Un jour comme un autre dans la monotonie de la vie de Shikkan. C'était le week end et pourtant il travaillait, c'était comme ça. Il bossait dans un convini, l'avantage, c'était les plages horaires et le fait qu'il n'y avait pas besoin de qualification pour cela. Il suffisait juste de ne pas avoir de casier judiciaire, même si la patron ne pouvait pas obtenir cette réponse officiellement. Il ne pouvait se permettre de mettre à sa caisse un voleur. Shikkan avait passé l'entretien et son look avait posé problème. Il avait finit par mettre en avant sa taille et surtout sa ceinture noire. Pour une fois que son père lui permettait d'obtenir quelque chose. Il avait expliqué longuement avec sa nonchalance habituelle que personne ne pourrait braquer le convini, surtout pendant les heures creuses, les heures les plus vulnérables. C'était un moyen subtil pour Shikkan de se libérer du temps pour ses cours et ses répétitions. Cela avait fonctionné et depuis, il n'y avait jamais eu aucun problème dans la boutique. Peut être car son look était inapproprié, mais sûrement pas pour sa carrure. En réalité, il était devenu "ami" avec les habitués du coin. Certes, ce n'était pas un foudre de guerre et il n'avait aucun sourire affiché sur la bouche, mais il était serviable. Il aidait les personnes âgés à faire leurs courses, attraper les produits trop haut ou porter leurs paniers. Et le plus surprenant, il était devenu "ami" avec les "petits délinquants" du coin. Un jour l'un d'eux avait tenté de voler le magasin, il était tombé sur Shikkan qui avait faillit lui tordre le poignet. Il était revenu quelques jours plus tard avec une bande plus nombreuses et Shikkan était resté stoïque face à leurs menaces. Il avait finit par se lever et sortir du magasin en prenant au passage une batte de base bal qu'il avait mit sur son épaule. Il les avait regardés et il avait attendu calmement. Etait ce le fait qu'il semblait absent qui avait fonctionné ? Ou bien le fait qu'il semblait ne pas avoir peur ? Toujours est-il qu'il n'y eut aucune bagarre ce jour là. Et maintenant Shikkan leurs gardait les produits à date limite qu'il leurs vendait à moitié prix. Un bon marché pour eux et pour son patron.

Alors c'était aujourd'hui un jour comme un autre dans une heure creuse. Il portait son tablier beige avec le logo du petit convini et il vidait un carton pour le mettre en rayon. C'était dommage, c'était une belle journée. En même temps, il ne l'aurait pas plus passé dehors mais avec ses potes à répéter.

Aedan n'avait pas cours aujourd'hui, c'était un jour sans pour tout le monde fallait dire. Sa flemme légendaire l'aurait poussé concrètement à ne pas quitter l'école et à trainer à jouer à la console... Surtout qu'il faisait particulièrement beau et chaud ce qui le poussait principalement à se vautrer quelque part et à ne pas bouger. Ce n'était pas qu'il ne supportait pas la chaleur... Mais cela avait tendance à le rendre encore plus flemmard. Cependant, il avait quand même du se bouger parce qu'il avait des courses à faire au centre commercial. Il se retrouvait donc là bas en ayant quelque peu été ralenti durant le trajet. Habillé d'un pantalon bleu électrique et un pseudo gilet sans manches à tirette et bien évidemment à capuche. il faisait tellement beau qu'il avait du se retenir d'ouvrir entièrement son haut pour être pseudo torse nu, il l'avait quand même attaché jusque mi torse avec sa magnifique capuche en forme de monstre sur la tête. Oui oui même quand il faisait chaud, il ne se baladait pas sans une capuche sur la tête. Mais bon c'était son style dont il ne se séparait jamais, ça n'allait forcément pas commencer maintenant. Il n'empêche que cela ne l'aidait pas à avoir moins chaud. Après avoir trainé inlassablement dans le centre commercial, il avait besoin de se déshydrater. C'était plus que nécessaire. Mais il n'avait pas non plus envie d'aller dans un café, c'était trop loin d'où il était... Il voulait un truc rapidement donc ce fut avec soulagement qu'il se retrouva dans un convini non loin de là où il était. Il lâcha un soupire de contentement quand il sentit la fraicheur de l'endroit l'envahir. Il ne savait pas s'il était climatisé ou pas mais en tout cas il faisait bien bon... Peut-être que ce serait intéressant de rester ici un temps... Avant de se confronter au temps chaud de nouveau. Enfin il verrait... Dans l'immédiat, il voulait juste trouver un truc à boire... Donc il se rendit dans le rayon correspondant à son désir et il prit une boisson bien rafraichissante.

Il remarqua un garçon qui se trouvait non loin de là en train de ranger des produits dans un rayon. Quel magnifique tablier... Mais bon c'était normal il travaillait là bas. Il était plus âgé que lui mais il avait l'impression de l'avoir déjà vu quelque part... Ou pas. Il ne savait plus trop. Enfin peu importe, ce n'était pas important. Maintenant qu'il faisait plus frais, il était davantage motivé à reprendre ses habitudes. Du coup, il se rapprocha du mec en question et il se cacha un peu derrière avant de se mettre sur la pointe des pieds pour regarder par dessus une de ses épaules avant de se remettre derrière lui et de faire pareil pour l'autre épaule. Il s'en foutait un peu de ce qu'il faisait en fait mais c'était marrant d'agir comme ça. Il finit par quitter le dos du garçon pour finalement s'assoir par terre non loin de lui et d'ouvrir ce qu'il avait pris à boire. Il ne savait pas trop pourquoi il le collait lui mais pourquoi pas au fond... Il n'avait plus rien d'autres à faire et il voulait rester dans le convini bien frais.

"Salut..."

Autant commencer par le commencement...Dire bonjour.



[ps: J'espère que ça ira comme poste, sinon n'hésite pas à me le dire ; ) ]

Impression étrange de vider un carton, de le mettre en rayon et de se sentir épier. C'était une impression assez désagréable, si bien que Shikkan finit par se retourner, du moins par regarder par dessus son épaule. Mais il ne vit personne. Et quand il répéta l'opération avec la seconde épaule au cas où, ce fut le même constat. Personne. Normal, le petit filou d'Aedan était très fort à ce jeu. Il fallait être aussi doué que lui à ce jeu là, où le connaître sans doute un peu pour pouvoir espérer le confondre. Toujours est il que Shikkan se comporta comme un gros nigaud qui ne voit rien, jusqu'au moment où il entendit un salut. Il finit par tourner la tête vers cette personne assise à même le sol qui ouvrait une boisson que Shikkan n'oublierait pas de lui faire payer. Ce qui marqua de suite Shikkan s'était le style vestimentaire. Un style kawai attribué à des personnes androgynes qui aimait souffler le chaud aussi bien que le froid. Un gamin pré-pubère qui ne voulait pas grandir et qui avait le syndrome de Peter Pan avec sa capuche. Avait il des griffes aussi et feulait il pour se donner un encore plus de "genre" ? Le ventre à l'air, le futal qui va avec. Il avait du style. Shikkan aimait ça. Mais il faisait vraiment trop gamin. C'était un très mauvais point pour lui. Le deuxième constat qui lui vient à l'esprit ce fut ses yeux. Lui, avait les yeux rouges, mais le gamin en face de lui, lui, il avait les yeux bleus. Gaijin ou lentille ? Difficile de savoir et il faudrait qu'il voit un peu mieux son visage pour se faire une réelle idée du personnage. Shikkan avait été élevé dans le principe même que les Gaijins n'étaient pas les bienvenues. C'était ainsi. Pourtant Shikkan avait demandé à son père pourquoi il lui faisait apprendre dans une école qui en accueillait. Il s'était prit une baffe pour seule réponse. Son père n'était pas un homme violent, mais c'était lui qui dictait les lois de la maison. Et il ne fallait jamais remettre cela en question de quelques manières que ce soit.

"Salut."

Oui, Shikkan n'était toujours pas une personne réactif. Alors Aedan eut tout le temps de voir que Shikkan le dévisageait, le jugeait ou le cataloguait pour ensuite lui répondre. La plupart des gens faisaient l'inverse ou les deux en même temps. Mais faut être rapide pour cela et Shikkan s'en fou de ce que pense les autres de lui. Alors un pied devant l'autre c'est déjà pas mal. Il reprit donc son travail de rangement et tout en effectuant cette tâche rébarbative il dit.

"C'est cent trente yen pour la boisson."

Il ne s'était jamais fait volé, ce ne serait certainement pas aujourd'hui que cela commencerait. Ensuite, si il voulait rester le cul par terre, cela ne le gênait pas tant qu'il ne perturbait pas les autres clients potentiels du magasin.

Shikkan arrêta son geste, la boîte de conserve à la main, surpris par la question. Il resta comme un con à regarder l'étagère en face de lui et à comprendre la question. Pourquoi les yeux rouges ? Personne ne lui avait demandé. Pour son groupe, la réponse était évidente. Pour se donner un genre et accentuer l'effet du groupe. C'était toujours un bon point d'être doué en musique mais aussi de faire attention à son apparence. La vérité c'était qu'il avait voulu tirer un trait définitif sur son père. Les yeux rouges, il n'aurait jamais accepté. C'était une manière pour lui de dire : C'est finit père. Mais il ne l'avait jamais exprimé. Jamais dit. Et ce ne serait pas à un inconnu qu'il le dirait ! Il finit par poser la boîte de conserve après plusieurs longues secondes qui parurent des minutes pour Shikkan. Ses épaules s'affaissèrent et il prit encore son temps pour se tourner, s’asseoir par terre et coller le dos aux étagères derrière lui. L'un de ses genoux était replié vers son torse tandis que l'autre était allongé au sol. Il posa l'une de ses mains au sol bien à plat et il regarda en face de lui. Il hésitait entre lui répondre ou changer de sujet. Il n'aimait pas parler de lui. Alors que faire ? Et bien rester lui-même.

"Et toi pourquoi cette veste de gamin ? Tu as le syndrome de Peter Pan ?"

Oui, tout en finesse et politesse. Sa voix n'avait pas d'intonation colérique ou mauvaise, non, juste neutre. Mais pas sûr que la personne en face apprécie ce genre de questions. Surtout qu'il n'avait pas obtenue ses propres réponses à ses questions. Le téléphone portable de Shikkan sonna et il le sortit de la poche de son tablier pour regarder le nom inscrit : Sakura. Elle devenait pénible à l'appeler tout le temps en ce moment. Depuis qu'elle avait vu sa soeur, elle devenait plus envahissante. Comme si maintenant elle faisait partie de sa famille. Que c'était plus intime. Allait-il devoir casser avec elle ? Cela le faisait chier. Il n'aimait pas s'emmerder à chercher. Mais là, elle commençait à être lourde. C'était déjà la troisième fois qu'elle l'appelait depuis ce matin et ce fut la troisième fois qu'il enclencha le répondeur. Il remit son téléphone à sa place et il tourna la tête vers le gosse. Il le regardait dans les yeux sans rien dire de plus. Il était vraiment une plaie niveau relationnel. Avait-il réellement quelque chose à offrir qui soit vraiment sympa pour les autres ? On comprenait mieux pourquoi il avait peu d'amis. A part sa soeur et les membres de son groupe, il n'y avait personne d'autres. Peut-être qu'en faisant des efforts il y a arriverait. Oui peut être. Mais c'était plus simple de rester distant. On était pas déçu, ou blessé. Il se protégeait ainsi. Chacun sa façon d'agir. Le téléphone sonna une nouvelle fois et il soupira en le reprenant en main. Toujours Sakura. Il posa son poignet sur son genou et seule la sonnerie résonnait dans le magasin. Il baissa la tête, ses cheveux tombant sur les deux côtés de son visage, le cachant partiellement à la vue Aedan.

Shikkan écouta la réponse mais il se moquait bien des paroles qui sortaient de la bouche du garçon. Il était juste surpris qu'il ne le rembarre pas. Au contraire, il lui répondit normalement, sans heurt. C'était agréable. Peut-être que comme lui, il se foutait des engueulades ou des gens. Si ils parlaient, tant mieux, si ils ne parlaient pas tant pis. Juste prendre la vie comme elle vient sans rien attendre. Il garda donc le silence, nul besoin de continuer sur le sujet de Peter Pan. Il l'avait sorti pour le titiller un peu et voir sa réaction. Et sa réaction lui plaisait bien. Mais il paraissait vraiment jeune avec ses fringues. Quel âge pouvait-il avoir ? Quinze ? Seize ans ? Shikkan était nul en physionomie, alors il serait bien incapable de tomber juste. Peut-être qu'il était bien plus vieux, mais il en doutait fortement tout de même. Alors quand son vis à vis lui demanda s’il allait répondre, la réponse était évidente. Il n'y aurait pas de réponse. Il faisait ce qu'il voulait après tout. La sonnerie du téléphone l'irritait tout autant que son congénère, mais il était plus lent à réagir et à réfléchir. Il était tellement absorbé de savoir ce qu'il allait faire de Sakura qu'il n'entendait plus vraiment le bruit de fond du téléphone. Comme une mélodie qui berce nos pensées. Alors quand il lui expliqua qu'il ferait tout aussi bien de l'éteindre, il regarda son téléphone d'une nouvelle manière. L'éteindre. En voilà une excellente idée ! Mais ce serait repoussé le problème Sakura. Il soupira. Il était indécis. Il n'arrivait pas à prendre sa décision. Le téléphone lui rappelait ses obligations, l'éteindre ce serait tricher, se mentir. Il aurait de nouveau le problème quand il rallumerait le téléphone. Alors que faire ? Il n'avait pas non plus envie de décrocher devant lui. Il pourrait se lever et s'éloigner de l'indésirable pour qu'il n'entende pas la conversation, mais il avait la flemme de se lever. Il était bien là.

Et tout d'un coup, un choc. Le téléphone s'arrêta, tombant sur la messagerie et Shikkan tourna très lentement son visage vers Aedan. Bien trop lentement, mais est ce que le jeune s'en rendrait compte ? S’il avait eu le sens de l'humour, c'est exactement ce qu'il aurait fait. Il l'aurait laissé prendre le téléphone et ils se seraient marrés comme deux cons. Il aurait ensuite expliquer tout à Sakura, mais cela aurait été franchement drôle. Sauf que Shikkan n'avait aucun humour. Et surtout, ne venait il pas de sous-entendre qu'il était gai ? Aie. Mauvais. Très très mauvais. Ses yeux se rétrécirent, se fixant sur ceux de son interlocuteur. Il sera un peu plus fort son téléphone portable dans la main, seul autre indice sur la tension qui commençait à gagner Shikkan. Les mots sortirent lentement, avec soin, avec précision.

"Tu aimes les hommes ?"

La question était toute simple. Mais le regard, le ton de la voix et l'attitude un peu penchée en avant pouvait être des signes pour faire comprendre au brun, que la réponse serait déterminante. La réponse pourrait enclencher d'autres choses. Agréable ? Désagréable ? A priori la deuxième solution. Et pour couronner le tout, le téléphone se remit à sonner. Putain de Sakura ! Elle faisait chier là !

Le mec en face de lui était loin d'être un idiot vu qu'il ne voulait pas vraiment lui répondre. Bon point pour lui. S’il ne lui répondait pas, ce serait sans doute mieux. Ils se quitteraient ainsi et ils ne se reverraient jamais plus. C'était le mieux pour les deux. Shikkan continua donc de le détailler, de ne pas le lâcher du regard. Un homo, un sale bâtard d'homo, voilà ce qu'il avait en face de lui. Plus le temps passait et plus il en était persuadé. Il faut dire qu'avec sa veste à la con, il aurait dû s'en douter. C'était qu'un mec efféminé qui devait se caler dans les bras du gros dur. L'image était effrayante. Cela donnait la nausée à Shikkan. Il avait envie de gerber d'un coup. Sa main au sol commença à trembler sous la tension. La réponse fut pourtant déconcertante pour Shikkan. Bi ? Un coup l'un, un coup l'autre ? C'était quoi ça encore ? Soit on était hétéro soit on était homo. Pas les deux !

"Bi ?"

Le mot passa ses lèvres, dans un souffle. L'intonation montrait vraiment qu'il était choqué. Il l'écouta encore parler et son visage se rembrunit. Il n'était plus question de neutralité, là il était mauvais, vraiment mauvais. Il se leva et encore une fois le téléphone sonna.

"P'tain, elle fait chier !"

Il appuya longuement sur le bouton et cette fois ci le téléphone ne sonnerait plus. Le mec en face de lui avait dit une bonne chose au moins. Il était maintenant debout, les poings serrés et il le toisait.

"Tu crois franchement qu'un gringalet comme toi me fait peur ? Tu serais incapable de faire mal à une mouche. Espèce de tarlouze."

Mhum mauvais, très mauvais. Etre homophobe, c'est être violent. Que ce soit par le physique ou par le langage. Et le langage de Shikkan allait être fleurit pour le coup.

"Alors t'es qui toi ? Le mec ? La fille ? La fille bien sûr ! En prime tu es bi comme ça tu ne choisis pas et tu ne te fixes pas. Tellement plus facile d'être à voile et à vapeur ! Sûr que jamais tu seras en couple. Trop chiant hein. Tu préférés enculer et être enculer c'est ça ?"

Shikkan devrait avoir honte de se prendre ainsi à quelqu'un. Au démarrage tout cela était plutôt drôle. Un coup pendable à sa copine, ils en auraient ri et c'était finit. Au lieu de cela, il était entrain de le traiter comme une sous merde alors qu'il ne le connaissait même pas. Shikkan hésitait à avancer vers lui. Car s’il le faisait, il finirait par l'empoigner pour vouloir lui faire du mal. Ces mecs qui aiment les mecs, c'était tous des erreurs de la nature ! Ce que l'on déteste le plus c'est soi-même n'est-ce pas ? Et Shikkan se haïssait. C'était dramatique de se rendre compte de cela. Mais le garçon en face de lui était tout ce qu'il détestait. Un homosexuel ! Pourtant, il aurait dû être plus rationnel. Ne venait il pas de lui dire qu'il était bi. Il n'était pas le genre de garçon qui fasse une chose et le regrette ensuite et dénonce du coup l'autre. Non, il n'était pas l'autre, celui qui l'avait trahit. Mais pour Shikkan, maintenant, tous les homos se ressemblaient. C'était des êtres malades.

Les poings de Shikkan étaient toujours serrés. Il tremblait tant il ne savait pas comment agir. Il ne pouvait pas s'en prendre à un gamin. Mais p'tain c'était un homo bordel ! Un efféminé, une tantouze, une tarlouze, une salope. Peu importait les mots, c'était une aberration. Il se violenta pour lui tourner le dos et il repartit vers la caisse en lui disant.

"Casse-toi d'ici au plus vite."

Non Shikkan n'avait décidément aucun humour.

Souffler, respirer, penser à autre chose. Voilà ce qu'il devait faire et ce qu'il n'était pas entrain de faire. Il y avait un putain d'homo ici, près de lui et il n'avait qu'une seule envie, lui défoncer sa tête. Il réussit à rester plutôt calme devant sa caisse, mais il n'avait qu'une seule envie : Taper. Il fallait qu'il tape, qu'il passe sa frustration, son horreur sur quelque chose. Et mieux valait que ce soit sur quelque chose de solide plutôt que sur quelque chose d'humains. Il ne perdait jamais son sang froid. Vraiment jamais. Mais les seuls fois où il pétait vraiment un câble c'était à cause des homos. Juste d'en parler et il commençait à se chauffer tout seul. Il ne se reconnaissait pas. Il avait pitié de lui quelque part mais c'était une chose insupportable pour lui. Jamais il ne réussirait à vivre ainsi. Le garçon d'il y a quelques années avait tout brisé en lui. Si lui c'était accepté, rien n'aurait été ainsi. Mais maintenant c'était trop tard. Il était devenu un homme virulent face aux homosexuels alors qu'il en était un et qu'il le savait parfaitement.

La pause fut de courte durée car le gringalet s'avançait tranquillement vers lui. Il était con ou il était con ? Shikkan était dans un tel état qu'il suffisait d'un mot pour qu'il lui saute le dessus. Le problème c'est qu'il risquait de l'emmener direct à l’hôpital et du coup, il perdrait sa ceinture, ses trophées et son club. Il s'en fichait complètement, car cette passion lui avait été inculquée par son père. Mais en être arrivé là et tout perdre maintenant, ce serait bête. Alors il continua de serrer ses poings fortement, s’il avait eu des ongles longs, il se serait sûrement fait saigner. Et il le regarda avancer vers lui. Il pensait qu'il venait vers lui pour le payer. Il n'était donc pas sur une quelconque défensive, bien au contraire. C'était lui le plus fort ici, pas le petit. Alors quand il le prit par le tablier, ses yeux s'écarquillèrent. Quoi ? Il faisait quoi là ? Trop abasourdi et totalement déstabilisé par ce geste, il se laissa faire. Il était tellement ailleurs qu'il ne fit pas de geste de recul ou quoi que ce soit. Il se pencha vers lui et ses lèvres s’entrouvrirent sous le baiser de mioche. Mouillé, tourbillonnant, virevoltant, indécent ! Il s'agissait d'une violation et Shikkan n'aurait jamais cru le subir d'un jeunot. Lui, le grand, l'adulte, il venait de se recevoir une sacré claque. Il l'écouta et il regarda la porte s'ouvrir sur lui. Il disparut de sa vue et Shikkan s'assit sur le tabouret. Déboussolé. Il leva sa main à sa bouche. C'était con, mais il rougissait comme un gamin. Aimer et être aimé. Il aimerait vivre cela. Avec un autre homme. Avoir un véritable baiser, un échange, un partage. Il n'avait subi ou donné que des baiser volés. La preuve encore aujourd'hui.

Puis la surprise laissa place lentement à la colère. Qui ? Qui était-il pour lui faire cela ? Qui était cette tantouze pour agir ainsi avec lui ? Il se leva d'un bond, envoyant valser dans son dos le tabouret. Il passa les portes du magasin et il regarda le dos du gamin qui s'en allait tranquillement. Il n'était pas inquiété du tout, c'était le moins que l'on puisse dire. Shikkan ferait mieux d'en rester ainsi. S’il le poursuivait, il perdrait à coup sûr son job. Du coup, il aurait des dettes. Il devrait trouver vite un nouveau job. Il risquait d'être viré de nouveau de Ginkgo. Il ne verrait plus sa soeur. Tellement de choses. Un simple geste, et il perdrait tout. Comme la première fois. La porte se referma, il était à l'intérieur du magasin. Il serrait ses poings. Il avait mal, si mal. Il attrapa le trousseau de clé et il ferma la boutique, du moins les portes et il finit par courir après le petit con.

"T'as intérêt à courir vite connard !"

Il n'était pas pour la discrétion. Il s'en foutait. Il allait lui fracassait sa petite gueule d'ange sur le bitume ! Voilà ce qu'il allait faire à cette sale petite pute.

Courir, c'était une notion facile à comprendre. Il n'y avait pas à réfléchir, juste à courir. Il avait un but, ce but était devant lui. Un gamin au couleur électrique et avec un style vestimentaire qui ne passait inaperçu. Inutile de dire qu'il ne le louperait pas. Shikkan ne s'était pas rendu compte en le poursuivant qu'il allait le tabasser devant plusieurs témoins. Il serait bon pour la tôle en prime ! Sa vie ruinée. On peut dire que les homos lui ruinaient sa vie à chaque fois. Ironie du sort ? Pas la moindre idée. Il avait toujours son tablier autour de la taille et il évitait les gens au maximum, continuant sa course, ne regardant que devant lui, ne regardant que lui pour ne pas le perdre. Humilié, trahit, souillé. C'était un maelström de sentiment. Jamais ils ne pourraient être amis. Jamais ils ne pourraient rire de toute cette situation. Il ne se doutait pas un seul instant que le gosse qu'il poursuivait faisait partie de la même école que sa soeur. Cette école. S’il savait, il se dirait que cette école y était aussi pour quelque chose dans ses mésaventures. Tout cela risquait de retomber sur sa soeur aussi ... Si Shikkan le savait, il arrêterait tout, il oublierait, autant qu'il le pourrait. Mais il ne savait rien, alors il continuait de courir à grandes foulées. Il aurait dû rattraper le petit démon depuis longtemps, mais celui-ci était doué pour la course. A croire qu'il faisait cela souvent. Cela ne le rendait que plus hargneux encore. Ce qui n'était pas une bonne chose.

Il commença à réaliser qu'il y avait bien trop de monde quand il rentra dans le centre commercial. Cela devenait plus difficile de courir. Il fallait jouer des coudes, éviter les enfants, laisser passer les personnes âgés, cela devenait un slalom. De plus, le mioche n'avait plus sa capuche et le reconnaître devenait difficile. Il le perdait souvent de vue mais il réussissait à le retrouver in extremis. Il n'entendit pas sa dernière phrase car c'est à ce moment-là qu'il percuta un couple. Il dut s'arrêter et s'excuser platement pour reprendre sa course. Et là, rien, le vide. De nombreuses personnes qui vont à droite, à gauche, tout droit ou vers lui, mais l'inconnu : Nul trace. Il venait de le perdre. Il chercha dans les couloirs en regardant dans les magasins, mais c'était foutu. Il venait de le perdre. Sa colère disparut, la lassitude le gagna. C'était con mais il se serait bien arrêté pour chialer. Ouais très con quand même. Mais là, c'était les nerfs qui lâchaient. Et même si il était habitué ou autre, il n'était pas habitué à gérer ses sentiments personnels. Et ce type l'avait touché. C'était un salaud de la pire espèce. On ne fait pas cela aux hétéros ! On ne fait pas cela aux homos refoulés à cause de leur histoire passé. P'tain il l'aurait bien buté juste pour ça ! Il se passa une main sur son visage. Il était claqué, il reprenait son souffle tant bien que mal. C'était finit.

Il fit donc demi-tour pour repartir au magasin. Avec un peu de chance son absence serait passée inaperçue et il en perdrait pas son job. Mouais, on peut rêver. Toujours est-il qu'il ne valait mieux pas qu'il revoye ce fils de pute ! Maintenant cela devenait une affaire personnelle. Gamin ou non, il mangerait. Il remit son téléphone en marche et il consulta ses nombreux messages de Sakura. Il les effaça tous. Il n'y en avait aucun de son patron. Il passa le téléphone en mode vibreur et il quitta le centre commercial. De toute façon qu'aurait-il bien pu faire dans ce lieu si fréquenté ? L'emmener dans les escaliers ou les toilettes. Guère plus. C'était foiré d'avance.