[Suite de ça]

Le matin... étrange moment de latence, situé entre le lever du soleil et le midi, où toute forme d'action ou de violence semblait réprouvable, du moins pas avant qu'une quantité effrayante de caféine ne soit déjà passée dans son sang. Cathan était une créature plus adaptée au soir et à la nuit, pour le plus grand malheur des classes qu'il avait en charge en premier lieu le matin. Depuis les quelques semaines qu'il leur enseignait, ses élèves avaient appris que la première heure de cours n'était pas le bon moment pour chahuter avec lui, si tant est qu'il puisse exister un bon moment pour chahuter avec le prof de maths à la pédagogie d'une hyène, selon les rumeurs qui couraient – à moins que ce ne soit celle d'un bulot ?
Après deux tasses de café à l'appart, Cathan descendit en salle des profs pour mettre en route la cafetière et s'offrir la troisième de la matinée, en espérant que celle-ci lui offre l'illumination nécessaire à son cours suivant. Le cas échéant, il se contenterait d'être le même professeur de maths à l'humour dévastateur pour ses élèves.

Ce fut une illumination d'un autre genre qui attendit le roux quand il déverrouilla la porte pour pénétrer dans le lieu sacré du corps professoral, le saint du saint, leur antre protégée à l'abri des regards, leur refuge face à l'adversité estudiantine, le paradis céleste avec une cafetière à la place du pommier, bref, la salle des profs. A perte de vue, des culs.
Les murs, les bureaux, et même le plafond quand Cathan tenta de lever les yeux au ciel pour prendre à témoin un dieu qui devait bien ricaner dans sa barbe – ou détourner son regard pour ne point s'en trouver aveugler – des fesses. Plusieurs modèles différents, même s'il ne chercha pas à identifier combien, bien en évidence, fraichement photocopiés de la nuit passée et artistiquement disposés pour recouvrir l'intégralité de la surface disponible. La vue en était.... renversante.

L'américain fit quelques pas de plus pour se retrouver au centre de la scène et tourna lentement sur lui-même pour contempler l'ampleur du... désastre ? De l'activité artistique non préparée ? Là, sur le coup, il pouvait dire qu'il touchait le fond...
Au final, il fit la seule chose qui lui paraissait logique devant un tel spectacle : il éclata de rire.
Rien n'avait été abimé, et tout semblait à la même place que quand il avait quitté son poste la veille, rendant l'exploit plus amusant encore. Ce genre de tour de cochons semblait plus avoir sa place dans une fac américaine que dans un sage lycée japonais, ce qui la rendait d'autant plus amusante aux yeux de l'américain.

La bonne humeur affichée sur le visage, le professeur de mathématique se rendit vers la cafetière, préparant avec bonhommie sa décoction du matin en attendant l'arrivée des autres professeurs , s'appuyant du bout des fesses sur un bureau en attendant l'arrivée du liquide bien-aimé en toute quiétude. Hors de question qu'il commence à retirer la décoration sans ses confrères et les prive donc de pareil spectacle !

Il était décidément difficile de se lever le matin. Ce constat, Akutsu le faisait comme chaque jour où il devait sortir du lit avant 10h, chose d'autant plus difficile à croire pour ses élèves qu'il faisait preuve d'un rare enthousiasme dès son premier cours. Cathan, à deux ou trois reprises, lui avait dit que son énergie était fatigante pour les autres parfois. Il voulait bien le croire, sans pour autant qu'il essaie de se calmer vraiment. De toute façon il n'en était pas capable.

Le seul moment de la journée où il était possible de faire face à un Akutsu pas encore tout à fait réveillé était avant son arrivée en salle des professeurs. Une fois n'est pas coutume, il croisa sur sa route le professeur d'arts picturaux, qu'il salua mollement en étouffant un bâillement. Son avis sur Yuusuke Hasegawa n'était pas vraiment arrêté. Il ne le connaissait pas beaucoup malgré leurs fréquentes rencontres en cours de journée. L'autre homme ne se laissait pas approcher aussi facilement que Cathan, par exemple, ou Jiro (encore que son frère ne soit sociable que de manière superficielle, mais ça aidait tout de même). De fait leurs échanges étaient aimables et celui-ci ne fut pas différent des autres.

La porte de la salle était ouverte et ce fut une exclamation dans ce qu'il devina être de l'italien qui les accueilli. Sourcils haussés en signe de perplexité, le jeune homme pénétra dans la pièce, cherchant d'abord du regard l'origine de la voix – le prof de sport évidemment, qui d'autre ? - avant de réaliser pleinement ce qu'il voyait. Des fesses. Des fesses, partout. La surprise le laissa coi, bouche entrouverte tant qu'il finit par être pris de tressautement en contenant difficile son rire. Voilà une chose à laquelle il ne s'attendait pas du tout, et c'était si saugrenu dans cette école qu'il ne pouvait qu'à peine s'empêcher de partir en fou rire.

« Ben alors Hasegawa-sensei, vous vouliez nous faire la surprise ? Nouvelle exposition de vos élèves ? »

Trop de routine n’avait rien de bon et notre jeune infirmier cherchait n’importe quel truc, la moindre petite chose pouvant casser le quotidien déjà tracé à l’avance. Que ce soit le futile article de journal comptant un mariage des plus importants, l’anecdote qu’on apprenait malgré soit en écoutant les conversations des autres ou une de ces charmantes nouvelles, Dean cherchait toujours ce petit quelque chose grâce auquel sa journée ne ressemblera pas à la veille. Aujourd’hui, ce quelque chose se révèlera être grand, important et sans doute l’évènement le plus marrant de sa carrière d’infirmier scolaire. Spoilons, mes chers !

Tout d’abord, on pouvait dire ce que l’on voulait, Dean était inutilisable de toute la journée s’il n’avait pas son café du réveil et son café matinal. Le premier était prit depuis près deux heures et notre infirmier profita d’un moment de répit pendant lequel il ne vit aucun élève pointé le bout de son nez pour se rendre à la sale des profs. Il sorti donc de son antre, referma la porte à clef derrière lui, accrocha le panneau sur lequel figurait son numéro de portable pour les cas d’urgences, tata la poche de son jeans pour vérifier si ledit portable était bien en place, avant de se tourner et de s’engager dans le couloir qui menait vers la sale des professeurs.

Une fois sur place, il poussa la porte et … s’immobilisa. Dans la salle se trouvait Cathan- le fameux professeur de mathématiques-, Luca –le professeur de sport de qui Dean savait bien plus qu’il ne voulait savoir-, Yuusuke –le professeur d’art plastique qui, en tant que Japonais, voyait notre infirmier d’un assez mauvais œil- et enfin Akutsu –le gentil professeur d’anglais et colocataire. D’ailleurs, au moment même ou Dean passa la porte, il entendit ce dernier poser une question, qui relevait plus de la moquerie que de la curiosité, au professeur d’art. L’infirmier ne put s’empêcher de pouffer de rire.

« C’est une manière comme une autre de voir l’art » sourit-il tout en tentant de contrôler son fou-rire et en s’avançant dans la pièce afin d’observer les murs « je trouve que ça change de l’art classique. »

Il s’avança vers l’un des murs, secouant la tête. Tout à coup, sa fatigue s’était volatilisée. Dean lorgna tout de même vers Yuusuke, se demandant comment ce dernier allait réagir face à l’insinuation d’Akutsu.

Ce fut en chantonnant que Miku se rendit ce matin en salle des professeurs. Elle avait passé une nuit paisible, la bonne humeur était au rendez-vous, ses cours étaient prêts et la journée s'annonçait radieuse. Tout se passerait donc bien aujourd'hui, c'était son sixième sens qui lui avait soufflé cela au petit matin, lorsque le réveil avait sonné et qu'elle avait posé la main dessus pour le faire taire.

Par contre, les examens approchaient et comme les lycéens des différentes classes, elle était un peu en retard. Un peu dans le programme et beaucoup dans la préparation des devoirs de révisions. D'après elle, c'était le meilleur moyen pour aider les lycéens à progresser. Grâce à ces devoirs qu'elle leur donnait, ils pouvaient s'auto-évaluer sans aucun problème et ainsi voir où étaient leurs difficultés. Seulement, si elle n'arrivait pas à finir de les rédiger avant les examens, les devoirs de révisions ne serviront finalement à rien.

En attendant, elle n'aurait jamais imaginé avoir une telle surprise en arrivant en salle des professeurs. Le sixième sens féminin de l'enseignante en Sciences Sociales était vraiment nase... la bonne journée n'étant peut-être plus au rendez-vous...

Du couloir Miku entendit une agitation particulière venir de la salle des professeurs. Ce ne fut qu'une fois le seuil de la porte passée qu'elle comprit la motivation de toutes ces discussions houleuses. Nombreux professeurs étaient déjà présents, même l'infirmier, pour admirer le spectacle qui s'offrait à eux : des paires de fesses étaient affichées de... partout, vraiment de partout. Sur les murs, le plafond, les fenêtres, les poubelles, les porte-mentaux, les bureaux, les lampes, les.... Enfin bref... même si on ne voulait pas les voir, on était obligé de tomber dessus.

L'ambiance était plus ou moins tendue. Certains trouvaient cette plaisanterie de mauvais goût amusante, tandis que d'autres étaient un peu plus réticents à rire de ce genre de choses. Miku elle n'avait toujours rien dit, restant plantée comme un piquet, ne sachant trop quoi penser de cet attentat artistique si elle pouvait dire... La jeune femme haussa finalement les épaules, tentant désespérément de trouver une chose positive à dire :

« Cela aurait pu être pire. On aurait pu avoir des photos du devant aussi. »

Finalement, elle pensa qu'elle aurait mieux fait de se taire.

Un à un, ses collègues arrivaient, offrant des minois presque aussi intéressants à observer que les oeuvres d'arts sur les murs. De sa situation près de la cafetière Cathan avait un excellent point de vue sur la porte d'entrée, et put admirer tour à tour le prof de sport manquer de s'étouffer, un infirmier et un prof d'anglais plus laconique, le pétage de câble de Monsieur-le-coincé de prof d'art, qui laissa planer un lourd silence sur le salle, rompu par l'arrivée de la charmante professeur d'éco. Le roux darda un sourire charmeur à la jeune femme, amusé par son à-propos.

"Merci de nous rappeler que ça aurait pu être pire Takada-san. J'imagine que la réaction de Hasegawa-san signifie qu'il ne s'agit pas d'une exposition surprise. Quelqu'un a-t-il ... une idée, ou un moyen de reconnaitre les auteurs des troubles ? "

Difficile de ne pas laisser transparaître le rire dans sa voix. Mais à moins que quelqu'un ne connaisse des marques de naissance sur les arrière-train de leurs élèves, il y avait peu de chance de pouvoir les reconnaître juste par les photocopies seules.
Son regard passa sur Onwara, interrogateur. Au final, l'infirmier était, d'entre eux, la personne qui avait le plus de chance d'avoir déjà pu observer la face cachée de leurs élèves avec suffisamment d'intéret pour retenir un détail ou deux. De là à les reconnaitre par contre... il y devait y avoir un fossé de la taille de la faille de San Andréas.

Son regard passa sur les bureaux recouverts de feuilles. Au delà de ça ? Rien de détérioré ou de volé, rien qui ne mérite une grosse punition... de son point de vue américain. Il avait bien conscience que son avis était largement différent des japonais natifs, bien plus à cheval sur l'ordre et la discipline que lui. De leur point de vue, le geste en lui-même devait être horrifiant, un symbole d'une rébellion à l'autorité qui se faisait dans l'impunité, tout ce que désavouaient les japonais qui n'aimaient rien tant que la soumission et l'uniformité.

La cafetière poussa un dernier râle dans un délicieux arôme corsé, le ramenant à des choses plus intéressantes et surtout plus concrètes. Quelques pas en arrière l'amenèrent vers l'étagère où étaient rangées les tasses, étagère multifonction puisque ses étages supérieurs recelaient aussi des dossiers. Alors qu'il récupérait la tasse "Haldol, la fête est plus folle" abandonnée par le précédent infirmier, il repéra un petit oeil noir qui le fixait avec attention. Sans avoir l'air d'y prêter plus d'attention que cela, il se pencha pour remettre en place le dossier qui menaçait de venir embrasser les tasses, et intercepta au passage la petite webcam qui finit son chemin sagement dans sa poche, à l'abri des regards, puis retourna se servir près de la cafetière, avec la désinvolture américaine qui lui était propre.

" Quelqu'un d'autre veut du café en attendant ?"

De manière assez étrange, aucun des enseignants n'était vraiment monté sur ses grands cheveux face à cette vision. Sauf un, le prof d'art qu'il venait de taquiner. Il échangea un sourire de connivence avec l'infirmier, regardant partir sans remord Hasegawa-sensei. D'accord. La plaisanterie était de mauvais goût, mais il n'y avait pas mort d'homme. Le jeune roux aurait bien plus perdu son sens de l'humour si la nouvelle décoration s'était faite au détriment des biens de l'école et qu'on constatait des dégâts volontaires. Là il n'en voyait pas.

La remarque de leur seule collègue féminine lui arracha un sourire amusé, vite suivi d'une petite grimace. Effectivement, une telle vue aurait déjà été plus dérangeante. Ses yeux glissèrent sur les photocopies aux murs alors qu'il tentait d'imaginer ce que « devant » aurait donné. Il préféra très vite détourner le regard pour se focaliser sur Cathan, qu'il rejoignit avec le prof de sport.

« Je suis partant pour un café. »

D'une oreille distraite, il écouta l'italien émettre son avis. De son côté, il était plus concentré sur la porte et les éventuelles nouveaux présents qu'elle laisserait passer. Même s'il aimait assez qu'on respecte les règles, il n'avait guère envie de voir son supérieur si tôt le matin pour une raison qui risquait de tous les mettre de bien mauvaise humeur. S'il aimait son job, il n'aimait pas devoir jouer au flic.

« Bah, le pourquoi, je pense qu'on le connaît, commença-t-il en revenant à la réalité. Une blague comme une autre, peut-être juste d'un goût douteux. Vu le degré de maturité et comme ça n'y était pas hier soir... J'imagine qu'on doit ça à certains des pensionnaires. »

Yuusuke avait un sérieux manque d’humour. C’en était presque affligeant. Au lieu de se prendre au jeu des vannes pourries, le professeur détala comme un lapin afin d’aller chercher le proviseur. Dean le suivit du regard en secouant la tête puis reporta son attention sur les photocopies. Alors qu’il faisait le tour de la pièce, une remarque lui vint aux oreilles. Remarque qui le fit sourire d’avantage. Se tournant vers la personne qui avait parlé il lui adressa et sourire amusé avant de reporter son attention sur ses autres collègues, captant le regard de Cathan qui lui adressa un regard genre « peut-être qu’il en sait plus, lui ? ». Luca ne vint que confirmer cette hypothèse. Arquant un sourcil, Dean les regarda quelques instants, cherchant les bons mots. Puis, affichant une petite moue de réflexion, il lorgna vers les images.

« Sous prétexte que je sois infirmier je devrait reconnaître à qui appartient ces postérieurs ? » Il secoua légèrement la tête « dois-je vous informer que ça ne fait pas longtemps que je suis ici ? Et en tant qu’infirmier scolaire, je précise, je ne vois pas tellement plus de postérieurs que vous tous réunis. » Il haussa les épaules et mit ses mains dans les poches arrière de son jeans, lançant un coup d’œil à Akutsu avant de regarder à nouveau vers Cathan et Luca « je ne peux pas réellement vous aider sur ce coup. Et puis d’abord, pourquoi faire ça ? » Il regarda Cathan plus fixement puis les autres professeurs « vous avez traumatisé quelques élèves et ils veulent vous le faire payer ? »

Ce n’était qu’une connerie dites dans le vent, inutile pour les professeurs d’en faire tout un plat. Soupirant doucement, Dean se tourna à nouveau vers le mur et s’approcha d’une image, la regardant avec un peu plus d’assistance avant de passer à la suivante.

« En tout cas, avec les photocopies en noir et blanc c’est plutôt difficile de différencier les fesses … » Dean se retourna à nouveau vers ses collègues « vous proposez quoi ? On attend la venue du directeur ? Bien que lui non plus ne puisse pas nous aider. » Il attrapa ensuite un bout d’une des images et l’arracha du mur.

Le réveil avait été difficile, comme tous les réveils depuis un certain baiser volé. Non pas qu'il lui ait été difficile de se réveiller - au contraire, Jiro dormait peu et mal depuis cet évènement -, mais il n'arrivait plus à se "lancer". Chaque matin, le jeune professeur avait l'impression de n'être qu'une carcasse vide et d'avancer mécaniquement. Cet état semi apathique le poussait à fuir ses colocataires lorsque c'était possible, et à repousser au maximum le moment où il rejoignait ses collègues. Discuter, faire bonne figure ... tout cela lui demandait un effort permanent ...
C'est donc largement après le départ d'Akutsu et de Dean, que Jiro quitta l'appartement. Heureusement, son troisième colocataire s'appliquait à passer le moins de temps possible avec eux. C'était déjà ça de gagné.

La démarche tranquille et volontairement lente, Jiro prit le chemin de la salle des profs, passage obligé avant la première heure de cours. Les cours ... La seule chose qui l'empêchait de rester prostré au fond de son lit, même quand il s'agissait de la 3-A. Il avait un moment envisagé de demander à ne plus enseigner à cette classe mais ... Quelle explication valable aurait pu justifier à une telle demande ? Et puis, même si c'était difficile, il aimait voir son bourreau involontaire suivre à nouveau ses cours ... Un semblant de masochisme sans doute.

Jiro fut brutalement tiré de ses rêveries amères par un coup d'épaule. Il se retourna pour voir filer à vive allure un professeur d'art furibond, et qui semblait ne pas avoir remarqué qu'il l'avait bousculé. Le brun resta un moment à le regarder disparaître dans le couloir de l'administration, se demandant quelle mouche pouvait bien l'avoir piquée. Certes, il connaissait à peine cet enseignant peu sociable, mais il l'avait toujours imaginé comme quelqu'un de posé et d'extrêmement calme, le contraire de ce qu'il venait de voir passer en somme. Après un léger haussement d'épaule, le jeune homme reprit son chemin et gagna l'antre professoral.

La discussion semblait un peu animée. Après un bref bonjour à l'assemblée, Jiro esquissa un petit sourire.

" Qu'avez-vous fait à Hasegawa-san pour le mettr... "

La fin de sa phrase se perdit au fond de sa gorge alors qu'il réalisait ce qui s'offrait à son regard. La bouche entrouverte et les yeux écarquillés de stupeur, Jiro fit le tour visuel de la pièce en tournant sur lui-même pour contempler l'ampleur des dégâts dans leur intégralité.

" Qu'est-ce que ... "

Son regard passa ensuite sur tous les présents, comme pour s'assurer qu'il n'était pas en train de rêver et qu'ils voyaient bien tous la même chose. Puis la stupeur fit progressivement place à la gêne.
Ce fut les joues rosissantes et les yeux rivés sur ses pieds, qu'il rejoignit l'espace détente avec l'intention de se faire un thé pour digérer tout ça.

Finalement, la journée s'annonçait plus que mouvementée. D'après les propos du professeur de mathématiques, Hasegawa-san aurait mal réagi en voyant l'odieuse décoration de salle... Chose que Miku pouvait parfaitement comprendre. En attendant, elle ne savait pas vraiment où ce dernier était passé... peut-être était-il parti faire exploser sa colère dans un lieu moins peuplé que celui-ci ? Ou alors il était simplement allé chercher la direction... ce qui pouvait sembler logique dans un cas comme celui-là.

En attendant, Miku sourit, avant d'accepter un café proposé par O'Leary-san, heureuse de voir que sa petite blague venait de détendre légèrement l'atmosphère, même si cela ne suffirait pas pour faire digérer cette petite affaire à l'ensemble du corps professoral. S'approchant de son casier, pour vérifier les dires de l'italien par elle-même, la jeune femme ne put que constater que même ces derniers avaient été remplis de ces odieuses paires de fesses. Elle nota néanmoins que l'ensemble des casiers avait eu la chance d'obtenir son lot de photocopies, laissant comprendre que cette petite mascarade ne visait pas un professeur en particulier. Revenant dans la pièce, la jeune femme ne put s'empêcher de glousser en imaginant Dean examiner toutes les paires de fesse de l'école, histoire de retrouver qui étaient les coupables. L'infirmier s'en défendit, rappelant que là n'était pas sa place et que surtout, il n'avait pas les moyens de les reconnaitre. Il avait raison, car à moins d'avoir un fichier informatique avec toutes les empreintes de fesses répertoriées, les enseignants ne trouveraient jamais les responsables de cet acte en restant hébétés devant les photocopies.

Dean, évoqua alors la prochaine venue du directeur. Voilà certainement ce que Hasegawa était parti faire. Malheureusement, ce dernier n’allait rien pouvoir faire de plus et sa venue n'allait pas changer l'inévitable : il allait bien falloir ranger cette pièce. En s'y mettant tous rapidement cela ne devrait pas durer une éternité. En attendant, Miku se demandait bien si les fauteurs de trouble avaient laissé de quelconques indices sur le lieu du crime, mais elle en doutait. Les élèves du lycée n'étaient pas assez bêtes pour laisser tomber un cahier avec leur identité dessus... Elle pouvait bien leur reconnaitre ça.

Ce fut alors au tour d'Egawa-san de pénétrer alors dans la pièce. Elle le regarda découvrir son nouveau milieu de travail avant qu'il ne se mette à rougir et s'écarter du groupe la tête basse pour aller se confectionner un petit thé. Décidément, les réactions des humains étaient bien différentes les unes des autres.

Buvant une gorgée du café servi par l'américain, Miku dégagea les feuilles qui jonchaient son bureau avant de s'asseoir dessus. Elle ne savait, malheureusement, pas trop quoi dire sur la marche à suivre... mais elle tenta pourtant de prendre la parole avec beaucoup de sérieux.

« Comme vient de le dire Moe-sensei, il y a en effet de fortes chances à parier que les responsables soient des pensionnaires. Mais malheureusement, je pense que le mieux à faire, après la venue du directeur, est de rejoindre nos salles de classe comme si de rien n'était et voir si certain lycéen ont des attitudes un peu inhabituelles... mais avant il faudrait peut-être ranger...»

La jeune femme but alors une nouvelle gorgée de café avant de reprendre :

«Et peut-être que la salle des profs n'a pas été le seul lieu visé. S'il s'agit d'une révolte contre l'autorité les bureaux de l'administration ont peut-être aussi été redécorés avec mauvais goût…»

Taichi Takehiko

C'est avec une certaine curiosité que le directeur de la Ginkgo Gakuen sortit de son bureau à la suite du professeur d'art. Peu enclin à s'alarmer pour un rien, il avait pris avec un grain de sel l'ire manifeste de son jeune collaborateur. Il attendait de voir par lui-même l'étendue de l'irrespect de ses élèves pour savoir, si, comme l'avait martelé Hasegawa, le lycée partait à vau l'eau et méritait moult sanctions exemplaires pour faire repartir ces brebis galeuses dans le droit chemin.

Ses années d'enseignement à Todai ne l'avaient effectivement pas préparé au spectacle qui l'attendait dans la salle des professeurs, lieu dans lequel il mettait maintenant peu les pieds alors qu'il se concentrait sur la gestion de son lycée. Être accueilli par tous ces séants lui valut un moment d'agacement comme bien souvent devant l'incompréhension des adolescents par rapport à l'importance que revêtait leur éducation : mais que pouvait bien passer dans leur tête ?!

Son regard passa à nouveau sur les différents professeurs présents, notant qui était choqué, gêné ou simplement amusé par le spectacle, sans grande surprise pour ces derniers. Les mains liées derrière le dos, Taichi Takehiko tourna lentement sur lui-même pour observer l'ampleur des dégâts et finit par s'arrêter sur le plus jeune des professeurs, affichant un sourire qui semblait presque répondre à celui du jeune Moe.

"Spectacle des plus... surprenants. Moe-san, puisqu'il vous amuse autant, vous pourrez le démonter et le garder à vos fins. O'Leary-san vous aidera : il semble du même avis que vous."

Son regard se posa à nouveau sur une photocopie pliée en quatre à même le sol, laquelle avait dû tomber d'un des casiers entrouverts. Pliage ou couleur, rien ne permettait d'ignorer la nature de l'image et le pied de nez qui était ainsi fait aux professeurs.

"Une blague de potache sans réelle gravité j'imagine, faite par quelques élèves bien décidés à prouver leur témérité. Néanmoins, vous conviendrez qu'il est hors de question de laisser passer une telle insolence. Je convoquerai le conseil des élèves et le conseil de discipline après les cours pour leur rappeler leur rôle dans cet établissement et leur demander de trouver les coupables. Quant à leur punition... je la laisse au bon vouloir de mon imagination. Ils ont su prouver que la leur était fertile, à moi de me montrer à la hauteur."

L'homme se caressa distraitement le menton en contemplant son équipe pédagogique et se permit un discret sourire avant de quitter la pièce. S'être décidé à sélectionner des professeurs de différentes origines pour ouvrir les horizons de ses élèves avait peut-être ouvert leurs esprits dans des directions qu'il n'avait pas prévu...

Ses collègues transformés en Sherlock Holmes de fortune y allaient chacun de leur petite déduction plus ou moins perspicace, amusant totalement l'américain qui ne comptait pas le moins du monde participer à leur petit jeu. Il avait bien trouvé un indice auquel il allait jeter un oeil par curiosité, mais aller courir après des adolescents exhibitionnistes... il laissait l'immense plaisir à ses collègues. Comme quoi, les gosses avaient amené du mouvement ici aussi, en les forçant à sortir de leur ordinaire et à observer leurs élèves comme autre chose que de sages petits soldats assis devant eux.
L'irruption du directeur ramené par le prof d'arts interrompit l'ordre naturel des choses, ramenant un calme surréaliste dans la salle alors que chacun s'inclinait devant leur supérieur hiérarchique dans un bel ensemble.

Un petit tour, quelques mots et puis repart, le directeur n'avait guère besoin de plus que cela pour faire connaître son point de vue. On pouvait lui admettre une belle économie de gestuelle qui aurait pu avoir toute sa place dans une entreprise bien différente qu'un lycée. A moins que ce ne soit lui qui n'ai pas le bon point de vue : un lycée devait être mené comme n'importe quelle entreprise.

Il n'était certes pas aussi discipliné que les japonais, mais il savait reconnaitre la défaite et admirer l'autorité parfaitement menée. L'américain s'autorisa juste un sourire en inclinant la tête devant l'ordre joliment formulé du directeur de l'établissement. De toute façon, il était curieux de voir si derrière ces portraits artistiquement cachés se dissimulaient d'autres caméras, et devoir défaire l'exposition lui permettrait d'en être sur sans devoir se justifier devant ses collègues – Akutsu excepté, mais il savait exactement jusqu'à quel point il pouvait baratiner son cadet sans soucis, ce qui n'était pas le cas de ses autres collègues. Sa tasse de café en suspend devant lui, il regarda ses collègues autour de lui, sourire aux lèvres en bon perdant. De toute façon, il aurait bien fallu qu'ils remettent en état leur salle - délicat de travailler dans pareil environnement, même s'il venait surtout ici pour boire un café – et laisser un tel ménage à l'équipe d'entretien aurait été de tout aussi mauvait gout.

" Avant qu'on ne les enlève, quelqu'un veut-il en garder un exemplaire en souvenir ? " ne put s'empécher de questionner l'américain, un sourire ourlé sur les lèvres.

Pour jouer aux fléchettes par exemple, ou dans l'exemple mémorable des extrémités auxquelles pouvaient en arriver des adolescents qui avaient quelque chose à se prouver. Une inspiration pour les générations de professeurs à venir, en quelques sortes, une guirlande de postérieurs pour danser sous leurs yeux et les faire cauchemarder jusqu'à la lie. Voyez vos élèves, voyez ce qu'ils vous montreront d'eux quand vous penserez les avoir apprivoisés.
Honnêtement, s'il avait vraiment été prof, il aurait commencé à songer immédiatement à une reconversion de carrière.

Le café n'eut même pas le temps d'être véritablement entamé. Il en but une gorgée, écoutant les réponses de ses collègues en admirant les réactions des uns ou des autres. Une seconde passa après un sourire en voyant son colocataire rougir devant la vue, alors que la boutade de la seule présence féminine de la pièce lui arracha un très léger rire parvenu là au mauvais moment.

Suivi par un professeur d'arts probablement toujours furieux, le Directeur venait d'entrer dans leur antre pour y admirer la toute nouvelle décoration. Finalement non, contrairement à la plaisanterie de Takeda-san, il semblait bien que les photocopies accrochées partout ne soient pas liées à un projet de l'administration. Il accueillit l'ordre sommeil se devait, avec l'inclinaison de rigueur et en corrigeant son sourire, lequel revint dès que le directeur eut quitté la pièce pour laisser place à un nouvel enseignant.

« O'Leary-san et moi sommes de corvée de nettoyage et le Conseil des élèves se chargera de retrouver les responsables. Rien de bien dramatique jusque-là, le Directeur a pris ça avec plus de décontraction que je ne l'aurais cru. »

Il n'y avait qu'à voir comment il faisait tourner cette école. Akutsu n'aurait pas aimé être un quelconque adversaire de leur supérieur hiérarchique, l'homme savait véritablement où il allait et il supputait que rien ne devait faire vraiment obstacle à ses projets. Rien en tout cas qu'il ne put surmonter ou chasser de sa route. L'homme ne paraissait jamais douté ni du bienfait de ses actions, ni de la mise en œuvre de ses ordres. A raison probablement puisqu'au final, ici, tout le monde obéissait. Rien que de bien normal à ses yeux cela dit, même si perdre du temps à arracher des photocopies de partout ne l'enchantait pas vraiment.

Sans vraiment prêter attention à son voisin qui quittait la pièce, le jeune roux jeta un coup d'œil à sa montre avant de relever les yeux vers Tachibari-sensei. Une ficelle de geta cassée ? On allait au devant d'une catastrophe avec un enseignant aussi superstitieux que lui. De fait, pour ne pas trop lui laisser la latitude de s'affoler auprès d'eux, Akutsu se tourna vers son frère.

« Tu sais, finalement tu pourrais emmener quelques photos pour décorer chez toi. Ça remplacera la photo de la cuisine. »

Une découverte qu'il avait accueilli bon gré mal gré lorsqu'il était venu lui rendre visite. Le soir où ils avaient fêté leur arrivé à Hachioji avait été mémorable, sûrement. Lui ne se souvenait plus de tout en détails et bien moins encore de la toute fin de soirée, mais la photo de lui en train de dormir sur les genoux de Cathan laissait présager qu'il était bien mort. Du lendemain matin il en se rappelait pas forcément la position dans laquelle il s'était réveillé, en fait. Plutôt du mal de crâne qui avait fait écho à ses pensées durant une partie de la journée.

La venue du directeur fut accueillit par un haussement de sourcil de la part de notre jeune infirmier. Suivant le nouveau venu du regard, Dean l’écouta avec un certain amusement. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le directeur semblait le prendre assez bien, pour un japonais et directeur d’un lycée à renommé. L’infirmier, croisant les bras, l’écouta attentivement, ne pouvant que lui donner raison puis esquissa un sourire amusé lorsque le directeur désigna Akutsu et Cathan comme responsable du rangement. Bon, c’était le bon moment pour s’éclipser.

« Je ne pense pas vous être utile ici. » Sourit-il se redressant, se poussant du mur « Je vais voir ce que je peux faire pour vous en soignant les éventuelles patients que j’aurais aujourd’hui, sans pour autant vous promettre grand-chose, hein » Ce disant, il se dirigea vers la poubelle et, mettant la photocopie qu’il venait d’arrachée du mur en boule, il la lança dans la corbeille avant de reporter son attention sur son coloc « et Akutsu, si jamais tu décides d’en garder une en souvenir, accroche la dans ta chambre et pas aux regards de tout le monde dans le salon. »

Il soutint quelques instants son regard, esquissant un sourire malicieux qui laissait transparaître toute l’ironie qu’il avait pu mettre dans sa voix, avant de se détourner. En passant devant Miku, Dean lui adressa un autre sourire, puis sorti dans le couloir, laissant derrière lui l’attroupement des professeurs.

Consciencieusement, Jiro s'appliqua à faire abstraction de la nouvelle décoration de salle tandis qu'il préparait son thé. Même lorsqu'il dut écarter quelques photocopies pour pouvoir poser sa tasse, il réussit à ne pas poser les yeux dessus. Il n'était pourtant pas des plus prudes mais voir autant de postérieurs exhibés de si bon matin, et en un lieu aussi inapproprié, avait de quoi perturber. Penser que certains de ces élèves étaient sans doute dans le lot était encore plus embarrassant. A choisir, il préférait ne surtout pas savoir lesquels d'entre eux s'étaient livrés à ce petit jeu, au risque de se retrouver gêné lorsqu'il devrait faire l'appel ou les interroger.

Les yeux mi-clos pour ne point trop en voir, et plongé dans ses pensées pour faire abstraction des commentaires plus ou moins appropriés de ses collègues, Jiro savourait son thé lorsque le directeur entra en scène. L'assemblée d'enseignants le salua et l'écouta dans un silence un peu surréaliste en comparaison de l'agitation précédente. Le brun jeta un coup d'œil aux deux rouquins qui s'étaient vu assignés au nettoyage, puis salua de nouveau au départ de leur supérieur. Une intervention rapide, nette et efficace, à l'image de Takehiko-san.

Jiro rejoignit son bureau. Dans un petit soupir et un rougissement supplémentaire, il constata que ce dernier n'avait pas été épargné par l'attaque des arrière-trains. Il s'attela donc patiemment à dégager son espace de travail en jetant à la corbeille les photocopies. Cette fois, difficile de ne pas poser les yeux dessus, d'autant qu'il s'assurait en même temps qu'aucun document ne se trouvait coincé entre deux postérieurs.
Une fois cette première étape réalisée, il vérifia que rien ne manquait dans ses affaires. Après tout, quel meilleur moyen de dissimuler un forfait qu'en en réalisant un autre beaucoup plus tape à l'œil ? Un petit sourire effleura les lèvres de l'enseignant : Cathan commençait sans doute à déteindre un peu sur lui pour qu'il se mette à avoir ce genre de pensée.

Il secoua doucement la tête et attrapa le livre dont il voulait faire étudier un extrait à sa classe de deuxième année. Son regard dévia vers les deux photographies posées sur un coin du plan de travail, petit rituel matinal par lequel il saluait mentalement ses amis et sa famille - même si leur souhaiter une bonne nuit aurait été plus approprié vu le décalage horaire avec l'Espagne. Jiro fronça les sourcils, les yeux rivés sur le cadre dans lequel ses amis espagnols l'entouraient. Ou, plus précisément, à côté du cadre, là où aurait dû se trouver la photo de sa mère et lui. Il plongea aussitôt sous le bureau, puis farfouilla sa corbeille à papier, avant de s'attaquer aux piles de polycopiés et même aux livres qui occupaient son plan de travail. Pendant le déménagement, le cadre s'était cassé et il ne l'avait pas encore remplacé. La photo était donc simplement posée contre l'autre et glissait régulièrement. Etait-elle tombée une fois de plus ? Avait-elle glissé lors de la mise en place de la décoration ? En tout cas, elle n'était nul part. Ou alors ... Peut-être l'avait-il emmenée par inadvertance au milieu d'autres papiers ... Dans ce cas, elle devait être dans sa chambre à l'appartement.

Jiro se leva et quitta la salle des profs. Il fallait qu'il en ait le cœur net, tout de suite. Il tenait trop à cette photo pour garder le doute toute la journée.

Lorsque le directeur pénétra dans la pièce, Miku descendit instantanément de son bureau avant de le saluer avec le respect qu'elle lui devait. À peine eut-il franchi le pas de la porte, que le silence s'imposa dans la salle. Ainsi, Taichi Takehiko put découvrir l'étendue des dégâts et commenter à sa guise le nouveau décor de la pièce. Évidemment, il ne pouvait rien faire de plus pour le moment, hormis convoquer le conseil des élèves et le conseil de discipline ainsi que brimer les deux professeurs qui affichaient, un peu trop à son goût, leur amusement face au spectacle de la matinée. En attendant, Miku se doutait bien qu'il allait trouver une punition à la hauteur de cet acte... et il avait raison, on ne pouvait laisser passer ça.

Le directeur sortit alors et Tachibari-san arriva presque instantanément dans la pièce manquant certainement le meilleur moment de la matinée, si on pouvait considérer la punition des professeurs de mathématiques et d'anglais comme bien méritée... De toute manière, comme elle venait de le dire, il fallait bien ranger et surtout trouver un critère valable pour obliger les enseignants à le faire... et le choix du directeur était judicieux.

S'ensuivit une série de disparitions des adultes présents dans la salle : Tizziano-san, dans un premier temps, avait le terrain de sport à installer, Dean s'enfuit à son tour pour retourner mener l'enquête de son infirmerie tandis que Hasegawa-san, sans un mot, salua l'assemblée et disparut, visiblement heureux d'avoir rempli sa mission. La jeune femme se tourna alors vers le professeur d'espagnol qui commençait à s'agiter pour ranger. Enfin, c'était ce que Miku crut sur le coup, car elle déchanta très rapidement, voyant qu'en réalité il était en train de chercher quelque chose sur son bureau. Ce petit manège dura une minute ou peut-être deux avant qu'il ne quitte précipitamment la salle des professeurs. Miku poussa un long soupire, qui en disait long sur ce qu'elle pensait, néanmoins elle exprima à voix haute son sentiment :

« Je rêve d'un monde où la solidarité serait une valeur inculquée depuis notre plus tendre enfance ! Je vais vous aider les garçons et je sens que Tachibari-san a envie de faire de même ! »

Pauvre Tachibari, il aurait dû partir également. Il s'agissait d'une petite boutade qui aurait pour effet de permettre le rangement de la salle plus rapidement. Non pas qu'elle avait des doutes sur les capacités des deux rouquins, mais plus vite cet endroit aurait retrouvé son apparence originelle, plus vite Miku aurait l'impression que la terre tournerait de nouveau rond.

Rassemblant les photocopies qui jonchaient les différents bureaux, la jeune femme se demanda où ils allaient pouvoir mettre tout cela, n'ayant pas de sac à disposition. Enfin, elle ne souleva pas ce point, laissant les désignés d'office trouver une solution à ce dilemme. Jetant un coup d'oeil à la pendule, la jeune femme constata qu'elle risquait d'être en retard pour son cours, comme tous ici. Peu importe, les lycéens avaient l'habitude de la voir toujours en avance et le contraire risquait de leur faire une bonne fausse joie... en espérant que les fauteurs de troubles soient dans le lot des déçus qui croyaient ne pas avoir cours.

Cathan offrit un sourire éclatant à Akutsu en commençant à décoller une seconde feuille. Au final, il l'aimait bien la photo que Gabriel avait pris à leur insu, où ils étaient tous les deux ivres morts – surtout morts – en tous cas plus que des postérieurs anonymes d'étudiants de toute façon trop jeunes. La moitié de ses collègues prit la poudre d'escampette de manière plus ou moins pressée, voir outrée pour certains, sauf Takada-san qui intercepta au passage un Tachibari-san concentré sur sa geta pour leur venir en aide. Le pauvre prof de japonais n'eut même pas le temps de voir ce qui lui tombait dessus.
Souriant, l'américain s'inclina profondément devant la professeur de sciences sociales, lui dédiant un clin d'oeil en se relevant.

" Takada-san, vous êtes trop bonne. Chacun son mur ?"

Pas si motivé à passer deux heures à attraper des fesses – quelque soit la manière dont on tournait cette phrase, elle gardait nombre de sous-entendus qu'il n'était pas pressé d'élaborer – le roux s'activa pour arracher les feuilles avec une violence jouissive, avec une pensée pour le pauvre arbre qui avait ainsi finit ses jours comme décoration postérieur, les empilant les unes après les autres sur un siège libre. Un long sifflement vint enfin ponctuer la fin de son calvaire. Il se retourna pour voir où en était ses collègues, rattrapant au passage son café qui l'attendait et qui avait un peu refroidi. Qu'importe, l'arôme était encore parfait et propice à la détente. Ceux qui pensaient que la caféine du café était un excitant n'avaient jamais véritablement pris le temps de déguster un café.

" Ils ont vraiment été motivés les petits pour en faire autant. Si seulement ils pouvaient donner autant d'eux pendant les cours... Enfin, de la bonne partie, cela va sans dire."

Sa voix était emplie de rire contenu, témoignage qu'il n'y croyait pas un seul instant. Certes, les étudiants japonais étaient sérieux en cours, mais l'exhibition en salle des profs rappelait une vérité : qu'ils n'étaient que des gosses, plus prompts à faire des bêtises qu'à penser à leur avenir, du moins du point de vue d'un américain qui avait du mal à imaginer la lourde pression des cours chez les jeunes japonais.
Cathan jeta un dernier coup d'oeil à son tas de papier qui attendait, presque moqueur, qu'il en fasse quelque chose. Il ne voyait qu'une seule solution pour les faire partir dans une fin digne, et surtout, utile.

" Posez-les tous sur mon tas, j'irais les apporter dans le coin recyclable du local avant d'aller donner mon cours."

Les multiples départs l'avaient moins surpris que d'entendre Takada-sensei se proposer de les aider. Il s'était attendu à ce que comme tous les autres, la jeune femme trouve une excuse plus ou moins vraie pour leur laisser la joie de nettoyer la pièce. Certains, d'ailleurs, n'avaient même pas pris la peine d'en donner. Le professeur d'art était reparti en les saluant brièvement, là où Akutsu le regardait faire en buvant son café, paisiblement installé contre un bureau. Quelques autres encore avaient filé, si bien que ne restaient plus que quatre adultes dans la pièce. Il posa alors son café près de la machine qui le leur crachait en écoutant son frère prendre les commandes.

« Je prends celui-là ! »

Il désigna l'un des murs devant lequel il se planta sans attendre, arrachant avec entrain les photocopies qui le recouvraient. Du beau gâchis de papier, tout de même. Si l'intendant en avait vent, ils allaient sans le moindre doute l'entendre pester un moment, et nulle doute que Murakami-san en entendrait parler. Les professeurs et les élèves étaient tous en passe d'avoir une poupée vaudou à leur effigie et subir mille tortures pour lui octroyer du travail supplémentaire inutilement.

L'idée l'amusait et un léger sourire décorait ses lèvres lorsqu'il posa sur un siège la pile qui l'encombrait. Avec méthode mais guère de minutie, il termina dans un très relatif silence de nettoyer sa partie, achevant à peu près en même temps que ses collègues de tout entasser. Restait une question et non des moindres : où allaient-ils donc mettre tout cela ?

« Tu lis dans mes pensées Cathan ! » lança-t-il joyeusement avant que le professeur de japonais ne prenne la parole.

Après celui-ci, il alla déposer son tas sur celui de son aîné encore occupé à finir son café. Un coup d'œil furtif sur sa montre lui indiqua qu'il était tout de même temps d'aller s'occuper de ses élèves. Les premiers devaient déjà être arrivé et, à la première heure, il n'aimait pas beaucoup rentrer dans la salle longtemps après eux.

« Attendez Tachibari-san, je viens avec vous. Cathan, Takada-san, à plus tard ! »

[HRP : Fin pour moi, merci à tous /o/]

Miku n'avait pas l'impression d'être une bonne poire en faisant le choix d'aider les malheureux professeurs à qui on venait d'affecter le rangement de la pièce. Elle faisait simplement ce qui lui semblait naturel. Tachibari-san, par contre, n'avait pas l'air de cet avis, mais il était maintenant trop tard pour qu'il puisse se défiler. Suivant les consignes du professeur de mathématiques, qui était visiblement ravi d'avoir droit à un coup de main, les quatre adultes s'attaquèrent aux murs, Miku récupérant celui dont personne ne voulait. Ainsi, elle décrocha une à une les photocopies, avant de récupérer celles au sol et sur les quelques meubles présents aux alentours. Étrangement, voir ce nombre incroyable de popotins ne la dérangeait plus, comme si elle venait de s'habituer en quelques minutes à les voir ou peut-être se rendait-elle simplement compte que cette petite plaisanterie n'était pas si grave que cela.

Faisant des tas de feuilles proprement à ses pieds, la jeune femme esquissa un sourire lorsqu'O'Leary-san fit remarquer que si les gamins pouvaient donner autant d'eux pour faire des âneries, ils le pouvaient également lors des cours. La jeune femme voyait plutôt ces lycéens comme des cocottes-minute : ils faisaient ce qu'on leur demandait, mais de temps en temps, il était nécessaire de faire évacuer la pression pour leur bon fonctionnement. Les enseignements avaient ici un exemple d'évacuation de vapeur des plus frappants. Attention, elle ne leur cherchait pas des excuses, elle constatait juste un fait avéré.

L'archéologue essaya alors de ranger son tas pour simplifier le travail du professeur de mathématiques, qui venait de se dévouer pour les amener au recyclage, tandis que Tachibari-san pouvait enfin s'enfuir comme le reste de la bande, suivit de prêt par Moe-san. Miku les salua d'un geste de main tandis que les deux jeunes gens venaient de disparaitre dans le couloir. Se tournant vers la dernière personne présente dans la salle, la jeune femme haussa les épaules, affichant un air amusé :

« J’ai la sensation que Tachibari-san me hait intérieurement ! »

La jeune femme ne le croyait pas réellement, bien entendu, mais Miku restait persuadée que son colocataire aurait aimé s'éclipser rapidement, ni vu ni connu, plutôt que de faire des heures supplémentaires ici avant même d'avoir commencé ses heures de cours. Le superstitieux de la bande venait pourtant d'accomplir sa bonne action de la journée, alors il devrait la remercier !

Finissant son café qui avait bien refroidi, Miku mit de l’ordre sur son bureau et récupéra ce qui allait lui être utile pour la matinée. Terminant de préparer son sac, elle adresse un nouveau sourire à son collègue avant de prendre la porte à son tour sans se retourner.

« A plus tard O'Leary-san ! »

Laissant le rouquin se débrouiller cette fois avec les papiers, Miku quitta la pièce, jetant un rapide coup d’œil à sa montre avant de presser le pas en direction de sa salle de classe. Elle ne serait finalement pas tant en retard que cela et c’était tant mieux ! N’est-ce pas ?