Le regard attentif à tous les détails possibles, Tenver avançait tranquillement, les mains dans les poches dans les couloirs de l’école. Elle se trouvait rarement dans l’établissement, et la plupart des élèves qui la croisaient lui lançaient des coups d’œil étonnés et surtout apeurés. Les cheveux de nouveau teints en rouge sang, elle n’avait toujours pas pensé à se racheter ses robes de EGL et les troquait toujours contre un bon vieux baggy tout troué et un débardeur du même genre, troué, lui aussi à plusieurs endroits. Elle n’avait pas ôté son bandage à son poignet droit et n’avait pas perdu son air supérieur malheureusement pour ceux qui avaient le malheur de la regarder droit dans les yeux. Un sourire dédaigneux ornait sa bouche, et elle n’hésitait pas à l’agrandir devant plusieurs personnes. Ils ont tous la même pensée Détestable, cette fille, oui. Et elle avait juste l’envie de répondre Merci. Les étudiants qui la croisaient s’écartaient pour ne pas la toucher alors qu’elle marchait toujours aussi lentement en direction du salon.

Elle-même ne savait pas trop ce qu’elle allait faire là-bas. Mais le seul prétexte que tout le monde évacuerait la salle à son entrée et qu’elle pourrait s’affaler sur ces merveilleux fauteuils qui composaient la salle l’encourageait à y aller. Elle n’osait pas sortir dehors, elle qui ne supportait pas la chaleur et appréciait par-dessus tout l’air conditionné de l’école pendant ces jours trop ensoleillés à son goût. Rien que la blancheur extrême de sa peau suffisait à convaincre quiconque que l’anglaise ne supportait vraiment pas le soleil. Passant sa main bandée dans ses cheveux rougeâtres, elle esquissa un sourire en pensant qu’elle n’aurait pas à refaire sa couleur avant un bon bout de temps. Une flemmarde pire que Tenver, c’est simple, ça n’existe pas. La jeune fille poussa vivement la porte du salon avec son pied et, remarquant qu’il n’y avait personne, son visage se transforma lorsqu’une expression de déception vint prendre la place de celle qui occupait son visage avant. Ce sentiment disparu instantanément lorsque ses magnifiques iris bleus se posèrent sur la seule tête brune qui dépassait d’un divan.

Ahh, celui-là, elle l’aurait reconnu entre mille. Grâce à lui, en quelque sorte, elle avait prit la décision de rencontrer cette chère Sharwyn avec qui elle s’était parfaitement bien entendu. Elles n’avaient jamais parlé de Sandaime entre elles, mais Tenver aurait donné pas mal pour qu’elle avance le sujet. L’anglaise s’avança vers lui plutôt rapidement par rapport à son pas habituel et s’assit directement à côté du jeune homme, lourdement, comme à son habitude. Elle lui lança un regard bien à elle, sachant qu’il la reconnaitrait bien que sa couleur de cheveux n’était plus la même.

« Alors, monsieur sait lire ? »

Sa voix avait quelque chose de peu rassurant, et on sentait qu’elle était là juste pour l’embêter, ce qui, concernant Tenver, n’était pas bien dur pour elle.

Finalement, Ichigo accrochait assez bien. L’histoire le faisait rire, trouvant les personnages attachant chacun à leur manière. Il avait toujours lu vite, et ce livre se lisait facilement. C’est pourquoi il avait déjà lu trois chapitres lorsqu’il vit la porte s’ouvrir du coin de l’œil. Il n’y prêta pas plus attention que ça car il était captivé par ce qu’il lisait. Peut-être aurait-il dû faire plus attention …

Il sentit un poids tomber sur le divan à ses pieds. Il leva enfin les yeux de son livre et mit quelques secondes à reconnaître la fille qui le regardait d’un air amusé. Lorsqu’il reconnut ce sourire moqueur et ces yeux à infra-rouge, il se redressa brusquement, rapprochant ses jambes de lui comme s’il craignait qu’elle ne les lui prenne. Il ne répondit pas tout de suite, observant les cheveux nouvellement rouge de la jeune fille. C’était quand même mieux que la dernière fois.

- Ca t’étonne que je sache lire ? lui répondit-il d’un ton qui se voulait léger.

Il se leva et alla s’appuyer à la fenêtre, tournant le dos au paysage pour regarder Tatsumi. Comme c’était curieux de la croiser aujourd’hui alors qu’il pensait justement à Sharwyn. Etait-elle allée la voir ? Il se le demandait mais n’osait pas poser la question car s’il le faisait, elle n’aurait probablement de cesse de le taquiner avec ça. Il mit un marque-page là où il s’était arrêté et posa le livre sur un coin de bureau qui était juste à côté de lui, puis il croisa ses bras et regarda la jeune fille. En même temps, s’il ne lui demandait pas … il ne saurait jamais.

Il prit une profonde inspiration et s’adressa à Tatsumi, sans la regarder, essayant de contenir le rouge qui lui montait aux joues. Il essayait de se contenir et de parler d’un ton léger.

- Alors… t’as interrogé Sharwyn finalement ?

Le regardant se lever avec son regard éternellement froid et détaché de tout, elle rigola à sa réponse. Un rire étrangement moqueur et blessant. Ses yeux bleus le suivirent alors qu’il s’approchait de la fenêtre. Ce Sandaime la ferait toujours rire, il avait un air tellement gentil qu’elle avait envie de rire à chaque fois que son regard croisait celui de la jeune fille. Une façon de se moquer de ce que l’on ne détient pas. Ça oui, elle était loin d’avoir la même expression de visage que lui. Et elle ne donnerait rien pour. Son caractère actuel lui plaisait à un point qui dépassait le narcissique. Elle s’aimait sûrement plus qu’elle n’aimait certaine personne.

La jeune fille s’allongea sur le dos à la place à présent libre du jeune homme et croisa les jambes qu’elle adossa contre l’accoudoir. Elle écarquilla les yeux quand il lui demanda si elle avait parlé à Sharwyn. Voila qu’il s’adressait à elle comme s’ils se connaissaient depuis des lustres, comme s’ils avaient joués aux billes ensemble à la maternelle. L’anglaise se retint de lui balancer une remarque pour le remettre à sa place, mais elle fut beaucoup plus intéressée par le sujet qu’il avait lancé. Tenver le regarda pendant quelques secondes, la tête en arrière par rapport à Sandaime et lui lança un sourire amusé.

« Qu’est-ce que tu crois ? J’ai fais plus que ça. »

Oh oui, bien sûr qu’elle avait fait nettement plus. Elle lui avait parlé, mais en plus, elles avaient carrément sympathisées. En un mois, tellement de chose était possible. Ce n’avait pas été dur de contacter un membre du gang qui l’avait aisément renseigné sur cette demoiselle dont il était question. L’anglaise avait été la trouver et elle avait trouvé Sharwyn véritablement sympathique. Sa version de la sympathie différait incontestablement de l’autre version, et il n’était pas bien difficile d’imaginer ce qu’elle appelait quelqu’un de sympathique.

« Elle est sympa ta copine, on a bien fait connaissance… »

L'anglaise se retint de partir dans un délire toute seule, et elle planta ses yeux dans ceux de Sandaime pour se retenir de rire. Mais elle n'y arriva pas et le faite que le garçon se détourna d'elle n'arrangea rien. Tenver se plia en deux, morte de rire. Elle se moquait de lui, oui, quoi d'autre de toute façon. Elle ne riait pas souvent mais ce gars paraissait tellement naturel et inoffensif que lorsqu'il parlait, on se sentait obligé de l'écouter et de croire ses paroles. Elle n'avait jamais parlé avec quelqu'un du même genre, enfin, elle n'avait jamais eu une conversation aussi longue avec un jeune homme aussi simpliste. Ça frôlait l'exploit.

S'entendre bien avec elle. Mais tout à fait. Elle s'entendait tellement bien avec Sharwyn que les jeunes filles avaient conversé de nombre de chose. Une partie sur lui, chose inévitable. Elle s'était faite en quelque sorte une nouvelle connaissance, qui était un minimum plus importante que les connaissances habituelles. Cette fille lui avait plu et elle ne tirait que des conséquences agréables et dont elle pouvait tirer profit aux yeux de Sandaime.

Tenver reprit sa respiration, son rire froid et cristallin s'arrêta d'un seul coup. La jeune fille se redressa et défia son interlocuteur du regard tout en parlant avec une voix posé, froide, hautaine, mais posé, sans accent particulier. Elle détaillait son visage, sensible au moindre changement d'expression, comme elle le faisait à chaque fois sur tout le monde. Mais là, ça méritait son prix d'or.

"T'es au courant qu'elle fricotait avec un dénommé Ideaki ?"

Vraiment, elle aimait les révélations de ce genre. Le genre de phrase qui pouvait bouleverser une vie, changer un sentiment ou le vis à vis d'une quelconque personne. Avoir un tel pouvoir sur les autres. Elle apprécia toute la dureté de sa phrase, le faite qu'elle le blesserait indéniablement.

Etait-ce l’effet de son imagination, ou bien était-ce parce qu’il voulait l’entendre depuis un mois ? Qu’elle qu’en soit la raison, Ichigo crut percevoir au loin le bruit de pas, qui venaient du couloir. Les pas se rapprochaient, emplissant de leur son sec toute la pièce. Tatsumi semblait vouloir accorder un répit – pour mieux l’anéantir sans doute – au jeune homme qui concentra toute sa volonté pour ne pas laisser percer davantage son émotion.

Lorsque la porte s’ouvrit brusquement, Ichigo tressaillit. Et quand il reconnut la personne qui venait de rentrer, il se pétrifia pendant quelques secondes. Elle était là, devant elle. Enfin ! Elle était toujours aussi belle, toujours aussi resplendissante. Il aurait voulu s’avancer vers elle, lui prendre la main et la serrer contre lui. Mais il en fut incapable, heureusement. Il la vit avancer vers Tenver et aussitôt ce que cette dernière venait de lui apprendre lui revint à l’esprit. Non, il ne pouvait pas se précipiter vers elle.

Mais Sharwyn ne semblait pas vouloir venir vers lui non plus car elle se dirigea vers son « amie » avec ce sourire carnassier qu’il avait rencontré sur le toit de l’école. Il réprima avec peine un frisson. Il aurait préféré ne jamais revoir cet air sauvage. Cette partie de la jeune fille l’effrayait trop. Mais celle-ci ne semblait pas diriger sa férocité vers lui mais vers l’hystérique aux cheveux roses dont elle tordit le doigt. Il recula d’un pas.

Elle leva enfin les yeux vers lui, plantant son regard dans le sien. Sans s’en rendre compte, il retint sa respiration comme s’il attendait sa sentence. Le regard de la belle était tendre, mais quelque chose n’allait pas. Pourquoi ne venait-elle pas près de lui ? Pourquoi ne lui prenait-elle pas la main ? Cela faisait si longtemps qu’il ne l’avait plus vue, il mourrait d’envie de la serrer dans ses bras sans oser faire le premier pas.

« Eh, marmot .. On est entre adultes, tu veux bien filer ? »

Comme un coup de fouet qu’on aurait claqué dans la pièce, cette phrase résonna dans son esprit sans qu’il n’en saisisse le sens. Il fallut quelques secondes pour que sa signification ne s’insinue dans son esprit.

« Ma-marmot ? » murmura-t-il surpris.

Il ne quittait pas des yeux Sharwyn, ne comprenant pas du tout pourquoi elle lui parlait de cette manière. Etait-elle fâchée ? Mais pourquoi le serait-elle ? Parce qu’il n’avait pas donné de nouvelles ? Elle non plus n’en avait pas données. Soudain, il se rappela qu’elle faisait partie « du » gang de l’école, et qu’un autre membre de ce groupe était juste derrière elle. Il lança un bref coup d’œil à Tatsumi, regarda à nouveau Sharwyn. Il comprit qu’elle voulait qu’il quitte la pièce. Mais pourquoi ne pouvait-il pas rester ici ? Il repensa à la mimique moqueuse de « celle aux cheveux roses » avant de se décider.

« C’est ça, comme si j’avais du temps à perdre avec vous de toute façon. »

Il tourna les talons sans demander son reste. Il n’avait pas envie d’affronter Sharwyn devant Tatsumi et c’était pour ça qu’il avait cédé si facilement. Ou peut-être parce qu’au fond, il cédait toujours facilement … Ichigo s’interrogeait sur son caractère et la facilité que pouvaient avoir les gens à le manipuler. Il pensait à tout ça alors qu’il passait dans la pièce d’à côté. Il voulut claquer la porte mais celle-ci se ferma mal sans qu’il ne s’en rende compte, et laissa donc une légère ouverture qui pouvait laisser passer n’importe quel son ...

Tenver crut qu’elle allait s’étouffer de rire. Elle en pleurait presque et même quand Sharwyn arriva, elle riait toujours. L’anglaise, avec un regard sérieux, mais les lèvres déformées par un grand sourire à cause duquel, on voyait bien qu’elle se retenait de rire, fixa son amie qui faisait genre de lui tordre le doigt. Son sourire disparu immédiatement, remplacé par une expression tellement dédaigneuse et hautaine qu’on aurait pu avoir envie de la frapper. Son expression ordinaire de toute façon, pourquoi changer. Tellement lunatique, qu’elle pouvait se remettre à rire tout de suite. Ce couple était vraiment pathétique. Il fallait vraiment être aveugle pour ne pas voir qu’ils se plaisaient mutuellement. D’un côté, elle ne voyait pas ce que Sandaime avait d’attirant, et de l’autre, elle ne comprenait pas pourquoi sa compatriote de gang agissait comme cela à son égard. Peut-être voulait-elle simplement ne pas paraître quelqu’un d’autre part rapport à Tenver, chose absolument stupide, car l’anglaise se fichait absolument de ce qui pouvait se passer entre eux, comme de sa première coloration. Ce jeune homme lui faisait limite pitié, elle le trouva pathétique dans l’instant qui suivit l’apparition soudaine de Sharwyn. On pouvait très bien être un membre d’un gang avec une réputation pire que n’importe quoi et éprouver des sentiments quelconques pour une personne. Les yeux bleus de la jeune fille se firent plus froids, et s’installa confortablement dans le canapé, sentant que la discussion allait être un minimum animé et ramena ses jambes sous elle, comme à chaque fois qu’elle s’asseyait. Elle regarda successivement les deux personnes devant elle et eut soudain, très envie de revoir cette brune aux yeux gris. La jeune fille chassa très vite cette pensée qui n’avait pas lieu d’être et se concentra sur ce qui allait suivre, même si l’image de Majoren persistait à embrumer son esprit. La phrase qu’adressa son amie à Sandaime la fit sortir de sa torpeur.

Effectivement, elle avait raison, Sharwyn faisait passer le groupe avant sa relation avec le brun. Chose pas forcément très avantageuse, mais logique. Elle-même se faisait passer avant tout, mais il ne s’agissait pas de cela. Il fallait faire un choix. Soit on était une personne tout à fait banale comme Sandaime, soit on était à part, comme elle et son amie, et dans ce cas là, il fallait faire certains choix et prendre certaines décisions. Pas forcément celles qu’on voudrait ou celles dont on pouvait tirer un certain profit. Tenver, elle, n’avait jamais vraiment tenu compte au faite qu’elle appartenait au gang. Cette information lui servait dans des cas plutôt rares mais elle s’en fichait. Sa vie n’était pas attachée au groupe, et elle n’en dépendait pas. La jeune fille tourna la tête vers le garçon quand Sharwyn se retourna pour le regarder aussi. Tenver compris qu’a son expression, il imaginait tout autre chose et était surpris et humilié au plus profond de lui-même. Elle rigola intérieurement de sa réaction, et se doutait bien qu’il la trouvait méchante et détestable. Oui, quoi d’autre. L’anglaise le suivit des yeux et lui lança un sourire absolument malvenu lorsqu’il la regarda pour ensuite se retourner vers son interlocutrice. Elle continua de le suivre des yeux, tournant la tête au moment où il allait passer la porte. Et avec un ton moqueur et amusé, elle lança :

« Ne pleurs pas Sandaime. »

Tenver, dès qu’il eu disparu, se rallongea sur le sofa et lança un sourire à moitié crispé à Sharwyn. Un sourire qu’elle voulait amical, mais sa manière d’exprimer sa sympathie transforma son sourire en un sourire plus supérieur que gentil.

Cette fille avait vraiment une double personnalité, s’en était vraiment inimaginable. Tenver leva les yeux au ciel avec une expression singulière bien à elle. Elle soupira et secoua sa tignasse rouge. Elle ne comprenait vraiment pas Sharwyn sur ce point. Elle ne comprenait pas pourquoi elle agissait comme elle le faisait. Avait-elle tant honte d’aimer une personne tout à fait banale. Certes, Sandaime n’était pas le plus malin et le plus vif d’esprit et il n’avait pas un physique à en briser les glaces, mais de là à arriver à envoyer paître la personne que l’on aime juste pour se montrer forte face à une quelconque tierce personne, il fallait le faire. L’anglaise appréciait vraiment son amie, mais lorsqu’elle faisait ces démonstrations de forces, qui lui allaient peut-être ou non, elle paraissait plus ridicule qu’autre chose. Même Tenver, chose très difficile à imaginer, n’aurait jamais agit comme elle venait de le faire. Laissant la jeune fille, qui se trouvait à présent en face d’elle, parler, Tenver laissa passer un énorme blanc sans adresser un seul mot à sa nouvelle interlocutrice. Ses yeux bleus détaillaient ce visage qui se ventait d’être inexpressif, à la recherche d’une infime preuve de ses pensées qu’elle désirait véritables. Passant une main dans ses cheveux rouges tout en continuant à fixer Sharwyn, elle instaurait un silence vraiment inconfortable. Comme si ce qu’avait dit la jeune fille n’avait pas d’importance à ses yeux. Et ça n’en avait pas. Elle avait juste envie de frapper la fille en face d’elle et de lui dire de se casser. Tenver était dégoûtée de voir que cette expression qui allait si mal sur le visage parfait de la demoiselle.

« Je ne brise rien, tu te débrouille parfaitement bien toute seule. »

Elle avait parlé soudainement, brisant le calme qui s’était immiscé entre les deux filles. L’accusation était nette. D’un côté, elle voulait lui faire comprendre qu’elle foutait ses sentiments en l’air juste pour elle, et de l’autre, elle s’en foutait plus que tout, c’était sa vie, et elle gérait toute seule. Un rictus de dédain parfait déforma ses lèvres. Morveuse… Si il y avait bien quelque chose qu’elle ne supportait pas, c’était qu’on la prenne pour plus jeune qu’elle n’était. Son regard devint noir et elle fixa Vathanen le plus intensément possible. L’énervement perçait dans son esprit, bien qu’elle n’ait en aucun cas prévu cela au départ.

« Je suis plus âgée que toi, je te signale. »

Tenver ne répondit pas à sa dernière phrase. Elle était carrément stupide. Elle ne lui faisait pas de mal, elle agissait comme elle le faisait avec n’importe qui. Celle qui lui faisait le plus de mal ici, c’était elle. Qu’elle ne vienne pas se plaindre avec ses grands airs. L’anglaise passa un doigt sur son bandage à la main droite en se disant que si elle ne se calmait pas, sa complicité avec Sharwyn était fichue. Mais cela ne marcha pas. Raison insuffisante. Cette fille ne comptait pas non plus pour de l’or aux yeux de Tenver.

La premiere phrase assassine fit lever un sourcil a Sharwyn, qui en demeura néanmoins de marbre. Elle soupirait souvent, regardait tout autour d'elle d'un air absent, et ne faisait rien d'extraordinairement visible. Tout se passait a l'intérieur, en fait. Mais comme toujours, elle ne laissait rien paraitre. Lorsqu'elle fut sur le fauteuil, elle se coinca de telle sorte que sa nuque soit calée contre un accoudoir, et que ses jambes passent par dessus le second. La, elle fixa le plafond, d'un air morne, avant de souffler.

"Vu les retours que j'ai eu de la part des membres du gang a cause de lui, j'voulais juste tenter encore un peu de le cacher. Si t'es dja au courant ok, alors dégage, que je puisse m'envoyer en l'air tranquille."

Un sourire surprenant, empreint de douceur, se peignit sur son visage alors qu'elle fixait toujours le lustre situé au centre du plafond. La petite semblait gigoter dans son fauteuil, toucher sa main, commencait a s'agiter. Sharwyn sentait bien que la tension qui résultait de cet affrontement était tres palpable. C'est pourquoi elle préférait jouer la carte de la stoicité. Elle se mit a chantonner apres quelques secondes de silence. Pour finaliser un peu tout ca. Enfin, elle sentit sur sa droite le visage de Double T se tourner vers elle. Alors, faisant mine de souffler et reluquer ses ongles, elle l'ignora parfaitement. Le regard de l'autre se soutint, Sharwyn tourna enfin son visage vers elle.

Le rire qui suivit était empreint de moquerie et de dédain melés. Elle dut mettre sa main devant sa bouche pour atténuer ses éclats de voix, fruits des soubresauts provenant du fond de sa poitrine. Lorsqu'enfin elle se calma, la main sur le ventre, l'air radieux, elle finit par lancer d'un ton léger et moqueur

"Ah bon ?"

Elle fixa ensuite ses jambes, a elle, magnifiques en grandeur, puis la morphologie de l'autre. Et un autre sourire parfaitement dédaigneux peignit sa face de lionne. Et elle ajouta

"Tu les fais pas .. Mais ne t'inquiete pas, quand je serai vieille et fripée, tu auras l'air d'une vraie jolie .. Lolita .. Surtout avec .. Ta capillarité .. Vive."

Elle haussa un sourcil, soufflant alors sur l'une de ses jolies boucles chatain, en se redressant dans le fauteuil. La, elle se releva, vivement, et alla se poster devant la femme aux cheveux pas roses(Erf =P). Ses yeux plantés dans ceux de Tenver, elle murmura alors avec haine dans la voix

"Si t'as envie de voir les Feux de l'Amour autour de moi, tu reves. J'ai le droit a mon intimité. La derniere fois que quelqu'un a su que je fricotais avec un gars hors du gang, ce dernier m'a quitté pour s'etre fait harceler. Si j'fais ca, c'est pour pas le perdre. Si tu peux pas comprendre que pour vivre heureux il faut vivre cacher, tant pis pour toi, gamine."

Elle marqua un temps d'arret, souffle court, balayant dans le meme temps quelques meches des cheveux de Tenver, la dominant de toute la grandeur que lui procurait ses talons. Enfin, elle acheva

"T'facon j'vois meme pas pourquoi j'te dis tout ca, j'ai aucun compte a te rendre. Et sur ce .."

Elle recula d'un pas, calmant le jeu, rabaissant la tension entre elles due a la proximité avec laquelle elle avait parlé a Tatsumi. Puis elle lui tourna le dos, ses cheveux, et le pendentif de Natsuo balancés en l'air alors qu'elle prenait le large. Ce dernier brilla de mille feux, en suspension dans l'espace vide, avant de retomber contre la gorge nue de la belle. Sharwyn s'approcha de la porte, la vit entrebaillée, et, se retenant de pester, elle l'ouvrit en grand et la claqua en quittant la piece pour rejoindre Ichigo dans la seconde.

Ichigo la regardait sourire au sol en se demandant ce qu’elle était en train de penser. Il avait le cœur serré, regrettait presque ses paroles. Evidemment que ça n’allait pas être facile de résoudre une telle situation, mais il aurait tellement voulu ne pas se sentir si triste, si désemparé. Cette fille avait un tel pouvoir sur lui qu’elle pouvait amplifier tous ses sentiments. Ou peut-être avait-ce toujours été comme ça et qu’il n’en prenait conscience que maintenant ? Allez savoir …

Son secret … Oui, c’était vrai qu’elle lui avait fait part d’une chose tellement intime et secrète que ça avait été en quelque sorte l’élément déclencheur de tout le reste. Ce jour là il s’était senti plus que jamais proche d’elle. Peut-être plus proche que jamais d’ailleurs, qui sait ?
Une fois de plus, elle le surprit en se jetant sur lui. Il se demanda ce qu’elle faisait. Qu’allait-elle lui faire cette fois ? L’embrasser ? Le gifler ? Le réduire en bouillie ? Elle se contenta de le tenir au col de sa chemise et de le secouer en lui faisant …

* Une déclaration ! *

Il rougit, rougit jusqu’à la racine des cheveux. Ce qu'elle venait de dire était une déclaration d'amour et en même temps, elle venait de lui dire qu’elle le voulait, lui ! Lui et personne d’autre ! Quelle victoire sur la vie, pensait-il. Enfin de l’amour, enfin on voulait de lui et on le disait. Il ne se rendit compte qu’il pleurait qu’au moment où les larmes vinrent mouiller ses joues. Il avait toujours voulu entendre ça et que ce soit une fille dont il était probablement amoureux était la cerise sur le gâteau …

Sans perdre d’avantage de temps mais tout en étant d’une douceur extrême, il prit les mains de Sharwyn, les serra brièvement entre les siennes et prit ensuite son visage entre ses mains et délicatement posa ses lèvres sur la sienne. Il la regarda dans les yeux en se demandant ce qu’ils pouvaient bien être en train de lui dire.

Ses mains toujours sur le visage de la belle, il dit :

- Je t’appartiens Sharwyn. Maintenant jusqu’à jamais, tu détiens mon cœur entre tes mains …