Mercredi après-midi

La sonnerie venait de retentir. Minji rangea ses affaires de sciences avant de sortir de la classe. Elle avait également prit soin de vérifier sur le tableau si elle n’était pas de corvée de nettoyage. C’est pourquoi elle ne s’attarda pas très longtemps dans la salle. Une camarade l’interpella afin de lui demander ce qu’elle comptait faire après les cours. Malheureusement pour son amie, elle devait glisser un mot pour une autre personne concernant sa première interview et ensuite terminer ses exercices en anglais et en maths. Mais elle lui proposa d’aller faire un tour en ville pour le weekend qui arrivait. L’étudiante l’ajouta dans son agenda puis se dirigea vers les escaliers pour se rendre au rez-de-chaussée.

La métisse continua son chemin quand elle écrasa quelque chose. Elle était pourtant bien réveillée, mais deux heures de matière scientifique à la suite, ça faisait beaucoup. Elle s’arrêta puis baissa la tête pour voir ce qu’il y avait sous son pied. Ce n’était autre qu’un cahier, celui d’un élève visiblement. Elle le ramassa et l’épousseta avant de lire le nom du propriétaire.

*Akihito Ishiin, 3-A, cours de sciences*

Elle jeta un regard circulaire pour voir si le prénommé Akihito n’était pas dans les parages. La bouche en canard, elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir faire avec ce calepin. Après quelques minutes de réflexion, elle décida de le prendre avec elle. Mais en le glissant sous son bras, elle percuta quelqu’un. L’adolescente se frotta le front avant de lever la tête vers la victime. Elle lui tira la langue pendant que la personne était de dos. Pas de chance pour la nageuse, elle ne tarda pas à découvrir le visage du garçon roux. Avalant difficilement sa salive, elle priait pour qu’il ne l’ai pas vu lui faire la grimace un peu plus tôt. Le garçon était le genre d’individu qu’elle ne voulait pas croiser. Les bad boys c’était très peu pour elle, surtout celui qui se trouvait face à elle. Malheureusement pour Minji, elle était obligée de dire quelque chose.

« Sorry…Voyons Minji, regarde un peu devant toi ! », dit-elle accompagné d’un rire nerveux.

La métisse s’excusa en anglais car elle se disait qu’elle était peut-être tombée sur un étranger. Surtout que l’inconnu avait des cheveux roux et elle savait que l’école accueillait des enfants du monde entier. Elle s’inclina devant l’adolescent avant de poursuivre son chemin à une allure rapide. Une fois qu’elle n’avait plus le rouquin sous ses yeux, elle souffla un bon coup et s’essuya le front. Le pauvre, elle l’avait laissé seul sans avoir prit soin d’attendre qu’il dise quoi que ce soit. Les mauvais garçons étaient à éviter selon Minji.

Ses pas la guidèrent enfin vers les casiers des élèves. Elle sortit une petite enveloppe avec l’identité de Sun Hee Kim inscrite dessus. Une camarade de classe aux allures de garçon manqué qu'elle n’avait pas encore eu l’occasion de la connaître. D’après ce qu’elle savait, Sun était coréenne. Un point pour la journaliste car elle avait aussi du sang coréen en elle. Après avoir laissé la lettre dans le casier de sa camarade, elle passa à la recherche du casier de mister Ishiin. Sa curiosité la poussa à feuilleter quelques pages du cahier. Elle ouvra grand les yeux et se retenait de rire car il y avait un dessin caricaturé du professeur de sciences. Elle referma le bouquin en secouant la tête en essayant d’imaginer à quoi ressemblait la personne.

Elle longea les casiers des élèves de troisième années jusqu’à ce qu’elle tombe nez à nez sur celui du fameux Akihito. Elle s’apprêtait à glisser le cahier à l’intérieur quand une chose l’interrompit. Cette chose était une petite araignée qui descendait. Tenant fermement le livret, elle se cacha derrière pour ne plus l’avoir dans son champ de vision. Déjà qu’elle détestait les insectes, il fallait qu’elle fasse connaissance avec une arachnide. Encore heureux qu’Akihito ne ressemblait pas à ça. Elle resta quelques secondes ainsi, puis baissa doucement le bloc-notes. L’animal ne se trouvait plus sur le casier mais sur le cahier. Minji n’avait pas d’autre choix que de laisser tomber le livret par terre et d’aller s’agripper à la première personne qu’elle avait sous la main.

« AAAAAAAAAHHHHH ! Aide-moi ! »

La cloche sonnait enfin. Akihito était ravi de finir ce cours d'arts, pas qu'il aime pas ça mais il est nul. Il avait beau avoir des idées dès qu'il mettait ça sur papier, c'était une catastrophe. L'art abstrait ça pouvait aller, mais les cours un peu technique avec de la reproduction, par exemple, c'était la galère. Son problème : aucune notion des proportions.

Il plia ses affaires et commença à partir. Il savait qu'il n'était pas de corvée et tant mieux parce que là il n'était pas motivé. Il sortit de la salle avec entrain en réfléchissant à ce qu'il allait pouvoir faire. Il avait eu une sale journée. Deux heures de sciences, deux heures de torture. Akihito ne parvient pas à surpasser ses difficultés en sciences. Il fait des efforts mais sa concentration l'abandonne assez rapidement. Il se retrouve souvent en train de dessiner sur son cahier, des caricatures de son prof par exemple. Oui il est nul avec les proportions mais pour faire des trucs marrants ça aide. Il y avait ces dessins un peu partout dans son cahier, et il se dit que si un jour son prof mettait la main dessus, il pourrait avoir des problèmes. Tout à ses réflexions, Akihito se dirigeait vers les escaliers afin d'aller à son casier.

Il fut tiré des ses pensées par un choc. Vraisemblablement il avait percuté quelqu'un ou quelqu'un l'avait percuté, il ne savait pas trop vu qu'il n'avait rien vu venir. Marchant vite, il dépassa la personne qu'il avait cognée. Puis il se dit qu'il allait quand même regarder qui c'était. Il avait cru apercevoir un mouvement au moment où il tourna la tête, mais non peut être pas. Il se tourna complètement et vit une jeune fille. Cheveux noirs, uniforme nickel, mignonne. Elle devait avoir 16-17 ans. Et en plus elle affichait un air gêné très amusant. Du coup au lieu de juste dire un "gomen" classique et partir, il décida de la fixer sans rien dire. La jeune fille semblait encore plus embarrassée. Akihito se dit en la regardant qu'elle devait penser qu'il était un mauvais garçon, ou du moins un garçon pas vraiment pour elle. D'un coup, elle s'excusa en une phrase :

"Sorry…Voyons Minji, regarde un peu devant toi !"

Et hop, elle disparut aussi sec le laissant planté là comme un couillon. Il n'avait pas eu le temps de tout comprendre, par contre il avait noté deux choses intéressantes : elle lui avait parlé anglais, et elle s'appelait Minji. Pas japonais ça. Elle s'était inclinée aussi, et ça c'est japonais. L'essentiel c'était qu'il savait comment elle s'appelait, ça pourrait toujours servir, qui sait. Il reprit son chemin vers les escaliers et descendit. Il ne savait pas encore bien où se trouvait son casier, il mit donc quelques minutes avant d'y arriver. Et là, aux abords du dit casier, un cri terrible l'accueille. Un cri qui vous glace le sang, qui vous fait dire "oh mon dieu y'a eu une catastrophe", un cri...un cri...enfin un sacré cri. Par-dessus le marché, quelqu'un lui avait sauté dessus en poussant ce cri. Il baissa les yeux et surprise qui voilà, la jeune fille de tout à l'heure. Elle avait l'air terriblement paniqué. Il regarda rapidement autour de lui pour voir si il n'y avait pas des gens bizarres, ou une bande de garçons en train de l'embêter. Mais non visiblement tout était calme hors mis les va et vient des étudiants. Certains s'étaient d'ailleurs arrêtés à leur hauteur afin de savoir le pourquoi de ce cri. Mais ils repartaient rapidement en constatant qu'en fait il n'y avait rien d'intéressant. Akihito continua de chercher des yeux une raison à cette frayeur mais ne trouva rien. Il fallait parler à cette fille pour qu'elle se calme, déjà, et puis qu'elle pense à le lâcher aussi ce serait bien. Bientôt, certains vont croire qu'il se passe un truc bizarre. Il se pencha légèrement vers la jeune fille afin d'éviter de parler trop fort et lui dit :

"Excuse-moi, je suis ravi de te faire cet effet là mais va falloir me lâcher. Et puis pourquoi avoir crié comme ça ?", lui demanda-t-il en utilisant un peu d'humour dans l'espoir que ça aiderait.

Elle n'avait pas encore levé la tête et donc elle ne s'était pas encore aperçue qu'elle s'accrochait au garçon qu'elle avait fui trois minutes avant. Il se réjouissait d'avance de la tête qu'elle allait faire.

A cet instant, elle se demandait pourquoi elle avait sauté dans les bras d’une personne ? Elle aurait du se retourner et enlacer les autres casiers, mais non, il fallait que ce soit une personne. Au moment où son interlocuteur ouvra la bouche, elle ouvrit un œil puis l’autre. Minji n’osait pas lever les yeux vers le garçon. Elle savait que c’était un individu de sexe masculin. D’une part à cause de la voix et d’autre part parce qu’elle avait sa joue collée contre un torse – bien musclé d’ailleurs. Elle se décolla un peu, tout en gardant ses mains sur la taille du garçon, avant de relever lentement le visage tel un automate.

C’est avec une grande surprise qu’elle découvrit la personne. La métisse resta bloqué un moment sur lui. Ses joues virèrent pivoine, tout simplement parce que ce n’était autre que le rouquin qu’elle avait percuté quelques minutes auparavant. Toute honteuse d’elle-même, elle se retrouva fesses au sol, sans quitter une seconde ses yeux des siens. Mais elle avait quand même enregistré ce qu’il avait dit. Le rouquin ne faisait que confirmer ses pensées. En plus de jouer les caïds, monsieur la jugea un peu trop vite. Elle se releva et dépoussiéra son uniforme avant de lancer un regard noir vers le bonhomme en question.

« Hey ! Minute papillon ! Trouve-toi une autre demoiselle, espèce de…de…Dom Juan poil de carotte ! Tu n’es pas du tout mon idéal masculin ! »

L’adolescente n’était vraiment pas intéressée par lui. Elle trouvait cela un peu déplacé, surtout qu’elle ne savait pas qui était cet élève. Elle ne le connaissait pas et venait de le croiser pour la première fois. Elle se demandait également, pourquoi il était là ? L’aurait-il suivi ? La jeune fille s’était excusée pourtant, alors que voulait-il encore ? La question du jeune homme venait de la perturber. Elle devait lui expliquer pourquoi elle avait crié ainsi. Il fallait avouer qu’il n’y avait rien de grave, mais justifier son cri à cause d’une petite araignée, c’était limite.

« Crier ? Mais non c’était juste pour m’entraîner pour voir si je pouvais faire partie du club de théâtre… », dit-elle avec un autre rire nerveux et passa une main derrière sa tête. « Je sais, je suis pas crédible…excuse moi de t’avoir sauté dans les bras, mais…mais… » Elle marqua un temps de pause pour baisser la tête et coller ses index l’un contre l’autre. « …mais une araignée m’a fait peur et puis j’ai horreur des insectes…c’est pour ça que j’ai crié… »

Minji releva légèrement la tête pour voir la réaction du jeune homme. Elle se disait qu’à ce moment là, elle aurait fait n’importe quoi pour aller se réfugier dans un trou de souris. C’était très gênant pour la métisse. Mais elle maudissait ces petites bestioles. De plus, elle serait prête à étrangler le premier passant qui dirait que les petites bêtes ne mangent pas les plus grosses. C’était peut-être la vérité, mais elle les trouvait moche. Pourtant, c’était bien connu, tout ce qui est petit est mignon, sauf dans les familles des insectes et des arachnides.

La jeune étudiante se retourna de nouveau vers le cahier pour le ramasser et le nettoya à nouveau. Bien évidemment, elle avait prit soin de vérifier si l’animal n’y était plus. Heureusement, que la bête était partie sinon elle aurait envoyé le bouquin sur le pauvre rouquin. Puisqu’il était tombé à pique, elle en profita pour lui demander si il savait à qui appartenait le cahier d’Akihito. L’adolescent avait l’air jeune et elle se disait qu’il devait être en deuxième année. Si c’était un troisième, sa réaction aurait été différente. Elle montrerait plus de politesse envers les dernières années. Il n’était pas possible qu’il soit dans sa classe, sinon elle l’aurait vu en cours avec elle. Elle tourna donc le bouquin vers le jeune homme pour lui demander.

« Dis-moi, tu ne connaîtrais pas un certain Akihito Ishiin ?»

La jeune fille finit par lever la tête vers lui. Il avait vu juste son expression était terrible. Elle avait les joues toutes rouges, limite il y aurait pu y avoir de la buée sur ses lunettes tellement elle semblait avoir chaud. Mais le plus drôle fut quand ses jambes l'abandonnèrent. Elle se retrouva aux pieds d'Akihito, ravi forcément. Il se dit qu'il allait lui tendre la main pour l'aider à se relever, il n'était pas un monstre non plus. Mais elle se releva toute seule sans l'attendre. Elle se planta devant lui et lui lança un regard noir : de colère ou de honte ? Un peu des deux pensa-t-il : de colère car il était persuadé qu'elle était énervée de s'être accrochée à lui comme ça, et de honte parce qu'elle s'était retrouvée par terre. Elle ouvrit la bouche et lui dit :

« Hey ! Minute papillon ! Trouve-toi une autre demoiselle, espèce de…de…Dom Juan poil de carotte ! Tu n’es pas du tout mon idéal masculin ! »

Comment ça pas du tout son idéal masculin ? Oui bon ok, il ne ressemblait pas au gendre idéal il est vrai. Et puis ce ton ! En revanche, l'autre partie de cette phrase le chagrina un peu plus : Dom Juan poil de carotte. Pour qui elle se prend mamzelle quat'yeux...Il avait voulu être sympa mais là y'avait plus moyen. Critiquer sa couleur de cheveux de cette manière, poil de carotte non mais sérieux. Et puis il était son sempai quand même, et il allait se faire un plaisir de le lui rappeler. Il allait parler quand elle reprit la parole pour dire qu'en fait elle avait crié pour voir si elle pouvait aller au club de théâtre. Visiblement Akihito avait du faire une drôle de tête car elle enchaîna de suite en triturant ses mains qu'en fait une araignée lui avait fait peur. Quoi ? Une araignée ? Akihito sourit en se disant que si le cri avait dû être proportionnel à la taille de l'araignée, imaginez la taille de l'araignée en question...Il avait vraiment envie de rire. La jeune fille le regardait, certainement pour vérifier si il était mort de rire ou pas, Akihito n'en était pas loin mais il se retenait : pas moyen de rire il n'avait toujours pas digéré le "poil de carotte". En même temps elle semblait vraiment détester ces insectes comme elle dit, pauvre petite bête qui a due, elle, avoir la peur de sa courte vie d'araignée. La demoiselle se retourna, et ramassa un cahier qui était par terre. Akihito tilta un peu en voyant le cahier, il ressemblait étrangement à son cahier de sciences. Il tilta encore plus quand elle le lui tendit en demandant :

« Dis-moi, tu ne connaîtrais pas un certain Akihito Ishiin ?»

Voilà, c'était bien son cahier. Akihito sentit monter en lui un besoin terrible de la titiller pour prendre sa petite revanche.

"Si je connais Ishiin-san ?"

Il fit mine de réfléchir : "Voyons voir...troisième année...donc ton sempai si je ne m'abuse, et puis il est assez grand, musclé et, ah oui impossible que tu le rates car..." et pour finir sa phrase il se pencha vers elle et lui dit d'une voix suave : "Il a les cheveux roux".

Et, tout fier de lui, il se releva et la regarda avec un air de satisfaction non dissimulé. Il lui avait purement et simplement jeté une bombe : oui, le garçon que tu as appelé "poil de carotte" est ton sempai et c'est bien son cahier.

Akihito était ravi de sa dernière phrase. La jeune fille venait de réaliser qu'elle avait en face d'elle son sempai. Il se demandait comment elle allait gérer cet événement. Elle se cachait derrière le cahier d'Akihito, ne laissant apparaître que ses yeux. Akihito réalisa que sous les lunettes elle avait vraiment de très jolis yeux, il réalisa aussi que son regard changea. Elle posa son doigt sur le torse d'Akihito pour le faire se redresser, il ne résista pas mais était très surpris par ce geste : malgré le fait qu'elle avait compris qu'il était son sempai, elle n'avait pas l'air de capituler. Il la regarda faire et ne comprenait pas bien ce qu'elle voulait avec sa main tendue. Il pensait qu'elle allait simplement s'excuser de lui avoir parlé ainsi, de l'avoir appelé "poil de carotte". Il espérait aussi qu'elle allait se présenter, car au final il ne savait toujours pas comment elle s'appelait alors qu'elle oui. Mais non au lieu de tout ça, toujours avec la main tendue, elle lui dit :

"Hmmm…aurais-tu une autre preuve de ce que tu affirmes ? C’est vrai…qui me dit que tu ne te fais pas passer pour Ishiin-san ? Tu peux très bien être un imposteur…"

Alors ça. Carrément elle voulait une preuve. Il était surpris par cette question mais en même temps il l'appréciait. Oui car il se dit que si elle avait rencontré quelqu'un d'autre que lui, elle aurait vérifier l'identité de cette personne aussi, ce qui veut dire que personne d'autre ne verrait les nombreuses caricatures présentes dans son cahier. Peut-être qu'elle les avait vues...Si elle les avait vues, qu'avait-elle pensé de lui à ce moment là ? Certainement que c'était un gamin pour dessiner des trucs pareil en cours. Mais quand même il la trouvait culottée sur ce coup. Il réfléchit à comment répondre. Simplement sortir sa carte d'étudiant et lui donner. Ou alors, faire un peu languir la demoiselle. Il réfléchissait, il voulait lui donner une réponse avec laquelle il allait essayer de détendre un peu l'atmosphère.

Il se mit à chercher dans ses poches sa carte d'étudiant. Il la sortit , se pencha de nouveau vers la jeune fille et porta la carte à hauteur de son visage. Il pencha légèrement la tête, sourit et lui dit :

"Oui, je suis bien Ishiin Akihito, 3ème année, et par conséquent ce cahier est bien le mien. Et pour être franc je suis ravi que tu l'ai trouvé."

En réalité, il était vraiment content que ce soit elle qui ait trouvé son cahier. Depuis qu'il avait remarqué les yeux de la jeune fille, il voulait les regarder, il avait envie de voir derrière les lunettes. Elle avait un regard assuré, qui disait qu'elle n'était pas du genre à se laisser faire. Bien que jeune elle ne semblait pas fragile, bien au contraire. Akihito commença à réaliser qu'elle correspondait vraiment au genre de fille qu'il appréciait : discrète, habillée normalement mais pas insipide. Elle était jolie pour ne rien gâcher. Akihito sentit monter un coup de chaud en comprenant qu'il pourrait très bien tomber amoureux d'une fille comme elle. Du coup il décida de parler pour faire en sorte que ça ne se voit pas trop :

"D'ailleurs, je voudrais te dire merci mais comme pour l'instant je ne connais pas ton nom, je ne peux pas . Et ça m'embête de ne pas pouvoir te remercier."

Tout en disant cela, il remit sa carte dans sa poche. Puis, il s'appuya contre les casiers sans cesser de la regarder.

Akihito regardait toujours la jeune fille. Elle avait finalement capitulé non sans rougir. La demoiselle s'inclina devant lui et lui présenta ses excuses normales mais aussi des excuses pour le Dom Juan poil de carotte. Il appréciait qu'elle ai pris la peine de s'excuser pour ce détail là. C'était réellement la seule chose qui avait irrité Akihito, en effet il trouvait cette expression vraiment péjorative et adressée à lui encore pire. Sa couleur de cheveux ne lui avait pas toujours apporté que des bonnes choses. Bien au contraire. Beaucoup s'était moqué de lui, des garçons qui riaient parce qu'il avait décidé de se teindre les cheveux pour faire son rebelle ; les filles parce qu'elles n'aimaient pas ce côté mauvais garçon. Et la plupart du temps les rares filles qui s'étaient intéressées à lui étaient l'opposé total du type de fille que lui aimait. Il avait choisi cette couleur non pas pour le côté rebelle, mais pour le côté chaud qu'elle dégageait qui apportait un peu de gaieté au milieu de toutes ces têtes brunes. Mais quand cette expression était sortie de la bouche de Minji-chan, cela l'avait davantage affecté que dit par quelqu'un d'autre....quelqu'un pour qui il n'a aucun intérêt par exemple.
Mais elle avait dit qu'elle s'excusait sincèrement, et oui il avait trouvé qu'elle avait l'air sincère.

Après s'être excusée, elle décida de mettre le cahier d'Akihito directement dans son casier comme pour appuyer son côté désolé. Et elle affichait un joli sourire. En revanche, elle ne s'était toujours pas présentée. Et comme il pensait cela la jeune fille s'en rendit compte et dit :

"Oh…Toshihiro Minji, première année à Ginkgo Gakuen…vous n’avez pas besoin de me remercier. Enfin…quoique si Asran-sensei était tombé sur votre cahier, je n’ose pas imaginer la punition qu’il vous aurez donnée pour l’avoir dessiné."

Toshihiro Minji. Toshihiro-chan. Non, Minji-chan c'était mieux. Première année. Le fait qu'elle soit en première année rajoutait un challenge pour lui : il allait devoir être prudent, pas trop la titiller pour pas lui faire peur déjà qu'il avait un style qui n'aidait pas, si en plus il l'embêtait de trop c'était pas la peine. Quoique vu le caractère qu'elle semblait avoir, il ne s'inquiétait pas vraiment pour elle. Elle l'intéressait beaucoup. Il remarqua que Minji, ça lui plaisait beaucoup ce prénom, il remarqua donc que Minji le vouvoyait. Ça, ça lui plaisait moins. Le vouvoiement dans ces circonstances créait une distance terrible entre eux, déjà qu'il était son sempai si en plus elle le vouvoyait...Mais comment lui dire d'oublier le vouvoiement sans trop piétiner le côté sempai-kouhai qu'il lui avait fait remarquer ? Il tenta un truc :

"Toshihiro Minji-chan. J'aime beaucoup. Donc, et il s'inclina vers elle en disant, je te remercie sincèrement d'avoir ramassé mon cahier, Minji-chan."

Il l'avait volontairement tutoyé, et surtout il avait fait bien attention à prononcer le "Minji-chan" en ayant relevé légèrement la tête pour pouvoir la regarder tout en étant incliné. Il espérait qu'elle ne s'offusquerait pas qu'il l'appelle par son prénom, même si c'est vrai on pouvait trouver ça un peu osé mais bon après le démarrage qu'ils avait eu tous les deux, l'appeler par son prénom lui semblait bien moins terrible que de se faire appeler poil de carotte. Il se releva et là il remarqua quelque chose sur le visage de la jeune fille qu'il n'avait pas vu jusque là. Une mèche de cheveux coquine était venue se promener sur la joue de la jeune fille. Akihito agit plus par habitude que par taquinerie ou quoi que ce soit : il fit un pas en avant et d'un geste délicat de la main il chassa la mèche rebelle. Quand il réalisa son geste, il recula vivement, rougit jusqu'aux oreilles et dit d'une voix très gênée :

"Ah désolé, vraiment, Minji-chan...en fait, j'ai une sœur et ça m'arrivait de faire ça assez souvent, je suis désolé j'ai pas réfléchi...et..." Il ne finit pas sa phrase. Il souriait en fait. Il avait du la mettre très mal à l'aise sur ce coup, sans le vouloir mais c'était fait. Il n'osait pas regarder la jeune fille directement, il avait peur d'afficher un air trop ravi qui pourrait faire croire qu'il l'avait fait exprès.

Akihito réalisait ce qu'il venait de faire. C'était la catastrophe. Il se doutait bien que la jeune fille n'allait pas du tout apprécier. Et ce fût le cas. En gros sa phrase voulait dire "pour qui tu te prends ?". Réaction normale, il venait à peine de se rencontrer et direct il la touche...non mais sérieux où avait-il la tête ? D'accord il avait l'habitude de faire ça avec sa sœur mais est-ce que Minji-chan ressemblait à Tsugumi ? Pas du tout, mais alors pas du tout. Minji-chan est l'opposé parfait de Tsugumi : mignonne, discrète et avec du caractère. Mais bien que la jeune fille lui ai dit cela, elle n'avait pas l'air vraiment énervé. Son visage ne reflétait pas du tout de la colère, non elle souriait presque. Akihito ne comprenait plus très bien, puis son esprit percuta : la fin de la phrase.

Oui, là où elle lui demande si c'est une approche, au lieu de dire un truc du genre "c'est même pas la peine d'y penser" en gros, elle lui dit qu'il aurait pu être plus original. Que devait-il comprendre ? Que c'était un gros nul et qu'elle se moquait de lui ? Ou bien que si jamais il tentait autre chose il lui faudrait être plus romantique ? Etant donné les réponses précédentes de la jeune fille, elle n'était pas du genre à être moqueuse comme ça. Par contre, elle était assez maligne pour arriver à lui faire passer un message dans une simple phrase. Au final tout n'était pas perdu. Il devait maintenant s'excuser pour de bon. Les rôles venaient de s'inverser.

Il s'inclina rapidement vers la jeune fille, avec la tête baissée, et dit :

"Je suis vraiment, vraiment désolé...vraiment. Ma sœur a les cheveux longs et souvent ses mèches lui venaient dans les yeux, alors j'avais pour habitude de les enlever. J'ai bougé avant même de réfléchir. Je suis désolé."

Il avait dit tout ça en restant incliné face à elle. Il espérait que ses excuses paraissaient sincères. Akihito n'était pas du genre à présenter des excuses aussi développées. D'habitude il disait juste "gomen" et voilà, non là il avait ressenti le besoin de se justifier. D'expliquer la raison de ce geste, que ce n'était pas voulu, que ses réflexes avaient pris le dessus et qu'il le regrettait. Il se redressa doucement mais sans regarder la jeune fille, il attendit d'être bien face à elle pour la regarder à nouveau. Il espérait que Minji-chan avait compris à quel point il était désolé de l'avoir touchée. Pas qu'il regrettait d'avoir touché la joue de la jeune fille, mais qu'il regrettait de l'avoir fait comme ça, n'importe comment. Il voulait parler à Minji-chan mais il ne trouvait pas ses mots, il n'arrivait pas à trouver quoi dire qui pourrait débloquer un peu la situation. Tout en se passant la main dans les cheveux en un geste nerveux, il se contenta de sourire en direction de Minji-chan avec un air gêné. Akihito ne savait pas quoi dire d'autre en fait car il se disait que si il continuait, il finirait par dire des bêtises. Alors il se résigna à attendre une réponse de la jeune fille. Comment allait-elle réagir ? Il était inquiet, il craignait que la jeune fille n'accepte pas ses excuses et si c'était elle refuserait certainement de lui adresser la parole à l'avenir.

C'était ça surtout qui inquiétait Akihito.

Minji regardait le garçon en se demandant comment il réagirait. Elle aurait pu être méchante envers le jeune homme, mais elle ressentait une pointe de compassion. C’est pourquoi elle affichait un visage souriant face à Akihito. Elle se disait que sa sœur avait beaucoup de chance. La métisse aurait aimée avoir un grand frère qui aurait des gestes de tendresse à son égard. Malheureusement, ses parents ne souhaitaient pas en avoir d'autre. Sa présence suffisait amplement dans la famille.

Elle fit un pas en arrière en observant une nouvelle fois le rouquin s’incliner devant la demoiselle. Elle porta une main sur son cœur. Elle était surprise encore une fois. Elle avait pourtant compris le message, sauf qu’elle ne savait pas comment le rassurer. Sa deuxième main avançait lentement au dessus de la tête de son sempai. L’étudiante avait envie de toucher pour le déculpabiliser. Elle désirait caresser ses cheveux rouge orangé comme le feu, mais elle tremblait tellement qu’elle n’arrivait pas les toucher.

*Non...non…non…ne fait pas ça Minji…non…il ne faut pas Minji…*

Une voix intérieure lui interdisait de faire ce geste, mais la jeune fille n’y arrivait pas. Sa main allait contre sa volonté. Sauf qu’elle la retira rapidement quand il se redressa. Derrière la main qu’elle avait gardée sur sa poitrine, elle sentait les battements cardiaques battre contre sa paume. Une étrange sensation l’envahissait et pourtant ils se rencontraient pour la première fois.

« Sempai…ne t’inquiète pas…c’est un réflexe que tu as eu. Je ne t’en veux pas tu sais.»

Minji plongea une dernière fois ses prunelles dans les siens. Visiblement, tout comme elle, il ne savait pas trop comment atténuer la situation. Légèrement gênée, elle joua avec le lobe de son oreille avant de décider d’abréger la rencontre entre eux. Il était temps qu’elle retourne à ses occupations et peut-être que du côté du rouquin également.

« Euh…je dois te laisser. Bon…je te souhaite une bonne fin de journée… »

En espérant qu’ils se croiseraient et qu’ils seraient moins tendu qu’aujourd’hui. Elle lui adressa un dernier sourire avant de le contourner pour aller rejoindre son dortoir. Mais elle s’arrêta avant de se retourner pour le regarder une dernière fois. Elle voulait en quelques sortes garder le visage du garçon en mémoire pour la prochaine rencontre. Avant de reprendre son chemin, elle affichait un grand sourire ravie de cet imprévu. Sauf que l’araignée qui était en train de la dépasser venait de l’interrompre dans son imagination. C’est en baissant la tête, qu’elle trottinait avant de disparaître complètement de la vue Ishiin-san.

Akihito regardait la jeune fille, inquiet dans l'attente d'une réponse. Elle avait l'air troublé. Elle le regardait sans rien dire. Akihito avait l'impression que le temps avait ralenti quand enfin elle dit :

"Sempai…ne t’inquiète pas…c’est un réflexe que tu as eu. Je ne t’en veux pas tu sais."

Sans s'en rendre compte, la jeune fille venait de permettre à Akihito de retrouver sa respiration. Il était tellement tendu qu'il en avait arrêté de respirer. Akihito commença à sourire, Minji avait visiblement accepté ses excuses. Il allait dire quelque chose mais remarqua que la jeune fille ne semblait pour autant plus à l'aise. Non, elle semblait même un peu plus troublée que tout à l'heure. Elle tripota le lobe de son oreille, et lui dit qu'elle devait partir, lui lança un "bonne fin de journée" et commença à partir. Akihito était bouche bée. Elle avait décidé d'abréger la conversation. Il pouvait comprendre cela. Ils venaient à peine de se rencontrer pour une simple question de cahier perdu et voilà que déjà la situation devenait bizarre. En à peines quelques instants, Akihito l'avait charriée, puis l'avait faites s'excuser et enfin lui avait touché le visage. Et pour couronner le tout il était son sempai, de deux années. Elle était en train de partir, il ne la retiendrait pas. Il espérait juste la revoir dans pas trop longtemps. Il espérait que la situation serait plus "normale". Et surtout il espérait qu'ils pourraient discuter normalement.

Il la suivait des yeux et vit qu'elle s'était arrêtée un court instant. Pourquoi ? Pour vérifier quoi ? Peut être juste pour le regarder...A cette pensée un sourire envahit ses lèvres. Si c'était le cas il pouvait espérer qu'à leur prochaine rencontre elle ne partirait pas en courant. Leur prochaine rencontre...Akihito voulait que cela se fasse le plus rapidement possible, sans trop savoir pourquoi l'idée de ne pas voir Minji pendant plusieurs jours lui parut désagréable. Elle venait de repartir pour finalement disparaître rapidement du champ de vision d'Akihito. Voilà, il allait reprendre le cours de sa journée mais après une rencontre pareille il allait devoir changer ses plans. Il n'avait plus du tout envie d'aller se balader, non il avait un furieux besoin de se défouler, de faire sortir un trop plein d'énergie. Il ouvrit son casier, regarda le cahier, sourit et referma le casier. Il quitta le hall se dirigeant vers sa chambre. Là-bas, il récupérerait son kimono, à manger et partirait au gymnase pour aller réviser ses katas jusqu'à ce que ses muscles lui dise "assez". Tout en marchant, le visage de Minji-chan ne le quittait pas, il souriait. Oui il la reverrait. Il le fallait.

[voilà fini...]