- Aahh... C'est trop bon...

Laissa échapper Detsuda en se plongeant dans l'eau chaude d'un des bassins.

" Rien de tel après le sport qu'un bon bain. Surtout qu'il n'y a encore personne ! "

Le jeune garçon fit basculer sa tête en arrière pour fixer le plafond. Sa nuque reposait sur la faïence encore froide alors que le reste de son corps était immergé dans un bain agréablement chauffé. Il pouvait sentir chacun de ses muscles se détendre alors que la torpeur l'envahissait.

" On dirait les pensées d'un vieillard."

Se moqua-t-il intérieurement alors qu'un mince sourire naissait sur ses lèvres fines. Ses paupières se fermèrent. Il voulait se concentrer sur cette sensation et oublier tout le reste. Au diable les devoirs, au diable le club de journalisme, il ne portait plus attention qu'à la seule sensation du contact bienfaisant du liquide chaud sur sa peau, de la douce odeur de son savon.

" Depuis combien de temps, je ne me suis pas juste arrêté comme ça, pour ne rien faire d'autres que de profiter."

Lâchant un soupir délicieux, il s'amusa à se laisser glisser dans l'eau. Pendant quelques instants, le son autour de lui fut totalement étouffé et son corps entier brulait de la chaleur du bassin. C'était une courte immersion dont il sortit assez rapidement.
Yuhei porta alors ses mains dans ses cheveux pour les repousser en arrière avant de les passer sur son visage. Renversant de nouveau sa tête en arrière, il eut un léger rire de contentement. Sans rouvrir les yeux, il laissa libre court au fil de sa pensée.
Dans son esprit, le jeune garçon revoyait les merveilleuses mosaïques romaines qui animaient les thermes antiques, son père les lui avait montré. Il se demandait pourquoi une telle chose s'était perdue ? Quel plaisir cela devait-il être de s'installer dans ces eaux, d'admirer les œuvres de la mythologie et de rêvasser?
Un étrange sentiment le ramena à la réalité. Rouvrant les yeux, il put remarquer à travers l'eau qui troublait sa vue qu'il ne serait plus seul pour très longtemps. Battant des paupières, il se redressa légèrement et frotta ses mirettes pour tenter d'y voir plus clair.

L'avantage de courir tôt le matin, c'était que les bains étaient en général vide quand il y allait, les douches commençant en général à se remplir quand il filait jusqu'à sa chambre récupérer ses affaires de cours. Les bains en eux-mêmes, c'était plutôt le soir qu'ils étaient pris d'assaut. Peu friand de ces moments bruyants pas toujours propices à la détente, Eiji préférait en profiter le matin, et encore, rarement. La douche était au final bien moins couteuse en temps, et il préférait passer plus de temps à l'entrainement qu'au moment détente qui suivait.

L'équipée du matin l'avait laissé dans un piètre état. Shizuka avait trouvé excessivement drôle de plonger avec vigueur dans le cour d'eau qui traversait le parc pour ensuite revenir s'ébrouer près de son maître. Entre ça et le jogging quotidien, le jeune homme avait de la boue plein les jambes, jusqu'à sous son t-shirt blanc de toute façon bon pour une machine. C'était toute cette boue qui lui donnait envie d'un baignade, et après une courte mais intense cession devant le robinet pour retirer la moindre particule de boue de son corps, le jeune homme se dirigea vers un des bassins.

Un jeune homme paressait déjà dans l'eau quand Eiji se glissa dedans, un petit deuxième année sur lequel il n'arrivait pas à mettre de nom, faute de clubs ou de cours communs. Un soupir s'échappa de ses lèvres alors que l'eau brulante se refermait sur son corps refroidi par le bref lavage, lui demandant quelques instants d'adaptation avant qu'il ne se sente à son aise.

«  Bonjour. »

Le visage du jeune homme finit par réveiller quelque souvenir dans son esprit encore engourdi : il était presque sur de l'avoir déjà vu roder autour des terrains de sport, un appareil photo à la main. Et ailleurs aussi, toujours avec cette même manie de filmer ou prendre des photos. Un Hugh en moins américain, en quelque sorte.

«  Tu fais partie du club de journalisme, non ? »

Être nu dans l'eau chaude ne donnait guère envie de se plier à des formalités, et une fois n'est pas coutume le jeune homme se laissait aller à cette envie, profitant de la chaleur et de l'atmosphère ambiante pour quitter ses habitudes de japonais bien dressé.

" Wow... "

Alors que Detsuda regagnait la vue, ses yeux noisettes purent découvrir une silhouette aux proportions impressionnantes pour un japonais.

- Salut.

" Nul doute, c'est un sportif ce gars là. "

Pensa-t-il en battant légèrement des paupières. Son regard s'attarda sur le tatouage de l'inconnu.

" Du genre rebelle ? "

Forcément, les questions affluaient dans son esprit. C'était là ce qui l'avait mené à être journaliste. Cette curiosité qui le poussait toujours se poser des questions sur les gens qui l'entouraient.

- Oui, c'est ça, Detsuda Yuhei.

Le jeune garçon n'aimait pas vraiment cette célébrité, cela nuisait à son travail et à ses relations. Mais bon, il ne pouvait pas faire vraiment autrement.

- Ah! Et toi, tu fais partie des élèves venant de ce lycée qui a fermé et qui ont été transféré ici!

Penser au journalisme lui avait ramené le dossier en tête. En fait, il avait mené sa petite enquête sur cette histoire, principalement par curiosité. Il n'était pas parvenu à accéder aux véritables fichiers administratifs officiels mais il était parvenu par l'intermédiaire d'un petit jeu d'échanges de services à obtenir des informations sur les quelques élèves et personnels transférés.

- Ça été pour s'habituer à ici ? Pas trop de différences de niveaux ?

Son interlocuteur apparaissait être du genre plutôt familier. C'était agréable pour le jeune garçon et cela le mettait plutôt à l'aise. De plus, rencontrer quelqu'un venant d'ailleurs, c'était toujours une occasion d'acquérir un nouveau point de vue sur les choses. Cette idée motiva Detsuda. Il esquissa un sourire discret alors que dans son regard pétillait de curiosité.

Machinalement, le jeune homme avait fermé les yeux, savourant le simple plaisir de sentir ses muscles se dénouer sous l'effet de l'eau chaude. Il se souvenait maintenant de la raison principale pour laquelle il utilisait les bains le soir plutôt que le matin : c'était non pas une question de temps, mais le fait qu'il était véritablement difficile de se remettre à réfléchir correctement une fois son corps partiellement engourdi par la délicieuse chaleur. Est-ce que l'excuse «épuisé par un bain » fonctionnerait avec ses professeurs ? Difficilement...

La voix du jeune homme le tira à nouveau de ses rêveries, amenant un sourire tordu à ses lèvres quand il l'identifia comme un des élèves arrivés en cours de route. Décidément, cette image allait lui coller à la peau ! Eiji ouvrit paresseusement un oeil en inclinant la tête.

«  C'est ça. Kimihiro Eiji, maintenant dans la 3-A. »

Le jeune homme pondéra un instant sur la question alors que son regard dérivé sur le haut plafond du sentô, à peine brouillé par la vapeur qui s'échappait de l'eau. Maintenant qu'il était présent depuis quelques semaines, il avait un peu plus de recul pour réfléchir à son intégration dans son nouvel établissement. Au final, il arrivait assez facilement à établir un shéma : ce n'était pas l'intégration ou les cours qui lui avaient posé le plus de soucis, même s'il avait encore besoin de trouver ses marques. Pas même ses nouveaux camarades ou les clubs... c'était plutôt les soucis qu'il avait ramené avec lui de Hamura qui lui collaient à la peau comme un drap humide.

« Le niveau est plus élevé et les cours un peu plus intensifs, mais ça passe. Et j'aime bien l'ambiance aussi... changer de lycée est pas forcément ce que j'aurais choisi de base, mais on aurait pu tomber plus mal je pense. »

Un détail qu'il passa sous silence, parce qu'un peu ridicule - et qui ne convenait guère à son image de garçon sportif et viril- était le fait qu'il avait pu garder Shizuka avec lui. Les internats qui donnaient la possibilité de garder un chien étaient plus que rares et l'idée de ne plus avoir le petit shiba inu avec lui était plus difficile à accepter qu'il ne l'aurait cru. Mais, ça, il n'était pas obligé de l'étaler comme une jeune fille émotive.

« Le règlement est aussi plus strict mais on ne peut pas tout avoir. Pourquoi, tu comptes faire un article la dessus ? »

L'arrivée de quelques élèves d'un lycée paumé et oublié un peu plus loin... honnêtement, qui est-ce que ça pourrait intéresser ?

Detsuda commença à oublier la torpeur qui envahissait il y a encore quelques minutes de cela son corps. Son esprit motivé par la présence de Kimihiro portait désormais son intérêt sur la discussion qu'ils avaient tous deux. Cela se voyait dans son regard noisette. Ce dernier s'animait de plus en plus d'une légère lueur curieuse.

" C'est bien ce qu'on m'avait dit. Le lycée Hamura était plutôt de seconde zone en comparaison. Mais cela n'explique pas vraiment pourquoi la Gingko a prit le risque de prendre tant d'élèves et de profs d'une telle structure pour l'incorporer dans la sienne. "

L'apparent désintérêt de son sempai pour le sujet ne lui échappa pas. Pourtant, de son point de vue, la chose méritait d'être traité. Et il s'apprêta à démontrer pourquoi.

- Ça se pourrait bien, sempai. C'est un sujet qui intéresse les élèves d'ici, ça les inquiète et les intrigue. Les parents aussi! Ils ont un peu peur de voir les choses se dégrader.

Le jeune garçon se redressa machinalement dans le bassin, mettant son dos bien droit contre la faïence, campant les pieds de ses jambes repliés sur le fond du bac pour trouver une plus grande stabilité, comme si cette dernière était nécessaire pour organiser ses propos.

- C'est normal l'ambiance qui fait la bonne ou la mauvaise réputation d'un lycée peut changer quand on y fait rentrer de nouveaux élèves qui viennent d'ailleurs.

Son visage exprimait désormais un sourire qui n'avait rien de nippon, il était à la fois trop fière et trop charmeur pour correspondre à l'attitude discrète des gens de l'archipel. Même sa voix prenait des inclinaisons un peu chantante et exotique à mesure qu'il paraissait emporté par son propos.

- Et puis moi aussi, ça m’inquiétait personnellement. Alors, j'ai profité d'être au club de journalisme pour mener ma petite enquête.

Haussant ses épaules fuyantes et fines avec une moue délicieuse, il reprit.

- Tout à l'air de bien se passer. Je n'ai pas trouvé de choses solides qui pourraient laisser croire que votre arrivé à créer des problèmes. Il n'y a que des rumeurs idiotes qui trainent un peu sur chacun et mon article permettra justement de faire un peu le ménage dans ces cancans de nanas.

L'expression était un peu maladroite mais elle démontrait le peu de foi que le jeune garçon apportait à ce genre de propos à peine chuchoter entre deux gloussements ridicules. Se laissant de nouveau glisser un peu dans l'eau, il prit une expression plus en retrait.

- C'est vrai que changer d'établissement pour la troisième année, c'est un peu chaud. Mais c'est cool si tu aimes l'ambiance. Vu qu'en plus, tu dois avoir déjà une idée de ce que tu veux faire dans ta vie, non ?

Qu'est-ce qu'il était bavard ! Avant même qu'il ai pu formuler une réponse, ou envisager d'y répondre – certes, il n'était pas bien rapide, mais quand même – que le jeune homme avait déjà enchainé plusieurs phrases, répondant à ses propres questions et lançant des arguments à droite et à gauche d'un ton enjoué. Le sous-entendu qu'il - enfin lui et ses camarades - risquaient de dégrader l'ambiance, ou le niveau, fit tiquer le jeune homme qui garda pourtant le silence, attendant que son cadet ai fini de s'exprimer. Quand il lui sembla – enfin – qu'il était prêt à l'écouter, Eiji tourna un regard peu passionné et inquisiteur vers lui. Apparemment, ce n'était pas que sur la photo que le garçon ressemblait à Hugh, mais aussi avec ce franc parler bien peu japonais. Pourtant, son nom comme son physique l'était... étrange.

«  C'est toujours agréable de savoir qu'on est perçu comme une menace potentielle... quelque soit le lycée, je pense que mes camarades comme moi sont capable de nous adapter et de nous plier aux règlements du lieu. »

Il était japonais. S'adapter aux règles et s'adapter à la masse pour fonctionner de manière efficace avait été tellement intriqué dans son éducation, que la suggestion qu'il ait pu faire le contraire le choquait presque. Certes, ce n'était pas évident, et il devait admettre qu'il avait surement pris des velléités d'indépendance dans ses derniers mois de scolarité, mais au point de déranger l'ordre des choses... non. Et la suggestion qu'il aurait pu le faire ne l'amenait pas à regarder d'un oeil bienveillant le seconde année. Aucun japonais de bonne composition n'aurait pensé de cette manière.
De là à imaginer que le jeune homme avait monté ces rumeurs à partir d'un peu de vent pour faire un article intéressant et original, il n'y avait qu'un pas...

Un bain public n'était guère l'endroit idéal pour se prendre la tête et le jeune homme préféra oublier ses insultes en se laissant glisser plus profondément dans l'eau, jusqu'à avoir la nuque dans l'eau, évitant d'y plonger entièrement la tête pour ne pas trop mouiller ses cheveux. Encore que... avec la température dehors, ils sécheraient vite, même s'ils risquaient d'être ébouriffés. Tant pis.
Il glissa entièrement la tête sous l'eau jusqu'à que ses temps bourdonnent avec la chaleur puis ressortit, apaisé, ayant pu un instant oublier l'agacement né à cause de Detsuda.

«  Et pour répondre à ta dernière question, non, je ne suis pas encore totalement fixé. »

Kendo ou non, la question restait encore ouverte, et le resterait probablement jusqu'à la fin de l'année. Mais ça, Eiji n'était pas sur de vouloir le partager.

Detsuda fut un instant prit au dépourvu. Mais il reprit assez vite contenance. Il fallait dire que ce n'était pas la première fois que le jeune garçon faisait les frais de sa franchise et lisait ces expressions sur le visage d'un interlocuteur japonais. Combien de fois sa grand mère avait fait une tête de ce genre quand il avait tenu un mot de trop durant une réunion familiale ?
A première vue, avec le tatouage et l'allure de sportif, l'apprenti journaliste ne s'était pas vraiment méfier. Il avait cru avoir à faire à quelqu'un d'assez cool et plutôt zen. Du genre, qui était capable de prendre du recul et de comprendre les inquiétudes que les élèves avaient pu ressentir en voyant ces inconnus débarqués dans leur établissement et brouiller les cartes de leurs habitudes.
Mais, il fallait croire qu'il s'était trompé et qu'il avait heurté la sensibilité de Kimihiro par ses propos. Dans un autre pays et avec une personne qu'il aurait connu davantage, le jeune garçon aurait poursuivit la discussion. Mais au Japon, face à un Sempai qu'il ne connaissait guère, il préféra jouer la carte de la diplomatie.

" Switch mode japonais modèle. "

Pensa-t-il en abaissant son regard sur la surface de l'eau. L'immersion complète de son ainé lui laissa le temps de prendre un air de composition. Son sourire se fit plus discret, son regard plus hésitant.
Cela le fatiguait de ne pouvoir être spontanée mais c'était nécessaire pour qu'il puisse poursuivre ses études et sortir avec le diplôme qu'il voulait. Et puis les Japonais n'avaient pas que des mauvais cotés de ce genre. De plus, il pourra bien se laisser à être lui-même auprès des personnes qui étaient prêtes à l'accepter ainsi.
Sans vraiment comprendre pourquoi se fut l'image de Takahashi qui lui revint à l'esprit. La vice-présidente et lui avait vraiment passé un bon moment ensemble. Du moins, le jeune garçon l'espérait-il. Elle lui avait alors dit des paroles dont il n'avait pas forcément saisit le sens avant de le quitter.

" - J'ai été contente de connaître cette partie de toi, Detsuda-kun. "

Maintenant, face à Kimihiro, il comprenait mieux ce coté de l'apprenti journaliste qu'elle avait apprécié. Quand vous aviez vécu à l'autre bout du monde pendant une grande partie de votre enfance et de votre adolescence, même avec du sang japonais, vous ne pouviez pas forcément entrer exactement dans le moule. A la sortie de ce dernier de l'eau, il caressa son visage de son regard et écouta sa réponse en acquiesçant légèrement.

- Je vois... Enfin, je voudrais te demander pardon, Sempai. Mes propos étaient maladroits et je ne désirais vraiment pas te manquer de respect.

Il abaissa la tête profondément avant de se redresser et de toiser son interlocuteur de ses yeux noisettes.

Le jeune homme s'excusa en baissant la tête humblement, enfin conscient de la manière dont ses paroles avaient été interprétées et mal appréciées. Eiji ferma les yeux, laissant le silence s'étirer lourdement dans la salle de bain vide, interrompu de temps à autre par le bruit du clapotis de l'eau dans le bassin. Reprendre la conversation ne lui disait guère. Pas foncièrement bavard en temps normal – du moins, pas bavard comme une fille, c'est à dire prompt à déblatérer sur tout et n'importe quoi, les derniers ragots en date ou l'aspect des cheveux du prof de maths – il trouvait encore plus difficile de trouver un sujet de conversation avec un adolescent qu'il connaissait à peine et dont les derniers mots avaient eu tendance à lui mettre les nerfs à vif. Sans compter sa manière de le regardait, comme s'il essayait de paraître plus grand qu'il n'était, méthode peu efficace sur Eiji s'il en était.

Le silence l'invitait à la méditation, cet acte zen que ses sensei de kyudo peinaient tant à lui faire rechercher en temps normal, dans des conditions que eux jugeaient adéquates, dans le dojo. Peut-être auraient-ils dû essayer dans un sentô pour avoir des résultats ? L'idée brisa nette toute envie de méditation un peu plus calme. D'abord parce qu'il avait beaucoup de mal à envisager son premier sensei de kyudo, un vieil homme au corps chenu, en train d'expliquer les prémices de la méditation assis au bord d'un bassin. Il avait été bien trop sérieux pour envisager un tel outrage.
Quand au sensei suivant, la dernière chose que voulait Eiji était de l'imaginer dans un bain public, et tout ce qui s'ensuivait. Pour le coup, l'humeur serait à tout, sauf à la méditation.

Une fois de plus, Eiji noya dans l'eau ses divagations, même si l'eau chaude se prêtait moins bien qu'une douche froide dans ce genre de cas. Il en ressortit en étouffant un grognement, une main posée dans ses cheveux détrempés qu'il avait oublié de ne pas mouiller. D'un geste las, il écarta de ses yeux ses mèches trop longues, espérant que les professeurs l'accepteraient dans leur cours avec la tignasse humide ou s'il allait devoir courir au 2ème étage pour tenter de trouver une fille prête à lui prêter son séchoir quelques minutes.
Le geste ramena dans son champs de vision Detsuda, toujours présent, qui le regardait d'un air indéfinissable. Curieux ? Calculateur ? Difficile à traduire, et il n'était pas sur de vraiment vouloir le faire au demeurant.

" Ah ouais quand même... "

Detsuda ne s'attendait pas vraiment à ça. Apparemment, son interlocuteur devait cultiver certains caractères japonais, comme la susceptibilité et en délaisser d'autres, comme l'humilité. Et puis non, ça n'avait rien à voir avec le fait d'être japonais ou non! Sur ce coup là, le jeune garçon avait juste l'impression de faire face à un con. Et de ce genre, il en existait dans toutes les cultures. Pardonnez du mot mais c'était le seul qui lui venait à l'esprit. A ses yeux, n'importe qui d'un tant soit peu intelligent aurait sûrement atténué et allégé les choses face aux excuses qu'il venait de présenter, prenant bien en compte que l'apprenti journaliste faisait amende honorable. Mais son interlocuteur lui avait dédaigné jusqu'à son attention, préférant les divagations de ses propres pensées. Il pouvait bien être son ainé, le jeune garçon ne se sentait pas de se laisser traiter de la sorte. Et si sa nature nipponne l'appelait à la tempérance, ses années sous le soleil ardent de Syrie lui donnait volontiers des envies de violences. Les secondes d'un silence lourd aux oreilles de Yuhei s'égrainèrent lentement. Le jeune garçon exprimait désormais une moue boudeuse et un regard légèrement distant, brillant d'une lueur incendiaire. Il se sentait blasé et luttait en lui-même pour ne pas s'emporter dans quelques remarques acides et cinglantes dont ils ne seraient rien sortit de constructif et lui aurait même peut-être fait rentré direct à l'infirmerie. Dans le même temps, ça lui faisait vraiment mal de devoir quitter ce bain à cause de ce... Mince, il passait un bon moment jusqu'à ce que ce gusse arrive. Il était détendu et tout.

" Du calme... T'es au Japon, Detsuda... Respire... Ça serait vraiment très con de ta part de t'attirer des problèmes! "

Quand son interlocuteur sortit de l'eau, la présence et le contact de son regard était devenu trop horripilants. Sentant qu'une retraite stratégique était de loin préférable, il reprit alors cet air fière qui caractérisait ses inspirations arabiques, il se leva pour quitter le bassin.

- Je te laisse, Sempai. Je dois y aller. Merci pour cette courte discussion.

Dit-il sans un regard, serrant inconsciemment les poings tout en marchant d'une démarche un peu raide. Ramassant ses affaires et sa bassine, il quitta la pièce la mâchoire serrée, retenant quelques jurons et noms d'oiseaux. Tout à coup, la perspective d'aller mettre quelques lucarnes pour se calmer lui semblait être une idée salvatrice.