Surprendre une naiade [PV Aiko] [Terminé]

Élève de la 2-A

L'un des moyens d'échapper à la chaleur écrasante de l'été japonais restait de s'installer près d'une étendue d'eau. Hors Detsuda n'avait encore jamais pu satisfaire sa curiosité au sujet de la rivière qui passait sur le campus de la Gingko Gakuen. Il avait toujours affectionné ses promenades au fil de l'eau, à remonter le courant pour le suivre et le voir évoluer au grès du relief et des décors. C'était donc dans cette idée qu'il avait mit ses sandales de marches, son bermuda ainsi qu'un tee shirt léger et une bonne casquette pour s'élancer, sacoche en bandoulière le long de la rive. de la rivière. Yuhei était un jeune garçon rompu à ce genre d'effort. Pour lui, parcourir le territoire sauvage n'était pas quelque chose de difficile. Son passé et ses longues promenades avec ses amis l'avait habitué à l'exercice. De fait, il parvint rapidement à s'éloigner des bâtiments de l'académie pour s'enfoncer toujours davantage dans le milieu sauvage. Au bout d'une petite heure de marche, il s'approchait d'une zone forestière aux pins hauts et clairsemés ou la rivière s'était transformé en un torrent peu profond et translucide. Au delà, il pouvait voir une haute falaise et à son pied, une sorte de bassin creusé par une chute d'eau dont le fracas résonnait de manière continue. S'approchant du torrent dans lequel il plongea ses pieds pour y marcher prudemment, le jeune garçon commença à entreprendre avec un regard scrutateur de deviner la silhouette des quelques poissons. Quelques longues minutes sans que le jeune garçon s'esquisse un mouvement, totalement concentré à son œuvre. Soudain, d'un geste aussi rapide et précis qu'il le put, Detsuda tenta de saisir une des créatures entre ses mains. Les écailles glissantes de cette dernière empêchèrent au garçon se refermer sa prise et un combat s'engagea ponctué de violentes gerbes d'eau. Après quelques secondes d'affrontement acharné, le poisson parvint à s'échapper. De toute évidence, il en voulait plus que Yuhei. Avec un léger rire amusé, le jeune garçon se redressa pour vaguement essoré ses vêtements à demi-trempé. Un bruit de clapotis attira alors son attention, tendant le regard vers le bassin qu'il discernait à peine derrière la dense frondaison des arbres. Poussé par la curiosité, il commença à s'approcher des lieux tout en demeurant discret. Il avait en tête de surprendre une créature de la forêt se désaltérant au point d'eau. Faisant grande force de prudence, il commença à se glisser derrière des fourrés et s'approcha le plus possible du rebord du bassin sans être vue. C'est alors qu'en levant son regard noisette pour observer avec excitation ce qui pouvait vivre là, son regard se figea sur le spectacle surprenant et magnifique qui lui était donné de voir. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu'il se tendait machinalement vers ce spectacle. C'est alors qu'il sentit le sol se dérober sous ses pieds et qu'il bascula la tête la première dans le bassin pour disparaître dans une grande gerbe d'eau.

Élève de la 2-A

Une chaleur accablante, c’est le moins qu’on puisse dire. Cette vague d’une température atteignant des sommets caniculaires se faisait sentir dans tous les racoins du pensionnat. La majorité des élèves déambulaient dans les couloirs avec l’air abattu, se plaignant entre eux de la sueur ruisselant sur leur visage et leur cou, et l’énergie semblant les quitter au fur et à mesure que la journée avançait et que le climat empirait. La moiteur en était presque palpable, se logeant sur la peau des pauvres jeunes gens dont le sort les avait affublés d’un uniforme sombre, les rayons de l’astre du jour s’acharnant cruellement sur eux. Heureusement, le port de la veste comportant le symbole de l’établissement n’était pas prescrit en été, les épargnant un tant soit peu de l’agression du soleil.

Ce fut donc vêtue seulement de la chemise obligatoire stipulée dans le règlement de l’internat, qu’elle aurait troqué bien volontiers contre un haut un peu plus ouvert, qu’Aiko passa toute la matinée, à l’abri de l’étoile solaire dans le local du conseil des élèves. Déterminée à passer en revue tous les sujets actifs qui nécessitaient son intervention, elle réussit tant bien que mal à se concentrer sur les dossiers jusqu’à ce que midi sonna. À cette heure, même la lumière filtrant par les fenêtres devenaient intolérables lorsqu’elle aboutissait au sommet de votre crâne. Bien que sa courte et pâle chevelure l’ait prévenu auparavant de dégouliner du liquide corporel produit inévitablement par le corps dans le but de se refroidir, quelques gouttes commencèrent à perler sur son front et elle dut s’excuser auprès des autres membres du conseil, qui lui assurèrent qu’eux-mêmes ne tarderaient pas à se retirer.

Pour l’après-midi, elle s’accorderait un instant de répits, définitivement mérité après les émois des dernières semaines et l’emploi du temps bondé de ces derniers temps. La jeune femme, toujours débordante d’énergie en général, ne refusait jamais toute cette occupation, considérant comme bénéfique de s’employer à une tache plutôt que d’occuper son temps libre à la détente. Son corps finissait immanquablement par en subir les contrecoups et, malgré son obstination à en ignorer les signes la plupart du temps, parfois il lui était tout simplement impossible de nier l’épuisement subi à force de pousser ses limites. Lorsque par malheur, de son avis personnel, elle se devait de s’accorder un peu de repos, il lui semblait ne même plus connaître la technique pour se faire, comme si on la jetait en territoire complètement inconnu. Ce qui était d’ailleurs le cas, vu le nombre rarissime d’heures où elle ralentissait son rythme de vie. Après tout, et cela peu importe ce que l’on en dise, elle faisait partie des gens dont la mentalité a comme principe de base que la vie est bien courte et qu’elle mérite d’être vécue à toute allure.

Alors que ses pas la ramenaient machinalement vers sa chambre, l’adolescente considéra les options qui s’offraient à elle. D’abord, elle pouvait tout simplement se faufiler sous les couvertures et se laisser aller dans les bras de Morphée pour une courte sieste. Cependant, elle avait du mal à se recoucher alors qu’elle était déjà debout depuis plusieurs heures généralement, et se contentait toujours au final de fixer le plafond, pensive, changeant de positions presque toutes les deux minutes. De plus, la chaleur contrarierait à coup sûr sa bonne résolution même si elle parvenait à tenir en place plus longtemps que de coutume, rendant inconfortable même le lit qu’elle affectionnait tant.

Lorsqu’elle parvint à l’intérieur de la pièce qu’elle partageait avec trois camarades de classe, elle resta plantée à quelques pas de la porte, songeuse. Elle pouvait aussi aller affronter les rayons menaçants du soleil qui plombait à l’extérieur pour se promener dans les rues, mais la possibilité n’était pas des plus attrayantes. Déjà, la chaleur à l’intérieur était incroyable, alors mettre le pied dehors… La seule envie qui la secouait était celle d’une vaste étendue d’eau et de la brise qu’on pouvait y trouver. Elle en avait des frissons de désir simplement en s’imaginant le bruissement des feuilles d’un arbre centenaire sous la caresse du vent. L’hésitation ne se fit pas plus longue et elle agrippa un sac à dos où elle fourra le nécessaire pour une baignade dans la rivière d’Hachioji. Après tout, elle ne l’avait encore jamais vu, ce cours d’eau, et sa curiosité en était piquée.

La route la séparant de la lisière des arbres n’aurait jamais pu lui paraître aussi pénible qu’elle le fit à ce moment-là. Il était en quelque sorte amusant de voir que, malgré le ciel bleu et la journée éblouissante, le terrain et les alentours du pensionnat recelaient d’une présence humaine assez réduite. C’était assez rare pour le noter, puis qu’ils débordaient normalement d’élève souhaitant profiter du beau temps. Les seuls espaces occupés se trouvait à être les ombres sous les arbres parsemant le territoire, et c’était plutôt compréhensible à vrai dire.

Au moment où elle atteint le bord de l’eau, l’énergie la posséda de nouveau, comme revigorer par la seule réflexion qu’elle se trouverait à y patauger non longtemps après. Elle investigua un court moment l’endroit où elle avait posé ses affaires pour s’assurer que personne ne s’y trouvait, puis ouvrit son sac et en extirpa le contenu, se résumant à une serviette, des lunettes fumées et un bikini noir et plutôt sobre, spécialement sélectionné pour ce genre d’excursion en solitaire. Évidemment, elle aurait pu venir en ces lieux accompagnée d’une de ses amies, mais il n’était probablement pas conseillé pour se ressourcer de partager l’occasion avec une jeune fille tout aussi hystérique qu’elle-même. De toute façon, elle aurait eu du mal à convaincre qui que ce soit de mettre le pied dans la canicule estivale.

S’extirpant de derrière l’arbre où elle s’était changée, elle se dirigea précipitamment vers le bassin pour s’y immerger jusqu’à la hauteur des épaules, poussant un soupir de soulagement alors que l’eau tiède s’immisçait dans les pores de la peau découverte. À plusieurs reprises, elle entendit le clapotement irrégulier de l’eau, mais elle crut que c’était tout bonnement causé par le mouvement des poissons dans la rivière. Elle s’alarma seulement à l’instant où elle entendit un « plouf » sonore qui eut l’effet immédiat de la faire paniquée. Accourant pour s’enquérir de la source de cette perturbation, elle fut convaincue un moment que c’était peut-être un animal sauvage, même potentiellement dangereux. Pensée qui fut de courte durée

Apercevant une silhouette floue au fond de l’eau, ses yeux s’écarquillèrent lorsque cette dernière émergea du liquide translucide. Décidément, elle ne s’attendait pas du tout à rencontrer quelqu’un, lui encore moins, et elle ne sut pas instantanément la cause de sa chute.

« D-Detsuda-kun? »

Élève de la 2-A

Alors là, Detsuda n'avait pas vraiment compris ce qui venait de se passer. Sortant la tête de l'eau avant se s'ébrouer et d'avaler une profonde bouffée d'air, il tenta de recouvrer la vue, brouiller par l'eau qui ruisselait sur son visage. Toussotant tout d'abord pour recracher une partie du contenu du bassin qu'il avait cru devoir boire, le rire se mit à naitre dans sa gorge alors que son esprit retrouvait peu à peu le fil des événements. Il était heureux qu'il ne se soit pas fait mal dans la chute et puis cette soudaine fraicheur revivifiait son corps endoloris par la marche et la chaleur de l'été. Entendant son nom, il se frotta de nouveau les yeux avant d'ouvrir ses grandes iris noisettes et de les poser sur une jeune fille portant un léger bikini noir. Sans ses lunettes et bien loin de son uniforme scolaire, Yuhei avait mit quelques instants avant de reconnaitre Aiko, la vice présidente du conseil et sa camarade de classe.

- Takahashi-chan! Héhé... Bonjour!

Sérieusement, qu'est ce que voulez répondre d'autres dans ce genre de situation ? Lui-même était déjà au bord du rire alors qu'il s'imaginait dégringole la berge pour finir dans le bassin dans un grand plouf sonore. De plus, le trouble qui l'avait gagné en voyant la silhouette de la jeune fille fendre la surface de l'eau de quelques longueurs ne l'avait pas forcément quitté. De fait, son cœur ne battait donc pas seulement à cause de la peur soudaine née de sa chute mais bien aussi de cette vision qui captivait ses sens et enflammait son regard.

- Je crois que je suis tombé...

Ça, tout le monde aurait pu le remarquer. Il était un peu gêné, forcément, de sa maladresse mais son sourire si particulier démontrait bien que cela n'entamait guère son humeur. Ses vêtements étaient désormais trempés mais malgré le poids qu'ils avaient pris, ce qui demandait à Detsuda un réel effort pour rester à la surface, leurs contacts sur la peau du jeune garçon procurait à ce dernier un vrai sentiment de fraicheur, très agréable. Cela ne faisait qu'égayer et motivé son esprit qui trouvait bien plus de plaisir que de déconvenue à cet incident. Et puis, il y avait Aiko. Son regard ne pouvait gouter que la finesse de ses épaules et la douceur de son cou. Le reste du corps de la jeune fille était troublée par la surface de l'onde. Mais la blancheur de sa peau perlant de quelques gouttes d'eaux que le soleil venait faire doucement miroité avait quelque chose de captivant, comme quelques diamants.

- Tu as trouvé un chouette endroit pour se baigner. Si je t'avais pas entendu nager, je crois que je ne l'aurais pas trouvé si facilement.

Le jeune garçon quitta Takahashi du regard pour contempler avec un réel émerveillement le bassin surplombé par la massive falaise d’où descendait à rythme régulier une beau filet d'eau. C'était un vrai lieu de carte postal, un lieu de rêve bien dissimulé par les hauts pins, plus touffus en ce lieu. Bien sûr, pas un seul instant, il n'était venu à l'esprit de Yuhei d'expliquer sa présence dans les fourrées surplombant la scène. Pourquoi aurait-il fait cela ? Il savait, lui, que sa présence était du au hasard et qu'il n'avait en rien tenté d'épier Aiko. De toute façon, encore aurait-il fallu qu'il en est l'idée et le temps. Mais cela correspondait si peu à la manière de penser de Detsuda. Sans l'incident, il aurait très vite donné signe de vie car il ne trouvait qu'une profonde frustration désagréable dans cette idée d'observer les autres, ce qui l'intéressait était de communiquer et de fait, c'est ce qu'il était entrain de faire.

- Et puis, ça m'a permet de te recroiser en dehors des cours et ça, c'est cool!

Reprit-il spontanément avant de reposer son regard noisette sur le visage de la jeune fill, pétillant d'une légère lueur d'excitation.

Élève de la 2-A

Le jeune homme partageant sa classe lui avait toujours paru des plus sympathiques, bien qu’un peu perdu et si ouvert d’esprit, en comparaison aux valeurs nippones, qu’elle ne saisissait pas bien sa personnalité. Rien ne semblait jamais préoccuper son esprit, ou du moins il le dissimulait grâce à une maîtrise exemplaire puisqu’elle n’avait jamais pu saisir la vision d’une contrariété affichée sur les traits du garçon. Si l’attitude d’Aiko paraissait toujours des plus spontanées et insouciantes, celle de Yuhei lui donnait une impression de détachement total. La manière désinvolte à l’aide de laquelle il la salua lui en fournit par ailleurs la preuve indéniable.

« Euh…Bonjour? », fut la seule réponse parvenant à franchir ses lèvres.

Réponse qui ne s’avérait pas des plus édifiantes, il va sans dire, mais bien difficile à remplacer d’une affirmation plus originale. L’incrédulité brillant précédemment au fond de ses prunelles fut promptement remplacée par une lueur d’inquiétude. Si la présence même de l’adolescent ainsi que le vacarme causé par sa chute l’avait d’abord ébahis, on ne pouvait, à présent, déceler uniquement que de l’appréhension étincelant au-delà des iris turquoise de la jeune femme. La crainte qui pointait au creux de ses pensées impliquait une blessure au crâne causée par un coup probable reçu à cet endroit dû au plongeon tête première. Bien que ne connaissant pas personnellement Yuhei, il lui paraissait propre à son caractère de ne se formaliser que très peu d’une telle blessure ou même de ne pas la percevoir en premier lieu. Cette dernière éventualité rajoutait à l’émoi de la vice-présidente, affiché sur ses traits en un froncement de sourcils discret.

« Ça va, pas trop de mal? »

L’adolescente scruta le regard noisette de son camarade de classe un court instant avant d’obtenir de lui une affirmation plutôt singulière. Il croyait être tombé? À l’opposé de seulement croire, n’importe qui aurait pu attester précisément qu’effectivement, et de façon inattendue des deux partis, il était tombé. La remarque renforça un moment l’expression perplexe du visage de la blonde, avant qu’elle ne rapproche sa main de ses lèvres, les dissimulant sous sa paume, pour pouffer d’un rire silencieux au commencement. Puis, à mesure que les soubresauts devenaient incontrôlables, elle retira cette même main pour se laisser aller à un éclat franc et mélodieux. Il possédait ainsi la même manie d’exprimer à haute voix ses réflexions qu’elle-même, lui allouant toute la sympathie de la jeune fille.

Lorsque son rire se tarit de lui-même, Aiko choisit tout de même de ne rien répliquer à l’observation de son interlocuteur. De toute façon, il aurait été complexe d’ajouter quoi que ce soit d’un tant soit peu pertinent dans la situation. L’adolescente se contenta donc de contempler la chevelure sombre du garçon plaquée contre sa tête pour ensuite poser les yeux dans les reflets verts de ceux du principal concerné, impressionnée de cette couleur qu’elle n’avait que rarement discernée sur un iris auparavant. Son étude se porta subséquemment sur les vêtements imbibés d’eau cramponnés à la silhouette frêle du jeune homme. Elle en était d’ailleurs à considérer avec intérêt ces derniers en s’interrogeant sur la sensation qu’on devait en éprouver au moment où il lui fit part de son opinion sur l’endroit qu’elle avait trouvé pour se rafraichir.

« C’est vrai que c’est bien! J’en ai entendu parler par des troisièmes années, autrement je ne l’aurais sûrement pas trouvé non plus. »

Son enthousiasme naturel ponctuait chacune de ses phrases, revenant à la charge et représenté par le sourire radieux étirant ses lèvres roses. Elle embrassa à son tour le paysage des yeux, satisfaite du refuge trouvé et se promettant de remercier plus tard les élèves en question mentionnés plus haut. L’air songeur, même éclairé du même sourire, elle prolongea l’analyse de l’endroit tout en agrippant l’élastique qu’elle avait pris le soin de mettre à son poignet avant de quitter l’établissement scolaire. Secouant vivement ses mains pour les sécher superficiellement, elle entreprit de remonter sa tignasse en une queue de cheval pour éviter qu’elle ne trempe dans l’eau, les pointes étant déjà bien humectées pour son plus grand malheur. Comme elle s’activait à ce labeur, le garçon s’exclama d’une affirmation qui la fit reposer son regard sur lui et sourire de plus bel.

« Oui! Enfin, même si les circonstances sont assez…spéciales. »

Aiko accompagna la fin de sa phrase d’un léger rire qui, cette fois, ne dura que quelques secondes pour démontrer la singularité de la rencontre, alors qu’elle n’était vêtue que d’un bikini présentant clairement ses formes et que lui pataugeait dans sa tenue rendue informe par le liquide. Si elle restait sincère avec sa propre personne, comme elle le faisait habituellement, il n’était pas inexact de prétendre qu’elle se réjouissait d’une telle coïncidence liant les deux jeunes gens. Comme ils résidaient en pensionnat, la jeune femme avait souvent eu l’occasion d’observer ses camarades en dehors du contexte académique lors des congés. Pourtant, Detsuda n’avait jamais croisé sa route suffisamment longtemps en dehors des cours pour qu’ils puissent faire connaissance véritablement. Leur dernière rencontre, seuls, ayant prise place par responsabilité scolaire, elle n’était pas considérée comme significative de la façon désirée.

Après un moment de réflexion, qui n’apparut seulement que comme quelques secondes de silence de sa part, elle passa son regard aux alentours afin de chercher où le garçon avait bien pu déposer ses affaires. Ce qu’elle ne remarqua pas directement, c’était le sac en bandoulière dont la sangle traversait le haut du corps de Yuhei et qui avait malencontreusement suivi son propriétaire dans sa culbute vers la rivière. Inclinant légèrement la tête sur le côté, elle ne put s’empêcher de l’interroger sur la raison de sa venue. Il n’était certainement pas là pour la baignade qu’il avait finie par prendre, en vue de ses accoutrements.

« Tu profitais de la brise, toi aussi? »

À l’aide de sa main, elle mima le geste de s’éventer.

« À cette chaleur, c’est compréhensible… Enfin, ce n’est pas que je ne veux pas de compagnon de baignade, mais ça ne doit pas être évident avec tes vêtements, non? »

Bien sûr, elle ne suggérait par là rien de douteux. Ce n’était à ses yeux qu’une remarque invitant le garçon à s’extirper de l’eau pour son propre bien.

[HRP: Pardon de la réponse tardive, mon inspiration est capricieuse, ces temps-ci .__.]

Élève de la 2-A

Detsuda acquiesça aux paroles de Takahashi avec un léger rictus. Il était vrai qu'il ne pouvait pas rester ainsi. S’élançant dans une brasse un peu maladroite, il finit par rejoindre la berge ou la jeune fille était entré dans l'eau. Au sortir de l'onde, le jeune garçon apparaissait définitivement trempé. Heureusement, le temps était chaud et une légère brise venait de temps à autre assécher encore un peu plus l'air. Il se débarrassa tout d'abord de son sac en bandoulière puis, dos à Aiko et sans réel préavis, il retira son tee shirt pour révéler son dos à la peau légèrement mâte. Laissant son vêtement trempé pendu à un arbre, il retira ensuite ses chaussettes et ses grosses chaussures de marches pour leurs réserver le même traitement.

- Tu sais ? J'ai réfléchi à ce que tu avais dis sur moi avant de partir après notre entrevue. Sur ce coté de moi que tu avais apprécié d'avoir rencontré. Je me suis longtemps demandé ce que c'était parce que moi, j'ai pas l'impression d'avoir vraiment de coté, mais juste d'être moi. Mais, je crois que j'ai quand même compris!

Ce qu'il avait compris, il avait eu l'occasion d'en prendre conscience face à un idiot avec qui il avait partagé un des bassins de la salle de bain. Cela lui arrivait pourtant très rarement d'être en colère contre quelqu'un. Mais là, ça avait été le cas. Néanmoins, son esprit s'était un devoir d'y trouver un bon coté. La compréhension des paroles énigmatiques de Takahashi en faisait partie. Se détournant vers cette dernière, il put révéler ainsi un torse imberbe dont la musculature oscillait entre douceurs des traits de l'enfant et la bonne santé physique d'un jeune adulte sportif. Le tout s'équilibrait sans disgrâce. Posant ses mains sur sa taille, l'air triomphant, il couva la jeune fille de son regard pétillant.

- Bon... Et bien, trempé pour trempé! Autant en profiter!

Il bondit alors dans le bassin avec un cri de guerre pour y entrer dans un grand fracas d'écumes, éclaboussant volontiers là ou se trouvait Aiko. Quand l'onde regagna davantage de stabilité, le jeune garçon avait disparu sous la surface de l'eau. Le bassin creusé par la chute d'eau durant des temps géologiques étaient assez profond pour permettre ce petit exercice. Quel plaisir il ressentait sous cette chaleur de s'agiter dans ce milieu ! Cela lui rappelait tant de bons souvenirs. Jouant les requins en chasse, il commença à tournoyer autour d'Aiko dans l'espoir de la surprendre. Il n'était pas particulièrement un nageur exceptionnel mais il se débrouillait plutôt bien en plongée et en apnée. Voilà pourquoi il profitait de ces talents. Avec vivacité, il glissa sa tête entre les jambes de la jeune fille pour la soulever au dessus de la surface et la renverser avec lui en arrière puis le jeune garçon s'empressa tant bien que mal de mettre un maximum de distance entre lui et les futurs actions revanchardes qu'auraient pu tenter la demoiselle à son encontre.

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Décidément, jamais elle ne serait convaincue de l’attitude à adopter en présence de ce garçon hors-normes. Déjà, ses paroles étaient la plupart du temps assez déstabilisantes, mais en plus ses actions paraissaient incroyablement irréfléchies, provoquant un certain questionnement dans l’esprit de la jeune femme. En premier lieu, il était passablement impoli de ne pas regarder quelqu’un alors qu’il nous adressait la parole, elle décida donc de le suivre du regard afin d’appliquer cette règle de bonne conduite. Cependant, il l’a surprise instantanément en se débarrassant de son haut sans prévenir, la poussant à détourner le regard par réflexe de pudeur. Le résultat en tant que tel n’était pas embarrassant, seulement l’action de se dévêtir devant elle d’un geste inattendu l’avait inéluctablement stupéfaite.

Suivant ses mouvements d’un œil attentif et notant les endroits où il déposait ses vêtements afin de lui rappeler leur présence plus tard s’il semblait ne plus s’en soucier, elle ne quitta pas l’observation de son dos tout le long. Par cet agissement, il ne lui venait pas à l’esprit qu’il puisse être saisi d’un malaise en sentant son regard trop absorbé. La seule réflexion qui parcourait ses pensées à l’instant en restait à la teinte singulière que prenait la peau du jeune homme. Une teinte plutôt matte qui suscita son admiration. Comme la tendance japonaise résidait toujours en une peau claire et pâle, jamais l’idée d’obtenir une telle coloration ne lui aurait passé à l’esprit. Lorsqu’elle en percevait le résultat, néanmoins, elle ne pouvait que désapprouver les critiques de goûts portés envers les plus basanés.

Dès la deuxième phrase de l’intervention de Yuhei, Aiko fut entrainée dans le dédale de sa mémoire, tentant de se remémorer ses paroles exactes. Leur rencontre remontait à suffisamment longtemps pour que les détails lui échappent, et particulièrement les remarques spontanées qu’elle avait pu émettre. Il était vrai de dire que la grande majorité de ses affirmations n’était qu’impulsion, ne se gravant donc pas bien dans ses souvenirs. Malgré tout, elle n’eut pas à fouiller trop loin dans des propos passés, puisqu’il expliqua gentiment la nature des allégations auxquelles il faisait allusion.

« Et bien tu es toi…avec tes nombreuses facettes. Je veux dire…le toi qui est triste se présente aux yeux des autres d’une manière différente que le toi qui se réjouit. Au final, c’est toi quand même. »

Il lui était difficile d’envisager qu’on ne puisse pas avoir saisi ses dernières paroles remontant à la rencontre passée. Après tout, il coulait de source en ses réflexions que chaque individu possédait plusieurs côtés à sa personnalité. Apparemment, il n’était pas aussi évident pour le jeune homme élevé en d’autres contrées. L’affirmation comme quoi à présent il croyait avoir compris la fit hausser un sourcil d’incompréhension. La jeune femme ne voyait pas très bien ce qu’il avait pu comprendre de tout ça, jugeant qu’il avait probablement analysé ses paroles au-delà de leur simple signification, mais ne l’interrogeant pas à ce sujet. De toute façon, même si l’idée lui était parvenue de lui poser la question, elle aurait été interrompue par le fracas du contact entre la peau et l’eau.

Surprise, un sourire incrédule s’afficha sur ses traits alors qu’il témoignait de l’intention d’en profiter, réalisant par la suite qu’elle subirait les frais de son saut. Alors qu’il s’élançait, elle tenta tant bien que mal de s’éloigner à petits pas, sa mobilité hautement réduite par l’eau qui restreignait ses mouvements. Alors que ses cheveux, qu’elle avait auparavant tenté de sauver, s’imbibait du liquide tiède, la rafraichissant un peu plus, mais portant par la même occasion une moue à ses lèvres rosées.

Observant les alentours avec de nombreux scénarios de vengeance, elle réalisa trop tard que le garçon avait disparu sous l’eau dès qu’il avait pu, avortant les plans de la jeune fille. Comme la surface de la rivière était brouillée par son courant, elle ne pouvait savoir la direction par laquelle l’attaque se ferait. Quelle ne fut donc pas sa surprise lorsqu’elle se retrouva propulsée hors de l’eau, assise sur les épaules de son camarade de classe à ses dépens, événement qui eut pour conséquence un cri suraiguë de sa part. Encaissant le coup en s’extirpant promptement des méandres de l’eau, une lueur malicieuse se mit à briller au fond de ses pupilles alors qu’elle s’approchait lentement de son camarade de classe.

« Detsuda-kun~ »

Profitant du fait qu’il lui présentait un dos vulnérable alors qu’il tentait de s’éloigner, elle accéléra le pas, peu subtile alors que chacun de ses mouvements était accompagné du bruit caractéristique des vagues soulevées. Se précipitant sur lui, elle entoura la taille du garçon à l’aide de ses jambes et s’accrocha à son cou, se balançant vers l’arrière pour l’entrainer dans une chute due à un manque d’équilibre par le poids qu’elle faisait sur son dos. Satisfaite de la vengeance acquise, elle émergea de l’eau en rejetant de la main ses mèches blonde vers l’arrière, laissant s’échapper de ses lèvres un rire digne d’une enfant amusée.

Désormais complètement humide, elle rejoignit la berge et jaillit hors du bassin pour se diriger vers le sac qu’elle avait posé plus loin. Séchant son visage radieux par tapotements, elle l’étendit à même le sol parsemé d’herbes pour s’y asseoir en toute tranquillité. Alors qu’elle étalait machinalement de la crème solaire emportée plus tôt sur sa peau de porcelaine, elle leva les yeux en direction du garçon.

« Dis…je peux te poser une question? »

Il était rare d’obtenir le choix ainsi de la part d’Aiko. Normalement, elle ne se gênait pas, et n’hésitait encore moins, à poser la moindre interrogation qui lui parvenait à l’esprit, au risque de se voir adresser une réponse peu courtoise.

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Il s'était laissé faire avec plaisir. En partie parce que c'était le jeu et en partie parce qu'il y gagnait. En effet, dans ces petites batailles physiques, ce qui l'intéressait, avant tout, s'était d'obtenir le contact avec les gens qui l'entouraient. Se toucher, au sein de la société japonaise, était une chose désespérément rare et Yuhei n'avait pas apprit à vivre ainsi. Voilà pourquoi, dès qu'une situation se présentait, il n'hésitait pas à la saisir. Ressortant de l'eau dans un rire léger et clair, il s'ébroua vivement avant d 'observer Takahashi sortant de l'eau. Ses yeux noisettes restèrent accroché à la silhouette de la jeune fille alors que ses paupières battaient pour repousser l'eau qui venait troubler sa vision. Il la trouvait vraiment jolie au sortir de l'onde, alors que le liquide quittait la peau de cette dernière pour ne laisser ici et là que quelques perles miroitant au soleil comme des éclats de diamants sur de la porcelaine fine. Ses longs cheveux blonds étaient d'un exotisme tout à fait particulier pour le jeune nippon. Il ne pouvait s'empêcher de rapprocher Aiko d'une sorte de Marylin Monroe japonaise, avec tous ce que cela entrainait de charme et de beauté. Même s'il n'était pas forcément un fan des bikinis et encore moins d'une couleur aussi triste que le noir, le fait de pouvoir apprécier toute la silhouette de sa camarade de classe l'envahissait d'un sentiment de chaleur délicieux, surtout quand le souvenir de la poitrine de cette dernière se serrant contre son dos tout en l'emportant sous la surface de l'onde restait encore à son esprit. Ses iris s'attardèrent sur la démarche et la qualité des gestes misent à nues de la jeune fille. Il pouvait alors pleinement en apprécier la grâce et la féminité, sans artifice. Il fallut que le regard d'Aiko se porte sur le sien pour qu'il quitte cet état admiratif dans lequel il était tombé pour de nouveau contempler ses deux océans bleutés.

- Bien sûr!

Répondit-il sans détour, ses iris noisettes se faisant le siège d'une lueur pétillante alors que son sourire si caractéristique venait siéger sur son visage. De fait, il n'avait jamais refusé qu'on lui pose des questions car il avait toujours appartenu à lui d'y répondre de la manière dont il le voudrait. Néanmoins, il avait bien conscience que si la jeune fille mettait un temps d'arrêt avant de la poser, c'est que cette dernière allait revêtir une certaine importance. Voilà pourquoi il se refusa l'envie de se lancer dans une nouvelle nage et qu'il resta silencieux, prêt à écouter ce que Takahashi voulait donc lui demander.

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[HRP: Pardon, c'est très court, mais j'ai du mal ces temps-ci u.u]

Ses mains posaient les gestes machinalement alors que son esprit vagabondait au loin, perdue dans les méandres des nombreuses questions assaillant ses pensées. Bien sûr, elle venait d’interroger le garçon, il était donc plutôt déplacé de ne pas faire suite immédiatement, mais dans la minute une certaine déconnexion de la réalité s’était produite, justement causée par la réflexion de la question qu’elle souhaitait posée au jeune homme. L’adolescente admirait distraitement le reflet du soleil sur l’eau en se remémorant une scène survenue parmi sa petite bande d’amies quelques semaines plus tôt. Une scène dont le sujet principal pataugeait tranquillement devant elle en lui souriant.

Les rumeurs qui circulaient sur le jeune Detsuda se faisant des plus insistantes, on avait forcément abordé la matière en bonnes adolescentes en manque de détails croustillants qu’elles étaient. Aiko évitait normalement de participer à ce genre de conversation, attestant avec conviction que la vie privée de leur camarade de classe restait du recours du principal concerné uniquement et qu’elle n’avait pas à les commenter ou les juger d’aucune manière que ce soit. Cependant, le dialogue dévia vers une situation des plus loufoques, du moins aux yeux de la vice-présidente qui n’en saisit pas tout le sens immédiatement.

L’une de ses amies affirmait à qui voulait l’entendre qu’elle nourrissait des sentiments amoureux profonds à l’égard de Yuhei. Cette première allégation n’avait pourtant rien de surprenante puis que l’amie en question désignait une nouvelle victime de ses sentiments « profonds » en moyenne toutes les deux semaines. Son entourage avait donc cessé d’y porter une attention quelconque, et encore plus à ses longs soupirs découragés de ne pas voir la réciprocité de sentiments à son encontre. Ce qui eut l’effet d’une bombe nucléaire sur le petit groupe fut cependant l’intervention qui suivit la sienne.

La plus timide de la troupe – qui se contentait normalement de manger son repas en silence en écoutant ses amies délibérer, n’ouvrant la bouche qu’à de rares occasions et seulement lorsque c’était d’une nécessité absolue – avoua elle aussi ressentir des « palpitations anormales du cœur et une chaleur montant au joue » à la vue du jeune garçon. Sous le choc de l’émotion, tout le monde se figea, leur amie volage allant même jusqu’à s’étouffer avec le jus qu’elle sirotait rêveusement suite à ses déclarations.

*Qu'a-t-il de si spécial, vraiment?*

L’enthousiasme avait gagné les cœurs et les expressions de toutes les condisciples, mais on avait du venir bien rapidement à une conclusion navrante : n’avait-il pas une petite copine? C’était là la nature des réflexions d’Aiko alors qu’elle se badigeonnait de crème solaire sans trop y porter attention. À un moment, son regard se posa, plutôt insistant, sur le jeune garçon toujours dans l’eau, le jaugeant inconsciemment. L’observation de ses iris noisette et de sa silhouette agréable augmentait le désir, tout comme l’appréhension, à s’enquérir de la situation. Elle souhaitait inévitablement tâter le terrain pour ses deux amies, mais il n’était pas dit que le jeune homme se montrerait favorable à lui répondre honnêtement. Toute fois, comme elle n’avait rien à y perdre, elle décida de se jeter à l’eau – sans mauvais jeu de mots.

« Évidemment tu n’es pas forcé à répondre, mais je me demandais…Es-tu amoureux de quelqu’un, Detsuda-kun? »

La question, bien que désintéressé pour sa propre personne, aurait pu être mal interprétée, bien évidemment. Malgré tout, cette réflexion ne s’attarda pas longtemps à son esprit, alors qu’elle croisait les doigts, priant à la place de ses amies pour que le garçon soit disposer à lui répondre.

Élève de la 2-A

Évidemment qu'il n'était pas forcé de répondre... Mais, Detsuda en avait envie! En plus, il avait la réponse toute trouvé! La première image qui lui était venu quand il s'était posé la question en lui-même n'avait laissé aucun doute quand à ses sentiments. Cette image même le ramenait au sentiment exquis qu'il avait ressentit lorsqu'il l'avait embrassée. ainsi, son cœur s'accéléra légèrement et le poussa à s'exprimer haut et fort.

- Je suis amoureux de Maiko-chan. Enfin... Aikawa Maiko-chan! C'est une personne courageuse et elle sait encore écouter son cœur! Et elle veut l'écouter! Ça c'est cool. J'ai hâte de sortir avec elle au festival. Elle doit être sublime en Yukata.

Des étoiles naissaient dans ses yeux à mesure que sa voix s'envolait. Son cœur s'emballait comme s'il était en ce moment auprès d'elle. Son excitation devenait quasiment palpable.

- Et puis, j'adore l'embrasser! Ses lèvres sont si douces, si chaudes! Et elle m'émeut tant quand elle se laisse aller à être elle-même, quand elle laisse venir et s'exprimer ses sentiments. Dans son cœur, il y a un trésor. Et j'espère qu'un jour, elle sera capable d'en faire profiter ceux qu'elle aime.

Les sentiments affluant en lui avec une grande vivacité, il se laissa aller à un rire léger avant de se laisser tomber en arrière dans l'eau. Un instant, sa tête fut sous l'onde et il put ainsi se rafraichir un peu les idées. Revenant à la surface pour faire la planche, il se laissa dériver tranquillement au fil du courant. Ses yeux noisettes reflétèrent le ciel bleu alors qu'il regagnait un peu son calme, un sourire tendre et apaisé aux lèvres. Yuhei aimait beaucoup de monde dans sa vie. De plus, sa simplicité et sa spontanéité le menait souvent à très vite apprécier les personnes qu'il rencontrait. Il était définitivement un philanthrope. Rien ne l'insupportait davantage que les gens qui se mentaient à eux-mêmes, qui niaient leurs véritables richesses au nom d'une éducation qu'on leur avait infligé et inscrite comme soi-disant supérieur. Pour lui, le véritable courage, c'était de chercher à se connaitre, à aller vers soi pour se comprendre. Ce qu'il avait aimé dans Maiko, c'était ces instants ou elle avait été elle-même, ce qu'il avait aimé chez Fujioka, c'était son courage à se comprendre, ce qu'il avait aimé chez Takahashi, c'était quand elle s'était l'intérêt qu'elle avait évoqué pour lui. Mais là, la question parlait de "l'amour" de celui qu'on a tendance à vouloir mettre sur un podium. De ce sentiment, il ne connaissait rien ou presque. Il y avait donc répondu avec la plus grande des sincérités, en tout confiance avec lui-même.

Élève de la 2-A

Ses joues s’enflammèrent instantanément au contact du turquoise et de la noisette, vision déjà indubitablement agréable alimentée de propos suffisamment déstabilisants pour provoquer la coloration rougeoyante qui ne manqua pas de se manifester. Cette exposition vive d’un sentiment souvent mal interprété avait l’habitude de côtoyer ses pommettes lorsqu’elle s’attendrissait d’un être ou d’une situation. Bien que l’ambiance ne se prêtait guère à une telle démonstration d’affection, la jeune femme nourrissait l’envie irrationnelle de sauter à l’eau à nouveau pour serrer Yuhei dans ses bras. La plupart des gens se seraient passés d’explications quant à la raison de ce désir impulsif, l’attribuant automatiquement à sa passion singulière. À vrai dire, elle couva l’idée jusqu’à ce qu’il reprenne la parole, la teinte des joues d’Aiko augmentant d’intensité, passant de saumon à écarlate.

Venait-il vraiment de s’exclamer à haute voix sur l’aspect plaisant, selon ses dires, des lèvres de l’élue de son cœur? En prenant conscience de la personnalité discrète et formelle des Japonais, il y avait de quoi reconsidérer très sérieusement les origines ethniques de son compagnon. Comment pouvait-il se laisser aller à des affirmations aussi directes aisément? Alors que de son côté elle ressentait un profond malaise empathique à l’intention du jeune homme, ce dernier ne semblait nullement affecté – encore moins surpris de lui-même. Il paraissait tout aussi candide qu’auparavant, maître d’une expression faciale constamment paisible, comme s’il n’avait jamais rencontré un seul obstacle de sa jeune vie.

Ramenant ses cuisses contre sa poitrine, elle encercla ses tibias de ses bras et posa son front contre ses genoux; position qui lui permettait commodément de soustraire son visage embarrassé à la vue du garçon qui nageait. Non seulement la réponse l’avait-elle troublée, mais elle créait d’autant plus de nombreuses appréhensions. Il était amoureux. Ce fait rendait définitivement plus ardus les efforts que pourraient déployer ses amies pour la conquête du cœur du jeune Detsuda. Bien sûr, cela évoquait même une possibilité près du zéro, à moins d’avoir un certain lot de patience et de détermination. Maintenant qu’elle avait obtenu éclaircissement, l’adolescente demeurait prisonnière d’un sentiment de regret. Après tout, elle aurait peut-être simplement mieux fait de ne pas s’enquérir de la situation. Ainsi, elle n’aurait pas été face à ce dilemme déchirant : leur dire et leur briser le cœur, tout en leur permettant de tourner la page, ou rester muette et les voir espérer en vain, pour qu’éventuellement elles l’apprennent autrement. Posé ainsi, le choix semble des plus évidents, mais l’appliquait restait pénible.

« Je vois… »

Consciente que ces deux mots n’aient été que murmure à peine audible, étouffé contre ses cuisses, elle releva la tête et appuya son menton au sommet de ses genoux, la tête légèrement inclinée et une mine songeuse imprégnant ses traits.

« Un trésor, tu dis? Tu es toujours bien difficile à suivre, Detsuda-kun. Je dois avouer que… je ne comprends pas très bien pourquoi tu insinues que présentement, elle n’en fait pas profiter ceux qu’elle aime. »

Ses yeux scintillaient de la lueur de curiosité qu’apporte un mélange de contemplation et d’interrogation sincère. Fixant les vagues minimes à la surface de l’eau, elle patienta un moment en attente d’une réponse quelconque de son interlocuteur. La seule réflexion qui parvint à franchir son esprit fut un constat effectué par son subconscient : Yuhei Detsuda se classait dans la catégorie « mystère de la vie à résoudre » et l’intriguait donc naturellement, la portant à vouloir en savoir toujours plus sur sa vision du monde. La pensée suscitée ne suffisait toutefois pas à faire comprendre à la vice-présidente ce sentiment de grande curiosité, plus intéressée qu’à l’habitude.

« Ça doit être bien d’avoir quelqu’un qu’on aime tant qu’on rayonne ainsi quand on en parle. »

L’intervention ci-dessus n’avait pas été destinée à l’ouïe de tous, puisque la deuxième année croyait s’être contentée de la penser avant d’entendre sa propre voix retentir. Malgré tout, la couleur de ses joues restait stable; il était difficile d’être encore plus rouge.

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Detsuda avait un grand principe, il ne se posait jamais de questions. Du moins, jamais sur ce qu'il ressentait. Ce qu'il ressentait était ce qu'il ressentait. En eux-mêmes, ses sentiments existaient, c'était même l'une des rares choses dont il pouvait être certains. On ne pouvait tout simplement pas tromper son coeur ou échapper à son subconscient. Il se redressa dans l'eau pour poser ses yeux noisettes sur son interlocutrice. La voir ainsi quelque peu recroquevillé sur elle-même lui fit doucement penché la tête sur le coté. Venait-elle de retenir quelque chose en elle ? Yuhei n'en avait pas conscience mais intuitivement, il avait perçu la retenue de la jeune fille et cela l’ennuyait tout aussi inconsciemment.

- Bah... Parce que je le sais, que ca se voit. Un peu comme toi.

Néanmoins, un sourire charmant naquit sur ses lèvres alors que ses iris pétillaient et s'amusaient de la couleur écarlate qu'il lisait sur le visage de Takahashi. Sans bien savoir pourquoi, il sentait son propre coeur battre plus fort à cette vue. La gêne de la jeune fille animait chez lui une forme d'excitation.

- Je sais pas si c'est vraiment important de rayonner quand on parle de quelqu'un qu'on aime. Ce qui compte, c'est qu'on soit certain de l'aimer, non ?

Sans attendre de réponse, il souleva l'eau autour de lui pour éclabousser Aiko sur la rive. Le jeune garçon n'avait pas forcément envie de parler sérieusement dans un décor aussi empli de possibilité d'amusement. Il voulait que la jeune fille le rejoigne et qu'ils puissent jouer ensemble. Non seulement parce que s'était drôle mais aussi, parce qu'il y avait quelque chose d'agréable dans tous cela.

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Comment était-il possible de discerner avec précision la nature du cœur de quelqu’un? N’était-il pas si désespérément aisé de berner la vigilance d’autrui sans qu’il n’en ait jamais conscience? Aiko aurait pu avoir l’âme d’une meurtrière en série que le garçon ne s’en serait point douter et aurait tout aussi bien affirmé la même allégation au sujet de la jeune femme. Bien sûr, notre protagoniste se tenait à mille lieux d’une telle personnalité, plutôt dans le genre pure et innocente que manipulatrice et psychopathe. Néanmoins, même si l’interprétation de Yuhei pouvait semer la controverse, l’adolescente le prit du meilleur côté qui soit; n’insinuait-il pas qu’elle apportait quelque chose aux personnes constituant son entourage? C’est ainsi qu’elle le verrait, c’est ainsi que ses joues s’enflammeraient.

« Comme…moi? »

Le dernier mot avait été laissé tomber dans un murmure audible d’elle seule, une interrogation adressée plus à sa propre personne qu’à son interlocuteur. L’idée que le jeune homme ait décelée en son être des richesses cachées ne pouvaient que l’étonner. Après tout, il était bien possible que la douce de Yuhei soit de nature timide ou réservée, ce qui expliquait en soi le fait qu’elle ne fasse pas profiter aux autres de toute la splendeur de son cœur. Comme la Takahashi ne connaissait que vaguement, et seulement de nom, cette Maiko Aikawa, elle n’aurait su parvenir à une hypothèse différente. Sauf qu’ici, on mentionnait que la blonde y était semblable; la timidité n’ayant jamais connu refuge en sa personne, la théorie s’excluait d’elle-même, laissant place à plus de questions en l’esprit de la vice-présidente que de réponses.

Croisant le regard de l’adolescent au moment où il la gratifiait d’un sourire attachant, elle sentit l’épidémie se propager jusqu’à ses propres lèvres rosées, ces dernières s’étirant à leur commissure tandis qu’elle accueillait la réponse de son camarade de classe. Important n’aurait pas été le mot qu’elle aurait employé; elle n’avait pas vraiment signifié par là que pour aimer quelqu’un, cela devait se refléter, mais plutôt que c’en était une conséquence. Toutefois, elle ne chercha pas à réellement expliquer sa pensée précédente puisqu’elle n’en voyait pas la nécessité. Souriante, elle hocha la tête vivement de son enthousiasme habituel.

« Oui, l’important c’est de… »

À peine ses cheveux commençaient-ils à sécher sous l’intensité du soleil qu’elle se retrouvait à nouveau humide, freinée dans son élan oral par une attaque sournoise à coups d’éclaboussure. Reculant brusquement en lâchant une exclamation effarée par réflexe, elle fixa l’adolescent quelques secondes avant de laisser une large expression amusée s’étaler sur ses traits.

« Detsuda-kun! J’allais dire quelque chose de très profond! »

Elle se leva et posa ses poings sur ses hanches dans une tentative (pitoyable, évidemment) d’arborer un air désapprobateur, alors qu’elle avait du mal à ne pas pouffer de rire.

« Je vais devoir me venger ~ »

Reculant à nouveau, cette fois plus volontairement, elle courut sur une courte distance et s’élança vers le bassin pour retomber tout près de Detsuda, un peu comme il l’avait fait plus tôt. Elle ressurgit bien vite au-dessus de la surface, essuyant l’eau perlant sur ses paupières qui l’empêchait d’avoir une vision convenable et secouant légèrement sa tignasse trempée. Elle s’approcha furtivement de son compatriote et se mit à l’éclabousser sauvagement jusqu’à ce qu’elle juge qu’il ait suffisamment payé son dû, soit quand il se retrouva aveuglé par l’eau constamment jetée vers lui. En s’éloignant à une distance sécuritaire, elle lui tira la langue, s’amusant autant qu’une enfant.

Élève de la 2-A

Detsuda avait obtenu exactement la réaction escompté. Lui aussi eut donc son tirant d'eau dans la figure non sans s'en défendre. Son rire léger s'élevait avec l'excitation d'un chant d'oiseau. Le jeune garçon passa ses mains sur son visage pour en retirer l'eau qui y ruisselait ainsi que pour repousser ses cheveux trempés. Il put ainsi de nouveau ouvrir les yeux et plonger son regard flamboyant d'une lueur vive et joyeuse dans celui de la jeune fille, son sourire animant toujours son faciès. Cela faisait plusieurs mois qu'il était au Japon et il n'avait eu que trop rarement l'occasion de jouer ainsi. Il se sentait un peu revivre et retrouver son âme d'enfant, s'il ne l'avait jamais perdu. Yuhei lança un petit rire faussement menaçant avant de disparaître lentement sous l'onde comme la dernière fois. Avait-il prévu de nouveau de la soulever pour la laisser retomber dans l'eau avec fracas ? Sous l'eau, l'univers paraissait bien différent, un peu trouble et nébuleux. Le fond de l'étendue d'eau ne ressemblait en rien à ce que le jeune garçon pouvait se souvenir. Comprenez l'eau du fleuve Jourdain ou il s'était un jour baigné. S'aidant du relief du fond, il avançait sans agité l'eau autour de lui en s'approchant de ce qu'il apercevait de Takahashi. Après quelques secondes de concentration, il bondit pour passer sa tête entre les jambes de la jeune fille et la soulever au dessus de l'eau sans la renverser cette fois. Au contraire, il prit soin d'assurer son équilibre en maintenant sa tête entre ses cuisses en enroulant ses bras autour de ces dernières.

- Ou est-ce que je vous emmène ?

Déclama-t-il d'un ton égal qu'emprunterait un taxi avant de faire sa course. Il fit alors bouger son visage pour regarder au dessus de lui et tenter de croiser le regard d'Aiko. C'était un peu étrange de la voir sous cet angle. C'est du moins la première pensée qu'eut Yuhei en la voyant ainsi d'en bas, son faciès empourpré dissimulé partiellement par sa poitrine. Un sourire naquit sur les lèvres du jeune garçon alors que son regard pétillait joyeusement.

- Héhé...

Lâcha-t-il comme petit rictus avant de commencer à se déplacer sur cette équilibre précaire. Comme il l'avait pressentit en la soulèvement une première fois, la jeune fille était vraiment très légère. Bien plus que tous les garçons de son âge avec qui il avait déjà joué.

" Ça parait vraiment fragile, une fille. "

Se laissa-t-il à penser.

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Si elle s’attendait bien évidemment à des représailles de la part de son camarade de classe, elle était loin d’en imaginer la nature précise. D’ailleurs, jusqu’à ce qu’il s’immerge dans le liquide, aucune idée autre que d’autres éclaboussures ne lui traversa l’esprit. Néanmoins, il lui aurait probablement fallu se montrer plus méfiante à l’encontre de son compagnon, ce qu’elle comprit bien assez tôt en l’observant se déplacer furtivement sous l’eau, tel le requin en chasse de sa proie.

« Kyaaa! »

Se tenir en position assise au sommet des épaules d’un compagnon ne représentait en aucun cas une activité bien confortable ou, encore, particulièrement rassurante. En premier lieu, la musculature du jeune homme ne fournissait qu’un appui précaire, loin de pouvoir rivaliser avec les sièges molletonnés d’une salle de cinéma. De plus, aucun dossier ne supportait sa colonne vertébrale, et l’idée de pouvoir basculer vers l’avant – en culbutant au-dessus du crâne de l’adolescent – ou vers l’arrière – s’il s’avérait qu’il relâche le moindrement l’emprise détenue sur les cuisses d’Aiko – composait le domaine de l’inquiétude. Après tout, une chute tête la première dans la rivière pouvait aisément provoquer tout son lot de conséquences fâcheuses; du moins, elle utilisait cet alibi pour excuser son désagrément.

« Iiiiih… Je bascule! »

Entrecoupant ses mots de gloussements de rire incontrôlables, elle dut s’agripper brusquement à la tête du garçon, cherchant un soutien quelconque, inclinée vers l’avant, pour éviter de se retrouver soudainement pendue par les mollets le long du dos de Yuhei. Se redressant du mieux de ses capacités en tentant le moins possible d’ajouter à la pression exercée sur les épaules du garçon, répartissant son poids pour ne pas le déstabiliser, elle calma par la même occasion les battements frénétiques de son cœur. Ces derniers étaient probablement le résultat de la peur inopinée de glisser de son perchoir d’une hauteur raisonnable, excluant toute possibilité que la cause ne soit en réalité ces doigts sur ses cuisses ou encore le regard noisette levé en sa direction, possibilité tout à fait improbable et grotesque. Ou pas tant que ça.

C’est après une interrogation de la part de Detsuda qui la fit pouffer de rire qu’elle sentit la tête du garçon se rabattre vers l’arrière pour croiser ses iris turquoise. Cet angle lui conférait une vision plus ou moins embarrassante, qu’elle jugea après coup comme extrêmement gênante en songeant à celle que le jeune homme percevait; ne voyait-il pas sa poitrine dissimuler une partie de son visage? Encouragée par ce fait, la blonde choisit donc de feindre l’ignorance d’un tel contact visuel entre elle-même et son interlocuteur, détournant brusquement le regard pour contempler les alentours d’une manière qui demeurait légèrement suspecte.

« À la chute, chauffeur. »

Ayant repris un minimum de contenance, elle s’était exclamée sur le ton du jeu, empruntant la voix caractéristique d’une cliente en pointant du doigt la cascade d’eau qui nourrissait la rivière à grands renforts d’écume, ajoutant une touche de grandeur à ce paysage déjà magnifique. L’envie de se glisser sous la force du torrent était présente depuis un bon moment désormais, et elle profiterait certainement du fait qu’on la portait pour s’y rendre sans trébucher sur un rocher – les probabilités d’un tel événement étant suffisamment élevée quand on considérait la maladresse de la vice-présidente.

Lorsqu’il se mit en marche, elle fut surprise sur le coup, serrant les cuisses de frayeur avant de relâcher ses muscles pour ne pas étouffer le garçon non plus. Malgré tout, elle posa ses mains sur les cheveux de Yuhei pour se rassurer, sans les empoigner nécessairement, attendant patiemment de parvenir à destination, en fixant leur point d’arrivée d’un visage illuminé par un sourire radieux déjà présent depuis un long moment.

« Plus~ vite! Enfin… s’il-te-plait. »

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Detsuda prenait bien soin d'assurer l'équilibre précaire de Takahashi alors qu'ils avançaient. C'était un peu un jeu d'équilibriste et cela lui demandait pas mal de concentration. Il feignit une accélération pour contenter la demande de la jeune fille et l'effrayer un peu. Mais le jeune garçon n'était pas à l'abri des sentiments qui vinrent le saisir. Le fait d'être si proche d'elle physiquement, d'être en réalité en contact avec son corps, cela ne pouvait manquer d'enflammer son esprit et d'emballer son cœur. De part et d'autre de son visage, à la limite de son champ de vision qu'il maintenait face à lui, il devinait l'extrême douceur et l'extrême beauté diaphane de la jeune fille. La légèreté de cette dernière sur ses épaules ne cessait de le fasciner ainsi que de lui inspirer un sentiment quasiment instinctif, celui qui anime souvent les hommes à l'égard des femmes, le désir de protéger. Enfin, il pouvait sentir ses mains dans ses cheveux et il n'avait pas souvenir d'une autre personne n'ayant jamais passer ses mains ainsi dans ces derniers, à part ses parents. C'était étrange de sentir soudain le toucher d'une personne nouvelle. Au delà du baiser, Yuhei goutait à la caresse d'Aiko. Oui, son cœur cognait dans sa poitrine alors que son esprit peinait à rester concentrer sur l'exercice. Une impression délicieuse d'excitation intense envahissait son corps et l'animait d'une belle énergie.

- La chute! La chute!

Annonça-t-il comme un arrêt de bus avant de s'installer sous le mur d'eau et d'offrir la possibilité à Takahashi d'en profiter. Encore son âme frissonnait de joie et d'enchantement aux rires qui s'élevait au dessus de lui. Cela lui procurait invariablement l'envie d'en faire autant. Il était heureux de l'avoir rencontré et de pouvoir partager cet instant de complicité avec elle. Et puis, même s'il définissait mal pourquoi, la compagnie féminine paraissait toujours desceller une curieuse intensité depuis qu'il était au retour au Japon. Ça n'aurait pas été au Proche-Orient qu'il aurait partager ça avec une personne du beau sexe. Les relations au Japon étaient vraiment paradoxales, un mélange de tradition apparente et rassurante mêlé à une réalité plus occidentale. La chose était fascinante, l'équilibre était à la fois exceptionnel, fragile et précieux.

- Alors ? Comment tu trouves?

Il était vrai que le contact de l'eau tombant sur le corps procurait une impression énergisante et rafraichissante. Inutile de dire que la chaleur de ce jour estival n'atteignait désormais guère les deux personnes dans cette environnement. Et pourtant Detsuda, lui, se sentait belle et bien emplie d'une chaleur exquise qui venait rougir quelque peu ses joues. Contre cela, aucune chute d'eau ne pourrait y faire grand chose.

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La vue et la position en soi, installée au sommet de toute la hauteur du jeune homme, présentaient certains avantages indéniables. Par exemple, Aiko pouvait embrasser des yeux le paysage estival autant qu’elle le souhaitait. De plus, la vice-présidente obtenait le loisir de se rendre jusqu’à la chute sans déployer le moindre effort pour y parvenir; bénéfice intéressant après toute cette dépense d’énergie à nager et à se quereller pour rire. Il lui aurait été impossible de discerner si sa position lui proférait une amélioration quelconque de sa situation par rapport à la chaleur ambiante. Les bourrasques de vent frais l’atteignaient-elles plus aisément de cette façon? Probablement pas. Cependant, la seule pensée de se glisser sous le torrent d’eau lui procurait des frissons – une véritable enfant de l’été.

Lorsqu’ils parvinrent à la chute, l’enthousiasme de l’adolescente en rayonnait de plus bel, s’affichant sous un éclat de rire cristallin à la suite de l’annonce d’arrivée à destination émise par le garçon. Il s’avança sous la cascade et la jeune femme put se délecter de la caresse de l’eau contre sa peau, roulant le long de son corps comme le font les larmes sur les joues pour continuer sa course dans le dos de Yuhei. Elle ne se souciait plus le moins du monde, à présent, de l’état que sa tignasse dorée arborerait ultérieurement. À cet instant, son unique souci résidait à s’esclaffer comme une gamine qui s’amuse dans son bain. D’un côté, n’était-ce pas ce qu’elle était à ce moment? Une famine avec plus de formes, certes, mais elle nourrissait néanmoins toujours cette envie de profiter sans stress, inquiétudes ou obligations pour mettre fin à son instant de bien-être.

La question prononcée par Detsuda la fit se courber vers l’avant, à la recherche du regard noisette de son compagnon, arborant un sourire radieux qui illuminait sa peau pâle perlée du liquide translucide.

« C’est génial! Toi, comment tu trouves? »

L’adolescente se redressa sur les épaules du garçon, considérant le sol un moment avec hésitation avant de se donner un élan vers l’arrière, agrippant fermement les épaules du jeune homme pour s’aider dans sa descente, et entreprit de prendre pied dans la rivière. Ce qu’elle manqua de soupçonner se trouvait à être la profondeur du cours d’eau, relativement plus creux que ce qu’elle avait envisagé de là-haut, et la nature du fond, c’est-à-dire un agglomérat de rochers humides sur lesquels elle eut tôt fait de trébucher. Par réflexe humain, elle tenta de s’accrocher au premier objet solide qui eut le malheur d’entrer en contact avec le bout de ses doigts, représenté ici par l’avant-bras de Yuhei. Évitant de justesse de le tirer avec elle dans sa chute, elle reprit une position stable. Levant un regard embrouillé par les gouttes qui ne cessaient de s’amonceler au bout de ses cils, la blonde lui offrit son plus beau sourire embarrassé.

« Gomen, j’aurais dû te prévenir que je descendais, héhé »

Pivotant pour être dos à la chute, elle ferma les yeux afin de profiter du clapotis de l’eau résonnant à ses oreilles. Elle ne pouvait se remémorer la dernière fois où elle avait réellement profité d’une baignade de la sorte. Si son camarade de classe ne s’était pas pointé, elle se serait probablement contenter de faire quelques longueurs pendant une courte durée et aurait repris bien promptement la direction de l’établissement scolaire, sans plus. À ce moment plutôt apprécié, elle allait même jusqu’à songer qu’il était une belle source de bonheur, toujours innocent et souriant. Un rayon de soleil parmi tant d’autres qui se distinguait malgré tout, on aurait pu dire. Cette idée fit naître un sourire sur ses lèvres humides, les joues rose d’excitation. Peut-être venait-elle de saisir pourquoi le garçon attirait tant l’attention de ses amies de la même classe.

Ouvrant un seul œil, elle observa l’eau couler sur son compagnon avec fascination un moment avant de se retirer de la cascade et de détourner les yeux.

Élève de la 2-A

Detsuda n'avait pu que faire montre de son assentiment à la question de Takahashi. Il était certain que cette sensation de l'eau tombant ainsi sur soi était des plus agréables. Fermant les yeux et se concentrant sur cette sensation, son visage devint l'expression d'une profonde concentration. C'est pour cela qu'il fut légèrement surpris quand il sentit Aiko descendre. Heureusement, cette dernière se montra assez agile pour le faire sans heurt. Le jeune garçon lui offrit un sourire à ses confuses comme pour lui signifier que ce n'était rien puis il referma les yeux et se replongea un instant dans cet état un peu méditatif. Yuhei n'était pas une pile électrique qui évacuait de manière pulsionnel son énergie. Il était tout à fait capable d'être calme et posé. C'était exactement ce qu'il faisait. Suivant l'envie de l'instant présent, il repoussait un instant le monde visuel pour se concentrer sur d'autres sensations, celles procurées par le roulement ininterrompu de l'eau frappant la surface du lagon, celles offertes par la caresser du liquide frais sur sa peau. Quand il se sentit satisfait, il rouvrit ses yeux noisettes et tomba sur la silhouette de la jeune fille tout près de lui, le regard perdu dans le vague. Ses paupières clignèrent alors qu'il saisissait chez elle, une expression qui lui paraissait bien mystérieuse. Ses iris remontèrent machinalement le long de la silhouette de Takahashi, le jeune garçon ne pouvait se lâche d'être fasciné par la fragilité et la douceur apparente de cette dernière. Tendant alors ses mains vers elle, il la saisit par ses avant-bras pour la ramener contre lui.

- Cela te dit que je te fasse un massage?

Proposa-t-il en commençant à parcourir les épaules de ses doigts grands et fins avec douceur. C'était une manière pour lui d'obtenir la satisfaction qu'il recherchait depuis quelques temps désormais, celle de pouvoir gouter à la douceur infinie de la peau diaphane de la jeune fille. Son regard n'avait pas cessé de la parcourir avec envie. Un massage lui paraissait un bon échange de bon procédé. Lui profiterait de ce contact et Aiko gagnerait le plaisir de sentir des mains détendre ses muscles. Il espérait à juste titre, ne pas avoir perdu la main, depuis qu'il avait apprit à masser les gens lors d'un voyage dans un hammam du mahgreb.

Élève de la 2-A

[HRP: J'ai retrouvé le bonheur de simplement écrire sans se casser la tête à propos de la qualité ou de la quantité. Yata?]

Ce ne fut qu’à l’instant où elle sentit un frisson courir le long de sa nuque qu’elle saisit la nouvelle position dans laquelle elle se retrouvait malgré sa volonté. Alors que pas plus de quelques secondes auparavant, une distance règlementaire – et bien moins déstabilisante, il est tenu de le mentionner – séparait les deux jeunes gens d’un contact physique, elle se tenait désormais suffisamment près du jeune homme pour en frôler sa peau et en sentir les effluves s’en dégageant. Autant dire que ses joues s’empourprèrent instantanément alors que son cœur se précipitait dans un rythme effréné, comme s’il cherchait par tous les moyens à se déloger de cette poitrine pour en fuir les sentiments confus. Bien qu’elle eu crut un moment souffrir d’un infarctus du myocarde, ou plus communément crise cardiaque, elle survécut néanmoins pour témoigner des doigts effleurant ses épaules.

Étonnamment, elle ne recula pas en bondissant de plusieurs mètres vers l’arrière comme on l’aurait cru, même si son cerveau ne cessait d’envoyer des signaux d’alerte à ses jambes tremblantes, pour la peine. Comment ce miracle pouvait-il s’être produit dans la situation survenue à l’instant? La réponse restait des plus simplistes : Les nombreuses interactions échangées par les deux protagonistes depuis leur première rencontre, et même l’instant où le garçon était entré dans la salle de classe 2-A fournissaient suffisamment d’arguments à une telle réaction. Le jeune homme n’avait pas été élevé sous la tutelle nippone qui inculquait des valeurs plutôt distantes par rapport au contact humain, et recherchait donc cette sensation méconnue de la plupart des jeunes japonais. L’interprétation qu’il y avait à avoir des actions du jeune Detsuda divergeait ainsi de celle d’un autre de ses camarades de classe; elle n’y voyait pas vraiment de menace. Bien que cela n’empêchait pas un certain embarras de sa part.

« Je…ne sais pas si c’est une bonne idée, en fait. »

À vrai dire, elle aurait probablement apprécié le massage proposé. Seulement, elle n’était toujours pas convaincue que les battements frénétiques de son cœur se tariraient convenablement pour qu’elle n’est pas l’impression, à chaque pression des doigts de l’adolescent, qu’il exploserait à la barrière de la cage thoracique. Exagération? Il n’en est point lorsque deux yeux noisette pétillants vous fixent avec sérénité sans noter le moins du monde la gêne qu’il répand chez autrui.

La vice-présidente s’arma donc de son courage pour reculer d’un pas, effaçant sa confusion en secouant la tête vivement pour ensuite afficher son éternel sourire.

*Ce n’est que Detsuda-kun, après tout!*

Ce garçon plutôt étrange qui partageait sa vie scolaire quotidienne et dont plusieurs de ses amies s’étaient amourachées, debout devant elle vêtu uniquement d’un short, ce qui laissait exhiber, aux yeux de tous, sa musculature, sur laquelle elle tenta tant bien que mal de ne pas se concentrer. D’où provenait la nature du problème? Si on excluait son rythme cardiaque farouchement rapide, ses joues colorées d’une teinte rosée pas tout à fait naturelle, les frissons qu’avaient provoqué cet unique touché et le trouble qui découlait de la suggestion du deuxième année, rien ne la restreignait de profiter de ce bonheur modeste. Du moins, elle tenta de s’en convaincre pendant plusieurs minutes avant de lâcher sur un ton sans équivoque :

« Tu sais, en général les filles n’aiment pas que leur petit ami offre ce genre d’attention à d’autres qu’à elles. Tu ne penses pas à Aikawa-sempai? »

Voilà qui résumait sans nul doute la propension de la blonde à imaginer bien plus loin que nécessaire.

Élève de la 2-A

Detsuda s'arrêta un court instant durant les propos de Takahashi puis reprit son massage. Pendant les quelques minutes qui avait précédé les paroles de la jeune fille, il avait vraiment été heureux de pouvoir la masser. Le contact doux et tendre, la chaleur qu'il ressentait lui avait grandement plus. Il s'était sentit proche d'Aiko et dans le même temps, son esprit si intuitif prenait enfin réellement conscience de la matérialité de cette dernière, de son existence et de son humanité. De plus, le jeune garçon, doué naturellement d'un sens intuitif de ce qu'il faut faire pour ressentir du plaisir se montra très adroit.

- Ça lui ferait du mal? Tu crois?

Dans sa voix transparaissait vraiment son air dubitatif à l'idée qu'il puisse blesser la jeune femme qu'il aimait avec tant d'affection et de tendresse. Sa question, posée avec un réel étonnement laissait aussi deviner une autre facette du jeune garçon. Celle qui l'empêchait bien souvent de penser à mal, de craindre les quiproquos et de croire les mensonges. C'était sa sincérité naturelle, celle qu'il entretenait envers lui-même et envers les autres en poursuivant ses désirs et en écoutant ses sentiments d’où découlaient toujours ses actes. Inutile donc de penser un seul instant qu'il avait fait le lien entre l'envie de toucher et de caresser la jeune fille avec qui il partageait ses jeux depuis quelques minutes et le possible fait qu'une telle intimité pouvait heurter la sensibilité de sa compagne.

- Mais pourquoi cela lui ferait du mal, au juste ? Je veux dire, mes sentiments envers toi sont sans lien avec ceux que j'ai pour elle.

L'amour n'était pas quelque chose qu'il avait l'habitude de fréquenter. Il n'en connaissait pas vraiment les comportements, les habitudes et les coutumes. Dans son âme, il n'y avait qu'un sentiment pur, dénué de convenances ou d'idées reçues. Cela le laissait désarmé mais le rendait tout aussi désarmant. Cela lui donnait même la possibilité d'être, en apparence, dénué de limites. Peut-être était-il un de ses êtres, rares, dont le cœur est assez grand pour aimer tout le monde de la façon dont il le désir. Car après tout, rien dans son éducation, le forçait à croire que les sentiments pouvaient connaitre des limites autre que sa propre volonté.

Élève de la 2-A

Dès que la jeune femme eut prononcé sa dernière intervention, elle s’en voulut instantanément. En premier lieu, le contact des doigts habiles glissant sur sa peau avaient tout pour lui plaire, et elle s’était délectée de cet instant éphémère malgré toutes les pensées négatives acheminées vers son esprit dans un flot continu. Cependant, bien rapidement les frissons parcourant son corps l’avait alerté que ce plaisir en était un coupable, et elle avait ainsi choisi la technique la plus efficace qu’elle connaissait pour se débarrasser de sa gêne : la transformer en réflexions énoncées à voix haute. Ce qu’elle ne manqua pas de faire par la suite, et de le regretter amèrement au moment où les paroles franchissaient la barrière de ses lèvres.

Pourquoi avait-elle mentionné son aînée? Ah oui, pour éviter le contact agréable des mains chaudes de Yuhei sur sa peau, ainsi que toutes les émotions qui l’envahissaient sous le massage expert. Émotions qui ne semblaient pas particulièrement réciproques, puisque le jeune homme répondit avec une réelle surprise empreinte dans la voix. Elle s’empressa d’acquiescer aux premières questions mentionnées par l’adolescent, bien qu’il ne sembla pas tout à fait préoccuper par l’idée. Si Aiko l’avait jugé de façon judicieuse, elle n’avait pas à se surprendre d’une telle réaction de sa part, puisqu’il ne devait même pas envisager à la base que ses actions puissent causées une telle confusion auprès de son interlocutrice. Pour être confuse, d’ailleurs, elle l’était.

Pourquoi son cœur ne réduisait-il pas son rythme effréné? Pourquoi avait-elle ressenti un pincement dans sa poitrine lorsqu’elle avait dû se retirer de la pression des paumes masculines parcourant jusqu’à son cou? Pourquoi redoutait-elle ainsi la suite de la réplique du garçon face à ses affirmations précédentes? La dernière question restait encore plus troublante, et d’actualité puisqu’il venait tout juste de les prononcer : Pourquoi se révoltait-elle intérieurement de cette comparaison des sentiments éprouvés envers les deux jeunes femmes?

« Sans lien? Et bien… elle ne le sait pas, elle, puisqu’elle n’a pas accès à tes pensées! Et puis d’abord, il n’y a pas que elle qui pourrait mal interpréter et être blessée par la suite, tu sais! »

Réalisant qu’elle venait de s’outrer du manque de sentiments de son camarade de classe à son égard, elle parut troublée de ses propres mots, et se calma par le fait même. Son ton employé avait été celui d’une personne vexée, alors qu’aucune raison ne la poussait à user d’une telle attitude. Après tout, n’était-ce pas le mieux possible si Detsuda ne ressentait aucun désir outre que celui d’une belle amitié avec elle-même? Évidemment que c’était le mieux! C’était même extrêmement génial, puisqu’elle pourrait passer de plaisants moment en sa compagnie sans se soucier le moins du monde que ses actions et ses paroles soient notés avec un intérêt plus grand que la normale. Et réciproquement.

Affichant à nouveau un sourire lumineux, comme elle avait parvenue à se convaincre elle-même que la situation était des plus réjouissantes, en réalité, elle reprit son enthousiasme naturel et choisit ce moment pour éclabousser le jeune homme devant elle. Prenant un ton moqueur adapté à l’aura qu’elle souhaitait dégagé, elle termina ses propos.

« Je veux dire, je te dis ça pour tes prochaines rencontres. J’ai une amie plutôt gênée, Nagisa-chan, et ce serait le genre d’actions qui pourrait la faire tomber amoureuse, tu sais?»

Elle se contenta de ponctuer la phrase par un éclat de rire modeste.

Élève de la 2-A

Detsuda était un peu perdu. Il ne suivait pas vraiment le raisonnement de Takahashi. Il lui semblait toujours aussi saugrenu qu'on puisse faire un lien entre deux relations différentes. Pour lui, ces dernières n'avaient tous simplement rien à voir car ces dites relations n'étaient justement pas partagés de la même manière par les mêmes personnes. De plus, le fait qu'on puisse essayer à deviner les pensées d'autrui le dépassait. Tout le monde savait très bien qu'il était impossible de savoir cela. Il était donc plongé dans une abime de perplexité quand une gerbe d'eau vint le sortir de ses pensées et provoquer instinctivement un geste de protection avec son bras. Une fois le danger passé et il l'abaissa pour plonger son regard noisette dans celui de son interlocutrice.

- Fujioka-chan est une amie courageuse que je n'ai jamais vu troublé.

A la différence d'Aiko, dont la gêne était quasiment palpable. Yuhei pouvait sentir l'étrange discorde qui régnait dans le cœur de la jeune fille à cet instant, ne serais-ce que par les gestes et les propos de cette dernière. Manque de chance, il était vrai que Nagisa avait fait preuve d'une grande maitrise et qu'elle s'était vite fait à la présence apaisante de Detsuda. Ce dernier n'avait donc pas du tout le même regard que les autres sur la timide jeune fille.

- Je ne comprends vraiment pas ce que tu racontes Takahashi-chan. J'avais juste envie de te masser parce que tu es une jolie fille avec qui je passe un très bon moment. Je voulais le poursuivre en te faisant plaisir, en te massant. En échange, j'avais le plaisir de pouvoir goûter à la douceur de ta peau. Je n'ai pas été chercher plus loin, moi.

Expliqua le jeune garçon d'un ton sincèrement désabusé avec sa spontanéité naturelle alors qu'il empruntait une expression un peu dubitative.

Élève de la 2-A

Si l’information capitale était parvenue jusqu’aux oreilles de l’adolescente comme quoi sa jeune amie avait surmonté sa peur pathologique des gens, pour converser normalement avec Yuhei, de nombreux désagréments auraient ainsi pu être évités. Comble de malheur, non seulement son argument tombait-il à l’eau, mais elle se devait de rajuster le tir. Cependant, certaines interrogations franchissaient son esprit : Pourquoi donc? Pourquoi n’assumait-elle pas simplement, en toute honnêteté, que la caresse des doigts du jeune homme produisait une augmentation de son rythme cardiaque qui créait chez la blonde un profond malaise? Elle s’apprêtait d’ailleurs à s’exclamer haut et fort sur ce point, lorsque le garçon la vexa de ses propos. Par ses paroles, il insinuait que la jeune femme avait été cherché plus loin – ce qui était tout à fait vrai, mais qu’elle ne tenait pas affirmer.

« Une jolie fille? Euh… Merci. »

D’abord embarrassée, ses joues se teintèrent d’une nuance rosée qu’elle tenta de dissimuler aux yeux de son interlocuteur en déviant légèrement le regard et la tête par le fait même. Sans réelle efficacité, d’ailleurs. Puisqu’elle souhaitait particulièrement effacé ce trouble qu’elle ressentait depuis un moment, elle secoua vivement la tête de gauche à droite, comme pour mieux chasser les pensées flottant dans son esprit. Affichant une moue semi-boudeuse, semi-sérieuse, Aiko posa ses poings sur ses hanches en s’inclinant doucement vers l’avant, afin de rapprocher son regard désapprobateur de celui de son camarade de classe.

« Tu n’as rien compris, en fait! Ce que j’essaie de dire, c’est que… T-Tu pourrais créer un malentendu chez la personne du sexe opposé, tu vois? Enfin, je veux dire… »

Si lui voyait, elle n’arrivait plus à cerner ce qu’elle voulait lui dire. La vice-présidente se tut donc un moment, confuse par l’explication insensée qu’elle essayait de fournir à son compagnon. Elle savait pertinemment que, peu importe la formulation qu’elle emploierait, le jeune Detsuda interpréterait à sa façon, confirmant pour lui-même sa propre innocence. Après tout, les contacts physiques, considérés comme superflus et même inappropriés parmi les valeurs nippones, n’apparaissait que comme une démonstration naturelle d’affection chez ce deuxième année. Ce qui, en soit, suffisait à la déstabiliser complètement.

« Tu n’es pas censé vouloir faire plaisir à quelqu’un d’autre que Aikawa-sempai! »

Cette dernière allégation ne contenait absolument aucune part de logique et n’était que le premier commentaire ridicule ayant franchi la barrière de ses lèvres sans qu’elle puisse l’arrêter.

« Après ce genre d’attention, n’importe qui pourrait tomber amoureuse! Qu’est-ce que tu ferais si je tombais amoureuse de toi, hein? Ce serait bien délicat! »

Élève de la 2-A

Detsuda papillonna des paupières comme un hibou ébloui. Il était surpris et totalement perdu parce que disait son interlocutrice. Ses lèvres s’entrouvrirent alors pour laisser passer une parole dont le timbre suffit à exprimer tout son égarement.

- Amoureuse de moi…

Ses deux yeux ouverts en grand paraissaient vouloir noyer Takahashi dans l’océan de perplexité dans lequel il était lui-même plongé. Après un court instant, un sourire joyeux et enfantin gagna son visage. Son regard retrouva l’éclat de la vie alors qu’il s’écria avec la spontanéité le caractérisant.

- Sa serait cool ! Ca me ferait immensément plaisir ! Que tu m’aimes autant ! C’est sûr que ça me ferait chaud au cœur d’être aimé par une personne comme toi. Que je serais heureux ! Oh, ça oui, alors !

Il se mit à rire avec gaieté avant de se laisser tomber en arrière dans l’eau et partir en planche. Quelques secondes passèrent et son rire se tarit. Une image venait de surgir dans son esprit. Le jeune garçon se redressa illico, la mine étrangement inquiète. Il s’approcha d’Aiko, plongeant son regard dans le sien. Ses gestes hésitèrent un instant avant qu’il ne laisse tomber dans un soupir ennuyé et désappointé. Ses yeux fuirent un instant ceux de la jeune fille avant de revenir courageusement les croiser.

- Je crois que je viens de comprendre. C’est idiot mais… Je ne pourrais pas te rendre ces sentiments si c’était le cas. Parce que… Je n’en suis pas capable. A chaque fois que j’essaye de m’imaginer… Je vois le visage de Maiko. Le bonheur que je vis avec elle, m’en empêche.

Il pinça ses lèvres et vint gratter sa nuque de sa main d’un air profondément désolé.

- Je crois que je viens de comprendre pourquoi les gens sont fidèles en couple. C’est parce qu’on ne peut pas aimer autant plusieurs personnes. L’amour, le vrai amour, ne se partage qu’avec l’être aimé.

Il frappa alors la surface de l’eau du poing avec frustration.

- Merde… C’est vraiment trop nul quand même que ça ne marche pas.

C’était là sa conclusion maladroite et sincère.

- Parce que j’ai pas vraiment envie de retenir mes intentions à ton égard, moi.

Bougonna-t-il d’un air boudeur.

Élève de la 2-A

L’adolescente resta figée un moment, comme si son inactivité totale pouvait mener à un arrêt du cours du temps. Ce dont elle aurait profité pour inverser ce dernier, par la même occasion. Première cause d’effroi; que venait-elle donc de poser comme question? Il était tout à fait ridicule de l’interroger sur le sujet alors que la jeune femme savait pertinemment que le garçon était follement amoureux. Bien sûr, cela l’ennuierait particulièrement s’il connaissait la vérité par rapport à certains sentiments ressentis par la vice-présidente. Enfin, si sentiments il y avait bien sûr, ce qu’elle n’était pas prête à assumer, même pour tout l’or du monde. Ce n’était que pour appuyer ses propos qu’elle s’était elle-même prise en exemple, évidemment.

Bien qu’elle tenta tant bien que mal de se convaincre qu’aucune motivation quelconque ne l’a propulsait, elle resta à la fois bouche bée et soulagée d’entendre la réponse de son interlocuteur. Quel genre de personnes, aussi étrange soit-elle, réagissait de la sorte? Même de la part de Detsuda, Aiko ne se serait pas attendu à des actions aussi singulières.

« Heureux…? »

Le voir patauger ainsi, sourire aux lèvres, provoqua sur ses traits un froncement de sourcils caractéristique d’une incompréhension certaine. Puis, il revint vers elle. Son souffle s’arrêta, guettant la prochaine réaction hurluberlue de son camarade de classe alors qu’il semblait absorbé par un combat intérieur dont la cause demeurait inconnue pour la Takahashi. Qu’on fuit son regard n’était que commun pour la jeune femme, toutefois elle ne se souvenait pas que le garçon l’ait déjà fait au moins une fois auparavant. Mauvais signe? Certainement.

Je ne pourrais pas te rendre ces sentiments si c’était le cas. Ces paroles la frappèrent de plein fouet, l’assommant sans qu’elle ne perçoive trop pourquoi et agrippant son cœur dans un étau de fer. La fatigue. Voilà l’unique explication qu’elle trouva pour justifier la boule qui se formait dans sa gorge et l’eau qui s’agglomérait déjà en flots au coin de ses yeux. Pour chasser cette réponse désastreuse à l’évidence énoncée par Yuhei, la blonde utilisa la technique dont elle détenait le secret : s’esclaffer de son plus beau rire.

« Voyons, pourquoi prends-tu un air si déconfit? C’est génial, ça! Detsuda-kun est follement amoureux, héhé. »

Pour accompagner cette affirmation, un sourire s’installa sur ses lèvres alors qu’elle inclinait la tête légèrement sur le côté.

« Je ne voulais pas te troubler par mon exemple, tu sais! C’est bien de voir que tu es si fidèle, bravo! »

Trop d’exclamations trahissaient sa nervosité, elle renforça donc son sourire et appliqua même un petit rire attendrie.

« Tes intentions envers moi? Tu n’as pas besoin de retenir ton amitié envers moi, voyons! Enfin, je ne sais pas si Aikawa-sempai est du type jalouse. Tant que tu cesses tes démonstrations d’affection trop intimes, ça ira, je t’assure! »

Pourquoi la sincérité ne semblait plus prendre part en ses paroles?

Élève de la 2-A

Tout cela était irritant au plus haut point pour Detsuda. Et les dernières paroles de Takahashi ne vinrent en rien apaiser le sentiment de frustration qui menaçait de le mettre en colère pour de bon. Les choses étaient compliquées et tous ce qui venait entraver l’expression de ses sentiments sincères étaient pour lui, une chose idiote qui n’avait pas lieu d’être.

Malheureusement, cette fois-ci, la chose était en lui si fermement établie, si forte et si puissante qu’il ne pouvait rien. Son amour pour Maiko s’élevait sans trembler face aux vagues déferlantes que le cœur spontané du jeune garçon faisait s’abattre. C’était douloureux et inconfortable.

Hasard ou intuition, il n’entendit rien des paroles prononcées par Aiko. Ces dernières, dénués de la sincérité nécessaire, ne l’avait pas atteint. Il les avait inconsciemment ignorés. Le trouble qui l’emportait intérieurement à cet instant y était sans doute pour beaucoup.

Les choses de l’amour n’étaient décidément pas son domaine de prédilection. Cette situation lui était totalement inconnue. Jamais il n’avait fait face à deux sentiments qui s’exprimait en lui-même sans qu’il ne parvienne à définir lequel était le bon.

Par contre, il saisit avec une particulière acuité, les larmes qui naquirent dans les yeux de son interlocutrice et il entendit avec une tragique facilité, la voix douloureuse qui s’échappait par la gorge emplie des sanglots de la jeune fille.

- Normalement… Je dois juste faire ce qui me viens à l’esprit et…

Oui, normalement, les choses étaient simples. Il suffisait pour lui d’écouter son cœur. Mais là, ce dernier ne savait pas quoi faire. Il était désormais le lieu d’un combat de deux forces contraires. L’une d’entre elle avait radicalement le dessus, c’était l’amour qu’il ressentait pour Maiko. La seconde n’avait aucune chance, sans influence d’événements extérieurs.

- Je crois que je n’y peux rien…

Des larmes naquirent alors dans ses yeux sans bien qu’il s’en rende compte. Il était vrai que la situation était plutôt douloureuse pour lui. Il n’était pas habitué à se retrouver déjoué par ses propres sentiments. Et il n’était pas habitué à se poser des questions. C’est donc avec une mine assez douloureuse qu’il resta indécis, sans esquisser un mouvement, comme pris dans un piège.

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