Comment expliquer le sursaut de Miya lorsqu'elle fut arrachée à ses pensées par un «Boum» sortant tout droit de sous sa table. Ayant tout d'abord cru affaire avec un étudiant voyeur, elle posa ses deux mains sur ses cuisses pour y aplatir sa jupe, laissant son dessin tombé sur son plateau juste devant elle. Elle avait sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine.
Le visage empourpré jusqu'aux oreille, elle pencha sa tête sur le côté pour voir la personne qui s'amusait à marcher sous les tables et s'aperçut qu'il s'agissait en fait d'une jeune fille. Celle-ci avait, au même moment, levé la tête ce qui fit que les deux adolescentes se trouvaient face à face. Miya, comme toujours, ne savait pas trop quoi dire et resta un long moment silencieuse lorsque l'autre fille lui dit bonjour.
«Bonjour». Miya dévia son regard un instant pour s'apercevoir que sa bouteille d'eau était tombé et la presque totalité de son contenu s'était renversé sur sa feuille. Le visage illustré sur la feuille commençait à se défigurer au fur et à mesure que l'eau s'emparait de la feuille. Miya avait très peu envi de répondre à ce «bonjour». Pourtant, elle n'avait pas trop le choix de le faire, au risque de passer pour une véritable antisociale.

Ses yeux verts et ternes se reposèrent sur la jeune fille qu'elle dévisagea un moment. C'était une jeune fille assez jolie, de beaux cheveux soignés et d'apparence jovial et sympathique. Miya fut étonnée par ses yeux tous deux d'une couleur différente. C'était la première fois de sa vie qu'elle voyait quelque chose de ce genre. Bref, Miya avait bien vu cette fille lorsqu'elle était entré dans le réfectoire. Elle semblait plutôt populaire, entourée d'amis, le sourire aux lèvres.

Elle daigna finalement répondre au bonjour. Par un autre bonjour. Un bonjour timide, sans expression. Forcé.
«Bonjour...» Sa voix était presque éteinte. Une petite voix douce, cristalline, et une articulation claire et net. Mais pourtant, on l'entendait à peine sous la cohue qui régnait au réfectoire.

Lorsqu'elle retourna son regard vers son dessin, celui-ci avait complètement disparu. Laissant une grosse tâche d'encre à la place. Avant de paraître pour une artiste abstraite, Miya chiffonna le papier et le mit de côté. Sans plus se soucier de la jeune fille. Elle savait bien que ce n'était pas de cette façon qu'elle se ferait des amis, mais elle ignorait comme s'y prendre autrement.

Les yeux de Miya restèrent fixés un moment sur la poubelle dans laquelle elle avait jeté la feuille chiffonnée. Un portrait de plus, totalement bousillé. Parfois, lorsqu'elle s'apprêtait à en entamer un nouveau, elle se demandait si cela en valait vraiment la peine.
Sans trop savoir pourquoi, elle ne voulait pas croiser le regard de son interlocutrice. Surement parce qu'elle avait honte, honte d'avoir les yeux embuées de larmes. En ce moment, elle se sentait tellement immature. «Cette fille pleure à cause d'un dessin!». Miya n'avait pas envis d'entendre ces paroles, pas encore. Ce n'était pas la première fois qu'un de ses dessins étaient complètement fichus, mais c'était la première fois que cela n'avait pas été fait intentionnellement. Les élèves de son ancien lycée aimaient beaucoup la déranger chaque fois qu'ils la voyaient. Souvent, ils lui prenaient ses dessins et se moquaient d'elle. Pire, quelques fois ils les déchirait en plein dans sa figure ou les gardaient. Elle réprima ses larmes et attendit un peu avant de finalement tourner sa tête vers la fille. Que devait-on dire, ou faire, dans ce genre de situation?

Miya n'avait pas envis de se casser la tête et posa donc sa main sur son sac en s'apprêtant à partir.
Mais c'est alors que... Cette fille, elle venait de s'excuser. Elle s'en voulait de l'avoir dérangé. Était-ce une blague? Miya la dévisagea un moment, s'attendant à un rire ou quoi que ce soit d'autre. Mais cette fille semblait vraiment désolée de l'avoir dérangé. Elle semblait sincère. Miya avait la preuve qu'il ne fallait pas juger les gens au premier aperçut. Cette fille, qui lui avait semblé le genre de fille populaire et sans cœur, avait l'air totalement différente en ce moment même.
Avant que Miya ne place un mot, la fille lui demanda si c'était important.
Était-ce important? Au nombre de portraits que faisait Miya de sa mère, ils devaient surement devenir banals. Pourtant, chacun des dessins de Miya comptaient énormément pour elle. Ainsi, elle avait l'impression d'avoir vraiment connue la femme qui l'avait mise au monde. Quelques dessins, qu'elle gardait très précieusement, représentaient Miya, son père et sa mère, tous les trois réunis. C'était un rêve impossible, mais regarder ces dessins la rassurait.

Mais à quoi servirait de se plaindre devant cet sympathique inconnue? De plus, la gentillesse qui lui était accordé avait réussi à effacer la tristesse de Miya. Elle offrit un timide sourire à la jeune fille tout en secouant la tête.

« Non, ne t'inquiète pas, ce n'est rien de grave.»

Elle avait forcé le ton de sa voix à être assuré car elle savait qu'elle mentait très mal. Mais cette fois, elle s'était vraiment forcé. Elle sourit une dernière fis à la fille pour la rassuré encore plus et tourna la tête vers son yogourt aux fruits. Ce n'était pas pour être méchante, mais elle ignorait totalement quoi faire, à présent. Elle entreprit son yogourt, attendant que la fille parte rejoindre ses amis. C'est ce que toute les personnes populaires font, après tout.

Cette jeune fille était la tortionnaire numéro un dans la top liste de Hlyn! Hlyn était inquiète et celle-ci prenait son temps pour répondre. Voulait elle ainsi rendre l'adolescente encore plus coupable? L'attente de la réponse paraissait si longue malgré que le temps se calculait en secondes uniquement, que Hlyn pensait véritablement subir une colère monstre venant de cette inconnue qui lui tournait presque le dos. À moins que… l'aurait elle oublié? Dans le doute peu probable que ce soit le cas, Hlyn se pencha sur le côté et découvrit ce qu'elle n'aurait pas du voir, certes elle n'en était pas trop sûre mais la demoiselle assise auprès d'elle semblait affligée de la perte de ce bout de papier. Pas triste comme quand un chien bouffe votre devoir de math, non, plutôt triste comme lorsqu'on perd un objet précieux, un cadeau sentimental, quelque chose qui ramène immanquablement des remords monstrueux à celle qui l'a détruit sans le faire exprès.

Calmement, Hlyn reprit sa position droite et opta pour l'attente, cette brune finirait bien par lui répondre. Mais apparemment, les choses ne semblaient pas si évidente avec cette personne, avant d'avoir droit au moindre mot, voilà que cette dernière la dévisageait comme une bête curieuse: *qu'est ce que j'ai fais cette fois?* Hlyn lui rendit son regard interrogateur, arquant un sourcil alors que l'autre se fronçait. C'était à ne rien y comprendre. Et plus cette dernière la dévisageait, plus Hlyn sentait ses joues s'empourprer, elle eu même du mal à déglutir en se sentant ainsi observée mais ne dit rien, incapable de dire quoi que ce soit de toute façon, pas après ce qu'elle venait de voir. À vrai dire, l'adolescente redoutait la réponse, redoutait que cette personne réponde exactement comme elle venait de le faire. À choisir, Hlyn aurait préféré que celle-ci lui hurle dessus, lui fasse une remarque blessante sur sa maladresse mais au lieu de ça, l'adolescente lui disait le contraire de sa pensée; sur un ton amicale, elle venait de pardonner l'imprudente qui se trouva encore plus mal en sachant que ce n'était pas totalement vrai.

« C'est vrai? »

Un peu peineuse, Hlyn avait du mal à la croire mais ne pouvait pourtant pas dire qu'elle avait vu son regard triste. Et dans cet embarras grandissant, la jeune fille tritura son pauvre crayon qu'elle tenait à bout de doigts, les bras tendus devant son buste et les mains jointes. Étrangement, elle était soulagée mais dans le fond, ça ne lui convenait pas de finir sur "ok, salut" ça aurait été valable si elle n'avait pas vu la mine attristée de cette personne, celle là même qui se renfermait à nouveau dans son monde solitaire avec son yogourt, se souciant à peine de la personne plantée à ses côtés. Alors, tant pi si elle passerait pour une pot de colle, tant pi si ça faisait gamin, mais Hlyn tendit son petit doigt droit près du visage de la brune, inspirant un bon coup avant de parler sur un ton solennel.

«Yakusoku? Si, c'est vrai, tu peux me le promettre? »

Hlyn était plus déterminée que jamais et se tenait donc fièrement près de son interlocutrice bien qu'elle stressait énormément intérieurement; tellement que dans son autre main, son crayon passait un sale quart d'heure: elle le serrait entre ses doigts que c'était presque à se demander comment ce dernier n'allait pas se briser. Mais sus son visage, aucune trace de peur, elle avait le regard luisant et un sourire en coin, espérant juste que le doigt de la jeune fille viendrait rejoindre le sien afin qu'elle puisse enfin se sentir mieux.

Ce n'était pas vraiment difficile de remarquer que l'attitude de Miya mettait l'autre jeune fille mal à l'aise. C'était à cause de son habitude à agir comme si elle était transparente qui lui faisait faire des choses étranges, parfois. Elle avait regardé la fille comme si celle-ci ne voyait rien. Comme si elle ne voyait pas le regard vide de Miya sur elle. Lorsque les yeux bicolores de son interlocutrices lui rendirent son regard, Miya comprit qu'elle devait se ressaisir. Elle se sentait vraiment très honteuse de s'être laissé distraire ainsi et d'avoir eu l'air complètement ridicule. Elle voulu s'excuser, mais ne le fit pas. La fille allait la prendre pour une espèce de fille étrange et complètement bornée. Ce ne serait pas la première. Bref.

La jeune fille ne semblait pas du tout croire Miya quand celle-ci lui dit que ce n'était pas grave. Bon d'accord, elle aurait du se forcer pour paraître encore plus sincère, mais comment aurait-elle pu deviner que cela rendre la jeune fille vraiment triste?

Cela l'affectait donc à ce point? Cette inconnue, que Miya n'avait jamais vu avant maintenant, se souciait du fait qu'elle avait involontairement gâcher son dessin? Apparemment, oui. Et cela consola un peu Miya. Celle-ci avait hoché la tête pour lui assuré que c'était bien vrai, qu'elle n'avait pas à s'en faire, mais la fille était resté la. Donc, elle ne comptait pas partir avant d'être sur que Miya était sincère...

«Yakusoku?». C'était la première fois que Miya entendait cette expression. Cette jeune fille voulait qu'elle lui promette que ce dessin n'était pas important. C'était vraiment gentil de sa part de s'en faire pour s'y peu, et Miya s'en sentit troublée. Non, ce n'était pas rien. Ce dessin comptait vraiment beaucoup pour Miya et ce serait malhonnête envers elle et la fille d'affirmer le contraire. Pourtant, c'était une inconnue. Pourquoi était-elle gentille avec elle? Elle voulait lui dérober quelque chose? Attirer sa sympathie pour se moquer d'elle après. Ça faisait tellement plus mal de tomber de haut...
Elle regarda un court instant le petit doigt pointé en sa direction, et hésita. Partir en l'ignorant? Frenchement pas classe. Après son regard étrange, Miya n'allait pas se renfoncer encore plus. Faire semblant, peut-être?

Miya leva, elle aussi, son petit doigt et tenta de rendre son sourire à la jeune fille. Pourtant, c'était dur d'afficher un sourire aussi chaleureux que celui de son interlocutrice quand le cœur n'y était pas. Pourquoi ne pas dire simplement la vérité?

« C'était un portrait de ma maman... »

Elle avait dit sa sur un ton tout à fait normal, neutre. Elle avait soigneusement évité de paraître triste.

Cependant, ces mots ne voulaient rien dire. Mais Miya ne se sentait pas capable d'en dire plus à une personne qu'elle connaissait à peine. Comment lui dire qu'elle n'était pas habitué à de telles attentions envers elle? Comment lui dire que sa mère était morte avant même qu'elle ne la connaisse et qu'elle n'avait jamais pu trouver de réconfort quand elle avait de la peine, à part dans ses dessins? Elle n'allait pas rendre son interlocutrice encore plus mal à l'aise, ça non.
Peut importe ce que ses intentions étaient, Miya n'allait pas se montrer encore plus faible.

Le sourire qui s'affichait au coin de ses lèvres s'élargit, et son petit doigt alla rejoindre celui de son interlocutrice.

«Yakusoku ...»

L'histoire était-elle close, à présent?

*Allez Hlyn, ça va aller, tranquille, t'attends, tu restes zen et dans deux secondes trois dixièmes, tout sera résolu, tout redeviendra comme un peu plus tôt et tu pourras retourner à ton… * C'est fou tout ce qui peut passer par la tête d'une jeune fille quand le silence a tendance à s'instaurer, du moins, était ce silencieux entre les deux demoiselles car dans la pièce, un bourdonnement monotone s'étalait, des jeunes discutaient tout en mangeant leur repas et dans ce fouillis, la jeune fille se remémora sa table avec son cahier de math encore ouvert. Ainsi donc, l'adolescente tourna la tête dans cette direction et vit que ses camarades de classe étaient toujours attablés et que donc, son cours ne risquerait rien pour le moment bien qu'un des élèves assis tout près mangeait façon pitbull dévorant sa gamelle.

*Ouais non mais fait gaffe, mon cahier, si y a une tâche je te trucide* Hlyn fronça les sourcils en regardant ce gaillard dont la sauce jaillissait un peu trop à son goût de la commissure de ses lèvres. Mais n'ayant pas le don d'ubiquité, Hlyn ne pouvait sauver la vie de son cahier et apaiser sa conscience donc, elle resta là en jetant malgré tout un coup d'œil à sa table quand son interlocutrice répondit enfin. Son ton était calme, serein en annonçant qu'il s'agissait d'un portrait de sa mère. Mais en reposant son regard sur cette dernière, le sourire en coin ne collait pas trop avec l'intonation de la voix, un petit hic indescriptible qui empêchait véritablement Hlyn de se sentir mieux.

Même quand l'auriculaire de la brune enroula le sien, Hlyn avait toujours un truc de gênant dans le cœur. Elle se souvenait de la mine désolée de l'adolescente en regardant la poubelle où avait fini le dessin, le sourire faussement sincère et puis cette phrase: "c'était un portrait de ma maman". À sa place, Hlyn aurait explosé en perdant ça et pourtant, cette inconnue le lui promettait, lui affirmait que ce n'était pas grave, juste un dessin.

Sur le coup, adieu cahier de math, adieu pitbull mâchouillant un truc dix fois trop gras, Hlyn était persuadée que ce n'était pas si "rien" que ça et comptait bien se faire pardonner. Son bras tendu vers la main de la brune se replia, tout en maintenant fermement le petit doigt de l'inconnue, pour finir le coude contre la table, le buste penché en avant et de son autre main, jeta son crayon sur le côté pour s'emparer de la main complète de la brune. On aurait dit que Hlyn promettait de sauver l'honneur de cette inconnue vu la lueur déterminée dans son regard et le ton n'était pas en reste…

« N'empêche… »

Tout d'un coup, Hlyn perdit de son assurance en se retrouvant face à face avec cette fille. Pas qu'elle se sentait bête ou quoi que ce soit mais les mots n'arrivaient pas à venir correctement. Elle avait une foule d'idées qu'elles semblaient toutes venir en vrac dans son esprit, se bousculant pour sortir par ses lèvres. Et ainsi, après cette pause, l'adolescente sembla prendre le TGV pour parler, lâchant ses mots à une vitesse folle en terminant par incliner la tête, fermant les yeux et relevant la main de cette fille, la tenant entre ses mains comme si elle priait Bouddha.

« Je tiens à me faire pardonnée, demande moi ce que tu voudras je le ferais, promis, juré et cra… non pas cracher, on est à l'intérieur… vas-y demande! »