Habillée en tout et pour tout d'une courte serviette qui la couvrait des seins aux fesses, Himawari retira ses lunettes et les déposa sur ses vêtements sagement pliés et rangés dans son casier. Elle avait beau détester tout ce qui rappelait le « traditionnel » dans le Japon, tant adoré par ses parents, comme les kimonos, la musique zen et tous ces arts chiants et coincés qu'elle trouvait vide de sens et pire, admirés pour ça, les bains japonais par contre... il n'y avait pas à dire, c'était quand même beaucoup mieux qu'une simple douche pour peu qu'on ait un peu de temps devant soi pour faire trempette. Là, l'idée de zen et de calme prenait un réel sens pour elle, bien plus que la signification débile de trois brins d'herbe dans une composition florale épurée.

Et pour une fois qu'elle en avait du temps libre... En cette fin d'après-midi, pas de réunion du conseil des élèves, des devoirs faits, pas de satané club de kyudo... elle pouvait enfin décrocher le sourire zen qui menaçait de lui coincer les zygomatiques à longueur de temps. L'idée suffisait pour afficher un sourire nettement plus ironique sur son minois.

Finissant de coincer la serviette, Himawari attrapa sa pince et remonta ses longues mèches noires au dessus de sa tête avant de partir à l'assaut du sentô. Abandonner ses lunettes avec ses affaires lui évitait les affres avec la buée, la plongeant en contrepartie dans un brouillard qui donnait des tonalités nettement art moderne à toute la décoration autour d'elle. Voir avant-gardiste, avec de très jolis carrés blancs sur fond vert et autre œuvre qu'elle n'aurait su nommer. Au moins avait-elle une bonne raison pour oublier de saluer les gens qu'elle croiserait : elle serait même tout à fait honnête en disant qu'elle ne les reconnaissait pas.

Les bains étaient plongés dans un silence opaque quand elle y entra. Après la cohue brouillonne et bruyante de garçons qu'elle avait croisé à l'entrée, elle aurait cru que le bruit chez les mâles porteraient jusqu'à son côté mais non. Ils avaient du déserter les lieux pendant qu'elle se déshabillait. Plutôt bizarre vu leur manière de roder là mais... la jeune femme ne se posa pas plus de question : après tout, ce n'était pas de son ressort.

En passant près des bassins, la jeune femme nota vaguement des couleurs étranges dans l'eau, sans plus s'y attarder, trop occupée à attraper un des petits seaux en bois pour se laver.
Seau extrêmement lourd, qui se révéla plein quand elle baissa la tête. Avec un soupir agacée, la prépa se demanda qui avait oublié une telle règle de savoir vivre, attrapant le seau à pleine main pour le vider dans le trop plein.
Opération qui s'acheva par un grand cri de surprise de sa part quand le seau déposa quasiment sur ses pieds quelques choses de froid, gluant, et gigotant qui se révéla, après examen, être une petite carpe Koi.

Entre panique et surprise, Himawari s'agenouilla pour l'attraper des deux mains, essayant de maintenir le corps écailleux et glissant qui ne demandait qu'à lui échapper des mains.

«  De l'eau, il me faut de l'eau ! »

Plus facile à dire qu'à faire quand on a du mal à distinguer le robinet du mur et qu'on tient un poisson vivant dans les mains.

Hrp : Les silhouettes rouges dans les bassins sont des fausses carpes (les pauvres auraient fini au court-bouillon ! ) par contre il y a plusieurs seaux avec des petites carpes vivantes ^^

Sale semaine. Entre les maths qu’elle bûchait avec zèle, histoire d’éviter de nouveaux soucis, et les coups de fils d’une mère brusquement paranoïaque – suite à une histoire où la petite Mitsu avait courbé le repas mère-fille mensuel en plus d’avoir découcher suite à une rencontre avec un certain type du lycée, mais cela restera secret – l’adolescente n’avait pas deux de tension quand venait le moment du bain. Le pas traînant, le regard éteint, bref, le moment de détente dans l’eau délicieusement chaude était plus qu’attendu.

Même se déshabiller lui semblait alors au-dessus de ses forces. Gagnée par cette terrible maladie qu’est la flemmagite aïgue, actuellement en stade terminale, elle envoya plus valdinguer ses fringues dans le panier qu’elle ne les plia soigneusement. Sans compter qu’il lui fallut une dizaine de minute à se prendre la tête pour réussir à retirer ses boucles d’oreilles suite à une spirale infernale de cheveux rebelles pris à l’intérieur de la fermeture. Bref, un beau bordel ! Une fois soigneusement enroulée dans une serviette réchauffée avec soin, sous son séant pendant ses heures d’études, Mitsu poussa la porte des bains plus ou moins à l’instant où une camarade criait pour demander de l’eau. Bien que le réflexe premier vu son humeur maussade aurait été un cinglant « Bah tourne le robinet, crétine ». Les bonnes manières cependant profondément ancrées en elle refirent heureusement surface avant que la demi-insulte ne soit lâchée. Aussi, serviable, se rapprocha-t’elle du robinet et le tourna sans regarder sa camarade. Sans doute avait-elle de la mousse dans les yeux ou quelque chose dans ce goût-là.

Plusieurs secondes s’écoulèrent ainsi, Mitsu dévisageant placidement Himawari… et Himawari dévisageant sans doute ce qu’elle pouvait voir sans ses lunettes, sans oublier le pommeau de douche qui l’arrosait tranquillement et le poisson frétillant cherchant à se faire la malle. Plusieurs secondes, ce fut le temps nécessaire à Mitsu pour percuter réellement pour le poisson dans les mains de sa camarade. Là, elle se mit en branle pour récupérer le seau en bois, non sans revenir une ou deux fois sur les mains de la jeune femme pour s’assurer que le travail assidu ne lui causait pas des hallucinations. Une fois le récipient en main, elle tenta d’abord un chouillas décontenancé de le remplir à la douchette avant de préférer le robinet et augmenter le débit. Une fois plein, elle tendit alors celui-ci vers la prépa.

- Là, ça devrait être une température acceptable.

Finalement, elle dévisagea encore sa camarade, puis le poisson. Elle se pinça même le bras, pas encore complètement présente. Puis, elle éclata franchement de rire.

Ça, pour recevoir de l'eau, elle en reçut. Assez fraîche pour la faire frissonner, mais pas froide au point de la faire hurler, l'eau dégoulinait sur son visage, le long de ses cheveux, imbibant la serviette dans laquelle elle était enroulée. La seule heureuse de cette affaire était la koi qui frétillait de plus en plus, comme pour rejoindre la manne céleste qu'on lui envoyait. Trop abasourdie pour faire autre chose que de regarder sa camarade, Himawari resta passive jusqu'à ce que l'autre demoiselle lui tende le seau remplie. Ce qui n'était pas plus mal : tout autre mouvement d'humeur se serait probablement traduit par une carpe volante. Elle plongea le poisson dans l'eau au moment où arrivait une autre kohai, dont la voix frêle trahissait son choc de voir des poissons dans les bains.
Des poissons dans les bains... les lèvres de la jeune femme s'étirèrent dans une mince ligne agacée. Si elle choppait l'abruti qui avait fait ça... Heureusement, le rire de la première présente la rappela à des sentiments un peu plus posées. Ou à défaut, un peu plus montrable.

«  Celle-là, en tous cas, est bien vivante. Avec quelques écailles en moins par contre. »

Elle tendit les mains devant elle pour montrer les écailles qu'elle sentait froides et gluantes sur sa peau à défaut de les voir autrement que par touches colorées contre sa peau pâle.
Au même moment, la plus jeune sortit de l'eau ce qui ressemblait bien à un autre carpe, plus grosse, plus rouge. Et inerte.

« Mais quel est l'idiot qui a osé... »

Si quelqu'un avait massacré de pauvres bestioles pour le simple plaisir de faire une blague stupide, elle allait leur fait bouffer ce poisson. Et pas forcément par l'orifice prévu pour. La prépa attrapa la carpe, oubliant toute sa réserve imposée.... pour ouvrir de grands yeux ronds quand le toucher fut clairement différent de celui de la carpe frétillante qui tournait en rond dans son seau. Elle tata encore une fois, pour être sure, avant d'en approcher le visage, quasi au contact, pour discerner un peu mieux le poisson.

« Oh, c'est une fausse. »annonça-t-elle, deux tons plus bas, soulagée.

Elle n'aura plus jamais pu prendre de bains chauds s'il s'était avéré que les bassins avaient servi de mouroir à carpes koi. Un sourire plus amusé s'étala sur ses lèvres, reflet de l'éclat de rire de Mitsu. Regardant la carpe dans le seau à ses pieds, puis la fausse dans la main de la petite jeune fille, elle poussa un soupir audible en repoussant ses cheveux trempés de son visage, y laissant au passage une écaille colorée. La salle de bain était assez chaude pour pouvoir s'y balader même trempée, encore heureux.

«  A votre avis, il y a encore beaucoup de « surprises » la dedans ? »

Son regard myope se tourna vers Mitsu, la seule non myope de la salle de bains, et donc, la plus à même de répondre à sa question sans devoir coller sa tête et ses mains dans chaque seau à la recherche d'un intrus.

«  Et merci pour l'arrosage. »

Etrange comme détrempée comme elle était, le remerciement sonnait plus comme de l'ironie que sincère, même s'il l'était, du moins pour la partie poissonnerie.

Suivant le mouvement d’Himawari, Mitsu s’approcha de Minji et son faux poisson. Afin de rassurer la jeune fille, elle lui tapota légèrement le dos. Avec un sourire chaleureux, elle lui chuchota presque.

- Ne t’inquiète pas. Apparemment, c’est juste une blague de potache des garçons. Plus de peur que de mal.

Elle hocha la tête à la demande tacite de leur sempai et fit le tour de la salle de bain en examinant les seaux.

- Apparemment, il y a encore 6 carpes dans les seaux. Je vais voir s’il y a des vrais poissons cuits au court-bouillon dans le bassin. Je sortirai les faux au passage… ou alors on peut jouer à la pêche si vous voulez.

Ajouta-elle un brin goguenarde. Elle se dépêtra de sa serviette la plus grande pour la tendre vers la plus âgée de ses camarades.

- Désolée pour la douche forcée. J’ai pensé au classique savon dans les yeux. Tu devrais te sécher avant de prendre froid. Encore navrée de t’avoir trempée.

Elle s’arma d’un seau vide et enjamba le rebord du bassin. Une brève seconde, elle sautilla sur place en pestant sur l’eau trop froide avant d’avancer avec précaution en fouillant l’eau des mains. Se saisissant d’une créature en plastique, elle se tourna vers le mur séparant la partie femme de celle des hommes et lança celle-ci par-dessus le mur. Enfin elle tenta par deux fois de le faire. L’échec des deux premiers essais lui arracha un juron soufflé entre les dents alors qu’elle jetait la bestiole factice une dernière fois. Un « Aie » sonore accueillit celle-ci.

Elle se tourna alors vers Himawari et Minji avec un trop large sourire pour être honnête.

- Un retour aux expéditeurs, ça vous tente ?