Le cours de mathématiques s'était terminé tranquillement. Seiji y avait retrouvé O'Leary-sensei sans trop savoir s'il en était content ou non. Peut-être un peu : il savait à peu près comment se déroulaient les cours avec lui. D'un autre côté, si le prof était indéniablement bon dans sa matière, il n'en restait pas moins très peu pédagogue. En avoir un qui ne détestait pas sa matière n'aurait pas fait de mal...

Le blond regarda l'enseignant quitter la salle, vite suivi par les élèves qui voulaient manger au self. Lui rangea quelques affaires dans son sac, mis son livre dans le casier de sa table et en sorti son bento avec un sourire satisfait. Il avait faim et avait découvert quelques jours auparavant que la nourriture de l'école était tout simplement délicieuse. Seiji aurait bien aimé aller casser la croute avec son meilleur ami, mais de ce qu'il avait compris, celui-ci s'était dégotté une copine et ils restaient ensemble le midi.

Le jeune homme regarda autour de lui et avisa la présence de Daichi et Konata. Même s'il évitait un peu la jeune fille depuis leur dernière discussion – ses projets l'effrayaient un peu en vérité – il s'estimait plus en sécurité maintenant qu'ils avaient changé d'école. Sauf erreur de sa part, il n'avait pas encore croiser Kimihiro et avait bon espoir qu'il ne soit pas là. Même s'il avait aperçu d'autres troisième année venant également de la Hamura High School.

« Daichi-san ! Akiyama ! »

Il en avait profité pour se lever de sa table. Coincé contre le mur, à deux rangs de la porte, le jeune homme était heureux de pouvoir marcher un peu. Ses jambes avaient finies par s'engourdir alors qu'il résolvait les obscurs problèmes que leur avait donné leur prof – à croire qu'il les croyait déjà en troisième année de lycée.

« Vous restez manger là aussi ce midi ? J'ai entendu pas mal d'autres dire qu'ils allaient sur le toit ou dans le parc, mais ça va être encombré je pense. Il fait trop beau aujourd'hui. »

Trop beau oui, c'était possible. Trop dans le sens où tout le monde voulait sortir. Leur classe ayant l'après-midi de libre, même ceux qui mangeait au self finiraient dehors. Pour être tranquille, il valait mieux rester à l'intérieur. Seiji alla néanmoins ouvrir les fenêtres pour faire des courants d'air tout en tendant l'oreille.

Il avait relégué l'information dans les notions anecdotiques sur lesquelles il n'avait pas besoin de se pencher, jusqu'à ce qu'un petit blond ne débarque dans sa chambre le week-end dernier. La réunion d'information qu'ils avaient eu dans le gymnase quinze jours plus tôt lui était alors revenue en mémoire. Une vague histoire de lycée fermé, de profs mutés et d'élèves transférés. Bref, un truc qui ne le concernait pas le moins du monde, sauf que ... Deux des élèves transférés comptaient à présent au nombre de ses camarades de classe et il avait dû s'adapter à trois nouveaux professeurs. Au final, c'était assez amusant, mais tout de même un peu perturbant de voir débarquer autant de nouveaux visages deux mois après la rentrée.

On était vendredi et le dernier cours de la semaine tirait sur sa fin. Enfin ! Il lança un regard dépité sur le nouveau prof de maths. Franchement, il n'avait pas besoin de ça. Les maths, c'était la seule matière qui remontait sa moyenne. La seule qu'il arrivait à suivre sans trop se prendre la tête. Et là, il avait quoi ? Un prof qui non seulement avait des méthodes plus que douteuses, mais qui en plus se trompait de niveau quand il faisait ses cours. Yukimichi aurait mis sa main au feu que ce qu'ils venaient de voir aujourd'hui relevait du programme de 3ème année, au moins ! Bon ... peut-être pas la main, il en avait besoin pour jouer. Mais c'était l'idée quoi ...

Lorsque la fin du cours sonna, il soupira pour la énième fois en rangeant ses affaires dans son sac. Comment est-ce qu'il allait s'en sortir maintenant ? Oh ! Il y avait bien cette petite voix qui lui conseillait d'imiter certains membres du club qui payaient d'autres élèves pour faire leur devoir et s'arrangeaient pour tricher aux examens de fin de semestre. Mais il avait sa fierté. Et puis, il avait retenue une leçon de son tout premier entraîneur : tricher, c'était anti-sportif.

Yukimichi s'étira en se balançant légèrement sur sa chaise, essayant de chasser ses idées noires. Il mit quelques secondes avant de comprendre qu'on l'interpellait et fixa son nouveau colocataire avec une moue un peu boudeuse.

" Daiki ... "

Le jeune homme se leva et alla le rejoindre. Une petite brune s'était déjà installée lorsqu'il arriva, l'autre nouvelle élève. Il posa sa main sur la chevelure blonde et découpa chaque syllabe de son nom tout en rythmant d'une pseudo tape sur la tête.

" Da-i-ki ... Ca fait six jours qu'on partage la même chambre, ce serait sympa de t'en rappeler, Nakamura-kun. "

Yukimichi lui adressa un petit sourire amusé, avant de se détourner pour aller chercher le bento acheté au self pendant l'intercours. Il n'avait rien contre l'idée de manger avec eux. Après tout, il allait passer beaucoup de temps avec Nakamura, autant apprendre à le connaître un peu, et la fille avait l'air plutôt sympa. C'est d'ailleurs à elle qu'il s'adressa en premier, alors qu'il s'asseyait à califourchon sur une chaise et poussait légèrement son bento sur le bureau.

" Sers-toi. J'ai pris un méga format ce matin, mais j'ai pas si faim que ça finalement. "

Et s'il avait encore faim après, il pourrait toujours passer par le distributeur à l'entrée des vestiaires, avant de commencer l'entraînement.

Il ouvrit les fenêtres doucement, les uns après les autres alors qu'il entendait ses deux camarades bouger dans la classe. En se retournant vers eux, il aperçut Konata qui s'était rapproché de son bureau. Sa réponse la fit sourire alors qu'il jetait un bref coup d'œil sur l'autre garçon, revenant lui-même à sa place où il s'assit. La japonaise prenait ses aises. Il ne put même pas sauver sa boulette de riz des mains chapardeuses de la kendoka : son colocataire lui tapotait la tête.

« Hey ! C'est bon, j'ai compris, me décoiffe pas ! »

Ses protestations furent vaines, bien que rieuses. Il se recoiffa toutefois sérieusement dès que l'autre eut ôté sa main de ses cheveux, regrettant presque de n'avoir aucun miroir d'aucun sorte pour vérifier qu'il n'avait pas d'épis. Cela dit, puisque l'autre ne lui avait pas ébouriffé la chevelure, il devait encore être présentable. Son regard dériva sur Konata et ses cheveux légèrement ondulés, avant de redescendre sur sa boite de bento vite rejointe par une autre, plus grande.

« Tu vois Akiyama, on te nourrit. Tu as des camarades de classe particulièrement attentionnés. A se demander ce que tu ferais sans nous hein ! »

Il ponctua sa remarque d'un grand sourire amusé et fixa brièvement son colocataire à la recherche d'un peu de complicité. Ne plus avoir ses amis lui manquait décidément, il se retrouvait à devoir quasiment tout reprendre à partir de rien. Dire qu'il avait mis un moment à se refaire une petite réputation au sein de la Hamura High School...

Du bout des doigts, il attrapa une boulette de riz et en mordit une bouchée. Un bref silence se fit alors qu'il déglutissait, puis il observa chacun des deux adolescents avec lui. Son regard glissa un peu sur Konata, trouvant plus vite un point d'ancrage sur ses cuisses à demi dévoilées par la jupe retroussée. Il secoua la tête lorsqu'il le réalisa, faisant danser les mèches de cheveux qui encadraient son visage, puis reprit la parole en fixant délibérément son colocataire, avec le vague espoir de ne plus se laisser distraire par la charmante vue qu'offrait la kendoka.

« Tiens, dis-nous donc Daiki-san, comment ça se passe dans l'école ? Enfin l'ambiance, ce genre de choses ? Là d'où on vient – il indiqua Konata du menton – il y avait énormément d'étrangers et ça donnait un mélange... spécial. C'est dur à expliquer en fait, mais on aurait dit que l'école n'était dans aucun pays en particulier. Même son fonctionnement n'était pas très japonais. »

Seiji fronça doucement les sourcils en repensant à ses paroles. Il n'était pas vraiment sûr d'être clair, mais comme il l'avait dit, il était assez difficilement de retranscrire le monde dans lequel ils avaient vécu à Hamura. Et le terme de monde n'était pas de trop. D'une certaine manière, s'il n'y avait pas eu la ville elle-même dans laquelle ils pouvaient aller, ils auraient presque pu oublier qu'ils étaient au Japon. Et de ce point de vue-là au moins, même s'il était encore un peu perdu, le jeune homme était heureux du changement. Retrouver un uniforme et une vie de lycéen japonais avait comblé comme un vide qu'il n'avait pas eu conscience de ressentir avant.

Machonnant son onigiri, Konata observa sans surprise apparente le garçon hélé venir corriger les manières de Nakamura de manière pour la moins vigoureuse. Ce genre d’ambiance lui plaisait, elle avait grandit la dedans. Des garçons qui se chamaillaient plus ou moins sérieusement était et resterait le cadre dans lequel elle préférerait évoluer. Au vu des paroles énoncées par celui ci, il était visiblement son colocataire, raison pour laquelle Nakamura le connaissait mieux que d’autre. Et oui, déjà une semaine… Son regard tomba sur le bento ouvert avec gentillesse à son égard, et elle sourit de toutes ses dents, remuant ses boucles brunes d’un mouvement de tête appréciateur.

« Et bien nakamura, tu choisi bien tes amis ! »

Enonça t’elle d’un ton appréciateur. La remarque taquine du blond lui fit tirer la langue pour toute réponse, avant qu’elle ne pioche dans le bento de Daiki, choisissant une boulette entourée de soja grillé. Ils commencèrent à manger dans cette ambiance paisible, le vent chaud de l’extérieur venant faire quelques tours dans leur classe, jusqu’à ce que Nakamura ne lance la conversation, interrogeant le brun sur leur nouvel école.

Sa question pouvait semblait étrange, et il s’en rendit compte, s’interrompant, les sourcils froncés. Hochant vivement la tête et la bouche encore pleine, Konata intervient vivement.

« Oh oui chetait !! Urgh ! »

Elle manqua de s’étouffer, tappa vivement du poing sur sa poitrine et avala sa boulette avec un gros « gloups » avant de reprendre son souffle, la langue pendue, et d’attraper la petite bouteille d’eau de Nakamura ou elle but à long trait avant de pousser un gros soupir soulagé. Sans ciller, elle repris sa phrase interrompue avec des gestes vifs.

« C’était juste troooop bizarre ! On se serait pas cru au japon en fait. T’avais la moitié des élèves qui séchaient le cours d’anglais sous prétexte que c’était leur langue natale, des gaijins pas fichus de se comporter poliment, et je te parle pas des chambres mixtes ou chacun pouvait amener son chien ! »

Elle se pencha par-dessus le bento de Daiki, l’observant avec réflexion avant de choisir un nouveau morceau qu’elle porta à ses lèvres.

« Franchement, être mutés ici est une très bonne chose pour nous ! »

Déclara t’elle d’un ton satisfait avant de croquer dans sa nourriture. C’était les bento du self ça ? Pas mauvais. Il faudrait qu’elle pense à s’en acheter le matin.

Yukimichi esquissa un sourire amusé en observant les deux nouveaux. Ils avaient l'air de bien s'entendre. Probablement étaient-ils aussi dans une même classe dans leur précédent lycée. Une chance pour eux de ne pas avoir été séparés. Quoique ... ce n'était peut-être pas le fruit du hasard. L'établissement avait peut-être veillé à ce qu'ils restent ensemble pour ne pas qu'ils se sentent trop perdus au milieu d'inconnus aux affinités déjà bien tissées. Devoir changer de lycée en cours d'année devait être suffisamment perturbant comme ça sans en rajouter. S'ils avaient été du même sexe, probable qu'ils auraient partagé la même chambre.

Constatant la vitesse à laquelle la jeune fille fondit sur son bento, Yukimichi jugea préférable de laisser de côté tous ces "peut-être" inutiles, et de se concentrer sur son repas. Même s'il avait moins faim que prévu, il ne fallait pas pousser non plus. Il attrapa donc deux onigiri qu'il engloutit sans pour autant les gober. S'il y avait une chose qu'il avait comprise avec la nourriture, c'était bien qu'il devait prendre le temps de bien mâcher s'il ne voulait pas se sentir ballonné pendant les entraînements. Plus tard, le médecin sportif avait renchéri avec une histoire d'assimilation des aliments, de sucres lents, et d'autres trucs plus compliqués. Enfin l'essentiel, c'était qu'il appuyait sa façon de manger. Les détails, il n'en avait pas besoin.

Alors qu'il finissait tranquillement la seconde boulette, Nakamura prit la parole, lui faisant relever le visage dans une expression perplexe. C'était franchement bizarre comme question. Un lycée ... c'était un lycée ... non ? Les bras en appui sur le dossier de la chaise, Yuki se balançait légèrement d'avant en arrière, essayant de trouver un sens à cette question pour le moins étrange. Ce fut la petite brune - après avoir faillit s'étouffer - qui surenchérit tout en apportant des éléments éclaircissants.

Les yeux écarquillés de surprise au fur et à mesure des paroles d'Akiyama, le jeune homme essaya de prendre la mesure de ce qu'elle décrivait. Son regard passa de l'un à l'autre comme s'il cherchait où était la blague. Mais non, ils avaient l'air tout aussi sérieux l'un que l'autre. Il ne savait pas ce qui le choquait le plus : les chambres mixtes, les animaux ou les étrangers sécheurs, sans compter tout ce qui n'était pas dit mais qu'il pouvait deviner à présent.

" Waouh ! Sérieux ?! Ca existe vraiment ... ce genre de lycée ?! Waouh ! M'étonne pas qu'il ait fermé votre bahut ! "

Yukimichi passa une main dans ses cheveux, esquissant un sourire nerveux.

" Oué ben ... Ici c'est un lycée normal quoi ... Ya juste le dirlo qu'est à fond sur ses chiens et les échanges scolaires internationaux. Donc, ouais, on a un chenil, et un peu plus d'étrangers que dans les autres lycées de la ville. Mais on reste au Japon. C'est à eux de s'adapter quoi. "

Pour faire bonne mesure, le basketteur s'attaqua à une boulette de porc frit, croquant dedans avec hargne.

" C'est n'importe quoi ... Qu'est-ce que vous foutiez là-bas ? "

C'est vrai ça ! Quelle famille soucieuse du bien être de ses enfants allait les mettre dans un lycée pareil ?!!

Konata ne le laissa pas longtemps galérer seul, mais manqua de s'étouffer dans son empressement. Lorsqu'elle réussit finalement à avaler à grand renfort d'eau et de tapes vigoureuses, elle se remet à parler avec ce débit enthousiaste qui la caractérisait. Seiji sourit légèrement, ponctuant chacun de ses remarques d'un signe de tête approbatif avant de conclure sur un « Ça, c'est sûr ! » lorsqu'elle parla de leur mutation. Dire qu'ils étaient mieux ici était un euphémisme, et dans ce cas n'était pas simplement du à la présence de son meilleur ami dans les parages. Même s'il ne connaissait pas encore l'endroit, il retrouvait malgré tout ses marques.

Quant à leur nouveau camarade de classe, son sourire amusé se fana un peu à mesure qu'il réalisait ce dont Seiji avait voulu parler au départ. Le blond préféra néanmoins ne pas parler immédiatement de la fermeture de l'école, d'autant qu'il n'avait pas très bien saisi ce qui s'était passé. Les journaux avaient fait état d'une sombre histoire de corruption, mais pour leur part, ils avaient juste appris du jour au lendemain qu'ils devaient rentrer chez eux en attendant qu'on sache quoi faire d'eux. Heureusement, la décision de ses parents avait été rapide : ils avaient décidé presque immédiatement que le jeune homme en profiterait pour atteindre un établissement bien meilleur que son premier choix. Le première année s'était donc inscrit à Ginkgo Gakuen où il avait été reçu avec soulagement. Il n'y avait plus qu'à souhaiter ne plus devoir déménager de sitôt : il se découvrait plus sédentaire qu'il ne l'aurait cru de prime abord.

« Un peu d'étrangers ça n'est pas tellement gênant. Ça devient surtout agaçant quand on doit se plier à leur façon de vivre alors qu'on n'est pas chez eux. » gagna-t-il du temps en songeant à la réponse qu'il devait apporter.

Pourquoi s'était-il retrouvé là-bas ? Simplement parce que dans l'empressement à vouloir quitter la demeure de sa tante où l'ambiance morose le pesait, il avait choisi le premier pensionnat qu'il avait vu. Il n'avait pas été particulièrement regardant alors qu'il aurait indéniablement du, et ses parents étaient sans doute un peu trop perturbés pour être aussi attentifs qu'il l'aurait fallu. Ils avaient du reste estimé qu'un peu d'ouverture sur l'étranger lui ferait du bien – et son inscription ici suivait cette logique tout en lui permettant enfin de retrouver un bon niveau pour ses futurs concours à passer. Seiji attrapa une boulette de porc frit tout en reprenant la parole.

« Disons qu'il fallait que j'aille quelque part, j'étais déscolarisé depuis quelques semaines et il s'était passé pas mal de choses chez moi. Ça c'est fait un peu comme ça, j'avais vu la brochure de l'autre école et on n'a pas vraiment fait attention au prestige de l'école. Là on a été plus regardant. Et puis je connaissais déjà quelqu'un ici, même avant de voir qu'Akiyama était avec moi à nouveau. »

Il tourna la tête vers elle tout en se remettant à manger. Konata n'était probablement pas la seule de la Hamura High School a avoir pu venir ici. Il espérait de tout cœur que son ex, en tout cas, n'y ai pas mis un orteil. Outre l'inimité entre eux, il voulait surtout qu'elle se sorte cette idée de la tête qu'il voulait se faire Kimihiro. Et soudainement, une idée saugrenue s'imposa à lui alors qu'il jetait un regard en coin sur son nouveau camarade de classe. En fait, l'idéal serait qu'elle n'essaie de le caser avec personne. Absolument personne.

Konata haussa les épaules face à l’étonnement de Daiki. Elle en sortait, elle savait bien que ça existait, mais maintenant, c’était derrière. Elle préférait s’intéresser à son nouveau lycée. Elle haussa les oreilles à la mention du chenil. Elle, elle aimait bien les chiens ! Elle était déjà allée voir ledit chenil d’ailleurs, ou elle avait vu Shizuka, preuve attestant de la présence d’Eiji en ces lieux. Mais lui, à part une nuque entrevue dans la foule, elle ne l’avait pas encore vu. Le froid entre était encore un peu présent, mais… Il lui manquait. Les autres garçons manquaient vraiment de répondant face à elle, c’était d’un ennui… Heureusement qu’il y en avait des sympa comme Nakamura.

Elle agita la main d’un geste désinvolte face à la conversation sur son ancien lycée, déjà quantité négligeable.

« Je savais pas que c’était comme ça avant de m’inscrire. Fin bon, il a fermé, je m’en fiche maintenant. »

Battant des pieds, elle observa Daiki avec attention. Elle savait qu’il aimait le sport, ça pourrait être un bon compagnon. De joli yeux verts, un gentil sourire, il était grand et c’était quelque chose qu’elle adorait chez les garçons… Mais chat échaudé craint l’eau froide, et Konata était prudente désormais.

« Au fait Daiki, t’es gay ? »

Sans se soucier d’une quelconque réaction de ses compagnons de table ou songer qu'elle aurait put vexer, elle continua à mâchonner avant d’ajouter fermement :

« Wé non parce que je préfère demander dès le début maintenant, au moins je sais à quoi m'attendre, et comme c'est pas écrit sur le front... »

Mieux vaut prévenir que guérir. Elle n’avait plus envie de développer en vain des sentiments pour quelqu’un. Même si dans le cas d’Eiji, ça avait été une surprise pour les 2. C'était certes un peu boulet de canon comme attitude, mais elle s'en moquait bien. Elle n'avait jamais appris à tourner sa langue dans sa bouche avant de parler, et cette question tombée à brule pourpoint en était un bel exemple.

Yukimichi dodelina doucement de la tête aux explications de ses deux camarades. Il observa un moment Nakamura qui avait vaguement évoqué des soucis familiaux, essayant de deviner quel problème pouvait entraîner une déscolarisation. C'était autrement plus intrigant que le cas d'Akiyama, cependant ... c'était bien trop personnel pour qu'il se permette de jouer les curieux. Et puis ça ne le regardait pas après tout. Le blond avait l'air d'être normal. C'était tout ce dont il avait besoin de savoir sur quelqu'un avec qui il partageait une chambre.

Laissant donc la question de côté dans un haussement d'épaules, Yukimichi attrapa la briquette de lait parfumé à l'abricot prise à l'un des distributeurs du lycée et joua un moment avec la paille avant de la planter dedans pour boire. S'il y avait une chose à laquelle il était accro, c'était bien à ces petites briques de lait parfumé. Abricot, fraise, ananas, vanille, papaye, pèche, caramel ... Etrangement, les seules qui ne passaient pas étaient celles parfumées au chocolat. Il aimait pourtant le chocolat, mais impossible de l'avaler mélangé dans du lait, froid ou chaud d'ailleurs.

Le jeune homme aspirait donc avec satisfaction son lait-abricot, lorsque Akiyama lâcha une question pour le moins inattendue. Tellement, qu'il se demanda un moment s'il avait bien compris et si elle s'adressait vraiment à lui. S'il n'avait pas été certain de ne pas le porter sur lui, il aurait eu de quoi en douter avec tant de spontanéité. Mais non. Comme la petite brune venait de le dire, ce n'était pas écrit sur son front, et encore heureux : son intégration au sein de l'équipe de basket aurait sérieusement pâti du cas contraire ...

Yukimichi fixa la jeune fille en silence, tandis que Nakamura semblait sur le point de s'étouffer - comme quoi il n'était pas le seul choqué. Il avait bien envie de lui répondre que ça ne la regardait pas, ou toute autre chose dans ce goût là, mais ça revenait à dire qu'il l'était. S'il acceptait son homosexualité, ce n'était pas pour autant qu'il l'étalait. "Pour vivre heureux, vivons caché." Il ignorait qui avait écrit ça, mais c'était particulièrement vrai pour tout ce qui touchait à l'orientation sexuelle. Il aurait pu faire mine d'être vexé, comme l'aurait été bon nombre d'hétéro, mais ce n'était pas son genre. La meilleure solution était sans doute de détourner l'attention. Une jolie pirouette pour ne pas avoir à répondre.

" Quoi ? T'as voulu draguer Nakamura-kun et tu t'es pris une veste parce qu'il est gay ? "

Le sourire ironique qu'il affichait, montrait bien que Yuki ne pensait pas un mot de ce qu'il venait de dire. C'était une simple plaisanterie, et il l'appuya en tirant la langue à l'adresse des deux autres. C'est qu'il ne voulait pas vexer le blond pour autant.

Mais comment ? Comment ?! Comment pouvait-elle en revenir toujours à ça et poser la question à brûle-pourpoint, sans même qu'un peu de gêne n'apparaisse sur son visage ? Comment ? Décidément, Seiji ne comprenait pas et pire encore, il se sentait comme un rescapé passé à deux doigts de la mort par étouffement. Sa bouchée d'onigri avait bien failli partir sur la mauvaise voie et l'avait fait tousser un peu avant qu'il ne se reprenne. Il jugea plus prudent de ne rien avaler tant que la réponse de Daiki n'était pas tombée.

Une bonne idée d'ailleurs. La boutade lui fit ouvrir grand les yeux alors qu'il fixait le jeune homme, encore trop mal à l'aise à ce sujet pour très bien cacher le maelström d'émotions qui déferla sur ses traits. Semblant s'en rendre compte, il déglutit et secoua la tête, forçant un sourire relativement naturel à se former sur ses lèvres. Finalement, il jeta un œil tour à tour sur ses deux camarades de classe, puis répondit.

« Pas du tout. J'ai essayé vainement de lui faire comprendre qu'elle me plaisait, mais elle ne me prend pas au sérieux. »

Il ponctua sa remarque d'une bouchée de riz, ses airs sérieux trahis par le pétillement de son regard. Il plaisantait sans vraiment plaisanter puisqu'ils avaient très vaguement flirté dans la salle de musique, avant que Konata ne décide unilatéralement qu'il était gay et donc perdu pour la cause féminine.

Heureusement, la précision qu'elle avait apporté plus tôt à Daiki l'avait un peu rassuré. Au tout début, il avait vraiment eu peur qu'elle cherche à nouveau à jouer les entremetteuses, mais il semblait ne rien en être. L'absence de réponse de leur camarade de classe l'inquiétait quand même un peu. Il la pensait assez têtue pour insister et lui n'était pas certain de vouloir connaître la réponse précise. Son regard s'ancra dans celui de son colocataire.

« D'ailleurs dis-moi, t'as un truc toi pour faire comprendre aux filles quand elles t'intéressent ? Parce que j'y perds mon latin : il faudrait qu'on soit gentil, mais si on l'est on fait juste bon copain. Alors on se dit qu'il faudrait être moins gentil, mais ça leur va pas. Et puis elles demandent qu'on soit galants, mais surtout pas trop parce qu'elles ne sont pas en sucre. Ensuite quand tu es romantique, il y en a toujours un pour te le reprocher. »

Son regard dévia sur la jeune fille alors qu'il reprenait un peu de riz avec ses baguettes, sans l'avaler tout de suite. Il plaça sa main en-dessous pour s'assurer de ne pas en mettre partout.

« Et finalement quand tu es direct, elles t'exposent toutes les raisons qui font que tu n'es probablement qu'en train de plaisanter ou de te prouver quelque chose. »

Il goba la bouchée de riz avec un sourire taquin à l'égard d'Akiyama, décidé à lui rendre gentiment la monnaie de sa pièce. En vérité, s'il la trouvait indéniablement jolie et n'aurait probablement pas refusé sortir avec si elle le lui avait demandé, il n'en était pas amouraché pour autant. Mais après la soirée éprouvante qu'elle lui avait fait subir, la taquiner un peu ne faisait pas de mal. Et lui évitait de trop repenser à ses mots.

Face à sa question, Daiki manqua de s’étouffer dans son lait abricot – normal – et détourna la question avec une certaine élégance – normal aussi. Elle lui répondit par un air amusé, les bras croisés, la bouche entrouverte prête à répliquer, lorsque Nakamura pris la parole à son tour, la coupant dans son élan. Sa plaisanterie lui fit lâcher un « Ben voyons » amusé, tandis que le blond partait dans une tirade sur la difficulté à séduire les filles. Discours sans fin qui la faisait plus ricaner qu’autre chose. Bien loin d’être ébranlée ou émue par sa réponse, elle se tourna vers le brun avec un hochement de tête appréciateur.

« Non, tu vois le soucis, c’est ça Daiki : Il ne veut pas admettre son attirance pour une certaine personne, et du coup, il en surajoute. »

Les jambes croisées, elle enroula une mèche de cheveux bruns autour de son doigt, adressant un air un peu suffisant à Nakamura. Le coup des mecs qui parlent entre eux pour exclure la nana de la conversation aurait put marcher avec quelqu’un d’autre, mais pas avec elle : Elle était rodée à ce genre situation et savait récupérer le pion.

« Donc c’est juste pour te dire que si t’es intéressé par lui, laisse tomber, son cœur est déjà pris ! »

Conclue t’elle avec autorité, n’ayant aucune envie de démorde de ses idées. Y croyait elle réellement ? A moitié. C’était plus une manière de s’amuser et de ne pas lâcher le fil ténu que la rattachait à Eiji. Et à la fin, de le faire chier ou de réellement lui arranger le coup, au choix. Dans les 2 cas, ce serait marrant.

« Mais si tu veux vraiment des tips pour accrocher les filles, moi je peux t’expliquer si tu veux. De mon coté, j’aimerais éviter de sortir avec un mec pour qu’il me lâche finalement parce qu’il se rend compte qu’il préfère les garçons. »

Elle poussa un gros soupir exagéré et comique derrière lequel perçait une vérité douloureuse qu’elle ne souhaitait néanmoins pas exposer gratuitement à la vue de tous. Elle préferait en parler comme d’une histoire drôle. Ce qu’elle était, au final, même si c’était elle qui s’était faite ridiculiser dans cette histoire la.

La séance de ping pong entre Akiyama et Nakamura, qu'il avait déclanchée par sa réplique, remplissait à merveille son office : détourner l'attention des deux autres du sujet hautement sensible et privé qu'était sa sexualité. L'échange virait aux petites piques, à mi chemin entre sérieux et taquinerie. Une ambiance dans laquelle il était beaucoup plus aisé de répondre sans être pris réellement au sérieux.

" Ok. Je prends note : ne pas flasher sur Nakamura-kun. Ah mais ! ... Ca veut dire que je ne peux pas flasher sur l'élu de son cœur non plus ? Pauvre de moi ! Deux possibilités réduites à néant en un instant ! "

Yukimichi ponctua ses paroles en levant les bras au ciel, prenant les kamis à témoin, puis éclata de rire. Il n'y avait pas une once de sérieux dans ses dires. En prime, sa réplique ne donnait aucune information sur ses préférences, juste qu'il était suffisamment ouvert d'esprit pour pouvoir plaisanter sur le sujet.

Il n'empêche qu'il avait noté une information de taille au passage : le blond ne semblait pas certain de ses préférences. Tout comme Konata, Yuki trouvait le petit discours sur la difficulté de plaire aux filles bien trop appuyé pour ne pas cacher quelque chose derrière. Il faudrait qu'il s'intéresse à la question d'un peu plus près. Après tout, il partageait la même chambre, la même classe ... Non, en fait c'était juste parce que c'était amusant de savoir. Une curiosité vis-à-vis des amours des autres généralement attribuée aux filles. Un petit vice hérité de ses sœurs. Peut-être que, s'il s'entendait suffisamment avec Akiyama, ils pourraient mener l'enquête ensemble ...

La discussion se poursuivit un moment tandis qu'ils finissaient leurs bentos. Yukimichi se leva et s'étira en regardant par la fenêtre. Il avait envie de partir à l'entraînement dès maintenant, mais il était bien trop tôt. Courir ... il préférait le soir, quand il faisait un peu plus frais. Restait donc ... travailler ...
Une petite moue se dessina sur ses lèvres à cette pensée. Etudier, était vraiment rébarbatif, mais avait-il réellement le choix ? Soupirant, il se tourna vers ses camarades. Et eux ? Il lui vint soudain à l'esprit que travailler en groupe pourrait peut-être rendre la chose, si ce n'est plus facile, au moins plus agréable.

" Dites, faut que je bosse un peu avant l'entraînement de basket. Ca vous dit qu'on fasse nos exercices de maths ensemble ? J'avoue que j'ai du mal avec ce prof ... "

Si au moins l'un des deux acceptait, ce serait pas mal.

Loin de savoir dans quel pétrin Seiji s'était fourré et les projets que Konata comme son colocataire avaient en tête, le blondinet avala une bouchée de nourriture qu'il mâcha lentement, pas forcément pressé de reprendre la parole au milieu des échanges de piques. Les remarques de la jeune fille furent accueillies d'un sourire qui se fana très légèrement à la première prise de parole du brun. Ne pas flasher sur lui ? Encore heureux, merci bien !

Il lui fallut quelques secondes et l'éclat de rire de son camarade pour comprendre et assimiler qu'il ne s'agissait que d'une touche d'humour. Déglutissant pour avaler ce qu'il avait dans la bouche, il sourit ensuite, préférant répondre sur le ton de l'humour, bien que légèrement incertain pour sa part.

« Totalement, c'est chasse gardée ! De toute façon, Akiyama-chan y tient tant que si tu essayais, elle t'étriperait. »

La discussion repartit tranquillement et se poursuivit alors que les trois compères échangeaient des plaisanteries en terminant de manger. Cette ambiance-là avait énormément manqué à Seiji, réalisait-il petit à petit. Le simple fait de partager quelque chose avec ses camarades de classe était quelque chose de précieux. L'école qu'ils avaient quitté avec Konata ne leur avait pas permis grand chose en la matière : les élèves ne se parlaient jamais, c'était à peine si après 6 mois avec ils parvenaient à se rappeler de votre prénom.

Daiki se leva alors que Seiji remballait son bento et ses baguettes dans le tissu qui les avait enveloppé jusqu'à lors. Lorsque le brun se retourna vers eux, le blonde terminait de mettre ses affaires dans un coin, décidé à rester dans la salle de cours jusqu'à l'arrivée du club qui s'y installait une partie de l'après-midi. Il y faisait assez frais pour qu'il puisse travailler en paix, et cette idée sembla également traverser l'esprit du plus vieux de leur trio. Après un regard, puis l'accord oral de Konata, le blond acquiesça à la proposition en souriant.

« T'en fais pas, même après quelques mois avec, on a encore du mal. Je crois qu'il ne se fait pas à l'idée de n'avoir que des première année face à lui. »

Leur discussion repartit tranquillement sur le sujet, puis ils se mirent au travail dans une ambiance détendue, bien que studieuse. Son colocataire avaient d'indéniables difficultés avec les méthodes de l'enseignant et Konata ne paraissait pas tellement plus intéressée par la matière qu'auparavant, mais ils restèrent un moment avant de se séparer lorsque l'heure de l'entrainement arriva pour Daiki. Seiji alla rejoindre le club de journalisme.