Il était 6h45 et notre jeune homme était déjà réveillé depuis pas mal de temps. Non pas qu’il n’arrivait pas à dormir, mais il voulait à tout prit s’entrainer encore quant au service et à la fluidité de ses mouvements dans son sport favori et, en même temps, il ne pouvait pas se permettre d’arriver en retard pour son cours d’Espagnol. A cette pensée, Nathan eu un soupir d’exaspération. Franchement, pourquoi avoir instauré cette langue dans un lycée japonais ? Certes, beaucoup de jeunes rêvaient de l’espagnol(le) en maillot de bain qui se dorait au soleil, mais la langue était tellement … tellement indescriptiblement moche ! Ou était-ce simplement l’avis de Nathan qui ne se sentait vraiment pas attirer par ce pays ? Sans doute. Mais bon. C’était un cours obligatoire et il aura sans aucun doute un examen d’espagnol d’ici la fin de sa scolarité, alors autant se bouger et apprendre de manière assidue cette langue qui ne devrait pas exister.

Tout en pensant, Nathan s’était changé. Il avait mit un short et un t-shirt. Ses habits de sport habituels. Il était ensuite sorti de sa chambre, évitant au maximum de faire du bruit pour ne pas réveiller Brian qui dormait encore. Ses baskets, orange de la terre battue, en main, il se faufila sur la pointe des pieds et sac contenant ses raquettes, sa serviette, ses bouteilles d’eau et ses balles, épaulé, hors du bâtiment. Une fois dehors, il chaussa ses baskets et, se redressant, il inspira profondément, affichant un sourire. L’air était encore agréablement frais, mais cela n’allait pas durer. A vrai dire, c’était à partir de 8h que le soleil commençait à répandre sa chaleur excessive sur la ville.

Soit. Nathan saute les deux marches puis s’engagea sur l’allé menant aux terrains de sport. Plus précisément, il se dirigea vers les courts de tennis. Une fois arrivé à destination, il poussa la porte du grillage et s’engagea sur la terre battue. Il prit la direction du court individuel qui se trouvait plus au fond et déposa son sac sur le banc. Il se redressa ensuite, lança un coup d’œil vers les autres courts qui étaient encore désert et sourit. Les quelques sportifs, principalement ceux appartenant au club de tennis, n’allaient sans doute pas tarder. Jusque là, Nathan aura tout le terrain pour lui seul. Autant en profiter !

Alors, se secouant légèrement, il fit un pas en avant puis se lança dans plusieurs tours de terrain. Il trouva rapidement une foulée régulière, dans un rythme assez soutenu et sourit. Le sport avant les cours, il n’y avait que ça de vrai.

Brian avait collé sa tête sous l'oreiller quand il avait entendu Nath se réveiller, essayant de glaner quelques heures de sommeil en plus ce matin. Il bossait seulement d'après-midi aujourd'hui, si bien qu'il s'était couché tardivement, profitant de la nuit pour appeler aux USA sans déranger qui que ce soit. Malheureusement, il avait le sommeil plutôt léger, et avait été incapable de se rendormir ensuite. Après avoir passé le quart d'heure suivant à se tourner dans le lit comme une carpe, le jeune homme avait fini par ouvrir les yeux et se lever, dirigeant machinalement son regard vers la fenêtre où la lumière filtrait au travers des rideaux tirés.

Nath devait être parti faire du tennis donc, tant qu'à être levé... Le jeune homme s'habilla rapidement, à l'image de son prédécesseur qui était parti un peu plus tôt, se promettant une douche après la bonne suée qu'il allait se prendre dans cet entraînement un peu trop matinal à son goût, s'étirant de tout son long avant de prendre sa raquette et de sortir de l'internat. L'air était doux le matin, bien plus doux qu'il ne l'avait été en Allemagne, où il avait été l'année dernière à la même période. L'avantage d'avoir voyagé, c'est qu'on relativisait pas mal les saisons selon les endroits du globe.

Comme prévu, Nathan était bien sur un des cours de tennis, réveillé et en forme comme il n'était pas permis à une heure pareille. Pour sa part, il était plus du soir, capable de rester éveillé toute la nuit jusqu'aux petites heures du matin sans ressentir la fatigue, alors qu'il lui fallait toujours un petit moment pour réussir à sortir de sa torpeur le matin. Raison pour laquelle les cours du soir lui correspondaient très bien comme horaires. Les cours étaient résolument intensifs, puisque le but était de faire bucher les étudiants dans la période limitée de temps dont ils disposaient mais... il appréciait ce challenge. Et au moins, il était sur de ne pas perdre son niveau pendant son année de latence.

L'américain s'approcha du grillage qui entourait le terrain, y entrelaçant ses doigts avant de s'appuyer dessus. Le fil de fer était froid contre ses bras nus, dernier souvenir de la fraicheur de la nuit. Brian attendit que l'autre jeune homme passe à sa portée pour l'interpeler, gardant la joue contre le grillage pour se faire. Il ne pouvait s'empêcher d'avoir une attitude un peu lascive, même avant de faire du sport. Surtout, juste avant de faire du sport, puisque dans quelques minutes il ne pourrait plus se permettre une attitude aussi relaxée.

" T'avais à ce point besoin d'un adversaire que tu m'as réveillé au passage ? "

Difficile de ne pas entendre l'amusement dans le ton léger de Brian, malgré ce qui aurait pu sonner comme un reproche. Il y avait largement pire qu'être réveillé de bon matin pour un tennis : être réveillé de bon matin par de l'eau froide, par un poisson dans son lit, par des glaçons... à avoir pratiqué des tas de pensionnats, il en connaissait quelques unes, et ces méthodes incluaient le plus souvent l'usage de quelque chose de froid ou gluant. Ou les deux.

Au moment même où Nathan, engagé dans sa course, si bien qu’il ne prit plus en compte son entourage, passa à côté de la porte, il entendit son nom et s’immobilisa. N’était-ce pas la voix de Brian ? Non, quand il était parti quelques minutes plus tôt, son colocataire dormait encore. A moins qu’il avait fait semblait ? Lentement, notre jeune homme se tourna vers la direction d’où provenait ladite voix et se figea. Les yeux écarquillés, il fixait son colocataire. Pourtant il avait fait doucement en sortant et n’avait pas mit ses chaussures pour ne surtout pas le réveiller. Mais alors, qu’est-ce qu’il faisait là ?

Notre jeune homme ne tarda pas à avoir sa réponse. Il l’avait donc vraiment réveillé. Heureusement que Nathan put constater une once d’ironie dans les paroles de son coloc, sinon il se serait vraiment senti mal. Car oui, réveiller quelqu’un à cette heure, sachant que Brian suivait les cours du soir, étant toujours assez délicat. Pourtant les paroles, sonnant tout d’abord comme un reproche, avaient fait baisser la tête à Nathan. Comprenant ensuite que son colocataire ne lui en voulait pas plus que ça, il avait affiché un sourire amusé. Relevant la tête, il fixa à nouveau Brian puis se dirigea vers lui. Haussant les épaules, il se plaça devant lui

« J’ai même hésité à sortir mon violon et jouer comme un débutant. » Il afficha une mine d’innocent, inclinant légèrement sa tête sur le côté « mais t’avais l’air si paisiblement endormis que ça m’aurait vraiment gêné » Il esquissa un sourire amusé puis se recula d’un pas et lança un coup d’œil furtif vers les terrains « mais bon, tant que t’es là, on a cas se faire un match d’entrainement » il reporta son attention vers Brian et l’observa « Si je perds, je te promets de me faire plus discret. Si tu perds … je trouverais autre chose. Ça te va ? »

Toujours son sourire amusé sur les lèvres, Nathan attendit que son colocataire entre sur le terrain, signe qu’il aura accepté le défit. Jouer pour s’entrainer, c’était bien. S’entrainer en ayant un but devant les yeux, c’était bien.

Brian se fendit d'un sourire amusé en franchissant les quelques pas qui le séparaient de la porte et entra enfin sur le cours, enfermé derrière les grilles comme un fauve en cage. Ce n'était pas la première fois qu'il avait cette impression. Pourtant, à son humble avis, c'était plutôt les rugbymen, voir les footballeurs qu'il aurait fallu mettre en cage, pas les tennismen. A moins que ce ne soit pour les protéger eux... Pardon, la notion de balle perdue ? Logique, mais moins romanesque au gout du jeune homme.

" Essaie ça, et c'est mon saxo que je sors à 3h du mat' pour un petit concert. Certes, c'est un peu moins horrible que le violon version chat écorché, mais c'est assez bruyant quand on veut."

Doux euphémisme. Mais comme il n'avait pas envie d'avoir à faire à l'équipe d'athlé en son entier parce qu'il les avait tirés de leur sommeil réparateur, il s'abstiendrait... Sauf si vraiment Nathan faisait des siennes le matin. Le jeune homme examina sa raquette et se rendit tranquillement de l'autre côté du terrain pour prendre place en face de Nath, avec un petite moue pensive. Son cadet avait eu le temps de s'échauffer lui. Il aurait du en faire de même, la petite marche de la chambre au terrain de tennis ayant été tout juste suffisante pour finir de le réveiller.
Hum, il a envie d'un bon café noir, à l'instant.

" Tu ne trouves pas que les teneurs du pari sont un peu biaisés ? Voyons ça autrement : si je perds, je veux bien m'entrainer avec toi tôt le matin une ou deux fois par semaine. Si tu perds... tu iras jouer du violon dans le foyer, et non dans la chambre le soir. Et dans tous les cas, tu fais moins de bruit le matin."

Non qu'il soit réellement dérangé par le bruit du violon le soir, mais ce n'était pas toujours évident de travailler ou de lire avec quelqu'un qui jouait pour s'entrainer et non pour jouer quelque chose. Entendre 15 fois le même air finissait par être lassant. Il en savait quelque chose, en tant que musicien lui-même.
Bref, la teneur du pari n'était pas si importante – du moins beaucoup moins que l'idée que l'autre garçon fasse moins de bruit le matin – le bruit tenait plus de la notion de politesse que d'un jeu pour lui. Et si Nath continuait de le réveiller de bon matin, sa raquette finissait de finir à un endroit qu'il ne serait pas poli de citer à haute voix.

" On commence par quelques balles d'échauffement ? Sinon tu risques de ne même plus avoir de partenaire de jeu. "

Sans attendre de réponse, il tira de sa poche de short l'une des balles qu'il avait emmené et lança doucement, histoire de faire quelques échanges sans formalité pour finir de réveiller ses muscles en douceur.

Ce que Nathan aimait chez Brian ? Son sens de l’humour et de la répartie. Pas beaucoup de gens ne pouvait répondre du tac au tac comme le faisait son coloc et c’est ce que Nath appréciait le plus chez lui. Soit, notre jeune homme rigola de bon cœur lorsqu’il entendit les dires de son coloc et secoua légèrement la tête, le suivant vers l’un des courts. Aussi, lorsque Brian lui changea les conditions du défit, Nathan fut amusé. Faut croire que son ainé avait en plus un sens inné du défit. Une très bonne qualité en soit. Ainsi, notre jeune tennisman accepta sans hésiter et se plaça en face de Brian, sur sa partie du court.

Alors qu’ils commençaient à échanger quelques frappes, Nathan profita du fait que ce n’était que quelques échanges d’échauffement pour prendre la parole

« Mais le fait que je joue le soir après les cours, ça te gêne vraiment tant que … » sa voix se brisa pendant qu’il courut à droite pour rattraper une balle qui se faisait la belle et la renvoyer un peu plus fortement dans le camp adverse. Il se redressa et secoua la tête pour chasser une mèche rebelle qui lui barrait le regard, reportant son attention sur Brian « je disais donc, tu trouves ça réellement dérangeant que je joue le soir ? Je veux dire, la plupart du temps je joue quand t’es en cours … » Il fit un pas sur le côté et rata la balle de près. Sans réfléchir plus longtemps, il en sortie une autre de sa poche et l’envoya tranquillement de l’autre côté du filet « et généralement j’évite de jouer quand tu bosses ou quand tu lis. Donc … » Il donna un petit coup de poignet donnant ainsi tout juste assez puissance pour que la balle retombe derrière le filet et se redressa « et puis tu sais très bien que tu peux me dire d’arrêter quand je deviens trop soulant »

Il esquissa un sourire, faisant rouler ses épaules en attendant que Brian mette son service en place. Il se pencha légèrement en avant, ses yeux fixer sur la balle que son adversaire faisait rebondir devant lui. Certes, leur vrai match n’avait pas encore commencé mais Nathan se sentait assez échauffer pour pouvoir accélérer un peu. Ainsi, lorsque Brian envoya la balle dans son camp, il plongea littéralement sur le côté et frappa la balle avec plus de force. Trop de force, à vrai dire. Celle-ci finit sa volée plus loin, contre le grillage. Hochant doucement la tête, notre jeune sportif se redressa et fixa son adversaire

« On peut commencer les choses sérieuses? » Il s’essuya la sueur qui commençait à perler sur son front, affichant un sourire narquois et lança un coup d’œil à sa montre. 7h20. Sachant que ses cours commençaient à 8h30, il devrait être sous la douche à 8h10 pour ne pas rater le début du cours d’espagnol « hm, je pense qu’un matchs en un set gagnant suffit. De toute manière, je n’ai pas le temps » Il lança un coup d’œil à Brian « sauf si, évidement, tu veux me donner des cours de rattrapage en Espagnol »

A vrai dire, cette dernière proposition, bien que dite sur le ton de l’ironie, avait un certain fond de vérité. Nathan avait VRAIMENT besoin de cours en plus dans cette matière.

Le bruit mat des balles rebondissant sur la raquette résonnait régulièrement sur le cours pendant les premiers échanges, à un intervalle trop lent pour être le rythme d'un vrai match, mais laissant à Brian tout le loisir de s'échauffer en souplesse. Ce n'était pas la première fois qu'il jouait avec Nath – la première fois qu'il jouait aussi tôt avec lui par contre -. Il n'était pas membre officiel du club de tennis – et pour cause, il n'était pas vraiment élève au lycée, et ses horaires de travail ne lui permettait pas de se rendre avec régularité aux entrainements imposés par le club – mais il trouvait toujours un adversaire quand il voulait jouer un peu.
S'il n'avait pas de relations franches avec les élèves du lycée, hormis ceux de sa chambre, encore une fois par manque de contact, le tennis était un moyen facile de se trouver un point commun avec les autres.

Brian laissa la dernière balle de Nathan passer derrière lui avait de se replacer à l'arrière du cours, se préparant mentalement à jouer de manière plus sérieuse, forçant son organisme à sortir de sa torpeur momentanée. Il n'y avait pas à dire : il préférait vraiment jouer un peu plus tard, quand il avait l'humeur à frapper de toutes ses forces dans la petite balle jaune.

" Tu ne veux pas plutôt des cours de rattrapage en russe ou en coréen ? Là je n'aurais aucun mal à t'en donner."

Avec trois langues courantes, et deux autres qu'il avait appris au cours de ses voyages, il ne s'était jamais penché sur l'idée de l'apprentissage de l'espagnol. La langue ne semblait pas bien difficile, du moins à côté du russe ou du japonais, mais elle n'avait jamais atterri dans son cursus. Et elle ne lui manquait pas plus que ça, n'ayant jamais été attiré par l'Espagne ou les pays d'Amérique du Sud. Avec son teint pâle, il était de toute façon plus adapté aux pays froids.

Brian interrompit le dialogue pour servir. L'échange de balle qui suivit fut plus rapide et attentif, la concentration et l'effort interdisant aux deux garçons de poursuivre la conversation sous peine d'erreur stratégique. Erreur qui eut quand même lieu quand Brian méjugea d'une distance, envoyant la balle dans le filet. Le jeune homme leva les mains et les yeux vers le ciel dans un signe pseudo-dramatique de déchéance, comme s'il cherchait dans les cieux une réponse, avant de récupérer sa balle au sol sans perdre son sourire, retournant se positionner en arrière.

" Et pour répondre à ta question quand au violon, j'ai toujours pensé que ça ne te ferait pas mal d'avoir un peu plus de public. Le foyer sera idéal pour ça."

Il s'inclina légèrement, à peine moqueur. Parfois, il se disait que c'était des cours de danse, ou de théâtre qu'il aurait du prendre, pour laisser libre cours à ce côté un peu exubérant qu'il affirmait et qui ne passait pas toujours très bien au Japon. Encore que. Au magasin de musique où il travaillait, son comportement semblait plaire, lui offrant une aura exotique aux yeux des clientes. Son employeur ne pouvait qu'approuver.

Premier point pour Nathan ! Bon, faut avouer que lui avait l’avantage d’être complètement réveillé et parfaitement échauffer, alors que son ainé, lui, n’avait que eu droit à un échauffement sommaire. Mais d’un côté, Brian aurait très bien ne put ne pas accepter le défit. Mais il devait sans doute être trop fier pour cela. M’enfin, n’allons pas nous plaindre : Nathan avait, avec ça, gagné un adversaire de taille.

Soit. La manière donc son coloc dramatisait la situation de la perte du premier point, arracha un sourire à notre jeune homme et l’instant d’après il s’imaginait Brian dans la peau de Ruy Blas. Manquerait plus qu’il ne fasse son monologue face à la reine, s’exprimant avec mélancolie et déception « je suis le verre de terre amoureux d’une étoile » et l’image serait parfaite.

Mais, le bruit de l’impact d’une balle sur les mailles de la raquette le fit sortir de ses pensées. Malheureusement, son réflex n’était pas assez rapide et il observa, impuissant, comment la balle rebondit à ses côtés avant de retourner dans la direction opposée, lui faisant ainsi perdre le point qu’il avait d’avance. Rah. Nathan grimaça et grommela quelque chose sur le fait qu’il devrait contrôler un peu plus sa passion pour la littérature française. Il releva ensuite son regard, fusillant Brian du regard

« Sale opportuniste va. » Evidemment, ces paroles furent dites de manières à pouvoir comprendre que ce n’était que de la pure ironie. « Et puis, tu me suffis amplement comme public. J’ai pas besoin de casser les oreilles aux autres étudiants non plus »

Il esquissa un large sourire puis pivota sur ses talons et alla ramasser les balles qui étaient éparpillées un peu partout sur les courts.

« La prochaine fois on réveille Yuki et on l’engage comme ramasseur de balle » dit-il en rigolant, quoiqu’il fut sérieux au fond de lui-même.

Yuki, c’était leur troisième colocataire. Un jeune homme de 17 ans, pur japonais, qui faisait le double de sa taille. Non, n’exagérons pas non plus. Nathan ne faisait que 1m70, alors que Yuki, lui, avait 7 centimètre de plus que lui. Difficile donc à s’imaginer que le Français était de près de deux ans son ainé. Il n’en résultait pas moins un bonne entende. Pour le peu qu’il connaissait son colocataire, notre jeune homme savait que c’était quelqu’un de relativement calme et posé qui pouvait faire sa crise d’adolescence et qui ressentait souvent une certaine flemme quant au fait d’ouvrir ses bouquins de cours. Mais bon, ce n’était pas le problème de Nathan qui aimait bien la compagnie de son autre colocataire.

Soit. Après s’être remit en place sur sa partie du court, le francophone lança un coup d’œil à sa montre et poussa un soupir. L’heure passait vite. Trop vite. Et, au fur et à mesure que défilaient les minutes, le cours d’espagnol s’approchait dangereusement. Et plus il s’approchait, plus la motivation de Nathan se volatilisait.

« Franchement, Brian, tu peux m’expliquer pourquoi ils nous on foutus des cours d’espagnol et pourquoi ils nous obligent à les suivre ? » Il soupira et abaissa ses mains « Il pouvaient choisir genre russe, polonais ou Allemand. Ça sert à rien l’espagnol … »

Bon ok, les langues qu’ils venaient de citer n’était pas tellement plus utiles que l’espagnol, mais moins elles étaient doublement plus intéressante. Et puis, Nathan n’est pas Nathan s’il n’avait pas ses cinq minutes de plainte quotidiennes.

Brian éclata d'un rire franc à l'idée de voir Yuki servir de ramasseur de balles. Ce grand gamin surexcité qui avait du mal à rester immobile plus de 2 minutes aurait bien du mal à garder la position et ne se lever que pour récupérer les balles perdues ! Le jeune homme se replaça, balle en main, son eternel sourire aux lèvres. Un souffle de vent vint secouer sa chevelure chatain, lui imposant d'attendre quelques minutes plutot que de prendre en compte le vent dans la trajectoire de sa balle. Oui, il lui arrivait d'être paresseux dans ce genre.

" Yuki ? Mauvais choix. Je pense qu'il partirait dribbler avec la balle. Allez, on a 5 minutes pour finir Nath', on accélère."

Brian n'était pas au delà d'utiliser le stress de son adversaire si cela pouvait l'avantager. De toute façon, il était souvent plus doué pour les échanges courts et intenses que ceux plus longs où il finissait souvent par faire une faute de concentration. Le jeune homme se tendit et servit, lançant une balle très courte. Après tout, Nath' avait eu envie de se défouler avant les cours, autant lui en faire profiter. Comme prévu, l'échange fut bref, et Brian eut le plaisir d'envoyer la balle derrière Nathan, le jeune homme reculant rapidement, mais pas assez pour l'intercepter. Deuxième point pour lui.

Brian fit un sourire brillant avant de reculer, maintenant parfaitement réveillé. La discussion en plus du match était parfaitement à son goût. Nath était un interlocuteur agréable, et il s'entendait mieux avec lui qu'avec Yuki. La raison était assez simple : le 3ème garçon ne vivait que pour le basket, et à moins de vouloir entrer dans ne longue conversation sur le sport, il n'y avait pas beaucoup de sujets de discussion avec lui. Certes, il n'avait pas tellement essayé non plus, mais les choses n'étaient pas plus mal là où elles en étaient. Les quelques années de différence se faisaient parfois énormément sentir.

" Hum... pourquoi l'espagnol ? Parce que c'est une langue latine, par opposition à l'anglais qui est une langue germanique et que cela permet donc de voir un autre fonctionnement et d'autres racines ? Parce que c'est la 3ème langue parlée au monde ? Et par comparaison, c'est bien plus simple que l'allemand ou le russe, sans les déclinaisons, ou que le français, avec sa grammaire barbare. "

Impossible de passer à côté de ce genre de discours quand on était fils de traductrice qui adorait la linguistique. Même si l'espagnol ne faisait pas parti des compétences de sa mère, il avait probablement entendu parler de toutes les langues comme si elles étaient chacune la plus fabuleuse. Avec une apogée pour le russe.

Le jeune homme passa sa main dans ses cheveux, grimaçant au contact de sa main un peu poisseuse dans ses cheveux jusque là propre. Une bonne douche serait de mise après cet entrainement matinal s'il voulait pouvoir entrer dans un pièce sans faire fuire les gens, sans parler de tenir la caisse au magazin cet après-midi.

" Tu as le temps de finir le match ou on reporte ça à plus tard ? "

Un plus tard qui voudrait surement dire demain vu ses horaires tardifs de l'après-midi, mais il ne souhaitait pas mettre en retard le jeune homme pour ses cours.

Nathan soupira franchement lorsque Brian remporta le premier jeu et abaissa sa raquette, fixant le sol derrière lui, à l’endroit même de l’impact de la balle de jeu. Bon, s’il continuait comme ça, notre jeune homme sera rapidement obligé d’embarquer son violon et d’aller jouer dans le foyer. Le problème était qu’a vrai dire, il n’avait aucune envie d’avoir un plus large public. Le son du violon n’était pas quelque chose que tout le monde aimait, d’autant que Nathan était un éternel modeste et pensait toujours déranger et n’être pas assez fort. Pourtant, ça faisait maintenant 10 ans qu’il jouait de cet instrument. Mais soit.

La dernière phrase de Brian le sorti de ses pensées. Il releva le regard vers son coloc, fronça légèrement les sourcils en se remémorant ce qu’il venait de dire puis leva le poignet pour regarder sa montre. 8h10. Tout d’abord surprit par la rapide avancée de l’heure, notre jeune homme hocha la tête et lança un coup d’œil furtif à son coloc.

« Demain matin, à la même heure ? » Décidément, il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir ce petit air moqueur avec son colocataire. Il haussa les épaules, souriant doucement « mais le gagnant n’est pas encore décidé pour autant ! Donc ce soir, tu vas devoir m’écouter. Héhé »

Non, ce n’était pas sérieux. Nathan profitera simplement du fait qu’il soit seul, dès fois que Yuki irait s’entrainer aux lancés francs dans le gymnase. Si ce n’était pas le cas, eh bien, notre jeune homme se passera de son instrument ce soir. M’enfin. Nathan se retourna donc et se dirigea vers le banc sur lequel reposait encore son sac. Il se pencha en avant et attrapa sa bouteille. Il prit deux grandes gorgés puis la rangea, fourra sa raquette dans son sac, s’essuya le front et la nuque avec sa serviette, puis referma le sac et l’épaula, se dirigeant vers Brian qui était resté arrêté sur place. Nathan contourna le filet et alla le rejoindre

« Tu rentre aussi ? Ou tu comptes faire la bronzette dans le parc ? » Notre jeune homme leva le regard au ciel et soupira une énième fois « ça devrait être interdit de garder les pauvres élèves enfermé dans une salle de classe par ce temps … »

En effet, le temps était radieux et la météo donnait envie à plus d’un de rester, feignant, allongé sur l’herbe ou aller faire un tour à la piscine. Tien, ce serait un truc à faire cet après midi, histoire de se rafraichir les idées après le cours de japonais.

Le jeune homme acheva de ramasser les balles restantes avant de revenir vers Brian, haussant un sourcil à la suggestion du jeune homme. Il était un peu déçu de devoir s'arréter là : maintenant qu'il était échauffé, le match était des plus agréables. D'un autre côté, une bonne douche brulante et un bon café, avant de profiter du temps devant lui pour travailler un peu ses cours serait une manière agréable de finir cette matinée entamée de bonne heure. Brian tira légèrement la langue.

" Hum attends si je comprends bien... je finis le match avec toi comme si j'avais perdu le pari, et tu as encore le droit de jouer comme bon te semble ? N'exagère pas Scott, ou tu vas vraiment te retrouver avec quelque chose de pas très catholique dans ton lit au milieu de la nuit. "

Plutôt que de frapper Nathan de sa raquette, comme il avait menacé de le faire théatralement un instant plus tôt, Brian la reposa sur son épaule, dardant un coup d'oeil rapide vers le ciel d'un bleu limpide qui promettait une belle journée en perspective. Bronzer dans le parc ? Non qu'il soit contre un peu de farniente, mais si c'était le cas, le parc n'était définitivement pas l'endroit qu'il choisirait : trop mouvementé quand les élèves sortaient de cours.

Il secoua la tête, se dirigeant avec son compagnon vers la sortie du cours, puis sur le chemin qui ramenait à l'internat. L'heure avancée se trahissait par la présence bien plus importante d'élèves en uniformes qui prenaient un peu l'air avant d'aller en cours, ou qui profitaient parfois d'une première heure vide. Pour maintenant gouter à la liberté des cours uniquement le soir, Brian savait que le jour où il reprendrait un cursus plus classique, le retour à la réalité serait rude. En attendant, il profitait comme il pouvait de cette liberté d'action, même si c'était simplement pour travailler aux heures qui lui convenait le mieux.

" Je vais rentrer me doucher et enfin déjeuner. Tu n'imagines pas à quel point cet entrainement matinal a puisé dans mes réserves... je vais finir par faire une hypoglycémie. Ca serait bête si tu devais me trainer à l'infirmerie si tôt, tu raterais ton cours tant aimé d'espagnol, et je ne voudrai pas t'imposer ça. "

Nouveau sourire ravageur de l'américain alors qu'ils se rapprochaient de l'internat. Brian ne résista pas à l'envie d'ébourriffer les cheveux de Nath' pour voir sa moue boudeuse pendant qu'il se moquait un peu de lui. Nath était... cute ? Le mot venait en anglais à son esprit même s'il parlait japonais du soir au matin. Comme un petit frère amusant à taquiner et chahuter, et il ne s'en privait pas.

" Pour le reste de la journée on verra bien. Profite bien de ton cours Nath, à ce soir."

Le jeune homme s'éclipsa avant que son cadet ne puisse contre-attaquer – chose que de toute façon il n'aurait pas le temps de faire s'il voulait être à l'heure - Ah, les petits plaisirs simples de la vie d'étudiant...