard et d’un sourire courtois, mais pas de véritables discussions. Malgré tout, il lui adressa une risette après avoir authentifier son identité.

« Shirogane-san, je ne t’avais pas reconnue. »

Il arqua un sourcil.

« Est-ce que tout va bien ? »

Élève de la prépa

Les yeux fermés, la tête reposant dans l’ombre sur l’herbe, les bras le long du corps, occupée à se concentrer sur sa respiration, il semblait à Aya que sa migraine diminuait légèrement. Serait-ce l’effet de l’alcool qui commençait à se dissiper ? Surement. Quoique, l’obscurité y jouait un très grand rôle aussi. La jeune japonaise avait, un jour, lu dans un quelconque magazine que les migraines étaient atténuées dans le noir. M’enfin, n’allons pas commencer un cours de biologie maintenant.

Quoiqu’il en soit, Aya avait à peine fermé les yeux pendant 5 minutes, qu’un bruit animalier la tira de sa torpeur. Soupirant, elle essaya de savoir si c’était son esprit qui lui jouait un tour où si ce bruit était réel. Au moment où elle voulut vérifier, une voix, humaine cette fois-ci, se fit entendre. Ok, donc le chien était bien réel aussi. Dommage, Aya aurait adoré savoir qu’elle s’était endormie, étant donné que c’était tout ce qu’elle désirait le plus, à l’instant-même.

M’enfin. Prenant son courage à deux mains, elle soupira légèrement, grommelant quelque chose d’inaudible puis ouvrit un œil. Elle reconnue vaguement une silhouette floue. Inclinant légèrement la tête sur le côté, Aya ouvrit l’autre œil, puis plissa les yeux. Le jeune homme - parce que oui, c’était une voix masculine qui l’avait tirée de son début de sommeil- était dos au soleil et Aya ne put que difficilement deviner ses traits en étant couché comme elle l’était. Alors, soupirant à nouveau, elle se redressa sur un coude et changea de position. Inclinant légèrement la tête sur le côté, la jeune japonaise prit la parole

« Franchement ? Je me sens comme quelqu’un qui a trop forcé sur la boisson cette nuit. Je ne sais pas si tu peux savoir à quel point je me sens mal … »

Dire ça comme ça, sans préavis et sans transition pouvait paraitre bizarre à plus d’un inconnu. De cette manière, elle pouvait passer pour une alcoolique, qui adorait se bourrer la gueule toutes les semaines, alors que ce n’était franchement pas le cas. M’enfin. Aya secoua légèrement la tête et se redressa d’avantage, grimaçant parce que son mal de crâne avait reprit de plus belle. Reportant son attention sur l’inconnu, elle remarqua qu’en fin de compte il n’était pas si inconnu que ça. Elle l’avait souvent croisé au dojo, lorsque le club de kendo prenait possession des lieux en virant assez méchamment le club d’arts martiaux. Et lui, si elle s’en rappelait bien, s’appelait Dojima. Son prénom s’était perdu à l’arrière de l’esprit de notre jeune femme, mais ce n’était pas un problème. Fronçant légèrement les sourcils, elle baissa le regard ver le chien et se recula, s’adossant contre l’arbre. Puis, tendant la main vers l’animal, elle l’invita à venir la rejoindre. Passant sa main sur son poil, Aya reprit doucement la parole

« Iko … un joli nom pour un joli chien » Elle releva le regard vers le jeune homme qui s’était déplacé. De cette manière, elle pouvait mieux reconnaitre à qui elle avait affaire. Lui adressant un petit sourire, elle inclina la tête sur le côté « c’est le tien ? »

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Les répercutions néfastes de ces boissons éthyliques, il les connaissait mieux que quiconque, mais était loin de s’en vanter. Son état variait en fonction de la dose ingurgitée la veille, mais dans la grande majorité des cas, il ne se souvenait presque plus de son identité à son réveil. Endormi dans le premier endroit qu’il avait trouvé, il ne se souvenait généralement pas de ce qu’il avait bien pu faire ou dire, et dieu savait à quel point il était loquace et irréfléchi lorsqu’il avait bu. C’était un véritable incube qui prenait possession de son âme lorsqu’il cédait à sa dipsomanie fréquente, raison pour laquelle il buvait seul ou en compagnie d’un comité restreint auquel il n’avait plus rien à cacher. Il connaissait parfaitement la légèreté dont on faisait preuve lorsque l’on ne voulait que s’amuser, et les regrets lorsque la migraine martelait si fort qu’il aurait été préférable d’en finir immédiatement. Cela était presque désolant de savoir qu’il n’était pas maître de lui-même en toutes circonstances, lui qui était connu pour son attitude pacifiste et posée. Alors, oui, il savait ce que pouvait ressentir Aya en cet instant.

Pour autant, il ne fit qu’afficher un frêle sourire compatissant, navré qu’elle ait dû finir dans cet état. Il se sentit même embarrassé de la déranger alors qu’elle tentait sûrement de trouver une stabilité intérieure. Si elle se faisait acariâtre et demandait leur départ, il n’en serait ni étonné ni rancunier, après tout, l’élément perturbateur c’était lui… Ou ce chien, toute langue dehors par cette chaleur. D’ailleurs, celui-ci se dirigea vers la jeune fille pour recevoir myriades de blandices, tout innocent qu’il était. Ryosuke en profita pour faire quelques pas sur le côté et se mettre à l’ombre avant d’attraper un coup de soleil sur la nuque, ses cheveux noués en une torsade qui ne le protégeait pas. Lorsque la question lui vint, il lui rendit sa risette et opina négativement du chef.

« Non, c’est celui d’un camarade de classe. J’avais envie de me promener, alors je lui ai proposé de prendre Iko avec moi. »

Se disant, il vit le canidé revenir vers lui joyeusement, content de s’être fait une nouvelle amie dans la foulée. Le kendoka se mit accroupi et empoigna les joues de l’animal pour les frictionner vivement avant que celui ne se sauve en courant en direction de la rivière. D’un rire cristallin, l’étudiant l’observa un moment d’un air paisible. C’était véritablement une magnifique journée, météorologiquement parlant tout du moins, sinon elle semblait bien banale. Demain ils affronteraient une nouvelle semaine de cours et réentameraient leur besogne habituelle. Rien d’extraordinaire à leur vie de lycéen, ou presque. Il se demandait si lui aussi irait en classe préparatoire tout comme Aya… Son avenir demeurait flou et il ne parvenait pas encore à décider quel chemin emprunter. Quoi qu’il en soit – et après avoir profité des bruits de la nature – il se tourna vers son interlocutrice.

« Alors, tu as fait la fête hier ? Si tu préfères que je te laisse te reposer, je peux m’en aller ? »

Il se redressa.

« Dans tous les cas, tu devrais prendre quelque chose pour ta migraine si ce n’est pas déjà fait, au risque de la trainer encore longtemps. ».

Élève de la prépa

Prendre quelque chose contre son mal de crâne ? Mais quel précieux conseil dis-donc ! Aya, ne serait jamais venue sur cette idée, c’était sûr. Ou pas, aimerait-on ajouté là. Soit, si elle avait put rester, ne serait que cinq minutes de plus chez elle, elle se serait jeté sur la boîte de doliprane et l’aurait embarquée avec elle. Mais ses parents l’avaient tellement vite virée de la maison de manière à ce qu’elle n’ait même pas le temps de se brosser les dents. Et la voilà dans une situation étrange. Un jeune homme la conseillait.

Portant ses mains à ses tempes, Aya rouvrit les yeux et leva son regard ambré vers le kendoka. Avait-il réellement dit qu’il pouvait partir ? Surement, mais ce n’était en aucun cas la volonté de notre jeune fille. Si elle faisait un malaise sur place, qui serait là pour l’aider ? Non franchement, il devait rester. De toute manière, il avait l’air d’être quelqu’un de calme et posé, ce qui pourrait s’avérer être une charmante compagnie. Alors, secouant légèrement la tête, Aya soupira à nouveau

« Non, je n’ai pas eu le temps de prendre quelque chose. Mes parents m’ont virés de manière trop brusque de la maison cet après midi. Je les entends encore me gueuler après. » Elle arqua un sourcil et dévia le regard « si je n’avais pas été autant à la bourre pour ne pas rater mon train, ils m’auraient encore passés un réel … »

Sa voix se brisa lorsqu’elle songea au fait qu’elle était entrain de raconter sa vie et ses mésaventures à quelqu’un qui était tout de même encore inconnu à ses yeux. A quoi pensait-elle ? S’intéressait-il franchement à sa vie de fêtarde ? Non. Secouant à nouveau la tête, Aya abaissa ses mains, gardant le regard rivé sur le sol.

« Désolé de t’embêté avec ça, je ne peux qu’en m’en prendre à moi-même » elle esquissa un léger sourire et lança un coup d’œil furtif au jeune homme « t’as sans doute mieux à faire que d’entendre une parfait inconnue se plaindre du fait qu’elle ne tienne pas assez bien l’alcool et qu’elle ait trop forcée sur la boisson. Désolé »

S’excuser aussi platement, c’était vraiment de l’Aya tout craché. M’enfin, il ne lui en tiendra, avec un peu de chance, peut-être pas rigueur ? Ou alors si ? Quoiqu’il en soit, notre jeune japonaise garda le regard baissé et attendit une quelconque réaction. Au moins elle sera fixée.

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Son conseil pouvait paraître futile, mais il restait néanmoins un conseil. Combien de personnes répondaient positivement lorsqu’on leur disait de se soigner et ne le faisaient finalement pas ? Son petit frère était de ceux qui pensaient que le saint esprit panserait leurs maux, malheureusement c’était rarement le cas. Le jeune homme préféra d’ailleurs laisser le temps à Aya d’analyser ses dires et de lui répondre à son rythme, il savait à quel point une migraine pouvait être handicapante. Ses prunelles noiraudes scrutèrent les alentours à la recherche d’Iko, qui s’amusait bien sagement près de la rive, les pattes à moitié dans l’eau. Il est vrai que la chaleur était lourde à supporter aujourd’hui, mais Ryosuke ne se plaindrait pas d’avoir la compagnie de l’astre diurne qui leur permettait de mettre le nez dehors et influençait agréablement l’humeur des gens. De toute façon, il savait pertinemment qu’il était dans la nature humaine de ne jamais être satisfait…

Il se tourna à nouveau vers Aya lorsqu’elle prit la parole, apparemment avec une certaine envie de se confier. L’autorité parentale était parfois problématique et souvent peu compréhensive… Si la demoiselle avait été tirée de ses songes aussi brutalement, il comprenait que son état ne soit pas exceptionnel. Il fallait un minimum de temps pour se rétablir après un abus d’alcool, et si d’ici demain elle irait sans doute mieux, cette journée risquait en revanche d’être interminable. Avant qu’il n’en apprenne d’avantage, elle s’arrêta d’elle-même, prenant conscience de ses paroles peut-être trop privées pour être divulguées à un parfait inconnu ou presque. Ses répliques le firent spontanément sourire de manière douce pour la rassurer. Bien que lui ne se confiait presque jamais – même à ses proches – il concevait que l’on ait besoin de s’extérioriser et prêtait toujours une oreille attentive à qui le lui demandait.

« Il n’y a pas de soucis, ça arrive à tout le monde. »

Se disant, il se mit à réfléchir pour trouver un moyen de soulager Aya. Il n’avait évidement pas de médicament sur lui, mais il y avait d’autres façons d’atténuer les douleurs. Et puisqu’il savait parfaitement ce qu’elle ressentait, il trouva rapidement une solution. Le kendoka se mit à fouiller dans l’une des poches de son pantalon en toile noir et en sortit un mouchoir en tissu bleuté. Il se dirigea ensuite jusqu’à la rivière puis s’y pencha pour l’imprégner de l’eau froide malgré la température et fit demi tour. Une recette de grand-mère si l’on puis dire, mais il avait appris avec le temps que les compresses de glaçons apaisaient le mal de crâne. Puisqu’il n’avait pas de glace, il se débrouillait avec les moyens du bord, la froideur de la rivière serait déjà un bon facteur. Lorsque Ryo fut à hauteur de l’étudiante, il se mit à genoux à côté d’elle et lui fit comprendre ses attentions avant de lui tamponner doucement le front.

« Ca t’aidera un peu. »

Il appliqua le tissu en le tenant d’une main.

« Il ne faudrait pas que tu sois diminuée physiquement pour l’entrainement d’arts martiaux demain. Ce soir bois une infusion avant de dormir, ça te soulagera aussi. »

Élève de la prépa

Ce jeune homme était vraiment adorable. Bien qu’ils ne se connaissaient pas plus que ça, il semblait réellement s’inquiété pour Aya. Un bon point, qui faisait monter l’estime que notre jeune fille avait pour la gente masculine d’un cran. Non, elle n’était pas du genre à critiquer les hommes et elle tentait toujours de mettre les clichés de côtés, fait était que ces mêmes clichés étaient souvent justes et fondés. Mais soit, là n’est pas le noyau central de notre histoire.

Ne laissons pas notre esprit s’évader plus loin et revenons à nos deux jeunes gens au bord de l’eau. Aya était adossée à l’arbre, les yeux fermés et le visage crispé de douleur. Si bien qu’elle n’avait pas prit en compte les mouvements de Ryosuke jusqu’au moment où elle sentit quelque chose d’humide et de froid sur son front. Alors, ouvrant les yeux, le regard ambré de notre jeune fille tomba sur le visage du Kendoka. Assez surprise par ce qu’elle voyait, la japonaise haussa simplement un sourcil. Mais, trop faible pour le repousser, elle se laissa faire docilement, souriant légèrement à la déclaration de Ryosuke, concernant son entrainement de karaté. Soupirant légèrement, elle se redressa et fixa son attention sur Ryosuke

« Tant que je ne suis pas mourante ou alitée, je ne raterais pas un seul entrainement avec le club » elle leva la main et attrapa le mouchoir mouillé afin de continuer elle-même, trop gênée par toute cette attention « ce n’est pas une simple migraine, aussi douloureuse soit elle, qui va m’obligée à me confiner à l’intérieure de ma chambre et à rater un entrainement » elle souri et s’appliqua le mouchoir sur le front « d’autant que demain ça ira mieux. Je pense. J’espère … »

Aya recula sa tête contre l’arbre, soupirant. Elle avait beau être passionné par le karaté, pouvait-elle réellement passer outre cette douleur qui la rendait amorphe et lui retirait ses forces ? C’était plus qu’incertain …

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Prendre soin des autres était une attitude innée chez le kendoka, ou peut-être était-ce son rôle de frère aîné qui se répercutait sur son quotidien ? Il avait l’habitude d’être présent et de réconforter autrui, alors il ne se posait plus de questions avant d’agir lorsqu’il s’agissait de rendre service. Tout le monde ne lui était pas reconnaissant, mais ses actes n’attendaient aucun remerciement, il oeuvrait par amour pour l’altruisme, c’est ce qui l’aidait à avancer. Aya n’avait pas bonne mine, et puisqu’elle ne lui avait pas demandé de partir, autant ne pas la maltraiter d’avantage. Ceci sembla d’ailleurs la soulager, puisqu’elle reprit la main en appliquant elle-même le tissu sur son front. En revanche, ses dires, eux, n’étaient pas des plus rassurants.

Ryosuke afficha une petite moue dubitative… Lui aussi était un sportif, et dans cet état d’esprit il savait qu’il n’était pas bon de participer à un entrainement lorsque le corps ne pouvait pas suivre. Il était parfois dur de se convaincre de se reposer, mais mieux valait prévenir que guérir, et si elle n’était pas capable d’effectuer ses mouvements avec précision elle n’en obtiendrait rien de bon. Chacun était évidemment libre de ses choix, il n’était pas celui qui l’obligerait à rester alitée comme elle l’avait si bien dit, mais sa conscience ne serait tranquille que lorsqu’il lui aurait au moins exposé son avis. Elle était libre d’en faire ce qu’elle désirait, après tout, elle était plus âgée que lui.

« Senpai, je ne prends pas plaisir à te contredire, mais ce n’est vraiment pas prudent de songer à l’entrainement si tu es encore dans cet état. »

Il plongea son regard dans le sien.

« Je me doute que tu prends le karaté à cœur, mais entre patienter un peu et être en pleine forme et se précipiter et n’être qu’à demi investie… Il faut savoir se reposer. »

Loin de lui l’idée de lui donner des leçons, elle était sans doute mieux placée que lui pour savoir ce qui était convenable et ce qui ne l’était pas. C’était amusant, mais elle lui rappelait sa deuxième petite sœur. Certes elles n’avaient pas le même âge, mais l’attitude résolue envers et contre toutes embûches se retrouvait chez les deux demoiselles. Cette pensée lui tira un frêle sourire au coin des lèvres, puis il se mit finalement assis, les jambes en position du lotus à côté d’Aya. Le dos bien droit, il observa les alentours avec une grande quiétude, avant de reprendre d’un phonème placide et avenant.

« Si tu veux, je te préparerai une infusion moi-même, j-- »

Il fut soudainement coupé en sentant une avalanche de gouttelettes glacées l’éclabousser. Iko s’était à moitié jeté dans la rivière et avait eu l’excellente idée de venir s’ébrouer sur les deux étudiants pour leur offrir une petite douche.

Élève de la prépa

Ryosuke s’inquiétait pour elle, c’était une évidence. Mais pourquoi ? Ils ne se connaissaient que du fait de se rencontrer quelques fois dans le dojo et faisaient tous deux partis de deux clubs rivaux. Pourquoi lui accordait-il son attention alors? Et aussi, pourquoi lui disait-il tout ça ? Il voulait qu’elle rate un entrainement pour se reposer ou était-ce un coup monté des kendoka pour virer et dégouter tous les karatékas du club ? Si tel était le cas, Aya ne se laisserait pas faire. Mais soit. Préférant croire qu’il partait d’une bonne intention, notre jeune fille détourna son regard, le fixant au sol.

Elle se mordilla légèrement l’intérieure de sa joue, sentant qu’elle allait se mettre en question. Et s’il avait raison ? Et si elle devait vraiment songer à se reposer après les cours de demain ? Relevant le regard, notre jeune fille regarda Ryosuke, inclinant légèrement la tête sur le côté. Il semblait parler en connaissance de cause. Avait-il déjà eu la gueule de bois plus d’une fois dans sa vie ? Régulièrement ? Ou avait-il simplement fait la fête la semaine dernière et pouvait donc, de ce fait, lui donner ces conseils ?

Alors qu’Aya hochait la tête, s‘apprêtant à répondre, elle tressaillit, n’ayant ni le temps ni le réflex de réprimer un cri de surprise lorsqu’Iko les força à prendre une douche en se secouant juste devant eux. Grimaçant, Aya se passa la main sur le visage et fusilla le chien du regard

« Sale bête » le gronda-t-elle gentiment en souriant.

L’animal jappa joyeusement puis se détourna et reparti jouer plus loin. Vu sa démarche, sa queue frétillante et son petit aboiement, il semblait avoir prit plaisir en embêter les deux jeunes gens et était fier de sa bêtise. Mais bon, il était mignon et Aya ne pouvait pas lui en vouloir. Secouant légèrement la tête et reporta son attention sur Ryosuke

« Je pense que tu as raison. Ce serait sans doute mauvais pour moi, autant physiquement que moralement, de ne pas pouvoir me donner à fond » elle souri, amusée, puis redevint sérieuse « par contre, je veux bien que tu me fasses une infusion. Je ne suis pas habitué à boire du thé et tu semble t’y connaître bien mieux que moi. Je pense que tu sauras donc trouver lequel serait le mieux pour calmer les maux de tête … »

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Quel coup de fraîcheur !... Un frémissement traversa le jeune homme lorsque les gouttelettes glacées touchèrent son épiderme réchauffé par le soleil. La différence de température était considérable, voilà pourquoi il n’avait pas eu l’idée de se jeter à corps perdu dans la rivière lorsqu’il avait été humidifier son tissu. Dans tous les cas, il avait trouvé un sérieux concurrent en guise de taquinerie avec ce chien, ce n’était pas la première fois qu’il le prenait par surprise pour le surprendre… Qui avait osé dire que les animaux étaient stupides ? Iko devait faire partir d’une race à part dans ce cas. Celui-ci – fier de son coup – reparti aussitôt vadrouiller, et sans doute trouver autre chose pour embêter son monde. Ryosuke essuya son visage d’un revers de la main, un sourire amusé aux lèvres en se disant qu’il ne manquerait pas de la raconter au maître du canidé en rentrant, celle-là.

Il reporta son attention sur Aya lorsque celle-ci daigna lui répondre, content qu’elle l’ait entendu et se soit rendu compte de la situation. Sans nul doute qu’il aurait été inquiet s’il avait vu la demoiselle s’en aller pour l’entrainement demain, même s’il ne l’aurait pas arrêtée. De toute façon, il finirait par l’agacer s’il continuait à vouloir lui donner des conseils, sa vie lui appartenait après tout. Il hocha la tête lorsqu’elle fit référence à l’infusion, et se mit déjà à réfléchir à ce qu’il pourrait lui donner. Il ne s’y connaissait pas en tisane seulement pour soulager son malaise post-éthylique, mais aussi pour son quotidien, lui qui aimait toutes les boissons chaudes dans ce même genre. Il n’avait certes pas tout son attirail, mais en ramenait toujours lorsqu’il rentrait chez lui.

« D’accord. »

Il caressa ses propres lèvres avec son index et son majeur, témoignant de sa réflexion, le regard posé loin.

« Mmh… Qu’est ce que tu préfères au niveau des saveurs ? Plutôt amer, sucré, fort… ? »

S’il devait lui concocter une petite douceur, autant que cela lui plaise ! Le client est roi dit-on, n’est-ce pas ? Comme par réflexe – ou simplement par pure méfiance – les onyx du jeune homme scrutèrent la silhouette d’Iko, pour être certain que ce dernier ne leur prépare pas une nouvelle blague. Rassuré de voir le chien tenter de courir après les poissons, il revint sur son interlocutrice et réengagea la conversation.

« Oh, au fait… J’ai entendu dire qu’un élève du club d’arts martiaux s’était blessé la semaine dernière ? Un garçon de deuxième année je crois. »

Les nouvelles naviguaient très vite dans l’établissement, surtout entre sportifs, même de différents clubs. Il ne connaissait pas celui qui avait apparemment été victime de son inattention, mais cela ne lui coûtait rien de prendre des nouvelles du malheureux.

Élève de la prépa

A la dernière question de Ryosuke, Aya porta un regard interrogateur sur lui, arquant un sourcil. Un jeune membre du club d’art marial et de seconde année se serait blessé ? Hm c’était firt possible. Elle aussi se retrouvait souvent avec des bleus un peu partout en sortant de ses entrainements intensif. Aya avait, aussi, écho d’une telle rumeur, mais elle n’avait pas eu l’occasion de vérifier la véracité de ces dires. Peut-être Ryosuke en savait-il plus ? Vu qu’il avait posé cette question, cette rumeur devait sans aucun doute être parvenue jusqu’à ses oreilles. Alors, se redressant légèrement, Aya hocha la tête.

« J’en ai effectivement entendu parler, mais je ne sais pas si c’est vrai ou si ce qu’une simple rumeur mise à jour par les Kendo … ka … »

La fin de sa phrase avait été dite de manière très hésitante, étant donné qu’elle avait, en ce moment même, affaire à un jeune homme du club « rival » si je puis dire. Peut-être se sentirait-il blessé ou vexé ? Quoiqu’il en soit, Aya se devait de s’excuser.

« Hm, non ce n’est pas ce que je voulais dire … » reprit-elle en baissant le regard « enfin, si. Mais ... Rah ! Et puis merde ! » Elle releva son regard Ryosuke ignorant le fait que ses derniers propos n’étaient pas ce qu’une jeune fille devrait dire « Il est évident que le club de Kendo déteste le club d’art martial et vise versa. Je n’ai jamais comprit cette rivalité. Fait est, qu’elle existe vraiment. Ce que je voulais dire vraiment c’était que, peut-être l’un des membres du club de kendo à vu un autre membre du club de d’arts martiaux et aurait tout simplement pu en déduire qu’il s’est blessé parce qu’il aurait éventuellement eu du mal à marcher ou je ne sais quoi d’autre. Et pourquoi ? Ça ne m’étonnerait même pas que le club de kendo veut nuire à celui d’arts martiaux … »

Elle soupira et ferma quelques instants les yeux. Sa soudaine poussé et presque crise de nerf, avait fait revenir sa migraine à la charge. Se passant une main sur le visage, elle soupira puis prit appuis sur ses genoux et se releva. Une fois bien en équilibre sur ses pieds, elle baissa pour récupérer son sac, en profitant pour enlever quelques plis sur sa jupe.

« Tu dois … enfin je vais y aller. Désolé … »

Alors, ignorant la réaction de Ryosuke, elle s’avança doucement et se dirigea vers l’internat. Son corps semblait ne plus être le sien tellement il lui donnait l’impression de ne plus répondre à ses mouvements. La fatigue était multipliée par la chaleur et la rendait complètement amorphe, si bien qu’elle trébuchait à plusieurs reprises. Jamais. Oh non, plus jamais elle ne sortira un samedi soir. Plus jamais elle ne boira autant et plus jamais elle ne dormira que deux heures la nuit. Mais, elle qu’elle songea à tout cela elle stoppa et soupira. Avec toute cette histoire qu’elle avait faite, elle avait complètement zappé que Ryosuke voulait lui faire une infusion. Bon dieu, qu’est-ce qu’elle pouvait être conne !

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Parfois, même en ayant réfléchi à ses paroles, l'on ne pouvait empêcher une réaction impulsive et mauvais de faire surface. Les intentions pacifistes de Ryosuke étaient claires, il ne s'engageait jamais dans un conflit qu'il jugeait futile et laissait ceux qui désiraient s'en mêler le faire. Bien sûr, il était conscient de la tension qui titillait les nerfs d'acier des membres du club d'arts martiaux et ceux du club de kendo. Sans pour autant les ignorer totalement, il ne prenait pas part aux diverses provocations et aux fréquentes reprises de territoire. Il ne connaissait guère la raison de ces heurts, mais n'était jamais à l'aise lorsque les karatéka se faisaient plus ou moins gentiment congédiés par les cerbères du dojo, ses camarades kendoka. Il n'avait jamais vu Aya comme une partisane de ces élans martiaux et ne regardait en elle que l'étudiante et la jeune fille qu'elle était. C'est pour cela qu'il fut particulièrement de sa réaction concernant sa dernière interrogation. Les yeux grands ouverts, il l'observa extérioriser ses maux avec férocité sans opposer de résistance. A dire vrai, il ne comprit pas l'entièreté de son discours et se demanda s'il fallait remettre cette incartade sur le coup de la fatigue et de la migraine. Cependant, avant même qu'il ne puisse songer à la calmer, elle tourna les talons et s'en alla rapidement. Il y avait parfois des rencontres qui laissaient coi, le jeune homme se demandait bien ce qui avait pu motiver tant de haine, mais ne se lancerait pas à la poursuite de sa sempai. Il jugea plus sage de la laisser se reposer, et ne manquerait pas de déposer une tasse d'infusion devant sa porte ce soir, en dépit de la fin de leur conversation.