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Le lycée sous le signe de l'arbre aux 1000 écus
 
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 Comme une flèche en plein vol [Eiji/Jiro]

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AuteurMessage
Jiro Egawa
Admin martyr
Prof d'espagnol

Jiro Egawa


Personnage
Âge : 24 ans
Chambre / Appart : en ville

A savoir
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Comme une flèche en plein vol [Eiji/Jiro] Empty
MessageSujet: Comme une flèche en plein vol [Eiji/Jiro]   Comme une flèche en plein vol [Eiji/Jiro] EmptySam 5 Fév - 17:22

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Début juin, à Hamura, une matinée vraiment magnifique. Un ciel d'un bleu intense où s'effilochaient quelques nuages blancs, une chaleur pas encore trop intense qui rendait l'exercice agréable, aucun souffle de vent pour venir troubler l'harmonie. Une matinée superbe et apaisante pour qui prenait le temps de l'observer ... ce qui n'était pas le cas de l'adolescent à genoux dans le dojo. Comme dans la plupart des vieux lycées japonais, le dojo servait pour divers arts martiaux, et était modulable en ce sens. Ce matin là, c'était pour reprendre son entraînement au Kyudo qu' Eiji était là. Et quelques flèches plus tard, l'adolescent en était à ce point, à genoux en face d'une cible, son air maussade des jours agacés sur le visage. Aucune de ses flèches n'avaient volé juste. Ce n'était pas une histoire de toucher la cible ou non - il savait viser - mais une histoire de tirer correctement. Et à aucun moment il n'avait ne serait-ce qu'approché cette harmonie que l'archer devait avoir avec la flèche, la cible, et le monde autour de lui.

Pas besoin d'être un grand clerc pour en deviner la raison. Depuis les quelques semaines qu'il était ici, Eiji avait plus ou moins évité l'entraînement de Kyudo. Parce qu'il était perpétuellement en colère, ou trop plein d'énergie ... Il s'était essentiellement concentré sur la course et sur le kendo, encore plus quand il s'était trouvé un adversaire pour le second.
Depuis qu'il avait commencé les arts martiaux, le Kyudo avait toujours été l'éternel second de son entraînement de kendo, initié pour lui apprendre la concentration et la méditation, là où il avait bien conscience de pécher, mais pas forcément adoré. Il aimait oui, respectait ce sport où l'esprit était tout, mais n'avait pas pour lui la passion qu'il avait pour le kendo. Résultat, après quelques semaines sans s'entraîner, avec un état d'esprit un peu bancal, il ne savait plus où il se situait.
Si bien, que plutôt que continuer à tirer des flèches sans aucun sens, il avait préféré s'agenouiller, son arc à ses côtés, et prendre le temps de réfléchir à ce qui le bloquait pour espérer reprendre un entraînement un peu moins catastrophique.

Le pire était, que pour un oeil extérieur non entraîné, il ne tirait pas si mal que ça - ses mouvements étaient fluides, sa visée correcte ... il aurait pu donner illusion. Mais à quoi bon ? Si lui même n'était pas satisfait de ce qu'il faisait, cela l'aurait plus agacé qu'autre chose.
Cela n'avait rien à avoir avec le tir à l'arc occidental classique, où le but n'était que de viser au centre de cibles éloignées.
Le hakama bleu et le haut blanc du jeune homme lui donnait l'air plus vieux que ses habituels jeans et t-shirt qu'il arborait en cours, et même son expression à la fois tendue et lointaine était bien différente de celle qui se lisait sur son visage quand il s'ennuyait en cours ou qu'il était furieux contre un de ses professeurs. Il n'avait pas la même patience pour les cours que pour le sport.

Comme pour une expérience scientifique, Eiji repassa dans sa tête tous les sujets des dernières semaines, testant s'ils étaient sensibles ou non. Ses parents ? Sujet délicat, mais l'éloignement avait quelque peu anesthésié la rancœur qu'il avait envers eux. Ses colocataires ? Les choses semblaient se construire au final, entre eux. Hugh un camarade de classe un peu bruyant, et Fugiwara ... s'occuper de Shizuka à deux les avait rapproché au final, laissant à chacun apercevoir l'autre dans des moments de douceur qu'ils ne se seraient jamais montrés dans un autre cas. Konata ? Adorable malgré son caractère parfois épuisant. Les cours ? Ça se passait, bon an, mal an, même s'il devait avouer que certains profs le gonflaient royalement. La prof de littérature, sa voix moqueuse et son amour pour la littérature française sans une once de respect pour la littérature japonaise par exemple. Elle n'avait qu'à enseigner en France si elle aimait tant ça ! Et le prof d'espagnol, avec son minois de fille et ses yeux sombres trop attentifs. Lui, il lui tapait carrément sur le système, trop gentil, trop doux, probablement vicieux derrière tant de douceur.
Sa main se crispa sur son giron, et Eiji se força à se calmer, s'imposant d'observer avec minutie son arc jusqu'à avoir retrouver un peu de paix intérieure. A ce rythme là, ce n'était pas gagné pour réussir à reprendre le Kyudo correctement avant la fin de la journée ...

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Première semaine de Juin, première semaine de repos dans son cycle d'alternance avec sa collègue, Katsumi Kanamori. Le bilan de sa première semaine de cours n'était pas réjouissant. Quel que soit le niveau, l'absence prolongée de la jeune femme avait entraîné un sérieux retard, voir carrément une régression pour certains élèves. Un bilan peu reluisant mais pas si surprenant en fait. En vue du nombre de jeunes à être venus le voir suite à sa proposition de cours de rattrapage, Jiro allait presque en arriver à travailler autant durant ses semaines de repos que pendant celles de cours.

En dehors de ce souci, le reste se passait au mieux. L'ambiance entre les enseignants semblait plutôt bon enfant et détendue, sans gros conflits. Sans doute la tranche d'âge assez jeune de l'ensemble du personnel devait-il jouer. Les élèves étaient assez disciplinés dans l'ensemble, avec un mélange important de nationalités. Détail qui plaisait beaucoup à Jiro, lui rappelant le melting-pot qu'il avait lui-même connu plus jeune.
Le cadre de vie était des plus agréables et Hime s'acclimatait merveilleusement bien à son nouvel environnement. La petite chatte en était à présent à la tentative d'apprivoisement des humains vivants avec son maître - pas forcément pour leur plaisir d'ailleurs, mais elle ne leur demandait pas vraiment leur consentement. La colocation avec Cathan se passait plutôt bien. Tous deux s'entendaient bien malgré leur différence de caractère. Ou peut-être grâce à ces différences ... Toujours était-il que le courant passait entre eux et ils étaient suffisamment conciliants pour accepter leurs petites manies respectives. Quant à Cassandra ... L'italienne n'étant là que depuis la veille, difficile de se prononcer. D'autant qu'il ne lui avait pas encore vraiment parlé.

Disposant de son temps comme il l'entendait, Jiro pouvait à présent pratiquer ses activités habituelles aux horaires qui lui convenaient le mieux. Durant la semaine de cours, il avait dû se contenter des fins de journées pour le Kyudo, alors qu'il avait toujours eu une prédilection pour les entraînements matinaux. Ce fut donc avec un plaisir encore plus grand que d'ordinaire que l'homme passa le seuil du dojo ce matin là, prenant de suite la direction des vestiaires. Il déposa l'immense étui qui lui servait à transporter son arc personnel sur la table au milieu de la pièce, puis ouvrit le casier qu'il s'était octroyé pour ranger sa tenue, seule chose qu'il laissait au dojo. Il ne craignait pas vraiment le vol, mais plus le manque d'entretien des lieux. Certes ils étaient propres, mais ça n'allait pas au-delà, et les matériaux naturels de ses équipements n'auraient pas apprécié un traitement "à la dure".

Calmement, en gestes lents et mesurés, Jiro revêtit chaque élément de sa tenue comme s'il procédait à un rituel. Le kyudo, selon les principes qui lui avaient été inculqués et auxquels il croyait fermement, ne commençaient pas dans le dojo mais bien dans les vestiaires, au moment où l'on commençait à se vêtir. Chaque étape était un élément de cette cérémonie et contribuait à se mettre en condition pour arriver dans le meilleur état d'esprit possible sur le shajo. Après avoir revêtu son hakama noir, ses gestes se firent plus délicats pour sortir son arc, ses flèches et son gant de l'étui. Il vérifia l'état de la corde de chanvre - bien qu'il l'ait déjà fait avant de quitter l'appartement - et prit enfin la direction du dojo.

Jiro s'immobilisa sur le seuil en découvrant qu'il y avait déjà quelqu'un dans le dojo. Ca, c'était une nouveauté. Depuis qu'il y avait mis les pieds pour la première fois, il s'était résigné à l'idée d'être le seul pratiquant de kyudo. La seule personne à l'avoir évoqué s'était avérée être un fervent pratiquant de kendo et n'était jamais venu dans la partie du dojo consacré au kyudo. C'était compréhensible. Les garçons ayant besoin de se dépenser étaient plus attirés par l'aspect physique de cet art martial. Mais même là, il y avait peu de pratiquant. C'était le petit bémol du lycée : l'absence de mise en valeur des arts traditionnels. Tout ne pouvait pas être parfait ...

Après un moment à l'observer de dos, Jiro finit par reconnaître la silhouette du 5ème année. Finalement il pratiquait réellement le kyudo. Pourtant, les arcs d'entraînement du dojo ne lui avaient pas semblé être utilisés. Il ne devait pas être très assidu. Hum ... Kimihiro Eiji, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut ... Un jeune homme sportif qui passait son temps à éviter son regard ou à l'observer avec méfiance.

Le kyudojin se décida finalement à avancer sur le shajo, prenant la direction de la dernière cible en face de laquelle il s'installa en position de seiza pour mettre son gant. Ses gestes étaient calmes, lents et silencieux, à la fois pour poursuivre le rituel de la cérémonie de tir, commencé à l'habillement, mais aussi pour ne pas briser la concentration du jeune homme. Prendre en compte l'ensemble de son environnement était primordial dans le kyudo. Après un moment, il se remit debout et se positionna sur la ligne de tir, entamant par là le premier des huit hassetsu. La première flèche s'envola vers la cible à la fin du cycle, puis la seconde après le même rituel.

Tranquillement, le visage serein et le regard tourné vers la cible où s'étaient figées les deux flèches, Jiro s'agenouilla en seiza, son arc posé devant lui. Il savoura cet instant de plénitude et de communion. La récupération des flèches attendrait un peu.

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le silence inhérent au dojo finissait par calmer ses nerfs irrités, la vieille magie antique faisant une fois de plus merveille sur Eiji. C'était un des rares avantages au fait que le dojo soit peu utilisé : sorti des moments où il s'entraînait au kendo, seul ou avec d'autres, l'endroit était d'un calme olympien, idéal pour réfléchir ou se réfugier. Le jeune homme était même surpris que personne d'autre ne s'en soit rendu compte. Mais peut-être que pour ceux qui ne connaissaient pas la magie des lieux, le dojo était tout simplement une pièce un peu trop vieillotte et fatiguée.
La tranquillité fut brisée par le bruit d'une porte qui s'ouvre, indiquant l'arrivée d'une nouvelle personne dans le dojo. Qui donc ? Les autres kendoka venaient le samedi, quasiment jamais en pleine semaine. Konata était en cours, et c'était une des rares personnes à pouvoir débouler à n'importe quelle heure dans le dojo, avec lui.

Eiji tourna la tête, à la fois intrigué et furieux, pour assister à l'entrée de celui qui l'avait dérangé. Voir débarquer la silhouette fine du professeur d'espagnol fit grimper d'un cran son irritation. Il était encore là lui ? Ca ne suffisait pas de devoir le supporter en cours, et voilà qu'il était aussi dans son dojo. Il l'avait déjà vu une fois ou deux non loin des lieux. Eiji avait supposé qu'il visitait, même si à la 3ème fois, sa présence l'avait hautement gêné. Mais à le voir maintenant, en hakama, arc à la main, le jeune homme devait avouer qu'il semblait parfaitement avoir sa place dans le dojo, aussi désagréable puisse être cette pensée. Du moins que lui se sentait parfaitement à son aise, au moins autant que l'adolescent à genoux sur le plancher.
Ce n'était certainement pas la première fois qu'il entrait dans un dojo ou qu'il pratiquait. Cela se lisait autant dans son matériel - parfaitement adapté, et probablement coûteux, vu l'arc de bambou qu'il tenait, le genre d'arc qu'on ne confiait pas à l'entraînement des débutants - mais surtout à la manière tranquille dont il les manipulait. Il n'y avait rien de plus délicat qu'apprendre à se mouvoir avec un encombrant hakama et un arc de plus de deux mètres de long. Avoir l'air gracieux avec tout cet attirail demandait un minimum d'habitude, tout comme mettre et porter une armure complète de kendo.

C'est avec un peu plus de curiosité qu'il le regarda s'installer pour tirer. Curiosité qui se mua une fois de plus en agacement en voyant la place choisie : il ne manquait pas de confiance en lui pour s'installer à la place du sensei ! Certes, avec le peu de participant, un peu de maîtrise lui suffisait, de la même façon qu'Eiji se retrouvait à s'occuper de certains élèves en kendo, faute de grade supérieur. Mais le jeune homme ne pouvait s'empêcher de se sentir agacé par cet homme, quoi qu'il fasse. Il était sûr qu'il y avait quelque chose en lui en quoi il ne pouvait pas faire confiance.

Egawa-san tira.
Et malgré toute la méfiance et toute la réticence que l'adolescent pouvait avoir envers cet homme, il ne put qu'admirer les tirs fluides et justes, la position quasi parfaite, la sérénité qui pouvait se lire dans toute sa posture. Le silence s'étira dans le dojo après que ce fut succédé les deux chants de la corde, alors que le regard du jeune homme restait sur son aîné. Il ne pouvait pas ne pas avouer qu'il avait été stupéfié par ce qu'il venait de voir. Le kyudojin était beau, tout aussi bon que n'importe lequel des sensei avec qui il avait pu s'entraîner. La surprise avait ajouté un élément en plus dans ce qu'il venait de voir, un juste rappel de l'humilité à avoir, lié à un sentiment étrange qui touchait à la fascination.
Eiji attendit quelques instants, comme il se devait, avant de finir par adresser la parole à son aîné quand il fut sûr de ne plus troubler son calme.

" Très beau tir Egawa-sensei. Il s'agit bien de l'école Ogasawara ? "

Difficile de faire le rapprochement entre l'adolescent un peu hostile en cours, qui ignorait son professeur et l'appelait Egawa-san du bout des lèvres quand c'était nécessaire, et le jeune homme respectueux qui s'adressait à son supérieur avec intérêt et passion.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le regard toujours rivé vers la cible, Jiro savourait les derniers instants de cette communion presque mystique procurée par la cérémonie du tir. Le chant de la corde résonnait encore dans sa tête, s'amenuisant peu à peu et laissant progressivement place aux autres sons. Parce qu'elles faisaient suite à tout un rituel, les deux premières flèches avaient toujours une connotation particulière que Jiro n'arrivait pas à retrouver dans les tirs suivants. Le rituel était rompu et malgré tous ses efforts, la communion n'était plus aussi profonde. C'est pour cette raison qu'il aimait tant ce premier tir et qu'il le vivait jusqu'au dernier instant. Il avait encore du chemin à faire ...
Le chant se tut totalement tandis qu'un souffle léger s'échappait de ses lèvres entrouvertes. Le jeune homme ferma les yeux un bref instant, mettant par là un terme définitif au premier tir.

Jiro se tourna vers l'élève lorsque sa voix s'éleva dans le silence du dojo. Il lui adressa un sourire serein avant d'incliner légèrement la tête en remerciement pour ses paroles. L'évocation de son école le surprit agréablement. Vu que l'adolescent n'avait pas l'air d'être un pratiquant régulier, il ne l'avait pas pensé capable de différencier les différentes écoles de Kyudo. Jugement un peu hâtif et qui s'avérait faux. Le sportif devait avoir plus d'expérience qu'il ne l'avait pensé de prime abord.

" C'est exact. Hum ... Kimihiro-kun ... si je ne me trompe pas. "

Pas vraiment évident de retenir autant de noms en une semaine, mais il était à peu près certain de ne pas se tromper. Que ce soit pour des raisons de discipline, de niveau, ou parce qu'ils s'étaient fait remarquer d'une manière ou d'une autre, certains élèves étaient rapidement sortis du lot pour se graver dans sa mémoire. Et Kimihiro faisait parti de cette poignée que l'enseignant avait repérée, juste parce qu'il avait évoqué le kyudo lors de sa présentation ... Les méthodes de sélection de la mémoire, étaient décidément bien subjectives.

" Je suis surpris de te voir ici. Il m'avait semblé que tu te consacrais au kendo. "

Ne connaissant pas les horaires d'occupation du dojo, Jiro était passé plusieurs fois lors des entraînements de kendo, et avait dû faire demi-tour. L'espace réservé au kyudo n'était séparé que par des paravents du reste du dojo, rendant la pratique peu évidente en présence de kendoka bruyants. A chaque fois, il avait aperçu le jeune homme, présence remarquable parmi les autres de part sa carrure mais aussi son niveau.
Et à ce sujet ...

" Puis-je me permettre de te demander quels sont ton école et ton grade ? "

Loin de lui l'idée d'évaluer ou de porter un jugement. Jiro s'intéressait en toute simplicité à ce jeune homme, seul autre pratiquant de kyudo au sein de ce lycée. Sa question portait d'ailleurs également sur le kendo, même s'il n'avait rien précisé.

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le jeune homme ne tiqua pas au fait que le professeur ait retenu son nom, comme il l'aurait fait peu de temps auparavant. D'aucun aurait pu le traiter de girouette à changer d'avis aussi facilement, ce à quoi le jeune homme aurait répondu qu'il n'y avait rien d'aisé dans le kyudo. Le passage au tutoiement ne l'effaroucha pas plus. Le contexte du dojo n'avait rien à voir avec celui d'une salle de classe. Ils étaient à la fois plus proches et tout aussi distants, dans le respect du lien élève et maître. A la différence qu'Eiji le respectait bien plus que dans une simple salle de classe d'une matière pour laquelle il n'avait qu'un intérêt lointain voir imaginaire. Eiji inclina la tête à la reconnaissance de son nom, avant de se passer la main dans les cheveux, légèrement embarrassé au commentaire sur son peu d'assiduité au kyudo, parfaitement réel. Un demi sourire flottait sur ses lèvres, entre gêne et amusement de son propre comportement. Il n'avait pas à se justifier devant cet homme, mais acceptait facilement de lui expliquer.

" C'est exact ... J'ai toujours consacré beaucoup plus de temps au kendo. Et depuis mon arrivée je n'étais pas vraiment dans un état d'esprit correct pour le kyudo ... Du coup je n'ai pas essayé de trouver le temps pour venir tirer. "

Il ne pouvait pas honnêtement dire qu'il n'avait pas eu le temps de venir s'entraîner, même si son emploi du temps avait été serré. Il l'avait trouvé pour courir, pour faire du kendo, et aurait pu le trouver pour le kyudo s'il avait voulu, réduisant ou déplaçant certains de ses autres entraînements.
Le kyudo était une discipline plus capricieuse à ses yeux, qui se soumettait moins aisément à lui. Ou plutôt était-ce l'inverse : il se soumettait moins aisément à cette discipline qu'aux autres qu'il pratiquait avec assiduité, et il ne voyait pas de raison de ne pas l'avouer. Son ancien sensei au kyudo s'était toujours amusé de ce comportement, répétant que ce n'était pas avec les bois les plus souples qu'on faisait les meilleurs arcs. Eiji s'était souvent demandé si en poussant l'analogie, cela voulait dire qu'il s'attendait par finir par obtenir un bon kyudojin ? Ou était-ce seulement un encouragement pour lui dire que rien n'était fichu tant qu'il n'abandonnait pas ? Les deux versions étaient possibles.

S'intéressait-il seulement au kyudo ou bien au deux, vu qu'il avait mentionné la seconde discipline juste avant ? Le jeune homme répondit d'une voix pensive.

" Ecole Heki Ryu, 4ème kyu, et shodan en kendo. "

La différence de niveau se posait clairement à l'énoncé des grades. Différence de niveau, de motivation et d'attrait pour la discipline. Autant pour le kendo, passer les grades et avancer dans les niveaux l'avait toujours intéressé, autant pour le kyudo ... Il aimait la discipline - certes dans une certaine mesure, moindre que sa passion pour le kendo - mais pas au point de passer les grades et les examens. Autant ne pas se rajouter le stress de la compétition pour une discipline qu'il apprenait quasiment uniquement pour son intérêt sur la méditation et la concentration.
Même dans son ancien lycée, bien plus porté sur les arts traditionnels que Hamura, il avait été un des rares à faire du kyudo. Et il n'avait jamais rencontré de sensei dont les cheveux ne soient pas blanchis avec l'âge. Egawa-sensei sortait du lot.

" Et vous ? "

Le regard du jeune homme se posa sur son professeur, bien plus franchement qu'en cours, où il s'était toujours méfié de ces yeux sombres qu'il imaginait moqueurs, voir perfides. Le dojo changeait bien des angles de vue.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Un sourire fin et tranquille sur les lèvres, Jiro écouta les explications du 5ème année avec une petite pointe d'amusement. Il était étrange de l'entendre prononcer plus d'une phrase lorsqu'il était si difficile de lui arracher ne serait-ce qu'un mot durant les cours, et ce même en l'interrogeant directement. Tout aussi étrange que le terme "sensei" venu remplacer le "san" et le regard qui ne fuyait plus. Comme quoi, il suffisait que le contexte change pour que les rapports soient différents. C'était le côté lunatique des adolescents, d'autant plus marquant à l'âge d'Eiji, où les jeunes oscillaient entre leurs côtés adulte et adolescent.

La suite, en revanche, le surprit quelque peu. Pas pour la différence de niveau entre les deux disciplines - elle ne faisait que marquer la préférence du jeune homme pour le kendo -, mais bien pour le grade annoncé au kyudo. Le 4ème kyu était le grade le plus bas, celui donné aux débutants prenant l'arc en main pour la première fois, et qu'ils quittaient dès qu'ils avaient un minimum de maîtrise. Kimihiro débutait donc au kyudo ? Non. La manière dont il en avait parlé ne le laissait pas penser. La seule autre raison qui pouvait expliquer ça, était l'absence d'entraînement régulier. Et là, c'était beaucoup plus probable en fait.

" Comme tu l'as judicieusement observé, je suis l'enseignement de l'école Ogasawara, et je suis yondan. "

Jiro observa un moment le jeune homme face à lui. Puis son regard coula sur l'arc posé au sol avant de se perdre sur les cibles. 4ème kyu ... quand même ... Il avait du mal à croire que Kimihiro soit si peu assidu que son sensei ne lui ait pas accordé le grade supérieur. Peu assidu et médiocre, alors ? Le seul moyen pour le savoir ...

" Kimihiro-kun, j'aimerai que tu me fasses une démonstration de tir. "

Le ton employé, derrière le calme et la douceur de la voix, était celui de ceux qui s'attendent à être obéi sans discussion. Dans ce dojo, devant les cibles, Jiro n'était plus professeur d'espagnol mais un sensei de kyudo. S'il avait trouvé la différence de comportement d'Eiji amusante, il devait avouer que lui-même n'agissait pas tout à fait de la même façon. C'était pourtant lui qui était le maître dans les deux cas, mais ... ça n'avait rien à voir ...

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Eiji sentit ses joues le brûler quelque peu à l'énoncé du grade de son interlocuteur et surtout au regard surpris de celui-ci quand il parla du sien au Kyudo. Un niveau si bas n'était pas logique pour quelqu'un qui comptait plusieurs années de pratique, même si cela n'avait rien à voir avec son entraînement acharné et assidu en kendo. La réponse était assez simple et suffisante aux yeux d'Eiji en tous cas. Son sensei lui avait clairement refusé de laisser passer ses grades à cause de son état d'esprit, pas toujours enclin au kyudo. Et le jeune homme avait accepté. Il savait parfaitement qu'il pratiquait ce sport en second, et non pour sa fin en elle-même ... Alors pourquoi se mentir et chercher à obtenir quelque chose qu'il ne méritait pas ?
Mais là, un instant, aux yeux d'Egawa-sensei, qui ne pouvait deviner son passé, il se sentait gêné, bien plus qu'il ne l'avait été quand il avait dû parler dans un espagnol qu'il savait pourtant cribler de fautes. L'un des deux lui tenait sensiblement plus à cœur.

" Hai. "

L'adolescent inclina la tête à la requête et se leva gracieusement, arc à la main. L'objet n'était peut-être pas de la même qualité que celui de son aîné, mais il en prenait tout autant soin. Il n'aurait plus jamais osé mettre le pied dans un dojo s'il n'avait pas pris soin de son matériel correctement.
Son arc était clairement plus grand que celui d'Egawa-san, alors que la différence de tailles entre eux était négligeable. Sa puissance était probablement un peu supérieure aussi. Son sensei avait passé un long moment à accorder arc et kyudojin, et avait fini par décider qu'un arc un peu plus grand et plus dur était nécessaire pour s'accorder avec la musculature qu'Eiji avait développée au kendo. Ce serait parfait, avait-il déclaré, pour unir les deux disciplines dans l'esprit du jeune homme. Qu'elles soient ensemble au lieu de se disputer le terrain. Eiji comprenait l'intérêt, même s'il n'était pas sûr d'avoir vraiment réussi.

Eiji ne s'était pas entraîné régulièrement ces derniers temps. La reprise en elle-même avait mal commencé mais ... l'irruption dans son cercle vicieux de pensées noires d'un seul tir parfait avait suffi à lui remettre un peu en tête le but et les nécessités du kyudo. Pour une rare fois depuis longtemps, il se sentait complètement impliqué dans son tir. L'émulation créée par Jiro sans aucun doute. La vue d'un bon kyudojin lui avait rappelé ce qu'était la discipline et avait réveillé quelque chose dans le jeune homme. Quelque chose de pas si différent de la vision d'un futur adversaire en kendo pour un duel excitant, et de complètement opposé. Il n'y avait pas de conflit possible en kyudo.
Laissant le jeune homme dans un coin de son esprit et de sa vision, le fixant comme un des détails qui composait le dojo à cet instant, Eiji entama le hassetsu, son corps exécutant avec aisance les huit phases d'un geste qu'il connaissait de lui-même.
La seconde flèche atteignit la cible sous le regard contemplatif du jeune homme avant qu'il ne se ré-agenouille, silencieux, son arc devant lui.

Il devait admettre qu'il n'avait pas tiré aussi bien depuis un moment. Pas depuis que son côté rageur restait si effrontément à la surface, demandant à s'exprimer au moindre prétexte. Posément, il essayait de retrouver ce qui lui avait paru comme une évidence à l'instant où il avait tiré, mais qui maintenant semblait vouloir échapper à sa réflexion.

Il finit par relever son regard sur Egawa-san, attendant son évaluation.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Contrairement à son comportement en cours, où il fallait le pousser pour obtenir une demi réponse prononcée du bout des lèvres avec une volonté proche du zéro absolu, la réaction de Kimihiro fut franche et nette, sans aucune marque d'hésitation et parfaitement audible. A l'image de son regard qui avait cessé de le fuir, le comportement du jeune homme à son égard était totalement différent. Et Jiro préférait sans conteste cette attitude qui semblait plus en adéquation avec le caractère à priori assuré du 5ème année. Comme quoi l'enceinte du dojo et le kyudo changeaient radicalement la donne.

Eiji se leva donc, prenant son arc en main, pour répondre à sa demande. Jiro nota avec étonnement la longueur inhabituelle de l'arme. L'adolescent était à peine plus grand que lui et aurait donc dû avoir un arc d'une taille en dessous, comme le sien. Quoique ... Il devait sans doute être à la limite entre les deux catégories. Ou peut-être était-il plus grand qu'il ne l'estimait. A un ou deux centimètres près, cela pouvait faire la différence. Pourtant il se trompait rarement sur des tailles si proches de la sienne. Mais après tout, ce n'était pas sur ce genre de détail qu'il s'attardait en cours. Il faudrait tout de même qu'il lui demande ...

Après cette petite réflexion rapide au sujet de l'arc, son regard glissa sur le jeune homme. Même si, au kyudo, l'arc était le prolongement du kyudojin, il fallait bien prendre les différents éléments en compte de façon individuelle, avant de regarder le tout dans sa globalité. Et ce qu'il observait à présent était plutôt plaisant. Les mouvements d'Eiji étaient gracieux, mesurés et sans gestes inutiles. Il n'y avait pas d'hésitation dans l'exécution - comme on pouvait en voir normalement chez ceux qui maîtrisaient mal les différentes étapes -, dénotant un certain niveau de maîtrise qui n'était pas celle d'un débutant. Le calme et la concentration étaient bien là, et les deux chants successifs de la corde résonnèrent avec harmonie dans le dojo.
Jiro ne se donna pas la peine de regarder la cible. Il savait que les deux flèches s'y trouvaient. Lorsque le tir était convenablement exécuté, il était inutile de suivre leur vol : il était forcément dans le prolongement du tir. Les critères d'excellence au kyudo étaient dans l'attitude du tireur, pas sur la cible.

Jiro observa silencieusement le jeune homme, lui laissant le temps de sortir de sa contemplation et de se rasseoir. Certes la position n'était pas parfaite et il y avait quelques détails à améliorer dans l'exécution du tir, mais ... on était très loin du 4ème kyu ...
Le brun adressa un sourire franc à l'adolescent.

" Il est difficile de porter un jugement catégorique sur un seul tir. Cependant, je pense que certains shodan pourraient en tirer des leçons. Il était vraiment très bon. "

Après un court instant de silence pour laisser le temps au jeune homme d'intégrer son verdict, Jiro se remit debout dans un mouvement souple, tournant son regard vers les cibles à l'autre bout du champ.

" Allons chercher nos flèches, Kimihiro-kun. "

Le chemin qui longeait l'espace en plein air, entre le pas de tir et les cibles, se trouvait en plein soleil. A mi-parcours, Jiro s'immobilisa, son visage tourné vers le ciel et sa main levée pour se protéger les yeux des rayons déjà hauts et chauds malgré l'heure. L'été serait sans aucun doute caniculaire. Il rompit finalement le silence qui s'était installé entre eux deux, sans bouger pour autant.

" Connais-tu la raison pour laquelle ton sensei ne t'a pas laissé présenter tes grades ? "

Jiro était curieux de savoir car, à moins que ce ne soit un refus de l'adolescent à passer ses grades, il ne voyait pas pour quelle raison cela avait pu lui être refusé.

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Eiji écouta attentivement le commentaire du yondan. Il était agréablement fier du compliment, mais pas surpris outre mesure : il était capable d'autoévaluation, et était arrivé au même avis qu'Egawa-sensei. Il était juste dommage que tous ses tirs ne soient pas de ce même niveau. La réussite était rassurante, galvanisante même, alors que quelques dizaines de minutes plus tôt il rongeait encore son frein, incapable de décocher la moindre flèche. Le jeune homme dédia un sourire amical à l'homme devant lui en réponse au sien. L'idée de faire la gueule ne serait-ce qu'à l'évocation de son nom déjà bien oubliée. Il devait admettre qu'il avait - peut-être - eu tord concernant son jugement sur Egawa Jiro par rapport à ce qu'il avait vu de lui en cours d'espagnol. Il n'arrivait tout simplement pas à mettre en face le professeur à la voix mielleuse et le sensei aux gestes magnifiques.

Il se releva à nouveau pour accompagner son aîné jusqu'aux cibles. Le mouvement était comme une libération après le calme imposé par le tir. Comme s'il avait retenu son souffle pendant tout ce moment, et qu'il pouvait enfin revivre à nouveau. Un kyudojin plus expérimenté que lui n'aurait certainement pas été de cet avis, mais pour quelqu'un de plus jeune et énergique ... il avait toujours trouvé qu'il y avait un certain parallèle dans cette pensée. Egawa-san prouva ses pensées en s'immobilisant soudain, observant le soleil, à l'écoute. Eiji était fasciné par sa posture, son immobilisme : on aurait dit une statue arrêtée en plein mouvement, sans qu'elle perde pour autant sa grâce. Un vrai archer ... Ce qui lui manquait en somme. Il revoyait en lui la grâce de son sensei.

La question qui interrompit le silence, pas tout à fait inattendue, causa pourtant un sourire un peu gêné chez l'adolescent qui passa la main dans ses cheveux avant de répondre avec bonne volonté. Il n'avait pas honte de ses capacités - enfin, parfois si, et aurait été certainement gêné si le professeur avait assisté à un de ces tirs catastrophiques dont il était capable. Sa voix était au final plus pleine de bonne humeur et d'une sorte de tendresse exaspérée pour le vieux sensei plein de bon sens qui avait pris sur lui d'apprendre le kyudo à un garçon qui faisait certes de son mieux, mais qui avait manqué une fois ou deux de casser son arc. Au moins, Eiji avait fini par comprendre que le kiai n'était pas nécessaire dans le kyudo, voir même carrément de trop.

" Quelles ont été ses termes précis ? Qu'il n'était pas la peine de me faire passer mes grades tant que je ne comprenais pas pourquoi je faisais du kyudo ... que ça revenait à faire de moi un chien savant. Je crois qu'il lui tenait à coeur que je comprenne l'esprit de l'arc, et pour lui ça ne passait pas par des examens ou des compétitions ... Il a préféré laisser ça au kendo. "

Eiji comprenait ... en théorie. Le problème du kyudo, c'est que la pratique avoisinait avec le mystique, et là, il avait un peu plus de mal à dépasser le concret de l'arc dans ses mains. Etre parfaitement zen, ne faire qu'un avec l'arc et la cible ... ne lui arrivait qu'une fois de temps à autre, et il n'arrivait jamais à comprendre le déclic qui produisait un tel miracle. Peut-être se prenait-il justement un peu trop la tête.

Les deux hommes récupérèrent leurs flèches, nichées au creux des cibles de paille. Pas tout à fait au centre pour lui, mais un joli tir tout de même.
De retour sur le pas de tir, la chaleur du dojo parut tout d'un coup bien plus supportable, écrin de fraîcheur protectrice par rapport au soleil ardent de l'extérieur. Eiji reprit son arc et le présenta à son sensei.

" Je vous ai vu le regarder ... Je sais qu'il semble un peu grand mais il m'est parfaitement adapté. Voulez-vous l'essayer ? Nous sommes à peu prêt de la même taille. "

Il y avait tout juste une lueur de malice dans les yeux de l'élève. Une sorte de complicité qu'il offrait à un sensei et dont il n'aurait jamais rêvé avec un professeur - non qu'il aurait purement rejeté de la part d'un professeur.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Ah ! L'éternel souci de savoir ce qui était prioritaire ... Si les conditions pour passer les grades étaient clairement définies par la fédération, il n'en restait pas moins que l'autorisation de se présenter appartenait à des sensei dont les critères de décision étaient très variables. Entre ceux qui suivaient scrupuleusement les indications de la fédération, ceux qui privilégiaient les résultats pour la renommée de leur école, et ceux qui visaient avant tout l'aspect spirituel du Kyudo, il y avait tout un panel. Pour sa part, Jiro appliquait à peu de chose près les principes que son propre sensei - à savoir, sa mère - lui avait transmis. Akiko avait toujours considéré que l'aspect spirituel du kyudo pouvait se passer d'une compréhension parfaite pour les premiers grades, sans en négliger l'enseignement pour autant. C'était d'autant plus vrai pour les plus jeunes pratiquants. Les adolescents étaient souvent prédisposés au découragement lorsqu'ils ne se voyaient pas évoluer. Les présenter pour passer le 3è et le 2è kyu, était une façon de les encourager et de les pousser sur la voie de la progression.
Visiblement, l'ancien sensei d'Eiji était de ceux qui privilégiaient avant tout l'esprit de l'arc. Façon de faire fort louable mais qui devait en dépiter plus d'un. Jiro n'était pas certain que ce soit réellement une bonne chose. Son regard se tourna vers le jeune homme. Il n'y avait pas d'amertume dans sa voix. Sans doute parce que le kendo était prioritaire sur le kyudo. Tant mieux. Les sentiments négatifs n'étaient pas propices à l'évolution.

Jiro adressa un léger sourire à l'adolescent, avant de se remettre en marche vers des cibles. A l'image de son tir, les flèches d'Eiji étaient assez bien placées. Les traces d'encoches récentes montraient que les précédents tirs n'avaient pas été aussi réussis. Etait-ce le hasard qui avait voulu que ce soit précisément ce tir ? Ou bien la volonté de donner le meilleur devant un sensei ? Quoi qu'il en soit, le résultat était là. Et même s'il n'était pas régulier dans ses performances, il était capable de très bons tirs.

Après ce moment passé en plein soleil, le retour dans l'enceinte du dojo fut des plus appréciables. Jiro déposait ses deux flèches au côté de son arc, lorsque Kimihiro s'approcha, lui présentant son propre arc. Le regard de l'adolescent avait quelque chose de plaisant en cet instant. Plus franc, plus direct, mais, surtout, plus ouvert. Il ne put que renvoyer un sourire à ce regard, avant de prendre l'arme en main.

" Tu dois faire tout juste 1m80, je suppose ... Voyons voir ça. "

Jiro posa un œil inquisiteur sur l'objet, de toute évidence parfaitement entretenu. Ses doigts longèrent délicatement la corde en fibre synthétique, détail qu'il avait déjà noté lors du chant. Elle était épaisse, preuve certaine de la puissance de l'arc et de la force, sans nul doute assez développée, du jeune kendoka. Prolongeant leur mouvement, ses doigts vinrent effleurer l'arc en un geste presque caressant. La fibre de carbone qui le composait était un choix judicieux, bien plus qu'un bambou délicat et fragile. Un arc parfaitement adapté, en effet.

" Je serais surpris de pouvoir le bander convenablement ... "

Comme pour illustrer ses paroles, Jiro se mit en position de tir. La différence de taille de l'arc était notable, mais pas particulièrement gênante. Le contact des matériaux était bien plus perturbant. Sans encocher de flèche, il tira lentement sur la corde, cherchant juste à voir quelle amplitude il pourrait atteindre.
Son mouvement cessa bien avant d'avoir atteint son amplitude de tir. La corde était trop dure, l'arc trop fort, le tout offrant une résistance qu'il n'était pas en mesure de contrer. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres tandis qu'il relâchait la corde en douceur.

" Qu'est-ce que je disais. En tant que kendoka, tu as une musculature que je suis loin d'avoir. Cet arc te convient parfaitement. "

Jiro tendit l'arc à Eiji. Il porta son attention sur les lieux, pensif, avant d'en revenir au jeune homme.

" Tu ne trouves pas que ce dojo manque ... d'âme ... ? "

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
L'ambiance était détendue entre eux, et Eiji observa attentivement le jeune homme devant lui prendre son arc d'une main délicate, le traitant avec autant de douceur que s'il avait tenu entre ses mains un objet de bois précieux. Si c'était presque le cas pour lui, le jeune homme accueillait avec plaisir cette vision de la part de son aîné. Etait-il aussi prévenant avec tout ce qu'il prenait entre ses mains ou seulement pour ses affaires de kyudo ? Maintenant que son professeur s'était montré bon kyudojin, et par ce biais montré intéressant, Eiji était curieux à son égard. L'esprit des arts martiaux s'imprégnait-il hors du dojo pour lui aussi, ou bien passé les portes de vieil édifice redevenait-il celui qu'Eiji le soupçonnait d'être, un professeur d'espagnol agaçant et sans grand intérêt ?
Il ne lui avait pas laissé un souvenir impérissable en cours, bien au contraire. D'un autre côté ... l'inverse devait être vrai. L'espagnol n'était sûrement pas le cours où il s'était montré le plus empressé.

Un léger sourire aux lèvres, le kendoka regarda le sensei tenter de bander son arc. Honnêtement, il aurait été très étonné de le voir réussir à tendre la corde complètement, voir même seulement aux deux tiers. Dans son ancien dojo, la seule personne qui réussissait à le bander était un homme de 20 ans de plus que lui, aux larges épaules de travailleur manuel. La plupart des autres kyudojin avait une morphologie proche de celle d'Egawa-san, tout en finesse.
Pendant qu'il tirait, Eiji risqua son regard sur la silhouette de son professeur : mince, des épaules finement taillées, tout semblait assorti au visage aux traits fins et aux longues mains aristocratiques. De l'opinion du sportif, quelqu'un qui ne devait guère faire d'efforts physiques - non, le kyudo n'était pas un effort physique de son point de vue. De concentration et spirituel, certainement, mais pas physique - le kyudo lui allait bien. Tant sur le point de vue physique, que sur l'impression de tranquillité qu'il donnait, et qu'il avait toujours vu jusque là comme un mépris souverain, voir comme une arrogance hautaine.
Même luttant contre un arc bien trop puissant, il restait agréable à regarder, maîtrisant instinctivement une posture à laquelle Eiji devait bien trop souvent réfléchir.

Egawa-san finit par déclarer forfait et rendre son arc au jeune homme qui le reprit avec le sourire et un hochement de tête.

« Mon sensei a eu du mal à m'accorder avec un arc au début. Malgré toute ma bonne volonté j'étais trop brutal. Au moins avec celui-là j'ai trouvé mon égal. »

C'était un de ses - nombreux - défauts au kyudo. Celui de voir l'arc autant comme un adversaire à soumettre que comme une extension de lui-même. L'idée ne lui était jamais venue en kendo, où son shinai était comme le prolongement de son bras.
L'adolescent eut un regard amusé pour l'arc sombre entre ses mains, tout autant son ennemi que son allié. Avoir trouvé quelqu'un avec qui parler kyudo le remotivait grandement pour son entraînement.

La dernière remarque du professeur laissa une impression étrange à Eiji. Il avait déjà entendu quasiment la même remarque, de la part du Konata, après la première fois qu'ils avaient croisé les sabres. Il était tout à fait d'accord dans les deux cas, mais le parallèle de la situation le marqua, comme un étrange jeu du destin, laissant le jeune homme silencieux quelques instants avant qu'il ne reprenne la parole, son regard fixé sur les cibles.

« Ce n'est pas tellement étonnant ... le lycée s'intéresse très peu aux arts traditionnels, au profit des sports ou disciplines plus modernes et occidentales. Les arts martiaux comme les autres. Je suppose que c'est en grande partie du à la grosse proportion d'élèves gaijins. »

C'était un constat plus qu'une remarque amère. Venant tout droit d'un lycée bien plus traditionnel où les clubs de kendo et d'ikebana avaient une place toute aussi prépondérante que celui de foot, l'adolescent avait pas mal déchanté de voir que la plupart de ses entraînements se feraient seuls. La grande majorité des élèves n'était tout simplement pas intéressée. Certes, il y avait des côtés enrichissants à rencontrer des élèves de diverses nationalités, mais certaines choses propres à sa culture lui manquaient parfois.

« Vous avez pu remarquer qu'il n'y a pas souvent du monde dans le dojo ... On a l'impression d'être oublié, ou écarté. Et je crois que c'est bien la première fois que je peux dire que je regrette une cérémonie du thé ! »

Non, il n'avait pas été assez masochiste pour appartenir à ce club. Par contre, le club de chadô de son ancien lycée insistait pour convier les membres des différents clubs d'arts traditionnels à une cérémonie au moins une fois par mois. Membre de deux clubs, kendo et kyudo, le jeune homme n'avait jamais pu se dérober, appréciant d'une certaine manière ces longues cérémonies majestueuses et apaisantes.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le silence s'étira un moment, le jeune homme semblant perplexe, et Jiro se demanda si sa question n'était pas trop ésotérique pour lui. C'était fort possible. Si l'esprit du kyudo imprégnait fortement sa vie et sa façon de penser, il n'en était pas forcément de même pour tous les pratiquants de cet art, et ses paroles pouvaient parfois prendre un tour un peu trop obscur pour certains.
Cette réflexion le ramena aux dernières paroles d'Eiji au sujet de son arc. Quel terme avait-il utilisé précisément ? Ah oui ... son "égal" ... Etrange façon de considérer ce que lui voyait comme un prolongement de soi-même. L'arc n'était pas son égal, ni son partenaire. Il était une partie de lui, comme un membre supplémentaire. Non, bien plus que ça. Ce n'était pas un membre ordinaire de son corps. Une partie de son âme y vivait et quand il le prenait en main, que ce soit pour tirer ou simplement pour prendre soin de lui, il avait souvent l'impression de sentir l'arc vibrer, comme un battement de cœur. Il était fort probable qu'un jour il devienne un yōkai ...
Un léger sourire effleura ses lèvres à cette idée. Sans doute valait-il mieux qu'il garde ce genre de réflexion pour lui s'il ne voulait pas passer pour moitié fou. La façon de voir d'Eiji était peut-être plus normale. Du moins, avait-il constaté qu'elle était assez courante pour les plus jeunes kyudojin ... et même pour certains plus expérimentés ... L'aspect mystique du kyudo pouvait rester désespérément hermétique à certains.

La voix qui s'éleva à proximité ramena Jiro à la réalité et son attention se reporta sur l'élève à ses côtés. Par sa réponse, Eiji ne semblait pas si perturbé que ça par la mention de l'âme du dojo. Peut-être avait-il juste pris le temps de la réflexion.
Un petit soupir filtra entre ses lèvres. Il pouvait aisément comprendre la déception du jeune homme, lui-même l'ayant ressentie à son arrivée. Les moments de solitude avec sa passion étaient certes agréables, mais pouvoir la partager était un plaisir tout aussi grand. C'était bien pour cette raison qu'il avait passé les évaluations pour pouvoir transmettre l'art du kyudo ...

La mention de cérémonie du thé - et surtout la façon dont elle était évoquée - fit s'élargir le sourire de Jiro qui se retint de rire.

" C'est vrai que je n'ai pas vu grand monde jusqu'à présent. Je m'étais résigné à être le seul pratiquant de kyudo et, les fois où je suis passé au moment de l'entraînement de kendo, il ne m'a pas semblé y avoir beaucoup de participants. "

Il les avait vu trop peu souvent pour en être certain, mais en dehors d'Eiji les autres ne semblaient ni nombreux, ni assidus. Ah si ! Il y avait cette petite jeune fille énergique qu'il avait fini par repérer dans la classe des 2è années. Pas vraiment des plus attentives en cours mais une élève agréable, dans la moyenne. Il ne se souvenait plus de son nom. Il lui semblait juste qu'elle devait être vers le début de la liste quand il faisait l'appel.

" Une cérémonie du thé ... J'y ai songé, mais seul ça n'a aucun sens ... "

Ah mais ... il n'était plus seul à présent ! A deux, ça changeait tout ... Enfin, encore fallait-il qu'Eiji veuille bien y assister.

" Kimihiro-kun ... Si je fais une cérémonie du thé au dojo pour y attirer la bienveillance des kamis et lui insuffler un peu de vie, y participerais-tu ? "

Ce ne fut qu'une fois prononcées que Jiro réalisa le mysticisme de ses paroles. Il n'avait plus qu'à espérer qu'Eiji n'y soit pas totalement hermétique. Après tout, pratiquant deux arts martiaux traditionnels, cela ne devait pas être la première fois qu'il entendait de telles choses.

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Oh non, Eiji n'aurait pas été dépaysé d'entendre parler de l'aspect mystique du kyudo. Même s'il n'était pas un fervent pratiquant du kyudo au point de dépasser l'aspect sportif du tir à l'arc, il connaissait et embrassait avec ferveur le fait que les arts martiaux étaient bien plus qu'un sport. Il n'aurait sûrement pas autant adoré le kendo s'il n'avait trouvé autre chose que l'arme à laquelle se raccrocher.
Au delà de ça, il avait été élevé de manière assez traditionnelle. Pas vraiment par ses parents - bien au contraire, une mère qui travaille et qui divorce était plutôt moderne, et si elle avait fait tout ce qu'il fallait pour son fils, elle avait fait l'impasse sur d'autres choses - mais par ses grands-parents, par ses sensei en arts martiaux ... toutes les personnes vers lesquelles le jeune homme s'était tourné quand il avait compris qu'il ne pouvait pas se fier à ses parents quand ceux-ci avaient divorcé.

A travers leurs yeux, il avait eu une vision du Japon bien différente de celle qu'il voyait à Tokyo ou au lycée, une vision quasi opposée à cette vie décontractée à Hamura où les cultures se mêlaient et où les traditions devenaient folklores. Les vieilles histoires de yōkais narrées par sa grand-mère, les visites dans les temples avec un de ses grands-pères, les cérémonies du thé avec ses sensei, longues et ennuyeuses, mais noyées dans une atmosphère difficile à retrouver ailleurs, toutes ces choses qui semblaient parfois démodées mais qui étaient presque vivantes pour lui. Comment ne pas y croire quand il passait tant de temps dans un dojo ? S'il vivait dans un monde moderne, une partie de lui restait quand même ancrée dans ce qui faisait de lui un vrai japonais. Il était fier de ses vieilles racines.

L'envie de rire était presque lisible dans les yeux d'Egawa-san. Loin de s'en formaliser, le jeune homme sourit à son tour. Le souvenir de sa dernière cérémonie du thé restait entaché de la manière particulière dont elle avait été conduite, et il n'était pas près de l'oublier. Eiji hocha légèrement la tête au commentaire sur le nombre de participants, plus nombreux en kendo, mais toujours insignifiant par rapport au nombre d'élèves ou par rapport à ceux qui faisaient du base-ball par exemple.

« Il y en a un peu plus qu'en kyudo, vu que le nombre ne doit pas dépasser nous deux, mais la plupart ne sont pas vraiment passionnés. Quelques occidentaux fans de mangas, et quelques uns qui en font pour se défouler. »

Au ton de la voix de l'adolescent, il était clair qu'il désapprouvait - non pour les raisons citées, après tout, chacun pouvait avoir ses propres raisons pour choisir la voie du sabre - mais pour cette manière à moitié motivée de s'entraîner et de combattre. Il ne pouvait pas envisager qu'on ne puisse pas être passionné de Kendo, qu'on ne puisse pas se donner corps et âme dans son shinai. C'était tout simplement incompréhensible pour lui.
Heureusement, il y avait Konata pour rattraper le niveau de ces lourdauds auxquels il avait souvent eu l'envie de donner une correction mémorable pour leur montrer ce qu'était le kendo. Ce qu'il avait fait, une fois ou deux ...

La question de son professeur prit Eiji de court. Pas pour les raisons imaginées par Jiro - s'il pouvait prier dans un temple, il pouvait bien faire une cérémonie du thé pour la bienveillance des kamis - mais pour un souvenir, le dernier, le meilleur. Le jeune homme fixa un instant son professeur avant d'éclater de rire, sa main montant automatiquement à ses lèvres pour essayer de dissimuler une crise de fou rire impossible à contrôler.

« Désolé ... »

Eiji reprit son souffle au bout d'un court instant et entreprit de s'expliquer, les yeux brillants par le rire et la bonne humeur. Il se passa la main dans les cheveux, la sensation des mèches devant ses yeux lui rappelant qu'il faudrait qu'il pense à les raccourcir dans la semaine.

« Excusez-moi ... ce n'est pas à cause de vous ... J'ai juste revu la dernière cérémonie du thé à laquelle j'ai participé dans mon ancien lycée. Mes camarades l'ont organisée pour mon départ, avec le club de Kyudo, de Kendo et de Chado. Et les kendoka en ont profité pour remplacer la moitié de l'eau par du saké corsé. »

La scène avait été ... mémorable. Les membres du club de la cérémonie du thé ignorant jusqu'au dernier moment le piège, ceux des clubs sportifs particulièrement sages et dans l'expectative de ce qui allait se produire ... Ça avait été tout simplement magnifique. Les premiers s'étaient vite rendu compte du subterfuge mais avait refusé d'interrompre ou de modifier la cérémonie, les seconds étaient resté sages, bien décidés à ne pas être les premiers à craquer. La cérémonie avait été au final magnifique, dans les règles de l'art - enfin presque - et surtout une merveille de non-dits et de communication dans les gestes et les subtilités, comme une réelle cérémonie des temps anciens. La fiesta qui avait suivi avait été mémorable aussi, un chaud souvenir dans le cœur de l'adolescent. Pour ces souvenirs, et pour le futur que lui réservait le dojo, il ne pouvait pas ne pas accepter la proposition d'Egawa-san. Il aurait aimé que Konata participe, mais connaissant sa furie de copine, la cérémonie du thé ne faisait pas partie des choses qui la motivait.
Le jeune homme fixa le kyudojin et s'inclina dans sa direction.

« J'en serais honoré Egawa-sensei. Je crois qu'il est temps de réveiller le kami endormi du dojo ! »

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Au milieu du dojo quasiment désert si ce n'était leur deux présences, le rire d'Eiji dénotait furieusement avec le calme qui régnait jusque là. Un sourcil arqué dans une expression surprise, Jiro fixait l'adolescent en se demandant ce qui pouvait bien être à l'origine de ce fou rire. Il ne pensait pas avoir dit quoi que ce soit de drôle, alors de là à déclancher une telle hilarité ... Non, franchement, il ne voyait pas. Le mieux était donc d'attendre patiemment que le jeune homme se calme.

Ce dernier se reprit rapidement, s'excusant avant d'enchaîner sur des explications qui étirèrent un sourire amusé sur les lèvres de l'enseignant. Ah ! La fameuse cérémonie du thé au saké ! La hantise des clubs de chado était un classique décidément indémodable. C'était un véritable défi que de réussir une cérémonie du thé dans ces conditions car, bien sûr, il en allait de l'honneur du club d'aller jusqu'au bout. Les participants en gardaient généralement un souvenir impérissable et, en vue du regard pétillant d'Eiji, c'était son cas.

" Je vois. Ca a dû être une cérémonie magnifique. "

C'était une de ces choses qu'il regrettait de ne pas avoir vécu. A Madrid, les cérémonies du thé de l'ambassade n'auraient pu tolérer un tel affront. Quant à l'université à Tokyo ... La plaisanterie perdait visiblement de son charme lorsqu'on l'avait déjà vécue une fois ...

Jiro inclina doucement la tête à l'acceptation d'Eiji. S'ils étaient deux, il pourrait faire quelque chose qui ressemble réellement à une cérémonie du thé.

" Tu m'en vois ravi, Kimihiro-kun. "

Restait à convenir du meilleur moment en tenant compte des horaires de cours. Après s'être mis d'accord sur un jour de la semaine suivante, Jiro invita Eiji à reprendre l'entraînement. Celui-ci prenait une tournure fort différente de ceux qu'il avait fait jusqu'à présent. Savoir qu'il n'était plus seul à pratiquer le kyudo lui redonnait du baume au cœur. Certes, il n'y avait besoin que d'un arc pour tirer, mais ne pas pouvoir partager sa passion était frustrant. Discuter et transmettre, les deux éléments qui manquaient à Jiro depuis son arrivée. Enfin, pour ce qui était de la transmission ...

Après plusieurs tirs, Jiro décida de s'en tenir là pour ce jour. Eiji s'était arrêté bien avant - il avait commencé plus tôt après tout - mais était resté à l'observer, s'occupant d'aller chercher les flèches sur la cible à sa place, comme s'il avait été réellement son élève.

Jiro alla chercher la bouteille d'eau qu'il avait laissée sur le côté, à l'abri de la chaleur, et prit une longue gorgée salvatrice. Sa langue passa sur ses lèvres dans un réflexe pour rattraper une goutte sur le point de tomber. Il se tourna finalement vers Eiji, l'observant un moment en silence avant de se décider à parler.

" Je sais que nos écoles ne sont pas les mêmes mais ... m'accepterais-tu pour sensei tant que tu es au lycée ? "

A moins de pratiquer à l'extérieur de l'établissement, ici, Eiji n'en avait pas. Pas plus que lui n'avait d'élève. Alors ... pourquoi pas ...

Eiji Kimihiro [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Au lieu de partir sitôt son entraînement fini, Eiji était resté avec Egawa-san. Regarder l'homme tirer était un réel plaisir pour les yeux, tout autant que discuter avec lui entre deux tirs. Le jeune homme se rendait enfin compte à quel point l'esprit du dojo pouvait lui manquer. Bien sûr, il avait Konata, tout aussi férue pratiquante du kendo que lui mais ... Konata était, et restait une fille. Ce qui introduisait une nuance extrême, dans ce qu'il pouvait dire et faire avec elle.
Oh, il était très heureux qu'elle soit une fille - et sa copine au passage - mais il restait certaines arcanes secrètes du comportement masculin qu'elle ne pourrait jamais comprendre et apprécier à sa juste valeur. Et de même qu'il y avait un temps pour les rires et l'agitation de sa petite brune, il y avait aussi le temps pour le calme et le zen qui semblaient s'écouler naturellement de Jiro.

De manière assez naturelle - aussi naturellement qu'il s'était installé comme sempai des pratiquants de kendo de ce dojo - il s'était glissé dans la position d'élève observant le maître, remplissant parfois une tache minime sans que Jiro ait besoin de lui demander.
De même qu'il entrait dans une salle de classe en position d'élève, assis derrière son bureau pour prendre des notes et apprendre, il acceptait logiquement cette position au dojo. Avec probablement bien plus de sérieux d'ailleurs.

Après plusieurs tirs, Eiji avait fini par mettre le doigt sur quelques différences entre son kyudo et celui de Jiro. Des différences qui venaient de leurs écoles, mais aussi de leur nature. L'homme semblait porter en lui une grâce et une tranquillité naturelle qui se retranscrivait dans tous ses mouvements, arc en main ou non. Il était léger ... comme un danseur, le moindre de ses gestes semblant se faire sans à coup. Bien loin de la présence forte et combative d'un kendoka par exemple. Il était assez marquant de voir comme leurs natures étaient opposées.
Eiji détourna la tête quand son professeur se désaltéra, gêné d'être presque surpris à l'épier dans le moindre de ses gestes.

La voix douce s'éleva à nouveau pour troubler le silence du dojo, cette fois bien moins crainte ou honnie qu'au sein du lycée. Le sourire rayonnant du sportif valait bien toutes les réponses qu'il pourrait donner. Ne pas accepter la possibilité de s'entraîner auprès de quelqu'un dont il admirait déjà la maîtrise et la technique ? S'il n'était pas aussi passionné de kyudo que de kendo, il aimait suffisamment cet art pour s'y adonner avec plaisir.

« Ce serait un réel plaisir et privilège de pratiquer le kyudo avec vous Egawa-sensei. Par contre ... ne vous attendez pas à ce que je sois aussi diligent en cours d'espagnol. »

Amusé, légèrement défiant, le jeune homme s'offrait tout entier au sensei de kyudo ... mais beaucoup moins volontairement au prof d'espagnol. Il fallait croire que l'arc le séduisait bien plus que la langue ... Et comme une grosse panthère qui se laissait caresser en ronronnant mais risque de se réveiller, il préférait rappeler qu'il valait mieux ne pas confondre dojo et salle de cours.
Il était presque sûr que le jeune professeur était à peu près du même avis : le respect et la distance entre sensei et kyudojin et celle entre prof et élève n'étaient pas du tout les mêmes, bien qu'ils existent dans les deux cas. En tous cas, qu'il n'espère pas voir Eiji se transformer en élève passionné par son cours.

Jiro Egawa [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le sourire rayonnant d'Eiji donna la réponse bien avant qu'il n'émette le moindre son. Pour tout dire, Jiro ne s'était pas attendu à un refus catégorique, mais certainement pas non plus à autant d'enthousiasme. Il en était d'autant plus touché que le visage du jeune homme s'était éclairé de façon expressive à sa proposition. Les paroles qui suivirent vinrent confirmer la réponse de manière plus formelle. Malgré cette formalité des tournures de politesse japonaises, il se sentait presque gêné par les termes employés, soudain inquiet de savoir s'il serait à la hauteur des attentes du jeune homme.

Heureusement, ce petit malaise fut vite dissipé par la suite, avant même qu'il n'ait réellement eu le temps de s'installer. Jiro ne put retenir un rire léger au rappel des cours d'espagnol et de sa fonction au sein du lycée. Voilà bien une idée qui ne l'avait pas même effleuré. C'est donc un sourire rieur qu'il renvoya à Eiji.

" Je ne me faisais guère d'illusion à ce sujet. Mais ne t'inquiète pas, il n'y a pas de place pour le professeur d'espagnol dans ce dojo. Pas plus qu'il n'y a de sensei dans la salle de classe. "

Oui, même si l'esprit du kyudo le suivait partout, il ne mélangeait pas son rôle de sensei et celui de professeur. C'étaient deux choses bien distinctes qu'il n'exerçait pas dans le même état d'esprit.

" Ce serait merveilleux que tous les élèves soient aussi enthousiastes pour la matière que tu ne l'es pour le kyudo, j'avoue. Ce doit être l'idéal que caresse tout professeur, même si ça relève de l'utopie. Mais je ne désespère pas de réussir à en intéresser quelques uns. "

Le pluriel était volontaire. Il ne parlait pas d'Eiji mais de ses élèves en général. Bon ... Si Eiji pouvait faire parti des futurs intéressés, ce serait parfait. Mais il ne fallait pas rêver non plus. L'adolescent n'était pas mauvais élève mais avait montré une sérieuse réticence pour la matière et pour lui-même. Au moins, après cet entraînement, il n'aurait probablement plus droit à ces regards noirs ou fuyants. Ce qui était déjà un bon point. Comment intéresser un élève qui se butait face à son professeur ?

Jiro s'étira doucement avant de ramasser son équipement et d'inviter le jeune homme, nouvellement son élève, à regagner les vestiaires. Ce dernier pivota légèrement la tête l'informant qu'il se changeait dans sa chambre. Il était vrai que les douches des vestiaires du dojo étant hors service, c'était plus simple pour lui. De son côté, Jiro avait opté pour se remettre en tenue civile le temps de regagner son appartement. Cela l'obligeait à se changer après mais c'était mieux que de traverser tout l'établissement en hakama. Déjà que la sacoche de son arc ne passait pas inaperçue ... Enfin, vivement que les douches soient réparées. Logiquement, ce devrait être fait pendant les vacances d'été.

Après avoir rangé son matériel, Eiji le salua donc et quitta le dojo. Le sourire de Jiro ne disparut pas après son départ. Il était heureux de la tournure qu'avait prise cette matinée. Ce serait une belle journée, forcément.
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Comme une flèche en plein vol [Eiji/Jiro]

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