BANG. Eiki venait de se prendre un réverbère dans la tête alors qu'il n'avait rien demandé à personne. On se le demande, qui s'amuse à faire apparaitre des réverbères comme ça sur le chemin de personne tout à fait innocente ? Oui, qui pouvait avoir l'idée et l'envie de faire des blagues tordues ? La réponse, évidente, se trouvait dans le monde des rêves. Rêve étrange n'est ce pas ? On a généralement plus tendance à sauver la terre entière, pleurer sur une montagne de cadavres ou se rendre compte qu'on est amoureux de notre chat. C'était plus général, enfin il me semble. Mais non, Eiki rêvait de lampadaire. Bon pas toujours mais là il avait une excuse.
Il s'était fait engloutir dans une soirée où il ne connaissait personne. Encore maintenant, il se demandait comment il avait pu se laisser entrainer là dedans. L'air de rien, il avait commencé à boire avec un pote, dans un bar. Et au fur et à mesure, l'alcool aidant, il se déridait. En fait, pour être heureux lors des moments durs, Eiki devrait vivre en permanence avec 1g dans le sang. A la fermeture du bar, Eiki s'était séparé de son pote à un croisement de rue et l'éclat bruyant des adieux avaient alertés des curieux aux fenêtres, qui, eux aussi bourrés, l'avaient gentiment invité à partager un verre. Soit. Et là, il venait de se réveiller, ou plutôt, il venait de décider qu'il était temps de se réveiller. Le bruit qu'il fit lorsqu'il se leva déclencha en masse un mouvement général des silhouettes qui avaient partagé la nuit dans la même pièce que lui. Sans aucune considération, il repoussa sa couverture tant bien que mal.
Ce qui était horrible lors de ces réveils, c'est qu'ils n'en étaient pas vraiment. Dans des conditions pareilles, il était impossible pour Eiki de dormir vraiment et du coup, il se contentait de comater. Si bien que le moindre mouvement était dérangeant. Mais il se rassura, il n'était apparemment pas le seul à galérer pour dormir. Là, c'était flagrant. Du coup, il était un peu moins de mauvaise humeur malgré son horrible mal de crâne. Oui parce qu'à la base, c'était quand même pour ça qu'il se prenait des lampadaires dans la gueule. Qu'importe. Eiki assumait. Déjà qu'il était désagréable, manquerait plus qu'il se plaigne pour devenir de manière définitive imbuvable. Qu'importe. Il claqua la porte de la chambre, sans un regard en arrière, trop occupé à garder la tête droite pour éviter un rejet matinal. Dehors, le froid se fit ressentir plus qu'il ne l'aurait pensé et il ne put rien faire d'autre que serrer un peu plus son pull en laine gris un peu plus sur lui. Un large et miteux pull en laine qui était au bout de sa vie mais qu'adorait Eiki.
Eiki profita de passer devant un café complètement au hasard pour s'y engouffrer. Une dose noire était de rigueur pour tenir. Et au pire s'il s'endormait, ce n'était pas plus mal. Au moins ici, il était au chaud et il avait un support confortable sur lequel il aurait pu finir sa vie. Il demanda un thé glacé, donc, de manière pas trop dégueulasse pour qu'il lui soit apporté rapidement. Le verre devant lui, il prit l'emballage du sucre qu'il transforma en confettis, machinalement. Et ce fut plus fort que lui, la tentation était trop grande. Il écarta alors la tasse maintenant vide pour se lover entre ses bras. Et là il finit sa nuit, ou tout du moins, il crut qu'il le pourrait. Pourtant, il ne fut pas réveillé par le gérant, ce qui était tout de même assez extraordinaire mais par une autre présence dans le bar. Emergeant lentement, il regarda d'un oeil mauvais l'individu qui avait profané son sommeil. M'enfin, qu'importe.
Il s'étira, tel un chat heureux mais il n'y avait que le geste de ressemblant. Il était impossible de le comparer au félin version miniature pour la simple et bonne raison qu'Eiki n'avait pas le droit à ses vingts heures de sommeil hebdomadaire. Et ça, c'était vraiment pas juste. Mais bon, maintenant qu'il était réveillé, il n'y avait a priori plus de halte possible avant d'arriver à GG. A priori. Il fouilla dans ses poches, à la recherche de monnaie pour payer avant de se rendre compte, en jetant beaucoup de pièce sur la table qu'il n'en avait pas tant que ça.
Oula, compter dès le matin, c'était dur. D'autant qu'Eiki devait en plus additionner deux montants, étant donné qu'il avait commandé, avant de s'endormir, un croissant -petit dej à la française-. Essayant de garder les idées claires, il tria sa menue monnaie pour faciliter cette mission. Mais il eut beau les déplacer, les faits étaient là. Il n'avait pas le compte bon. Gni.
Pas le choix, il allait devoir quémander de préférence d'abord au blond à l'allure quelque peu douteuse. Il racla sa chaise au sol, histoire de signaler sa présence pour ne pas prendre l'individu au dépourvu, qu'il voyait de dos. Arrivé à sa hauteur, il lui mit la main sur l'épaule avec un ton des plus enfantins.


« Vous auriez pas vingt yens par hasard ? »

Bonjour, excusez moi ? Connais pas. Et puis, juste par hasard. Il s'assit alors au tabouret du bar pour pouvoir s'y accouder à son aise

Nous étions le week-end et cette fois ci, Embry avait eut la chance de le passer avec ses parents, il était assez content en soit de pouvoir souffler en dehors de l'école, il passait du temps avec ses parents et racontait tout ce qui se passait depuis qu'il était arrivé à Gingko Gakuen et ses parents l'avaient écouté et répondaient contre-partie à ce qu'ils faisaient en son absence. Son père lui restait un peu absent et à l'écart de tout ça, toujours assez mal à l'aise avec son fils adoptif. Mais Embry ne se souciait pas de ça, il savait très bien qu'au fond, il l'aimait mais il avait un peu honte de lui car il était de type européen. Il n'y pouvait rien si il était Anglais, il aurait aimé être un véritable Japonais. Mais cela faisait des années qu'il avait cessé de penser à tout cela. Ce matin son père et lui devaient aller en ville, pour régler des détails sur leurs différents comptes en banques de la famille qui étaient tous plus pleins les uns des autres. C'est un peu rébarbatif toutes ces tâches bassement administratives mais il fallait que ça se fasse, un jour ce serait Embry qui devrait gérer toute cette fortune seul.

Tous deux partirent donc en ville assez tôt le matin et Embry suivait et écoutait son père attentivement, ne faisant pas attention aux coups d'oeils du banquier envers lui, il devait se dire que Embry était un étranger. Pourtant il ne l'était pas. Mais les gens le croient toujours et parfois essayent même de lui parler en Anglais, mais c'est à peine si le blond sait parfaitement dire le mot « Hello » alors je vous laisse imaginer ce que ça donne dans une conversation. Il n'y comprend strictement rien. Après la visite des coffres, le père d'Embry devait s'entretenir avec le banquier pour des choses un peu plus délicates et parler affaires, à partir de là, le blond aux yeux verts n'était plus concerné, il prit donc congé et dit à son père qu'il l'attendrait au café du centre commercial Tama Greenwalk. Ce dernier hocha la tête et Embry se dirigea donc vers ce lieu. Une fois arrivé il alla s'asseoir au bar sans même regarder autour de lui, ce n'est pas dans un lieu pareil qu'il rencontrerait quelqu'un qu'il connaissait.

Il commanda un café noir sans sucre, une boisson qu'il appréciait particulièrement pour son goût amer. Peu de gens aimaient le prendre ainsi, mais tout ce qui avait un goût dégueulasse de toute façon Embry il aimait. Il ne savait plus depuis combien de temps il était là, il sentait une présence à côté de lui mais tout ce qu'il reconnu c'est une touffe de cheveux blonds dans un pull usé et trop grand. Sûrement encore un de ces jeunes dépravés qui avaient passé la nuit là, un ivrogne ou un drogué. Peut être même pire. En tout cas il faisait un parfait contraste avec Embry qui était habillé en costard décontracté comme à chaque fois qu'il est en dehors de l'école -obligation de son père malheureusement- Il avait un long pantalon noir, des chaussures vernies noires, une chemise blanche et une veste de blazer noire elle aussi. Les deux premiers boutons de sa chemise étaient ouvert afin de garder son coté jeune et décontracté, ses cheveux étaient un peu décoiffé dans le style coiffé décoiffé comme il aimait tant. Il voulait garder une certaine identité même devant le dictat de son père.

Le dépravé d'à côté vint poser sa main sur son épaule et demanda vingt yens. Embry sursauta car il ne s'attendait pas à ce qu'on lui adresse la parole et puis surtout il avait oublié la présence de ce jeune. Il se retourna vers lui en sortant les pièces de sa poche pour les poser sur le bar mais là il resta figé en reconnaissant Eiki. Toutes les images de leur nuit ensemble lui revinrent à l'esprit et il se mit à rougir en déglutissant. Il se leva de son tabouret et recula d'un pas en le regardant comme horrifié. Et si son père arrivait maintenant et le voyait avec Eiki peut être qu'il saurait ?! Non il ne fallait pas qu'il s'emporte, son père ne pouvait pas savoir. Reprenant son calme il fit un petit sourire au jeune garçon, le cœur serré, l'avait-il oublié ?

«  Bonjour Wakami-kun... Qu'est ce que tu fais ici dans un état pareil ? »

Il se rapprocha d'un pas pour poser sa main sur son bras et lui faire un sourire tendre. Il se transformait en chamallow quand il le voyait, c'était pas possible mais il le trouvait tellement mignon ainsi, même complètement dans le coltar comme maintenant il était encore adorable. Il avait une bouille si attendrissante.

«  Tu ferais mieux de te remettre d'aplomb, on doit rentrer à l'école ce soir je te signales... »

Ce n’est pas de ma faute. Je savais pas que c'était Embry. Au moment précis où il reconnut cette personne, il regretta de lui avoir demandé. Mais il reste calme. Il s’étonnait lui-même de cette réaction tellement adulte qu’elle ne lui ressemblait pas. Quelques années plus tôt, il aurait déjà donné une bonne gifle à Embry et serait parti en courant, les larmes aux yeux.Il fallait croire qu’il avait grandit, un peu. Et Eiki repensa à cette nuit. Cette fameuse nuit qu'ils avaient passé ensemble. Cette fameuse nuit, où Embry était parti sans lui dire au revoir. Et Eiki avait connu le jour où il s'était pris encore une fois une sale note. Et là, il n'hésita pas à tout mettre sur la tête de son ami. Ancien ami je devrais dire surement. C'est tellement facile d'accuser les autres. Eiki remarqua ses habits. Costard. Lui à coté, avec son vieux pull tout pourri devait passé pour un enfant des rues. Le sale bourgeois. Bref, je dérive. Embry lui sourit et lui demanda ce qu'il faisait ici. Tu veux que je te réponde? Je me bourre la gueule à cause de toi. Pour montrer sa joie de le voir, il roula des yeux. Décidément, il était heureux de le voir. Vous savez Eiki lui en veux pour pas grand chose. Embry lui avait pas dit au revoir. Et bah, juste pour ca, il veut plus lui parler. Je sais, il est spécial, mais bon, on le supporte Eiki. Il posa sa main sur son bras. Tu fais quoi là?! Me touche pas! Va t-en, j'veux plus te voir! Voilà ce que pensait Eiki. Il regarda la main d'Embry comme si c'était une crotte de pigeon sur son vieux pull. C'est pas vrai...déjà qu'il était dans un état pas possible, maintenant, il pouvait le bruler.

« Tu ferais mieux de te remettre d'aplomb, on doit rentrer à l'école ce soir je te signales... »

Merci, je sais. Je suis pas con non plus! D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Eiki est beaucoup plus...je dirais pas bestial, mais méchant. Il est d'une sale humeur, c'est incroyable. Tout ca à cause d'Embry. Alors applaudissez-le, il le mérite. Et n'oubliez pas le lancer de tomates. Eiki le regardait dans les yeux avec le regard le plus indifférent qu'il puisse faire. On aurait dit un dromadaire à coté d'un manchot: en clair, ils avaient rien à faire ensemble. Il regarda les pièces sur le comptoir. Il avait envie de les prendre mais hésitait en même temps. Il voulait bien lui faire comprendre qu'il aurait du être plus sympa avec lui. Mais c'est dur pour un adorable adolescent qui est bientôt majeur d'être méchant. D'être ce qu'il n'est pas. Mais on va essayer d'aller jusqu'au bout hein? Il ne se contenta juste de dire: "Hum". C'est un bon début pour Embry. S'il arrivait à le faire craquer, il le rendrait à nouveau normal. Mais avouez qu'il a une part de responsabilité! Eiki n'est pas fou non plus. Il ne va pas faire la gueule à celui qu'il aime, qu'il kiffe et surkiffe.

« Et toi, tu fais quoi ici habillé comme un homme d'affaire?», demanda Eiki qui fixait les pièces que Embry avait posé sur le comptoir.

Bah wi. Ils se trouvaient dans un café pas franchement réputé. On disait parfois qu'on trouvait des antennes de cafards et de mites dans leurs vodkas. Mais Eiki s'en fichait, lui ne prenait que des thé glacé, bien clair et il ne voyait que la paille dans son verre. Bref. Tout ca pour dire que Embry, s'il ne faisait pas attention à lui, il allait surement se faire kidnapper, se faire violer, que ses kidnappeurs allaient demander une rançon et tout la blabla. Bien sur Eiki n'était pas pour le viol. Pas de Embry. Personne n'aurait le droit de faire CRAKCRAK avec lui. Personne n'aurait le droit de lui bruler les pieds ou de le fouetter. Parce que Embry était la propriété d'Eiki et vice versa.

Eiki. Eiki était un cas. Ça c'était certain mais il était surtout adorablement attendrissant, même lorsqu'il le regardait comme ça et qu'il semblait lui en vouloir. Lui en vouloir ? Pourquoi ? Embry savait parfaitement la réponse à cette question, il était partit et n'avait plus donné de nouvelles depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et même lorsqu'il risquait de le croiser dans les couloirs de l'école, Embry faisait son maximum pour se cacher quelque part et passer inaperçue. Mais le blond préférait se voiler la face et penser à autre chose, simplement se dire que Eiki lui en voulait pour une raison inconnue. C'était lâche de s'être enfuit ainsi mais quand on assume pas ses actes forcément cela n'aide pas.
Il voyait bien que son ami était distant avec lui si ce n'est dire carrément méprisant, pourtant l'homme aux yeux verts ne semblait pas avoir été aussi dégueulasse que ça avec lui... Se pourrait-il que son cadet soit tellement rancunier qu'il l'enverrait paître joyeusement ? Non fort heureusement il ne le fit pas mais son regard et ses expressions en disaient large si rien que Embry ne tarda pas à retirer sa main de l'épaule de son amant avant de se détourner légèrement, regardant à présent ailleurs.

«  Je... Je suis habillé ainsi lorsque je suis en sortie pour mon avenir avec Père... » Dis-je alors d'une voix timide.

Eiki ne pouvait pas comprendre ce genre de choses, il allait forcément rire devant son excuse qui était pourtant la stricte vérité mais lui même s'endormait lorsqu'il songeait à toutes les responsabilités qu'il aurait lorsqu'il serait enfin adulte et qu'il dirigerait l'entreprise familiale. Tout ça c'était barbant... Sérieusement, ça le faisait chier. Mais une question se posait, un jeune homme comme Eiki ne devrait pas trainer dans des cafés comme ça. C'était dangereux.

«  Et toi ? Qu'est ce que tu fais là ?  » Dit-il alors. «  Tu ne devrais pas être ici, ne me dis pas que tu as passé toute la nuit dehors Eiki-kun parce que... »

Il s'arrêta quelques secondes, son regard affichait l'angoisse qui l'envahissait lorsqu'il pensait qu'il pourrait arriver du mal à son petit protéger. Car Eiki était à lui, il lui appartenait autant qu'il lui était dévoué. Et il ne supporterait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Encore moins si c'est pas sa faute ou d'autres choses comme ça. Qui plus est, il venait de l'appeler Eiki-kun, ce qui prouvait bien son attachement car il n'était pas du genre à montrer si facilement qu'il tient à quelqu'un. Mais Eiki était différent.

«  Je me suis inquiété à ton propos... j'avais plus de nouvelles depuis... »

L'art de ne jamais finir ses phrases par Embry Endô ! Applaudissez le mesdames et messieurs ! Sérieusement on aura bientôt besoin d'un interprète avec lui. Et puis, c'était facile de dire que c'était Eiki qui n'avait plus donné de nouvelles parce que Embry n'était pas mieux, il était partit sans rien dire, juste pour aller se réfugier sur le toit et pleurer comme une tapette. Non mais ça ce n'étaiit pas digne d'un futur chef d'entreprise. Il soupira et posa ses yeux verts sur le jeune homme qu'il aimait.

«  Pardonnes-moi... Je n'aurais pas dû... » Allez un petit effort Embry finit au moins une phrase aujourd'hui ! «... Partir comme ça, ça ne se fait pas... J'étais juste un peu perdu...  »

Oui, perdu tu parles ! Il ne savait même plus comment marcher droit ni même comment retourner à sa chambre après ça. Mais maintenant il savait ce qu'il voulait.

«  Eiki-kun...  » dit-il d'une voix basse. «  Je veux continuer à te voir... »

Il avait subitement rougit et détournait le regard à présent. Il venait en quelque sorte de lui avouer ses sentiments mais bien évidemment il n'arriverait pas à le dire aussi facilement, surtout pas en public.