Encore un jour comme les autres. Interminable, long, affreux. Un peu de temps avait passé, pas trop, juste un petit peu. Keith était toujours pareil à lui-même, il n'avait pas des masses changé malgré les quelques (més)aventures qu'il avait essuyées, notamment celle des douches. Bon, ne nous rappelons pas l'épisode, passons à autre chose. Oui, il fallait se changer les idées ! L'été avait commencé, cela faisait déjà un peu plus de deux semaines. Les pensionnés allaient et venaient dans l'école mais le plus souvent, celle-ci restait vide. La plupart partait en vacances avec leurs parents ou entre amis. Keith non, enfin pas encore. Il voulait profiter de l'aubaine pour rester seul, encore une fois, avant de partir retrouver sa propre famille. Il n'était pas pressé. Et en déambulant dans les couloirs presque comme un automate, le petit blond déboucha sur la salle de permanence, où il avait déjà passé quelques heures lorsqu'un professeur s'absentait ou qu'il n'avait pas de cours.

L'ambiance de la salle semblait étrange. D'habitude trèèès animée, voilà qu'elle se trouvait complètement vidée de ses chambardeurs. Même si le désordre y avait été conservé. Des tables placées n'importe comment, parfois une chaise renversée, un livre oublié ouvert et retourné, des feuilles blanches abandonnées, des trucs ainsi. Limite si on ne pouvait pas reconstituer la scène du carnage, comme le font les archéologues lorsqu'ils débusquent un vestige ancien datant de l'ère romaine. Keith s'avança dans la pièce, remettant machinalement les objets en place sur son passage, sans s'en rendre vraiment compte. Pas qu'il aimait l'ordre mais bon...là...

Et tout en observant les dégâts, il remarqua à peine qu'il n'était pas seul. Quelqu'un travaillait déjà dans le fond de la salle, trop loin pour lui permettre de l'identifier clairement mais lorsqu'il s'en rapprocha, il esquissa un léger mouvement de recul. A nouveau, il s'agissait d'un garçon et les souvenirs de Yunnosuke lui vinrent en tête, tirant la sonnette d'alarme dans un coin reculé de son cerveau. Le blondinet fit donc mine de ne pas l'avoir remarqué et l'ignora, poursuivant son exploration hasardeuse de la pièce. Seulement, il en fit bien vite le tour -ce n'était pas bien grand- et s'en trouva ennuyé. Le travailleur l'avait-il remarqué ou non? Le stress débutait son installation dans ses membres, pour ne rien arranger.

Keith retourna bien vite vers l'avant de la salle, profitant de la distance à peu près convenable entre lui et l'autre, prit les quelques feuilles laissées pour compte, releva sa chaise, s'installa bien confortablement, débusqua un crayon sous la table et commença à écrire. Quoi? Il n'en savait encore rien et s'arrêta en plein élan. De temps à autre, il jetait des coups d'oeil précipités en direction de l'autre jeune homme, puis reportait son regard sur sa feuille blanche. Il suçota alors brièvement la mine du crayon pour se distraire de sa petite préoccupation, puis écrivit pour de bon. La seule idée qui lui vint en tête fut une partition de musique, pour son violon. Violoniste, ce destin lui plairait beaucoup, encore fallait-il qu'il soit exceptionnellement doué en la matière, même si pour l'instant, il ne se débrouillait pas trop mal.

Quelques notes griffonnées à la hâte, vite effacées avec la gomme au bout du crayon à peine usée, Keith cherchait les bons accords pour un violon. Une musique qui ne soit ni lourde, ni trop difficile à jouer. Et rien que cela lui faisait oublier qu'il y avait quelqu'un de plus que lui, tant l'écriture lui prenait toute sa réflexion et son imagination. Le stress s'était légèrement envolé pour faire place à de l'excitation et de la minutie. Ah ! La première ligne correspondait avec ses idées. Pourquoi ne pas la jouer lorsqu'il en aurait terminé ? Pour vérifier, rien de tel qu'un essai pratique.

*J'irais chercher mon violon après, je termine ça en premier. Bon...et la suite?*

Keith replaça une mèche de cheveux rebelles qui venait de s'intercaler entre ses yeux et sa page musicale, rompant sa concentration. Il mordilla à nouveau le crayon, évaluant les diverses possibilités, puis reprit son ascension. Il y passerait la journée s'il le fallait ! Lorsqu'il faisait quelque chose, il avait la fâcheuse manie de le continuer jusqu'au bout sauf si un clic venait fracturer sa chaîne de concentration, imagination et désir d'arriver au bout de ses peines. Plus que les dernières notes à présent, ses doigts filant comme l'éclair sur le papier, la suite ne se faisant pas attendre. Puis enfin, Keith déposa son crayon et examina le résultat, sceptique mais tout de même fier de son petit travail. Quelques dizaines de minutes à peine s'étaient écoulées mais il en avait déjà oublié les alentours. Comme quoi, l'objet le plus bête en soi peut parfois servir d'intense distraction. Pratique.

La journée avait pourtant bien commencée. Il avait laissé sa mère en ville la veille et s'était redu à l'école, son domicile pendant les vacances puisqu'elle partait en voyage d'affaire puis de vacances avec son nouveau Jules. Il en avait profité pour se coucher tard et de ce fait, la matin même avait largement bénéficier d'une grâce matinée. Une comme il n'en avait plus connu depuis bien longtemps, tant sa génitrice aimait remplacer son réveil pour le sortir du lit à 9 heures tapantes. Cette fois, disais-je donc, il avait ouvert un œil à 10h30, et ouvert le second quasiment une heure et demi plus tard. Ce fut la tête enfariné qu'il prit son déjeuner, avant de prendre son carnet, un crayon à papier et l'appareil photo.

Il avait passé toute son début d'après-midi en ville, à chercher de jolis endroits qu'il pourrait photographier pour ensuite s'exercer au dessin. C'était sa nouvelle lubie. Ca avait le mérite de l'occuper tout en lui permettant d'entretenir l'adresse de ses doigts fins. Il rentra donc vers 15 heures et s'installa dans une salle qu'il savait être vide. Personne ne mettait un seul orteil en salle de permanence durant les vacances, encore moins avec le soleil qui éclairait le parc. Il s'était installé au fond, avait sorti ses affaires et commencer son œuvre : une devanture de boutique de luxe à l'architecture assez ancienne.

C'est là que tout avait dérapé. Il n'arrivait pas à donner l'effet qu'il voulait à son croquis, si bien que ça lui semblait morne et il ne voyait pas comment rattraper ça. Sa bouche trouva le bout du crayon qu'il mordilla, alors que le coude appuyé sur la table pour soutenir sa tête commençait à devenir douloureux. Il soupira et prit finalement la feuille pour la rouler en boule avant de la jeter dans la poubelle, à quelques mètres de là.

La porte s'ouvrit quand il se remit au travail. S'il s'évertua à ne pas regarder le nouveau venu, ce ne fut pas pour autant qu'il réussit à se concentrer sur la feuille blanche. Le bruit que faisait l'autre en écrivant et gommant ne l'aidait pas, mais il ne pouvait pas décemment lui reprocher de le déranger. Un nouveau soupire se fit entendre. Il posa le crayon. C'était nul. Les quelques traits disposés sur la feuille désormais un peu moins blanche n'étaient pas bien mis, du coup il le savait déjà, la devanture de boutique ne ressemblerait pas à la vraie. Sa main chercha une gomme, en vain. Il n'en avait évidemment pas amené et fut surpris de ne le constater que maintenant.

« Excuse-moi ? »

Pas d'autres choix, donc, que d'emprunter celle du garçon. Il l'espérait pas trop pénible, ni du genre à lui réclamer l'instrument toutes les dix secondes. Enfin, déjà, il espérait qu'il la lui prêterait, cette fichue gomme! Sinon il serait condamné à aller chercher la sienne dans sa chambre, emportant toutes ses affaires à l'aller comme au retour. Pas qu'il soit méfiant mais si, en fait, il l'était. Et puis il n'aimait pas qu'on voit ses dessins tant qu'ils n'étaient pas terminés et réussis. Surtout réussis.

« J'ai pas de gomme, t'en aurais pas une ? »

Il avait oublié un truc là non ? Une brève réflexion finit par lui faire comprendre qu'il avait royalement zappé l'essentiel : le mot magique. Il tenta donc un sourire, rendu peu engageant à cause de son agacement, et ajouta plus calmement.

« S'il te plait ? »

Et voilà, maintenant il était irréprochable. On ne pourrait pas lui dire qu'il manquait de politesse, on se présentait tout de même assez rarement quand on avait besoin de si peu. Mais si le garçon le désirait tellement, il pourrait toujours lui donner son nom. Ca ne l'avancerait pas des masses, mais qu'on n'aille pas lui dire qu'il manquait de bonne volonté.

Des bruits de feuilles attisèrent son ouïe, mais du côté négatif. Mais que fabriquait donc l'autre dans son coin? Keith y jeta un bref petit regard, suffisamment long pour observer la descente en corbeille d'une jolie boule de papier, probablement celle qu'il avait entendue se froisser. Et le garçon qui l'avait jeté...limite en train de s'arracher les cheveux, en feignant de ne pas remarquer le blondinet. Tant mieux, ça l'arrangeait lui-même. Parce qu'interrompre ce genre d'individu frustré ne mènerait sûrement à rien de bon, Keith étant le maître des scénarios à catastrophe. Ce qu'il risquait? Bah, au pire une bonne raclée, un racket, un deuxième viol, des attouchements, une mise en esclavage, un...

"Hmm?"

En levant les yeux de sa partition, il LE vit là debout, à quelques mètres, en train de le regarder et de...sourire. Mais oui, il lui souriait ! Quoi donc? Qu'est-ce qu'il venait donc de faire de si hilarant? Les sourcils du blondinet se froncèrent légèrement. Lui aurait-il parlé par le plus grand des hasards durant la petite réflexion du jeune homme? Sans doute...Fallait-il lui répondre quelque chose ou son "hmm" sortant de sa rêverie cauchemardesque suffirait? Que de questions, que de questions tandis que le fait que ce jeune homme le regarde ainsi fixement sans bouger le moindre orteil le mettait mal à l'aise. Bon d'accord, il avait souri mais...franchement, on avait vu mieux comme sourire m'enfin ! On aurait presque dit un hyppocrite là !

C'est alors que l'autre jeune blond [si je me n'abuse sur l'avatar, il est blond Tsuki?] lui posa donc LA question fatale qui fit trembler les murs de la salle et tourbillonner la tête de son interlocuteur. Une gomme !? C'était donc cela qu'il était venu chercher? Une gomme? Mais Keith n'en avait pas de gomme ! Oubliant bien sûr par ce fait qu'il en tenait une, au bout de son crayon "emprunté" à cette petite salle. Et cela ne lui fit clic que très, très tard, sentant alors le bois dur dudit crayon lui meurtrir les doigts après quelques minutes d'oubli. Le déclic se fit donc et le jeune homme posa les yeux sur l'objet comme s'il représentait une denrée rare.

"Euh...Si j'en ai une, mais y'a le crayon avec seulement..."

Sa voix avait de la peine à sortir et Keith se demanda même si l'autre l'avait entendu, tellement il avait parlé bas. A tout hasard, il refit un essai et répéta sa phrase sur un ton, il l'espérait, plus haut et plus convaincant, sans toutefois en rajouter des tonnes, tellement c'était pas trop le moment de se fiche de sa petite personne. Son interlocuteur rajouta même, avant sa deuxième tentative, LE mot magique qui ouvrait toutes les portes de la charmitude: "S'il te plaît" ! Oui, si ça lui chantait à Keithou qu'il lui passe cette foutue gomme !

"Tiens...J'en avais fini de mon côté de toute façon."

Il lui tendit l'objet, tremblant légèrement, n'étant pas très assuré de ce qu'il faisait même si le geste pouvait sembler des plus banals en soi. Ben quoi? Il l'intimidait l'autre avec ses grands airs, même s'il n'y en avait pas réellement. Juste un sourire crispé et de petits yeux tout mielleux, tout doux, tout mignons pour subtiliser cette fichue gomme, objet de tous les désirs de cette salle de permanence. Elle avait beau être vide, cette salle, il s'en passait des choses rien que sous le nez des deux compères qui ne se lâchaient pas des yeux, l'un tenant à bout de bras le crayon et l'autre tendant la main (je suppose) pour s'en saisir. Pendant un instant, Keith crût même que la scène s'était figée ou même mise au ralenti tellement ils s'efforçaient de garder leur immobilité, ou presque. Et le silence prolongé n'aidait pas à la détente.

Et pourtant la scène n'était pas figé. Tsuzuki se saisit du crayon, hochant la tête en signe de remerciement et alla effacer l'affreux trait qui barrait son esquisse de croquis. Concentré, il s'assit à nouveau en fixant la feuille, cherchant comment il pourrait s'arranger pour ne pas se tromper à nouveau. Quand il trouva enfin, cinq minutes devaient être passées, dans un silence à peine troublés par les deux compères. Qu'il aimait cette ambiance calme! Elle ne devait néanmoins pas être au goût du jeune homme qui se trouvait avec lui. Bien qu'il n'ait fait aucune remarque, le tremblement de sa main ne lui avait pas échappé.

Avec un soupir mental, il se leva à nouveau et alla rendre l'objet de toutes les attentions à son possesseurs, ou celui qu'il estimait comme tel. Allez savoir dans cette pièce ce qui était réellement aux gens et ce qu'ils s'étaient appropriés en entrant. Le bazar infernal sautait aux yeux de n'importe qui, agressait toute personne sujette à la maniaquerie. Heureusement, tel n'était pas son cas, aussi trouvait-il ça presque amusant de slalomer entre les chaises écroulées (qu'il n'aurait redressé pour rien au monde), les feuilles qu'il éjectait sur le côté avant de marcher, pour ne pas glisser et se faire franchement mal et enfin les objets divers, dont certains à l'allure douteuse, qui encombrait le plastique du sol.

D'ailleurs, pourquoi les sols des écoles étaient en plastique ? Ca glissait pour tout et rien, c'était moche. Le seul avantage qu'il y voyait était que c'était plus simple à nettoyer que du parquet, toutefois, il doutait que les architectes construisent les bâtiments et que les gens commandent le revêtement des sols en fonction des équipes de ménage (ou des élèves, comme il s'agissait souvent d'eux en période scolaire). Quant au carrelage n'en parlons pas et avec les talons des professeurs, ça aurait fait un tel raffut que c'était inenvisageable. La moquette étant facilement salissable... Tsuzuki opta pou une question de coût, et haussa un peu les épaules avant de déposer en douceur le crayon sur la table de l'autre blond.

Il resta là quelques instants, sans bouger ne serait-ce qu'un doigt, attendant que l'autre lève la tête pour le regarder. Ce fut seulement quand il le fit que le dessinateur se permit une ébauche de sourire rassurant. Il voulait comprendre, non pas par curiosité mal placée, mais parce que s'il était habitué à intimider, il ne comprenait pourquoi le jeune homme tremblait. Il savait qu'il n'avait en rien l'air menaçant, juste renfermé sur lui-même et peu enclin au dialogue. Choses vraies par ailleurs, il n'était pas d'humeur à lier connaissance, pas plus qu'à s'ouvrir aux autres.

« Je vais chercher ma gomme, tu peux me garder mes affaires ? »

Pourquoi lui faisait-il confiance au juste ? Se demanda-t-il en ôtant sa main, laissant retomber dans un bruit clair le crayon de bois. Tsuzuki observa sa table, nettement visible d'ici. Il n'y avait rien de bien important dessus, même si l'autre s'emparait de ses maigres affaires, il ne perdait vraiment pas grand chose. Et puis en le voyant ainsi, il ne l'imaginait pas s'enfuir comme un voleur, trois feuilles te un crayon à papier sous le bras. L'image elle-même était ridicule.

« Je m'achète une boisson au passage, tu veux quelque chose ? »

Et là c'était l'incompréhension totale. Quel besoin avait-il de se montrer si aimable ? Presque gentil... C'était tellement étrange de se part qu'il en oublia momentanément de fermer la bouche. Puis il se reprit, et se dit que l'autre avait l'air blessé, presque fragile quelque part, alors ça devait jouer sur ses sentiments. Il n'avait pas pitié, enfin il ne lui semblait pas que c'était ça, mais il... comprenait ? Compatissait ? Les deux sans doute.

[Clair que ça va mieux quand mon msn est fermé ]

Le jeune homme, accessoirement plus grand et doté de la même couleur de cheveux qui aurait peut-être pu tisser un lien entamant une conversation telle que: "Tu viens d'où? Tu as des origines étranges, toi aussi?" ou quelque chose du style. Eh ben non, Keith ayant perdu l'habitude de questionner les gens de la sorte, garda le silence et en ferma la porte à clé. En fait, toute personne étrangère à lui l'intimidait, c'était dire la lourdeur de l'ambiance actuelle de la pièce. Et l'autre blond ne semblait pas décider à débiter un mot de plus, lui non plus. Deux asociaux en pleine rencontre, ça en faisait des étincelles ! Keith tentait de maîtriser le tremblement incontrôlable de ses membres, surtout dûs au stress intérieur qu'il combattait et faisait partir son oeil gauche en vrille, en même temps que sa main.

Mais son compagnon de salle se contenta simplement de prendre le crayon avec sa gomme associée et de retourner s'asseoir à sa place pour gommer ses traits malfoutus ou irréguliers. Keith garda les yeux rivés sur lui un moment, le temps de s'assurer qu'il ne risquait rien, absolument rien. Ayant maîtrisé sa petite peur, il se surprit à éprouver une légère curiosité envers ce que fabriquait son camarade, sans toutefois oser s'approcher ne serait-ce que d'un pas pour zieuter ce qu'il faisait. Il écrivait? Il dessinait? Il notait quelques mots-clés pour un devoir de vacances?

Ce n'était bientôt plus la peine: le "camarade" se relevait bientôt de sa chaise pour rendre ledit objet précieux à son...hum...légitime propriétaire du moment, dirons-nous. Ledit propriétaire n'ayant toujours pas bougé de place, ni même plié sa feuille pour la ranger en poche. Il avait fermé les yeux durant ce temps-là, pour se convaincre qu'il était bien seul, puis les rouvrit sur le deuxième gars, un peu plus calme que la tout de suite. Bon, c'était déjà ça, hein. Les questions lui brûlaient douloureusement les lèvres, effrayé tout de même à l'idée de les poser, et de ne rien obtenir de positif de la part de l'Autre. Oui oui, voilà qu'il commençait à l'idéaliser et à l'élever au sommet d'un piédestal infranchissable !

* Je pourrais toujours la poser ma question...Au pire, il ne répondra pas. Mais s'il répond et me la balance dans la gueule? Et qu'il commence à me harceler par la suite? Ou...Bah qui ne tente rien n'a rien...*

Effectivement, qui ne tente rien n'a rien. Raison pour laquelle, il se tut, observant les mouvements du second qui déambulait à présent dans la salle jusqu'à s'arrêter soudain, net, regardant dans sa direction. Le crayon avait été déposé, Keith l'avait fixé un petit moment sans oser le toucher. Pas vraiment parce que l'idée le stressait d'autant plus [il est en train de me stresser moi, cet andouille xD] mais tout simplement parce qu'il n'en avait plus besoin à l'heure actuelle et ne savait pas comment l'annoncer sans blesser toutes les petites attentions du blond pour le lui rendre. Au terme d'une intense rikiki réflexion, le petit blond prit l'objet et le fit glisser dans la poche de son pantalon, à tout hasard. Un crayon pouvait toujours être utile après tout, même après avoir servi.

Lorsqu'il leva les yeux vers celui qui avait eu l'amabilité de lui rendre son crayon en bon état, il rencontra un sourire qui se voulait rassurant. Essayant de répondre à ce sourire pour ne pas trop éveiller les soupçons, Keith en tenta un mais il en avait tellement perdu l'habitude que son sourire se pinça avant de se figer sur ses lèvres et de mourir au bout d'à peine quelques secondes, ne voulant pas paraître trop ridicule aux yeux de l'Autre.

"Désolé j'ai comme...un problème aux...zygomatiques..." chercha-t-il à ânonner comme excuse. Piètre excuse mais qui le mettrait à l'abri dans un premier temps.

L'autre blond lui adressa alors la parole, lui demandant de surveiller ses affaires, le temps qu'il aille chercher sa propre gomme -encore une histoire de gomme?-, ce à quoi Keith répondit par l'affirmative, sans ajouter un mot. Le jeune homme rajouta qu'il irait ensuite s'acheter une boisson au distributeur, et s'il n'en désirait pas une lui aussi. C'est vrai qu'à rester confiné dans cette pièce, on finissait par avoir chaud et soif à force. Donc au lieu de refuser bêtement une offre aussi généreuse, Keith décida d'accepter pour son propre bien et pour ne pas finir déshydraté par cette chaleur de tous les diables !

"Je veux bien. Un thé au citron, c'est possible? Je te rembourse la canette à ton retour, si tu veux..."

Ce fut une petite voix timide qui sortit de sa bouche, le jeune homme la refermant rapidement. Pas qu'il n'aimait pas sa voix mais les moqueries qui en résultaient le mettaient fichtrement mal à l'aise. A tel point qu'il osait à peine parler à présent ! Enfin...jusqu'à présent, il n'avait pas rencontré grand-monde de ce type-là à Shokuboo mais qui sait. Un agneau d'apparence peut très bien devenir un loup à certaines actions ou paroles bien précises. Autant ne pas trop chercher la petite bête chez les gens de ce côté-là et tout irait bien dans le meilleur des mondes.

Tsuzuki haussa les épaules, sans chercher à répondre explicitement à Keith. Rembourser la canette ? Pour ce que ça coûtait franchement ! Mais bon, c'était aimable à l'autre de le lui proposer, bien des gens se seraient contenter d'approuver vivement, trop heureux de ne pas avoir à débourser un centime. L'avarice des humains était un sujet sur lequel on pouvait longuement débattre. Il fallait dire que ça prenait des proportions énormes parfois, comme laisser crever de faim des millions de gens parce que ça « revenait trop cher » de les nourrir... Foutaises ! Avec un peu de coordinations et pas mal de bonne volonté, on pouvait y arriver. L'argent c'était quoi au fond ? Des bouts de papiers, des pixels et du métal. Bien peu de choses, par rapport aux victimes de la famine...

Ce fut donc sur des pensées joyeuses que le 3A se rendit dans sa chambre pour y récupérer tout ce qui lui manquait. La tranquillité de la pièce était étrange. Il ne croisait pratiquement jamais son colocataire, ce qui somme toute était probablement préférable, vu son caractère. Non, il ne l'aimait pas, mais on ne lui avait pas tellement laisser le choix, et l'idée de remballer ses affaires pour aller dans une autre pièce lui semblait totalement abracadabrante. C'était lui le premier arrivé, si l'un d'eux devait partir, ce serait le nouveau venu.

Toutefois, il était en cet instant bien loin de ces préoccupations primaires. Vérifier qu'il avait tout représentait à ses yeux un challenge nettement plus important que cette puérile guéguerre entre ados. Il fit donc le compte, usant même de ses doigts pour s'assurer n'avoir rien oublier et finalement sortit de la pièce, refermant avec soin la porte derrière lui. Le couloir vide qu'il traversa dans le sens inverse de son arrivée lui fit prendre pleinement conscience du nombre de départs durant les vacances. Malgré l'arrivée du voyage aux USA imminente, beaucoup d'internes avaient choisis les vacances avec leurs parents, même s'ils ne pourraient peut-être plus jamais aller aux States de leur vie. Ça n'était pas lui qui les blâmerait, il ne comptait pas s'y rendre non plus...

* Bon, le distributeur...*

Arrivé dans le gigantesque hall de l'école, le jeune homme stoppa tout mouvement. Il n'arrivait jamais à se souvenir où se trouvait la machine qu'il cherchait. Toutes les fois où il avait envisagé de se prendre une boisson, il avait soit renoncé, soit effectué des tours sur lui-même, comme maintenant, mais en plus grand nombre les jours où il y avait foule. Il finit par la repérer, à droite de l'une des portes d'entrée. Elle avait encore et partiellement taguée, et il eut une pensée compatissante pour le concierge de l'école qui devrait – encore – la nettoyer et s'en approcha à grand pas.

Il se planta devant, droit comme un I avant de vérifier qu'il y avait bien ce qu'il voulait. Manque de chance, si lui avait bien le thé vert qu'il désirait, il n'en était pas était pas de même pour la canette de thé citron qu'on lui avait demandé. Une fine grimace apparut donc sur son visage alors qu'il fronça les sourcils, pensif. Il lui prenait quoi ? Thé orange ? Thé vert ? Café ? Oh allez, thé orange ! S'il préférait le thé vert, Tsuzuki lui donnerait sa canette, ça n'était pas un problème. Il inséra donc les pièces, récupéra les deux boites de métal et retourna dans la salle de permanence.

« Y avait pas thé citron. Thé vert ou thé orange ? »

Bref, concis mais direct. L'inconnu savait donc à quoi s'en tenir, n'ayant guère d'autre choix que ceux présentés par Tsuzuki. Lequel, d'ailleurs, déposa les deux boites sur la table du jeune homme avant d'aller amener ses propres affaires à l'endroit qu'il avait choisit comme étant le sien. Il déballa posément feuilles, fusains, crayons et gomme avant de faire demi-tour, en direction du blondinet qui, il l'espérait, avait fait son choix. Il s'assit alors sur la table juste devant, de façon à faire face au garçon, et se présenta enfin, songeant avec humour qu'il était peut-être temps.

« Au passage, moi c'est Byakutsu Tsuzuki. Classe 3A. »