Et c'est donc au moment précis où il tournait sa neuvième page -quelle précision me direz-vous- que la sonnerie retentit dans tout l'édifice, avec l'attroupement habituel des classes bien désordonné s'en allant jusqu'à la salle suivante ou se scindant en plusieurs petits groupes pour aller rechercher telle ou telle affaire laissée en arrière ou aux dortoirs. A ce bruit habituel d'entrecours, Keith se montra totalement indifférent, replaçant sagement une mèche sur sa tempe, qui revint bien vite lui gêner la vue, et donc sa lecture. Quotidien banal pour élèves tout aussi banals, rien qui ne vienne briser cette monotonie. Et pourquoi n'irait-il pas lui-même se joindre aux différents groupes? Primo: dans quelle classe était-il et quelle était son horaire? Et deuxio: il lui fallait régler tout un tas de petits détails avant de voir le bout du nez de son premier cours, où il lui faudrait certainement rattraper quatre mois et demi de retard, ou simplement deux semaines si les professeurs s'étaient montrés larges en leur autorisant à "oublier" la matière vue de septembre à décembre.

Il en était encore là de ses réflexions lorsqu'un bruit mat, dur et une plainte douloureuse attirèrent son attention vers une fille, tout aussi ordinaire que les autres, qui venaient apparemment de se prendre les pieds sur du verglas. Pas de chance pour elle et bien qu'elle ne lui aie rien fait, pas encore, Keith en éprouva un étrange sentiment de bien-être à ce petit accident malencontrevenant. Pourquoi? Une impression de prendre un peu sa revanche sur les autres petites. L'ennui étant que cette même fille se trouvait plutôt près de lui, un petit peu trop peut-être. La fixant résolument pour déterminer tous ses faits et gestes, le jeune homme croisa son regard et la vit s'avancer de quelques pas dans sa direction, lui adressant comme un salut, qu'il ne lui rendit pas du tout, préférant de loin détourner le regard pour se refondre dans le décor.

*Et qu'est-ce qu'elle me veut celle-là? Encore une qui attend le moindre faux pas pour te mener la vie dure à mort? Ignore-la, c'est le mieux à faire...Peut-être qu'elle partira comme ça et te laissera tranquille. Oui, ça vaudra mieux.*

Mais Hlyn ne partait pas justement, plutôt gênée de s'être fait surprendre dans ce petit moment de faiblesse par un inconnu, étranger qui plus est. Et à l'intérieur du demi-Norvégien, les émotions se bousculaient: il désirait qu'elle parte, et en même temps qu'elle reste, qu'elle continue à lui parler et qu'elle se taise. Des oppositions qui se firent de plus en plus nombreuses et qui ne firent qu'accroître son stress, car oui cette situation le mettait si mal à l'aise qu'il en venait à en stresser. Il possédait peut-être un visage feignant à merveille l'indifférence, mais pour ce qui était des mouvements traîtres de son corps, il avait encore du boulot devant lui avant de réussir à cacher totalement son désarroi.

*Dis quelque chose...Envoie-la promener, je sais pas moi ! Se montrer froid, ferme et déterminé à ce qu'elle te foute la paix. C'est le seul moyen de convaincre ce genre de bête-là !* [Désolée pour la comparaison xD]

"Bon, quoi !? Qu'est-ce que t'as à me fixer comme ça depuis au moins cinq minutes !? Ouais je suis blond, je ne viens pas d'ici et alors !? Va voir ailleurs si j'y suis !"

Sa voix quoique froide et effectivement désireuse d'écourter la situation, était faible et tremblait. Elle montait dans les aigûs et buta sur certains mots, plus particulièrement en fin de phrase. La plupart se moquait de cette petite particularité, dûe à sa timidité et à son petit côté intérieur qui lui dictait de ne pas se montrer trop dur toutefois, juste assez en fait, et ces brimades-là, il les vivait très mal. Donc, si elle s'avisait de sortir quoi que ce soit en rapport avec le ton de sa voix, il lui ferait voir de quoi ses cordes vocales étaient capables. Ne parlons pas de poings car comme nous le savons, ce petit bout-là ne savait pas se battre et un coup de poing de sa part n'aurait même pas égalé une pichenette, même si l'effet dépend de la constitution du receveur aussi.

Keith garda le silence après sa petite tirade en flèche, prononcée sous le coup du stress grandissant que d'une véritable colère. Complexé sur ses origines il l'était quoique le mot complexe était un peu petit pour définir ce qu'il ressentait à cet égard, au point qu'il en avait presque honte. Avoir honte de ses origines, d'être ce que l'on était? Parfaitement, c'était possible. Rabaissement après rabaissement, on venait à penser que l'on n'était plus qu'un moins que rien qui ferait mieux de dégager de la zone des "supérieurs" qui s'y trouvaient tout permis. La honte se transformait en rancoeur, puis en colère. Le concentré de toutes les émotions ressenties jusqu'alors se tenait devant les yeux de la jeune fille qui le regardait à présent pis qu'abasourdie: un chien apeuré retroussant très légèrement les babines. L'image était un peu exagérée, cela allait de soi mais quoi de mieux qu'une comparaison claire comme celle-là que la thèse des psychologues en herbe sur la timidité excessive? Beaucoup auraient préféré la version du chien m'est avis, de loin la plus facile à comprendre et à appréhender. Bref, on avait là un rapide dessin de l'olibrius qui se tenait en face de Hlyn, la jeune fille maladroite qui venait de faire une chute malencontreuse. Bon, point positif tout de même: il n'avait pas ri, même si c'était pire en fait.

Pendant que la jeune fille digérait son accusation, les yeux de Keith firent le tour de cette étrange personne qui s'était étalée presque à ses pieds. Des yeux de couleur différente, des cheveux bruns, une tenue ni trop excentrique, ni trop provocatrice, bref une tenue d'étudiante normale, des jambes...Il détourna à nouveau le regard pour s'éviter de penser qu'elle était agréablement mince et peut-être pas si différente que ça de lui, du moins physiquement. Et puis...il ne fallait pas oublier que ses hormones, comme chez tout bon garçon, se mettaient en marche lorsqu'il apercevait une jeune à peu près à son goût. Raison de plus pour éviter la gent féminine? Sans doute, oui. La peur des autres, qu'on ne qualifie pas encore vraiment de phobie, allait jusqu'à lui éviter toute relation de couple et puis soyons logiques: quelle fille aurait été assez dingue pour accepter de sortir avec cet étranger, peu abordable qui plus est? Personne de sensé, augmentation du complexe. Eh oui, c'était une vache de cercle vicieux. Pour en sortir, ça allait pas être de la tarte non plus.

Le jeune homme avait d'ailleurs beau être étranger comme il l'affirmait à qui mieux mieux, son japonais était tout à fait correcte, voire parfait. Logique dans un sens, vu qu'il a passé la majeure partie de sa vie au Japon, et non pas en Norvège d'où venait sa mère, même si celle-ci a réussi à lui inculquer quelques bribes de sa langue quand il était plus jeune avant qu'il ne soit trop tard. Le seul problème qu'il avait concernait l'écriture, mais pas des hirgana, katakana et kanjis mais l'écriture occidentale car comme vous avez sûrement pu le constater en comparant les deux, c'est pas du tout la même chose. Déjà, les Occidentaux écrivent de gauche et droite et non pas de droite à gauche en alignant en colonnes ces tordus (xD) mais en plus leurs caractères n'avaient pas la franche beauté des calligraphies sino-japonaises. Aussi différentes que l'eau l'est du vinaigre. Bref, vous voyez le genre...

"Encore heureux que t'aies rien dit, d'ailleurs ! Pour entendre des inepties, j'ai même plus besoin de rester dans le coin..."

Essayait-il de fuir la compagnie de la jeune fille, tout en gardant ce ton de voix plutôt agressif quoique doux si on enlevait le petit degré de colère qui s'y trouvait? Peut-être. Une moitié souhaitait s'en aller comme dit précédemment, l'autre voulait en savoir plus. Laquelle dominerait cette fois-ci? Et laquelle ferait-il bien d'écouter? Ah ça c'était un sacré dilemme. Il en était si troublé qu'il en devenait paranoïaque d'ailleurs, soupçonnant même sa compagne de chercher à lui voler quelque chose, bien que cette idée aurait semblé futile chez un garçon normal. Mais lui avec sa petite expérience de la noirceur des gens, il pouvait s'attendre à tout et à n'importe quoi dès à présent et donc se méfiait de quiconque s'approchait de lui ou le cotoyait. Les amis trahissent, les amours trompent et les ennemis rabaissent interminablement. Telle était la dure loi de la vie. Sa vision s'attarda néamoins sur les yeux vairons de la jeune fille, qui l'intriguaient tout de même beaucoup. Pourquoi? Parce qu'elle lui faisait sentir que rien que par ce côté-là, elle lui ressemblait un peu, elle était différente. Il resta résolument plongé dans ses yeux, comme s'il cherchait réponse à ses questions, à la bêtise des gens au fond d'un lac étoilé et jumellé.

Tant qu'à être dans les descriptions, allons y gaiement: alors que d'un coté nous avions un brave toutou près à bondir sur sa proie toutes canines à l'air, en face nous avions une brave théière avec son anse formée par son bras ainsi que sa main posée sur son derrière et son versoir… attendez il va venir, il est en cours de fabrication! Hlyn marmonnait toujours entre ses dents quand la phrase de l'autre lui arriva en pleine face à sa plus grande surprise, encore. La jeune fille dû relever les yeux pour les poser sur le visage de ce rustre qui ne semblait pas en avoir fini. La pauvre petite sentait le sang lui bouillir, la température montait graduellement de la plante des pieds à son visage qui fini par prendre la bouille de rondoudou dans les pokemons (vive les comparaisons xD) avec la bouche en trou de cul de poule et les sourcils froncés; il ne manquait que les joues gonflées et il nous aurai juste fallu la célèbre pokeball pour choper ce spécimen rare.

"Non mais ça va t'aller?!"

Et là, ô surprise, le versoir de notre théière arriva! Toujours la main scotchée à plat sur l'arrière de sa jupe, formant un angle presque droit avec son coude, son autre main se dressa, pointa son index en direction du nez du jeune homme qui n'en manquait véritablement pas une. Si c'était une blague, elle n'était pas drôle: pas drôle du tout! C'est que Hlyn s'était fait mal mine de rien et donc, toujours avec son doigt accusateur qui s'excitait au fil des reproches de l'adolescente, accentuant chaque mot important, Hlyn lui fit par de sa façon de penser sans mâcher ses mots et sans penser que sa voix qui montait par moment dans les aigus pouvaient intriguer des passants. Quoique, au pire passerait elle pour une folle furieuse qu'il ne vaut mieux pas aborder sous peine de se faire mordre et attraper la rage… donc tant pi pour les gens que ça gênerait et puis franchement là, elle ne se rendait plus vraiment compte du nombre de personne présente. Autant plus tôt elle avait l'impression qu'ils étaient des centaines à la voir se casser la figure autant là, il n'y avait plus qu'elle et cet individu complexé.

"Tu t°prends pour qui? Si y a quelqu'un qui a le droit d'être fâchée ici, c'est bien moi! C'est moi qui vient de mesurer le bitume, c'est moi qu'ai un mal de chien au… bref tu vois où… et au dernière nouvelle t'as pas levé le petit doigt pour m'aider. Bon d'accord t'as pas ris non plus mais quand même, t'aurai pu me dire -ça va Hlyn?- ou encore -tu t'es pas fais trop mal Hlyn?- mais non Môsieur est resté planté là à lire son bouquin… tranquille et après tu oses me parler de tes cheveux et de tes origines?! Tu manques pas de culot… comme si j'avais fais attention à tes cheveux… Môsieur crois peut-être être le seul blond de l'école? Non mais!"

Et sur ce, Hlyn tourna le dos au jeune homme, croisant les bras sur sa poitrine, le nez en l'air et la bouche toujours en cœur. Néanmoins, elle n'en quitta pas véritablement le garçon des yeux, la tête tournée sur le coté, elle pensait de temps en temps à baisser un œil en biais pour voir sa réaction et puis, si d'aventure leurs regards se croisait et bien dans un "hum" de mépris, releva le nez et referma les yeux pour montrer son air boudeur comme les filles savent si bien le faire. Mais à vrai dire, le garçon aurai eu de la chance d'avoir compris toutes les phrases que la jeune fille venait de lui étaler car on aurai dit une version humaine du TGV à tel point que la frustration mêlée à cette vitesse de paroles extraordinaire, Hlyn avait à présent une respiration plus profonde, fallait bien ça vu le long monologue qu'elle venait de débiter sans une seule fois reprendre sa respiration.

Il était rare que Hlyn s'emballe de la sorte mais lui alors… il l'avait bien cherché! C'est sûr qu'il vient d'une autre planète pour pas connaître les rudiments de la bonne éducation. On lui a pas appris à être serviable ou bien poli envers les autres? C'est un concept inconnu dans son pays? Hlyn n'arrivait pas à s'en remettre d'avoir entendu les mots sortis de la bouche de ce blond qui se croit visé alors que franchement, l'adolescente n'avait pas du tout porté attention à sa chevelure, il aurait même eu les cheveux vert que ça n'aurait strictement rien changé… elle en avait vu tellement de toutes les sortes dans cette école alors ça n'allait pas être un blondinet rachitique qui allait la fasciner au point de ne voir que sa petite personne… Non mais!!

Apparemment, la bouille de specimen de pokémon rare (soyons fous xD) qui se tenait à présent devant lui avait l'air d'un rondoudou bombant les yeux et complètement furax parce que Sacha et sa bande s'étaient à nouveau endormis durant son petit concert improvisé et très imprévu. Un peu normal dans un sens, on n'allait pas venir me dire que Keith le faisait pas exprès de la mettre sur les nerfs elle, plutôt que lui. Bah oui, ça défoulait super bien de passer son propre stress à quelqu'un d'autre, c'était dans tous les derniers magazines de mode de la ville, ou à ses alentours ! Plus calme, il l'était devenu, plus apaisé ou plus rassuré alors là, c'était une autre histoire vu que maintenant il venait d'écoper d'une méga-furie, comme à l'accoutumée en fait, pas de gros changements sur le type de réactions face à la Keithitive attitude qui en aurait retourné plus d'un. Et dans un sens, c'était pas plus mal puisque plus personne ne se trouvait dans la cour, effrayé par l'hystérie de la pokémon sauvage en manque de combats ou en rut au choix (xD). Et elle choisit évidemment le moment où il s'apprêtait à ouvrir une troisième fois la bouche -véritable exploiiit, faut le noter au calendrier !- pour se retourner et bouder comme une petite gamine de cinq ans dont on aurait confisqué la sucette. Soyons fous de comparaison !! Keith profita donc de la légère accalmie qui s'était installée entre eux pour soupirer, refermant son livre et le rangeant dans sa valise si ce n'était déjà fait, jusqu'à ce qu'elle vienne lui zigouiller les tympans comme seul un pistolet magnum 90 aurait pu y parvenir avec autant de profondeur et il comprit à peine ce qu'elle venait de lui hurler.

*Et ça y est, j'ai écopé d'une cinglée...Non ! Une folle cinglée hystérique et psychopathe, elle aussi...Drôle de spécimen n'empêche...*

Sa réaction? Eh bien, ça serait bien difficile de la décrire puisqu'à part une très légère stupéfaction, il n'a PAS DU TOUT réagi. Oui, enfin...pas de l'extérieur comme le laissaient si bien supposer ses pensées -quelles bavardes celles-là ! Je prévoyerais une diminution de salaire tiens. Il remua à peine un muscle et redressa sa position contre le mur de la bâtisse, sans accorder le moindre regard à son interlocutrice. A un moment tout de même, il ne pût s'empêcher de jeter un coup d'oeil, se récoltant un "hum !" dédaigneux en pleine face, ce qui ne l'ébranla pas plus qu'un cacao froid le matin alors qu'on l'avait demandé chaud au café. Il haussa même un sourcil d'incompréhension totale genre un scientifique qui viendra de découvrir une nouvelle espèce animale, commencerait à l'étudier et s'étonnerait complètement d'un comportement classé pour sa part comme "inhabituel". Il soupira une nouvelle fois, presque de déception.

"Merci quand même. Au moins là, je suis de nouveau seul."

Pour ce coup-ci, le ton de voix avait passablement évolué: toujours aussi aigû mais du moins beaucoup plus aimable, fatigué même et aussi...beaucoup plus féminin. Or attention attention, il s'agissait bien d'un garçon (sinon pourquoi irais-je poster la fiche chez les garçons? hein? xD) même si se voir traiter de voix était assez passable d'une longue habitude et d'une franche indifférence à cet égard. Autant appeler un chat un chat et un androgyne ce qu'il était, bref. Non, j'ai pas dit Hermaphrodite, Bryan, alors baisse ta main tout de suite où je te fais copier 300 fois "je dois pas sortir de telles conneries en classe" ! Et là de ses réflexions comme toujours, il en venait à réfléchir au sens des mots employés par la jeune fille, histoire de digérer son concentré de TGV et de Sonic le hérisson un peu mieux et d'analyser chaque partie de phrase. Bah oui parce que décortiquer tout ce machin-là, pas évident du touut du touut.

"Oui t'es tombée, tu t'es fait mal et alors? C'est des choses qui arrivent à tout le monde. Et pourquoi j'aiderais alors qu'on m'a jamais aidé? A force d'être serviable tu vois, on t'écrase et c'est pas la gloire alors arrête ton petit sentimentalisme, c'est bon !"

Il manquait pas de culot? Non effectivement, il était super bien culotté pour son jeune âge. Bah oui la preuve ! Il lui ressortait une autre "pique" pour pas qu'elle s'attarde trop sur la phrase "merci quand même". Revirement de situation pas possible, un sain d'esprit en deviendrait dingue. Oui enfin, j'exagère encore peut-être pas tant que ça mais s'arracherait les cheveux à force, ça c'est clair et net. Pas qu'il soit vraiment prise de tête, mais l'entêtement c'était quelque chose pour en venir un bout, surtout quand on l'était dans le "mauvais chemin". Bon y'avait pire, hein, c'était pas un yakuza baron de la drogue à n'en plus finir non plus. Les relations n'allaient cependant pas être évidentes. Lui faire retrouver sa joie de vivre et sa confiance encore moins...

Et c'est pas l'envie qui manquait à notre Rondoudou made in Shokuboo (version très limitée) de lui barbouiller la figure, de l'étriper, de… bref, une foule d'images représentant une chibi Hlyn en train d'étrangler un chibi Keith qui tirait la langue parce qu'il agonise, ou encore la même chibi Hlyn avec les cornes de Satan courant après le même chibi Keith en lui plantant régulièrement son trident dans le derrière… comme ça elle serait pas la seule à avoir mal à cet endroit… voir carrément en train de le découper à l'aide de la tronçonneuse d'un chibi Sheik' qui passait par là. (c'est qu'un emprunt à court terme hein, pas taper) enfin de quoi vous laisser imaginer tout ce qui pouvait bien lui passer par la tête alors qu'elle regardait par intermittence ce blondinet qui avait en plus l'audace de ne pas broncher comme une personne un tant soi peu normale aurai dû le faire. Faut dire que de telle prises de tête lui étaient déjà plus ou moins arrivé mais dans des circonstances moins… enfin plus familière avec des personnes connues et dont elle savait que ça finirait en fou rire quand les deux partis se seraient bien bouffer le nez, finissant d'ailleurs face contre face avant d'hurler de rire tant les deux protagonistes étaient ridicules à agir de la sorte.

Mais là, ce n'était pas le cas, ce garçon lui était complètement inconnu et ne lui donnait qu'une envie; ce que vous aurez compris: l'étriper! Et donc toujours en train de bouder, Hlyn le regarda discrètement se redresser pour refermer aussi sec les yeux et le nez pointé vers le ciel. Mais son regard ne resta pas longtemps dans l'obscurité de ses paupières vu que notre gaillard à la langue bien pendue revenait avec toute la politesse et la délicatesse dont il savait faire preuve avec en prime ce ton si mielleux de jeune fille en fleur qui ne donne qu'une envie de plus… et oui, encore une fois elle voulu l'étriper. Ses bras se défirent pour tomber comme des masses le long de son corps et sa tête, aux yeux clignotant aussi vite que le roulement de tambour avant la fusillade qui luisait dans ses yeux vairons, pivota dans la direction du jeune homme au point qu'un peu plus vivement et Hlyn pouvait dire également bonjour au torticolis.

"De quoi…?"

On était à vidéo gag, c'est ça… bientôt Hlyn allait voir tous les figurants, alias les élèves présent dans la cour, s'approcher en applaudissant, des agents de l'audiovisuel sortir des pièces aux alentours et le blond qui avait gardé tout son sérieux allait éclater de rire, lui passer un bras autour du cou et lui désigner chaque caméra qui d'un seul coup allait devenir évidente, à se demander comment elle les avait pas vu avant… même la plaque de verglas, tout avait dû être finement calculé en se basant sur la chance de l'adolescente à être attirée par tout ce qui peut entraîner la gamelle du siècle. Mais seulement voilà, en regardant un peu à droite et à gauche, personne ne bronchait comme elle aurait voulu, personne ne venait au devant elle avec le big smile qui vous dit 'on t'a eu' ni rien de ce genre, pire! Au lieu de lui servir un petit 'désolé Hlyn mais je te promets que pas rire et pas venir t'aider fut une torture' voilà que le blond revenait avec ses reproches de quoi avoir vraiment les yeux qui vous sortent des orbites.

"De quoi…?" oui elle se répète "Non mais attends, c'est pas parce que dans ta Sibérie natale tout le monde se marche dessus pour savoir qui sera le plus près du feu parce qu'il pèle dehors que c'est pareil ici"

On va pas se répéter, Hlyn le fait bien toute seule, mais elle était stupéfaite, abasourdie, sur le cul… euh quoique ça non, son derrière n'ira pas se poser de si tôt quelque part vu que, malgré le fait que cette discussion ô combien instructive et amicale lui faisait un chouya oublier ce détail, elle avait toujours des picotements à cet endroit. Bref, elle n'en revenait pas et de nouveau face à lui, l'adolescente avait repris son manège avec son index pour finir les deux mains sur ses hanches, fière comme Artaban, toujours la bouille à la Rondoudou (je sens que ce surnom va rester xD) et une cruelle envie de sortir son arme multicolore pour lui faire sa fête que même sa mère le reconnaîtrait pas sous la couche de peinture (à fond dans le personnage là)

"Non mais j°te jure…"

Toujours furibonde, Hlyn marmonna cette dernière phrase avant de tenter vainement de se calmer, soufflant comme un taureau qui va bientôt gratter le sol pour foncer sur le toréador. Mais au lieu de trépigner comme l'animal espagnol, un éclair lui traversa l'esprit rentrant par une oreille, passant dans ses globes oculaires pour ressortir de l'autre coté. Alors dressant son index en formant un angle droit avec son coude collé à ses cotes, Hlyn fusilla le blond du regard.

"Et je veux pas savoir si tu viens vraiment de Sibérie, de Tombouctou ou Wagadugu… Je veux pas savoir… parce que je te signale que t'es pas le seul à avoir des origines étrangères et pourtant j'en fais pas un foin. C'est clair? Alors si c'est pour me dire -nyaaaa maman je suis blond- ou -au secours je viens du fin fond d'un trou perdu que je sais même plus le nom- t'oublie…"

[Navré du minuscule retard, j'ai pas mal de trucs à faire pour l'école en ce moment ^^']

Tiens, une curieuse question lui venait à l'esprit à présent -oui il lui aura fallu le temps xD: était-elle elle-même étrangère? Même si elle l'était, elle n'avait pas eu à souffrir de ses tourments, il n'y avait que ses yeux qui déraillaient, dans son cas c'était le tout. Quoique...et s'il évitait de généraliser pour changer? Et s'il reconsidérait un petit mieux sa vision du monde, le petit blond? Le geste était si simple, il en mourait tellement d'envie qu'il s'en mordait les lèvres. Le stress revenait faire son apparition. Mais c'était un peu tard, c'est sûr pour énoncer un geste amical, un geste quémandeur. Et puisqu'il était trop tard pour se permettre de revenir sur ses pas, il fallait qu'il aille absolument jusqu'au bout. Pourquoi le monde s'acharnait-il tant à le faire souffrir? Ou peut-être étaient-ce ses défenses qui s'étaient formées à cette époque-là, bien lointaine maintenant? Keith secoua frénétiquement la tête pour en chasser le remord. Si le monde était si cruel qu'il l'avait été pour lui, il fallait qu'il leur rende la monnaie de leur pièce, peu importait la personne qui se trouvait en face pour peu qu'elle se trouve être sa future victime. C'était stupide de se remettre en question ! Un martyre, voilà l'image qu'il se renvoyait fréquemment: un martyre supportant sa peine. Il fallait sortir de ce cauchemar là ! Il fallait se réveiller, il fallait...

"De quoi quoi? T'as bien entendu, pourtant, il me semble !"

Les larmes lui montèrent aux yeux instinctivement. Pas suffisamment pour qu'elles coulent et se fassent remarquer, non, juste assez pour humidifier un tantinet plus le blanc et bleu de ses yeux. Il fallait absolument qu'il arrête de penser, impérativement, ça en devenait capital. La lutte intérieure qui en découlait lui serait fatale si elle se poursuivait plus longtemps; il allait bientôt finir par craquer après tant d'années. Craquer oui et dévoiler ses faiblesses pour qu'on s'en arme à nouveau contre lui. Pas question ! Il fallait tenir bon quelques minutes encore, voire des heures s'il le fallait vraiment ! Il fallait tenir tête à cette présomptueuse qui croyait mériter même la compassion et la tendresse de son interlocuteur. Un peu prétentieux de sa part, puisqu'elle se trouvait encore dans le même sac que tous les autres. Pourquoi l'en départir alors qu'il lui allait si bien? Pourquoi décider qu'un homme ou une femme était moins mauvais qu'il ne le paraissait au premier abord? Peut-être un jour, l'insolence de Keith s'en retrouverait payé d'un assassinat (à la tronçonneuse d'un chibi Sheik' qui passait par là xD) et qu'il partirait le coeur en paix, enfin. Cherchait-il la mort? Cherchait-il à inspirer un plus profond mépris qu'à l'accoutumée? Je vous en pose moi des questions?

"Ouais c'est ça, bien sûr...Tant mieux pour ta pomme, je retire ce que j'ai dit alors."

Pas plus souriant pour autant, en fait, Keith méditait les dernières paroles de sa dite interlocutrice toujours aussi semblable à un rondoudou furax d'avoir endormi son monde que d'une vache normande enragée échappée de son enclos. Non effectivement, il n'était plus le seul. Heureux privilège de se retrouver entouré de "semblables" même si les relations risquaient toutefois de ne pas être super amicales tout de même. Peut-être son père avait-il fait le bon choix en fin de compte en décidant de l'envoyer ici et pas de le rapatrier dans ses pénates avec sa mère pour y suivre un cursus digne de ce nom là-bas. Peut-être pourrait-il enfin souhaiter adieu à la solitude, après avoir achevé le deuil de son passé malheureux. Keith endura son regard, attrapant tout à coup celui d'un adolescent plus vieux qu'il n'y paraissait, vieilli avant l'âge, fatigué. Par le voyage? C'est vrai qu'il n'était pas de tout repos, surtout le fait de se lever à une heure super matinale alors que ce petit gars préférait rester bien au chaud dans son lit et endurer les remontrances de ce crétin de chauffeur qui préconisait selon lui le "rapatriement immédiat de ces piqueurs d'emplois d'étrangers" ainsi que les regards de ses imbéciles de colocataires de transports qui ne cessaient de poser leurs yeux sur ses cheveux comme s'ils avaient soudain pris une couleur vert pomme ou violet...bah violet quoi xD.

"Tant mieux. Tant mieux...parce que ça n'a strictement aucune importance."

De son pays, Keith n'en connaissait que le nom et les quelques bribes de langage que sa mère lui avait appris, voire peut-être une à deux spécialités culinaires de là-bas, ou vestimentaires, mais c'était à peu près tout. Il ne connaissait ni la langue en profondeur, ni leur manière véritable de s'habiller, de se coiffer, de voyager, leur culture même, les paysages de sa ville natale, les fiertés de son pays, ses coutumes et ses rites. Rien et ça n'avait aucun intérêt de parler d'un sujet que l'on ne pouvait en aucun aborder, faute d'informations. Et le ton du blondinet se faisait plus las comme si le fait même de parler l'épuisait. Pourtant, il n'était ni asthmatique ni souffrant d'aucune maladie, pour l'instant même si les précédentes lui avaient laissé la maigreur et la faiblesse de certains organes. Rien de bien grave, le tir serait rectifié lorsqu'il atteindrait l'âge adulte (20 ans au Japon ^^), ou un peu plus. Et ça lui importait peu ça aussi. A force d'avoir des problèmes, il en avait l'habitude...

"Etrangère, toi aussi?"

Ah ça y est ! La question avait réussi à franchir ses lèvres soudain serrées avant qu'il ne puisse les retenir. Bon au moins, il n'avait pas failli à sa réputation de mauvais parlant puisque la question était aussi raccourcie que possible. Parler trop longtemps le fatiguait physiquement aussi, ainsi que de tenir de trop longs discours, mais c'était aussi pour les raisons psychologiques dudit passé cité plus haut (vaguement) qu'il gardait le silence, préférant faire tapisserie que de s'imposer parmi les autres. Un terrain d'entente était-il encore toutefois possible entre les deux protagonistes? Aaaah ça, seul Dieu/Bouddha le sait !

Pourtant du calme, il n'en conservait que l'apparence. Oui tout juste, intérieurement ce face-à-face trop prolongé le perturbait lui, sa raison, ses idées, sa vision du monde, tout. Il aurait alors donné tout l'or du monde pour apaiser sa souffrance ou se libérer de ses propres chaînes. Son premier désir risquait de s'en retrouvait encore contrarié par le temps qui se délectait à se jouer de lui, et la seconde était tout bonnement impensable. Elle s'en foutait de toute manière, elle l'avait dit elle-même et cela l'arrangeait plutôt bien pour l'instant. Parler de lui, il ne le faisait que si on l'incitait à le faire tout comme on insiste un chien à dévoiler ses crocs sous ses babines trompeuses. On avait assez remué le sujet que pour le laisser disparaître au fin fond des méandres de son subconscient encore lucide, même si nerveux. Sauf que garder son calme rendait Hlyn encore plus coléreuse qu'elle ne l'était auparavant. Pourtant, garder son self-control dans ce genre de situation où l'être qu'il avait en face de lui était de constitution de loin supérieure à la sienne et donc plus fort que lui physiquement, lui était devenu essentiel. Le perdre était aller au-devant de plus graves ennuis encore. Or, des pépins il n'en cherchait pas spécialement en réalité. On pourrait le croire mais tout ce qu'il voulait, c'était sa tranquillité doublée de sa soeur jumelle la solitude comme à l'accoutumée.

Keith ferma alors pensivement les yeux, espérant qu'elle lui file un coup de poing le plus rapidement possible. Pas qu'il fût vraiment maso mais le seul moyen de calmer cette furie était de se défouler sur quelqu'un, en l'occurrence quelqu'un de plus faible. Bon ça allait un peu contre l'éthique mais sa méfiance agressive l'avait plutôt bien cherché aussi. Qu'elle lui donne un bon coup de poing qui lui permette ce peu de sang et de salive pour se remettre les idées en place, c'était pas plus mal. Bon ça aurait pas été la première fois, bien que dans ces cas-là il cherchait plutôt à fuir les coups qu'à les accepter, mais là c'était différent. Dans un sens, c'était pas plus mal qu'elle ne puisse pas deviner tout ce qui mijotait dans sa tête parce que il y avait de quoi devenir complètement barjo avec ses "oui" et ses "non" à tire la rigole, puis ses remises en question perpétuelles, ses paniques fulgurantes et oppressantes en présence de quelqu'un, tout.

C'est alors qu'elle répondit à son question, retrouvant partiellement son calme, ce qui lui fit rouvrir ses paupières pour reprendre sa fixation oculaire d'un fauve fixant une proie ou d'une proie fixant son fauve avant de décider quel moment serait le plus propice pour prendre la fuite et éviter de finir en menu. Mais la petite bribe énoncée en disait plus long qu'un discours interminable. Donc oui, elle était bel et bien étrangère. De quel pays? ça on s'en foutait complètement. Le fait est qu'un des arguments énoncés beaucoup plus haut dans les posts se retrouvait vérifié, soit qu'il n'était apparemment plus le seul cas étranger dans le coin, ce qui le comblait intérieurement. Première fois depuis des années et des années, même si sa bouche n'ébauchait toujours pas le moindre signe d'un sourire. La malice qu'on lisait dans ses yeux suffisait amplement, pour lui en tout cas, à affirmer ses sentiments et même à les dissimuler un peu.

"Peut-être ouais mais un japonais châtain ayant une disfonction au niveau de l'oeil, ça aurait pu exister. Ils sont pas tous noir d'encre leurs cheveux."

Parce que oui le détail original d'un oeil vairon était en fait dû à une erreur de lecture au niveau de l'ADN ou de l'ARN -sa copie pouvant circuler librement dans la cellule pour transmettre ses informations- dans les différents organites de la cellule. [ça je l'ai appris dernièrement en bio xD c'est un cas "pathologique" rare et ça peut être dangereux ce genre d'erreur =>mucoviscidiose]. Bref, l'un des deux yeux n'avait pas suivi le même fonctionnement que l'autre en gros et avait confondu un composant de chromosome avec un autre, ce qui avait donné une couleur bleue pour l'un et brun pour l'autre. Fait original et parfois dangereux médicalement parlant, mais dans celui-ci assez beau et hypnotique au regard. Des yeux de chat comme diraient certains vu que quelques chats seulement possédaient des yeux semblables, sûrement dûs à une erreur de lecture similaire. Bref, voilà pour le cours de biologie et les fans que ça peut intéresser -à mon avis personne, fin soit xD.

"Et puis, c'est pas vraiment marqué sur ton front non plus..."

Revenons donc à nos moutons avec cette deuxième petite phrase, tout de même plus courte que la première et clôturant donc ce petit débat scientifique totalement inintéressant qui reprend donc l'idée que Hlyn paraît déjà plus beaucoup japonaise que lui, véridique. Naaann, sans rire? Mais bien sûr qu'on savait que Hlyn est une Tchèque Yougoslave qui vient de débarquer de sa cambrousse, ça se voyait pas? xD Bref, la situation s'améliorait déjà un touuuut petit peu entre les deux protagonistes, toujours aussi chargée et tendue, mais un peu moins tout de même.

Alleluïa ! On pouvait apercevoir à nouveau des signes de calme dans cette tempête déchaînée ! C'était effectivement bon signe même si ça n'en était que le prémice de la suite des évènements, sauf si un nouveau revirement de Keith faisait remonter la colère en flèche. Keith ou le garçon qui mettait en colère plus vite que son ombre, ne cessait toujours pas de l'observer, se confortant dans cette observation à plusieurs reprises minutieuses, sans la lâcher du regard, la mettant peut-être mal à l'aise mais tant pis. Pour lui, c'était un synonyme de sécurité que de fixer les gens ainsi, au risque de recevoir leur courroux. Car ne disait pas dans tout art de combat qu'il ne fallait jamais lâcher son adversaire du regard? Qui sait ce qu'il pouvait fomenter contre vous pour gagner la manche ou vous disqualifier. Il fallait être terriblement attentif, ne jamais relâcher son attention sans le signalement de la fin du duel. Et même s'il n'en avait jamais fait, enfin excepté l'escrime à quelques occasions, le jeune homme arrivait fort bien à mettre en pratique cet enseignement rapidement assimilé; il ne suffisait pas d'être fort en fait, mais d'être agile pour éviter les possibles attaques et deviner la moindre parade sans hésitation.

Or, Hlyn venait d'émettre qu'il avait raison, augmentant sa propre jubilation (à lui) mais acheva sa phrase par un constat le concernant fort possible mais beaucoup plus rare qu'il n'y paraissait. Car un pur Japonais blond avait toujours quelque part dans sa famille un parent -proche ou éloigné- qui se trouvait être originaire d'Europe ou des Etats-Unis des pays du nord comme l'Allemagne, la Norvège -son cas- ou encore mieux la Suède, le Canada, etc. On allait pas tous les énumérer mais il y avait pas mal de choix à faire quand à déterminer la nationalité d'un blondinet, quoique le terme "albinos" le gênait grandement. Il avait la peau claire, d'accord, il était blond d'accord, il avait les yeux bleu clair d'accord mais ça faisait pas de lui un albinos, loin s'en faut ! Fermant à demi les yeux, il prit alors le parti de rectifier l'erreur de la jeune fille, du ton d'un scientifique devant un inculte ou un professeur désespéré devant un élève attardé -enfin plus ou moins:

"Sauf qu'un albinos n'a pas les yeux fort limpides. Enfin si mais le fait est qu'à travers cette "limpidité", on remarque fortement leurs vaisseaux sanguins oculaires et qu'ils ont pas mal de problèmes de vue, ce qui est loin d'être mon cas..."

Il prit seulement conscience après son discours qu'en réalité Hlyn ne lui avait pas délibérément adressé la parole, les yeux clos et fixant le ciel comme une madone attendant un signe divin pouvant la tirer décemment d'un mauvais pas qu'elle aurait commis par le passé ou qu'elle venait de commettre. Keith leva également la tête vers ce ciel grisâtre, un peu venteux mais qui étalait tout de même une sorte de beauté hivernale malgré les mauvais temps qui en ressortaient en général. Bientôt, le magnifique ciel bleu sans nuages reviendraient faire surface et les éclairer d'une douche chaleur à leur dégeler tous leurs membres refroidis par ce dur hiver. Avant cela, on pouvait toutefois s'attendre à de la neige. Cette substance si blanche, si froide et pourtant d'une couleur si pure, si parfaite. La neige lui donnait toujours le sentiment qu'il était un être impur indigne de recevoir ce cadeau de Dieu, qu'il ferait mieux de reprendre sa grâce et de l'offrir à quelqu'un d'autre, de plus digne de lui retourner pareille offrance par son exceptionnelle originalité, ou ses extrêmes compétences.

Détachant ses prunelles saphir de l'horizon en hauteur, Keith les reporta sur son interlocutrice, se blâmant de ce bref instant de rêverie qu'il venait lui-même de se permettre alors qu'il était sensé épier tous les sacro-saints mouvements de la fille se tenant toujours devant lui, bien déterminée à ne pas lâcher prise et de camper sur ses positions. D'ailleurs, celle-ci ouvrit la bouche pour émettre une deuxième affirmation, ponctuée par une connotation d'opposition qu'elle répété deux ou trois fois, plus hésitante comme si elle cherchait ses mots. Peut-être la déconcentrait-il? Il faut dire que pour la majorité (dont moi xD), se faire fixer ainsi par quelqu'un avait quelque chose de très...comment dire, dérangeant et de très troublant. Surtout si l'on était occupé à quelque tâche facile ou ardue, nous faisant perdre le fil de nos idées. C'est alors qu'elle lui lança alors au visage une question brusque à laquelle il devait réfléchir, pour déterminer exactement ce qu'il devait répondre. Mais en fait, cela ne lui prit pas plus d'une minute ou deux...

"Qui s'en soucie? Pourquoi me connaître?"

Ou plutôt "Pourquoi s'embarrasser d'un gars comme moi alors que tu dois sûrement avoir mieux en stock comme connaissance" car oui, c'était précisément cet implicite qu'il fallait retirer de ses deux questions. Keith se réduisait souvent à l'état simple de fourmi, ses attitudes bravaches et véhémentes n'étaient qu'une fade illusion pouvant l'amener à se considérer un peu mieux lui-même. Tous ces deux tendances opposées cohabitant en lui. Mais Hlyn cherchait vraiment des réponses à ses questions, il allait faire qu'elle insiste en lui tirant les vers du nez. Et leur combat spirituel se poursuivait, inlassablement...Qui en serait donc le vainqueur?

Et toc! Vous avez vu le caillou venir frapper la tempe de Hlyn? Non? Notez que c'est plutôt normal, contrairement aux pierres ordinaires, celle-ci était faite de mots et de points d'interrogation. Mais stoïquement face à l'adversité, l'adolescente ne broncha pas, ne bougea pas la tête sous l'impact de ces deux nouvelles questions, même si ça avait été le BIG boulet des démolisseurs d'immeuble, la tête de Hlyn serait restée droite sur ses épaules même si ses quelques battements de cils rapides montraient bien son désappointement. C'était pas l'envie qui lui manquait de lui faire un théorème… non pas celui de Pythagore mais tout autant soporifique du pourquoi et du comment, quand on pose une question il faut répondre et pas reposer des questions, on en finirait jamais sinon. Et vu l'amour croissant qui les unissait, il y avait peu à parier que c'était là ce qu'il cherchait parce que sinon, il avait une drôle de façon de vouloir poursuivre une conversation à n'en plus finir.

Ainsi, avant de lui répondre à cette double question qui n'en faisait en fait qu'une, Hlyn se passa encore une fois un dessin animé façon chibi avec elle, gentille, toute mignonne avec des yeux bicolores lui bouffant toute la figure, habillée en prof: tailleur beige, cravate rouge, lunettes rectangulaires sur le nez qu'on se demanderait à quoi elles lui servent vu qu'elles ne sont même pas face aux yeux et une baguette de démonstration en main, et qui, plantée devant un tableau noir recouvert d'écritures en kanji et hiragana ( pas de katakana car il n'y a pas de mot d'origine étrangère) montrait chaque mot écrit à la craie avec le bout de sa baguette métallique qui tapait sur la paroi d'ardoise noire pour maintenir l'attention de son auditoire. Expliquant ainsi, par A+B qu'il fallait répondre clairement aux questions et non pas en poser à la place. Et dans le film qu'elle se faisait, il y avait à nouveau un chibi Keith assis sur une chaise, portant des habits identiques à ceux que portait le vrai mais qui paraissait dix fois trop grand pour le chibi Keith, les bras croisés et des étoiles près de son postérieur… résidu des coups de trident d'un peu plus haut et qui acquiesçait avec vigueur à chaque affirmation de son institutrice imaginaire. Et son théorème s'avéra tellement bien ficelé dans sa mémoire que Hlyn ne trouva rien de mieux que de le démontrer dans la réalité.

"Et bien, en l'occurrence: moi! Sinon je te l'aurai pas demandé"

Quelle feinte… qu'est ce que ce blond lui faisait dire franchement?! Alors qu'elle n'avait eu de cesse de vouloir l'envoyer outre tombe, le torturer pour qu'il se taise, voilà qu'il lui faisait dire un mensonge qui n'en était pas totalement un mais qui y ressemblait étrangement. Les bras toujours croisés, l'adolescente tentait en même temps de soutenir la fixation intense de ce blond, découvrir dans ses yeux clairs quelque chose, une trace, une lueur, n'importe quoi mais quelque chose qui lui donnerait raison de vouloir bizarrement savoir qui était cet individu pas normal. Pas physiquement, ça elle avait fait abstraction mais mentalement, une espèce d'esprit torturé ou tortureur, ce qui, selon le point de vu de Hlyn était plus approprié, qui semblait prendre un malin plaisir de l'exaspérer à tout bout de champ… et pire encore quand il s'agissait de son regard! C'était fou ça de regarder les gens comme ça. Inconsciemment elle soupira de devoir maintenir ce jeu du 'le premier qui baissera le regard a perdu' et en l'occurrence la perdante fut encore l'adolescente qui, lassée, tourna la tête en roulant des yeux, allant voir ailleurs s'il n'y avait pas mieux à admirer qu'un petit démon à l'apparence d'ange.

"Tout le monde n'est pas iceberg se souciant juste de sa petite personne"

Plus encore que d'être mise mal à l'aise et à bout de nerfs, Hlyn ne supportait pas être jugée à tord et elle ne partirait pas sans avoir été lavée de toute accusation douteuse de la sorte. Toute la hargne qu'elle avait ressenti se changeait en rancœur qui s'accentua en voyant les autres élèves aux alentours, certains discutant simplement comme elle aurait aimé le faire plutôt que de sentir encore quelques tensions dans ses membres, d'autres se chamaillant et d'autres encore qui embêtaient des plus jeunes pour le plaisir. Prenait il la brunette pour un individu comme ceux là, raquêtant ou faisant subir l'ijime aux plus faibles?! Il croyait vraiment que l'adolescente avait une tête à intimider de toutes les façons possibles d'autres élèves selon la définition même de l'ijime? Rien que d'imaginer que cette possibilité puisse germer dans l'esprit perturbé de ce blond l'a remit en colère, revenant avec ses sourcils froncés et sa bouche boudeuse vers le garçon. Si c'était ça, il saurait de quel bois elle se chauffe la petite…

"Alors même si tu me portes un chouya sur les nerfs… "au moins ça c'était avoué "… ça me plairait bien de savoir qui tu es histoire de mettre un nom sur l'emmerdeur fini qui débarque tout juste de sa cambrousse avec la conviction qu'on va lui marcher sur les pieds ou le manger tout cru pour le plaisir"

[Je te préviens: j'ai failli en pleurer en l'écrivant ]

Mieux valait ne pas s'incruster dans les sombres petites pensées peu élogieuses de lui-même dans l'esprit de Hlyn, parce que sinon toutes les scènes qu'on pouvait s'inventer à son prétexte lui fileraient une bonne gifle, quoique il en avait peut-être besoin pour se convaincre qu'il était bien ancré dans la réalité et non pas là uniquement de corps, l'esprit oublié quelque part aux tréfonds de son cerveau, dans un placard intitulé "ne pas déranger" et cadenassé par ses soins. Keith haussa néanmoins les sourcils, l'air peu convaincu qu'une jeune fille aussi têtue qu'elle veule absolument savoir à qui elle avait à faire, soit: son nom, son âge, son numéro de téléphone, son adresse et compagnie. Quoique...les deux dernières demandes risquaient d'être surtout le fruit de son imagination en fait. Et au ton employé, le jeune homme sut immanquablement qu'il la faisait bouillir d'impatience à force. Ahlala les filles...Toujours aussi impatiences, toujours aussi amusantes aussi. Cette pensée étira un sourire sur ses joues creuses, un peu maigre et un peu fin dû à toutes ces années de tirage de gueule intensives. On le voyait à peine, c'est tout juste si on s'en rendait compte ! D'autres questions continuaient cependant de le harceler dans le registre des "Pourquoi?" ainsi que la première du top 10 questions: Pourquoi s'intéressait-elle donc à ce point à lui? Bon c'est clair que la raison ne devait pas être amoureuse, simple curiosité. Même si ses dires en auraient détourné plus d'un, moins acharnés.

"Malgré mes manières?"

Ce fut une question plus mélancolique, son sourire bref s'effaça d'ailleurs à cette nouvelle question. Cela voulait-il dire qu'il avait perdu? Qu'il était incapable d'éloigner quelqu'un à cause de ses faiblesses? Pourtant, même si elle en demandait après lui, il ne fallait rien lui révéler ou en tout cas pas plus qu'elle n'avait besoin de savoir. Son nom peut-être au vu des circonstances, le reste resterait défintivement emprisonné dans sa tour tapissée de ronces et de chaînes dont il gardait secrètement la clé. A l'image de la sorcière emprisonnant la belle au bois dormant derrière le même genre de décor, il fallait se garder qu'un autre approche de ce paysage, il fallait que les épines des ronces le déciquettent de part en part, que les chaînes emprisonnent le cheval et les membres de ce prince trop arrogant jouissant déjà de sa victoire. Il fallait préserver ce qui lui restait de coeur à tout prix avant que, libéré, il ne se remette à saigner sur les vêtements de ce même prince trop téméraire qui s'enfuirait alors à toutes jambes, abandonnant là sa belle ne l'étant pas assez à son goût. C'est à peu près le genre de tableau qu'il se faisait de lui-même et de l'extérieur: sa princesse était son coeur, son corps et ses mots étaient sa tour et ses défenses vénéneuses, le prince ici en l'occurrence il s'agissait de Hlyn. Une petite voix demandait à pouvoir s'exprimer librement comme avant, tandis que l'autre plus ferme -sorcière powaa xD- lui disait de la fermer et de se tenir tranquille pendant qu'il réglait ce qu'elle -la voix- cinsidérait comme une formalité.

'Tout le monde n'est pas iceberg se souciant de sa petite personne'. En d'autres temps et lieux, cette remarque lui aurait tiré les larmes. Ici, elle ne générait plus que rancoeur. Ses dents s'entrechoqèrent, formant un rictus mauvais sur ses lèvres et son regard se voila d'une méchanceté renouvelée. Cette phrase était juste, néanmoins ce qu'il lui reprochait, c'était que malheureusement il n'y en avait pas beaucoup dans ce cas-là. S'il avait pu être à la place de Dieu lui-même, Keith aurait multiplié ce genre de personnes et Lui en voulait de ne pas l'avoir fait. Il en devenait égoïste de ce simple désir mais si personne ne s'occupait jamais de lui, qui allait le faire? Il avait toujours été le seul, en-dehors de ses parents à qui il n'avait jamais rien raconté ou pas en détail, à s'occuper de sa petite personne, à se réconforter du mieux qu'il le pouvait, dans son coin, toujours tout seul, regardant avec envie ses camarades s'amuser plus loin et le nargueur de tout leur être. N'était plus resté que la rancoeur...et l'égoïsme qui lui avait permis de garder la vie sauve.

"Qu'est-ce que tu en sais?" murmura-t-il du bout des lèvres, puis en augmentant le volume au fur et à mesure: "Qu'est-ce que tu en sais, hein !? Ces gens-là, on en trouve jamais quand on en a besoin ! Et si personne pense à toi, qui va le faire à ta place !? Qui va le faire à MA place !?"

Son corps se trouva parsemé de tremblements et il se tut pendant quelques instants, histoire de retrouver son calme. Il s'était laissé avoir, il ne fallait plus que cela se reproduise. Il ne fallait pas le pénétrer. Chaque fois que...De douloureux souvenirs lui revinrent en mémoire. Les débuts de ses déboires, puis un peu plus loin. Un garçon venant lui parler, aubaine incroyable. Puis, ce garçon, il avait...il l'avait...Keith serra les poings par réflexe, combattant cette envie qu'il avait de précéder la pluie dans son déluge. Il respira par grandes bouffées, parvint à lutter contre cette méchante envie. Enfin, il se calma mais il s'était laissé quelques marques d'ongle à l'intérieur de son poing qu'il rouvrit pour en caresser les plaies. Et au-delà de tout ça, Hlyn qui revenait avec sa première question.

"Je vais te répondre pour que tu me foutes la paix !" Le même souvenir flottait encore devant ses yeux. L'image du garçon et Hlyn se confondaient. "Keith Ishikawa, l'emmerdeur fini comme tu dis. T'es pas obligée de te présenter, j'ai pas la moindre envie de te connaître !"

*Pour qu'on me trahisse encore une fois...J'en ai eu ma dose...Je ne veux plus qu'on se foute de ma gueule...Plus jamais...*

Un fou-rire d'enfant bien lointain dans sa tête, moqueur, goguenard. Un rire qu'il avait pris l'habitude de connaître mais pas d'aimer bien au contraire. Le moindre rire lui hérissait les poils du corps et lui tendait ses muscles au maximum. L'humanité avait été cruelle, il ne faisait que lui rendre la monnaie de sa pièce. Avoir confiance dans quelqu'un à nouveau? Apprendre à connaître les autres? Pourquoi faire? Pourquoi faire si c'était encore pour le blesser davantage? Oh mon Dieu, je vous en prie, abrégez ses souffrances...

{Ben j'y étais pas loin non plus, ça va pas non de me faire lire et puis écrire des trucs pareils... je vais devoir prévoir les kleenex pour le tour d'après, je le sens }

Non Hlyn n'était pas comme ces gens sans scrupule, non elle n'était pas de ces gens qui n'en ont rien à faire des autres… et pire encore, elle n'était pas cette fille hautaine et méprisante qu'elle venait de montrer à la face du monde. D'ordinaire si joyeuse, si encline à rire avec les personnes l'entourant, elle venait de se montrer immonde, affreuse… et pourtant elle ne se résignait pas, par une force inconnue, l'adolescente persistait à vouloir connaître cette personne si renfermée en face d'elle. Pour une jeune fille qui ne connaissait que très rarement les sautes d'humeur, quand quelqu'un parvenait à lui faire pousser des hurlements de rage, ça devait être quelqu'un d'à part voir exceptionnelle dans certains cas et c'est peut-être ce qu'elle voulait découvrir chez le blond, pourquoi d'un simple regard détourné, d'une simple phrase blessante, il était parvenu à la rendre furieuse? Pourquoi n'avait elle pas simplement hausser les épaules, marmonner que ce gaillard était un type mal embouché et partir tranquillement vers le réfectoire comme c'était son intention première? Pourquoi avait il fallu qu'elle se vautre juste là sous les yeux de ce bloc de glace qui ne montrait aucun remord, aucune attention à son égard? Si c'était une farce du destin, elle n'était pas drôle, Hlyn se serrait bien passé de ce nœud dans l'estomac, l'adolescente aurait volontiers éviter la plaque de verglas mais au lieu de ça, elle regardait cet individu qui lui avait fait ressentir tant de haine.

Et oui, malgré ses manières, malgré le fait qu'il lui était antipathique, malgré tout ça elle voulait savoir; connaître celui qui se permettait de la juger, de la foutre dans le même sac que bon nombre de personnes qui la répugnait. Certes il avait une dégaine qui attirait le regard et peut-être même les moqueries, mais Hlyn l'avait elle fait? Non! Bon en même temps, vu la précipitation des évènements, ce n'était pas non plus la première chose lui étant venu à l'esprit mais une chose était certaine, dans d'autres circonstances, peut-être bien qu'elle aurait été surprise de le voir arriver, peut-être même qu'elle se serrait poser des questions à son sujet mais jamais elle n'aurai rit! On rit des blagues de quelqu'un qui fait le clown, on rit des maladresses de quelqu'un comme Hlyn qui ne sait pas éviter une plaque de verglas mais jamais, ô grand jamais on ne rit des gens qui n'y peuvent rien, qui sont tels qu'ils sont, qu'ils soient à la limite de l'albinos ou pire: handicapé! Même si certains ont des 'tares' qui prête à sourire, il faut s'abstenir c'est là un principe même de bonne éducation, non?! Du moins avait elle été élevé comme ça, éduquée pour ne pas avoir de préjugés même si comme beaucoup, elle en avait également, concernant généralement les gosses de riches, les trouvant tout sauf intéressant… un comble pour une fille de bonne famille.

Néanmoins, elle ne put en revenir à la rage et la haine, le bloc de glace venait de se rompre, ça elle ne s'y attendait pas. Ainsi ce garçon avait belle et bien un cœur à la place de la pierre qu'elle avait cru y voir?! Il lui devint impossible de rétorquer quoique ce soit sur le moment même, le laissant hurler. À vrai dire, moins que les mots qu'il employait, les intonations de sa voix lui percèrent le cœur, chaque fois qu'il prononçait un mot, on sentait toute sa rancœur envers le monde et Hlyn trouva d'un coup la sienne si insignifiante, si petite… à l'entendre, à le voir, ce dernier semblait en froid avec le monde entier depuis bien trop longtemps et il laissa la petite partagée entre l'envie de lui crier dessus pour le remettre à sa place ou… la seconde option fut celle qu'elle prit. Encore une fois ses bras se décroisèrent, les laissant glisser le long de son corps. Ainsi mise elle semblait résignée, Hlyn venait de perdre une bataille, sa rancœur était minuscule à coté de celle du blond, c'était indéniable mais elle ne perdrait pas ce duel, elle était déterminée… à quoi, c'était un mystère même pour elle, la seule chose qu'elle savait c'est qu'elle n'était pas à mettre dans le sac où les autres personnes se trouvaient et ça, il fallait qu'il le sache.

"T'as fini?"

C'était l'inversion des rôles, Hlyn avait fini d'hurler tandis que Keith était visiblement à bout de nerf. Le regard de la jeune fille sur le blond avait une lueur blasé, comme une mère devant un enfant capricieux qu'elle entend se plaindre à longueur de journée. Car même si les mots avaient été dis différemment, il avait recommencé à maudire le monde, mettre tout le monde dans le même lot, il se répétait en somme, à toujours voir le monde en noir comme si lui, pauvre petite chose était le seul être pur de l'assemblée.

"Tu crois vraiment que t'es le seul a avoir des problèmes? Hein? Moi aussi j'ai mes problèmes… le gars là bas aussi a des problèmes" poursuivit elle en désignant un étudiant passant par là "… alors, même si nos problèmes sont sûrement pas les même, arrête de faire ton gosse capricieux parce que c'est pas comme ça que t'ira quelque part… Et j'ai pas fini! …T'as peur qu'on se moque de toi, qu'on te juge pour ta couleur de cheveux? Alors tu ferais peut-être bien de regarder ce que tu dis toi aussi. Tu veux pas qu'on te juge mais sans me connaître c'est ce que tu viens de faire sans même penser si ça me faisait de la peine alors tu vois, les gens que t'aime pas, ben tu vaux pas mieux. J'avais encore rien dit que déjà tu croyais tout savoir de moi… tu te prends pour qui franchement? Si des gens se foutent de toi ben envoi les chier mais sinon, tu ferais peut-être mieux d'apprendre à connaître les autres avant de les juger… j°te demande pas d°m'aimer mais d'apprendre à connaître les gens qui n'ont rien fait pour mériter d'être mis dans le lot des cons que t'arrête pas de dire… parce que… parce que… je suis pas comme ça moi… je suis pas comme ça…"

Hlyn avait commencé tranquillement, posément mais au fur et à mesure qu'elle parlait, sa froideur avait laisser à nouveau place à de la rancœur pour finir avec les larmes au bord des yeux et les poings serrés. Elle lui avait tout flanqué à la figure, tantôt calmement, tantôt avec quelques pointes d'aigu pour finir avec la voix étranglée pour ne pas lui accorder le privilège de pleurer sous ses yeux, ça aurait été lui donner trop d'honneur même si son visage détourné, pour une nouvelle fois regarder dans le vide, ne trahissait personne, l'adolescente croyait chaque mot qu'elle venait de dire et ça l'ennuyait profondément de s'être montrer comme ça pour un garçon qui n'avait aucun mérite, elle venait de lui dire sa façon de voir les choses, sa façon de ressentir les gens, lui ouvrant son cœur en quelque sorte alors que lui, c'était… Hlyn ne trouvait pas de mot pour le décrire tant les ressentiments se mêlaient entre le pauvre garçon qu'a du en voir de toute les couleurs et le pacha qui se prend pour dieu.

[Lool désolée, un peu plus haché le texte ce coup-ci xD]

Si ça se trouve, il n'avait nul besoin de réconfort en réalité. Non, juste envie de s'enfoncer un peu plus à chaque fois jusqu'au jour où il s'entaillerait les mains une bonne fois pour toute et déciderait de s'en aller, sans être regretté, sans faire de peine à personne puisque lus personne n'aurait appris à l'apprécier. Au mieux, on en aurait ri, tant on avait espéré sa mort avec impatience. Tableau toujours aussi réjouissant, toujours aussi noir. Il était vraiment bien ancré dans son "mode de vie" si on pouvait l'appeler ainsi, son renfermement, ses longs silences. S'il avait pu se boucher ses cinq sens pour ne plus avoir à regarder ce monde morne et décoloré, se percer les yeux et les tympans, se mutiler les mains, perdre l'odorat et la faculté de parler, de bouger. Si seulement le monde s'était arrêté de tourner, le temps qu'il accuse le coup. Mais non c'est vrai, il avait cruellement continué de tourner comme s'il ne comptait pas, comme s'il n'était déjà plus, comme s'il n'était rien dans l'univers tout entier. Au fond de lui, il regrettait d'ailleurs amèrement de s'être laissé emporter, au vu du regard de Hlyn, de ses nouvelles paroles chargées d'électricité, de rancoeur elle aussi, mais également de morale. Ce qu'il détestait le plus, c'était bien qu'on vienne lui donner des leçons.

"Je sais..."

Il abaissa les yeux enfin, sa tête oscilla comme s'il allait faire une crise, tomber dans les pommes, quelque chose du genre. Plusieurs mois, ces deux mots franchirent les portes de sa bouche, se répétant inlassablement comme si ça pouvait l'aider à aller mieux, à encaisser ces paroles douloureuses. 'Je sais'? Et il savait quoi? Que ça ne servait à rien de pleurnicher sur son sort? Que ça ne servait à rien de se refermer sur soi? Que les autres possédaient également des problèmes, d'autres problèmes? Qu'il aurait dû agir autrement, prendre le cap?

"Je sais...mais..."

Sa gorge se serra. Mais quoi? Il savait mais quoi? Il devait le lui dire. Sa toute petite voix brisant ses chaînes devait s'enfuir, absolument. Elle devait sortir le lui dire, elle devait combattre l'autre, l'impérieuse qui lui barrait la route, qui la retenait, qui l'enchaînait et la baîllonnait encore mieux. Sa petite voix devait retrouver le corps qui était le sien, elle le devait absolument, elle devait s'en aller, dire ce qu'elle ressentait. Pourquoi à elle? Parce qu'elle n'était pas "comme les autres"? Ou simplement parce que c'était le feeling du moment et qu'elle sentait que si elle ne sortait pas maintenant, jamais plus elle n'en aurait l'occasion.

"Mais...mais..."

Elle montait de plus en plus dans les aigus, comme avant. Elle reprenait enfin sa vraie couleur, sa douceur d'hermine qui vient vous chatouiller le cou. Keith serra les dents une nouvelle fois comme pour lui rendre la tâche encore plus difficile. Sa voix éplorée, désespérée, luttait contre le courant de ses lèvres et de sa bouche, tiraillée par la deuxième, l'orgueilleuse, la fière et l'imposante. Allez crache-les tes mots ! Après autant d'années, ne gâche pas tes chances ! Dis-les ! Il le faut, tu sais très bien qu'il le faut, avant que le cycle ne recommence. Il faut bien briser ce cercle un jour. Saisis ta chance, brise-le !

"Je n'ai pas pu...je ne voulais pas parce que...parce que...j'aurais tant aimé qu'on m'accepte. Alors même si les gens ne faisaient attention qu'à leurs propres problèmes, moi je voulais qu'on m'accepte."

Mais souvent quand on est trop gentil avec les gens, on finit toujours par se faire marcher dessus. Car l'humanité profite des gens "faibles" jusqu'à les repousser derrière leurs dernières tranchées. C'était effectivement ce qui s'était passé. Qui irait cependant imaginer que ce grossier personnage là devant avait pu être cette petite blonde si gentille et si mignonne qu'elle l'avait été dans sa jeunesse? Personne, on aurait même lancé "ouais arrête tes mythes !" sans plus. La solitude donnait un caractère de chiens à ses compagnons et pire encore leur inculquait les mêmes principes que lors de leur exclusion, à cause de sa belle-soeur la rancoeur. Cercle vicieux ai-je dit, oui pas mal. Une main rejoignit son front, cachant son visage au reste de la cour mais surtout à la demoiselle, essayant de reprendre peu à peu le contrôle de son corps et de ses pulsions surtout.

"Je voulais que tu t'en ailles. C'était pourtant simple à comprendre...S'attacher à des gens ne m'a rien apporté alors les problèmes des autres, les tiens aussi, je m'en fiche totalement. T'as pas besoin de me servir de psy pour me sensibiliser. Si ça m'arrange de jouer les sans-coeurs, c'est pas ton problème mais le mien."

L'autre voix avait réussi à tailler un petit compromis à sa protégée avant de la cloîtrer à nouveau dans sa tour de pierre, pour un petit moment. Keith se sentait à la fois ridicule et honteux. Ridicule parce que c'est tout juste s'il n'avait pas déballé sa vie involontairement, et honteux parce que madame se donnait des airs de donneuse de leçon et de bonne éthique. Pourtant, même si chaque mot lui transperçait le coeur, il allait se les garder en mémoire longtemps, très longtemps, ne cessant pas de les tourner et retourner dans sa tête. Se réconcilier avec lui-même serait aussi une bonne étape pour avancer mais il y avait encore beaucoup de boulot avant qu'il ne parvienne à s'accepter véritablement.

"Mais je m'excuse pour ce que j'ai pu te dire de désagréable."

Il ne releva pas les yeux, ni n'abaissa sa main. Ses yeux fixaient le sol, si bien qu'il aurait été difficile de dire s'il avait été sincère ou pas. Peut-être que la larme que l'on voyait perler sur sa joue pourrait jouer en sa faveur ou non, qui sait? Une larme non voulue, une larme laissée pour compte qui poursuivit sa course jusqu'à son menton, hésita puis tomba en direction du sol où elle s'étala lamentablement. En réalité, cette main qu'il avait placée de cette façon n'était là que pour une seule chose: il ne désirait pas qu'on le voie pleurer, par pur caprice. Aussi parce qu'il s'était fait une promesse: celle de se montrer aussi indifférent que possible à tout ce qu'on pouvait lui faire ou dire. Il l'avait brisée sans le vouloir. Point de départ...

Y a pas idée de pousser les gens à bout comme ça! Hlyn était tellement chamboulée qu'elle devait lutter intérieurement pour ne pas craquer, pas maintenant, pas ici, pas devant ce rustre. La moindre de ses larmes serait lui donner trop d'honneur et l'adolescente n'y tenait pas et même si plusieurs fois, son corps frissonna de spasmes alors que l'air se frayait péniblement un chemin jusqu'à ses poumons, elle tenait bon, les perles salines resteraient au bord de ses cils mais pas plus bas, dû t elle grincer des dents encore longtemps pour lutter contre cette envie instinctive de laisser sa rage fuir son être par le biais de ruissellement de larmes. La jeune fille en était rendu à fixer un petit trio d'arbres au loin, tentant vainement de se détendre en prêtant plus attention au vent qui incitait quelques branches à se livrer un duel d'escrime que de faire attention à son interlocuteur… d'ailleurs, dieu sait ce qu'elle aurait encore pu lui lancer à la figure si elle avait dû le regarder à nouveau dans l'état dans lequel la jeune fille était, c'était donc préférable, tenter de reprendre ses esprits, lentement et dans le silence.

Le silence avions nous dis! Pourquoi n'avait il pas attendu un peu plus, juste un peu plus longtemps, que Hlyn puisse se détendre, ne plus devoir lutter contre ses larmes… juste un peu plus de temps était ce trop demander? Ce fut d'ailleurs une nouvelle lutte qui s'entama en entendant ces deux mots, 'je sais', sa tention était à un tel stade qu'elle l'aurai mordu verbalement pour ces deux mots, prête à repartir dans une flopée de termes qui lui venaient machinalement à l'esprit et tant pi s'ils étaient venu en vrac, il aurait suffit de faire le tri mais en serrant les dents avec un doublement de vigueur, Hlyn tint bon, s'obligeant à fixer ces arbres nus et qui lui rappelaient, par le simple jeu de leurs branches, qu'elle-même avait un duel à livrer, non pas avec le blond mais avec elle-même, avec sa personnalité si spontané dans le bon comme dans le mauvais sens, comme c'était le cas à présent. Elle savait ce trait de caractère chez elle comme étant un défaut, que parfois il aurait mieux valu qu'elle réfléchisse à ses paroles mais jamais Hlyn n'aurait cru que se retenir de dire les mots comme ils venaient et quand ils venaient était si dur.

Une nouvelle fois encore, ses yeux se fermèrent, se répétant encore mentalement que s'énerver n'arrangerait rien, que le mot d'ordre était la détente, reprenant encore sa sempiternelle tentative de respiration calme et posée. Mieux encore que les arbres, l'obscurité de ses paupières closes la soulageait, détendait tout son être même si à chaque 'je sais' ses sourcils se fronçaient, lui redonnant un infime élan de haine à son encontre qui repartait dans une énième inspiration. Lentement l'adolescente sentait ses épaules s'abaisser toujours de plus en plus bas, petit à petit, les picotements sur son échine diminuaient d'intensité pour ne plus être que de mince souvenirs, au fur et à mesure ses poings se décrispèrent, … seul son regard semblait toujours réceptionné les mots du blond qui ne semblaient pas vouloir venir et que Hlyn ne voulait plus entendre. Et après les 'je sais' les 'mais' engendrant toujours les même plissements sur le visage de l'adolescente qui, à force de larmes retenues senti une boule se former dans sa gorge, la forçant à déglutir difficilement comme si sa bouche était à la fois trop sèche et trop humide. De la même façon que la dualité entre cette impression qu'il était un garçon ayant trop souffert et un présomptueux qui se croit tout permis lui revenait en mémoire, lui faisant hésiter de reporter son attention sur lui.

Hlyn avait peur, elle avait peur qu'en revenant sur Keith, les crises reviennent, cette envie instinctive de lui en vouloir, de vouloir imposer sa voix sur ce garçon qui n'avait pas besoin d'une personne en plus à dos, peur d'être attendrie par ce sale individu qui avait l'art et la manière de lui montrer un angelot avant que le diable ne resurgissent de plus belles. Elle avait peur et n'en pouvait plus, cet affrontement devenait fatiguant, épuisant même, à tel point que sa raison ne put retenir plus longtemps son cœur qui lui dictait de le regarder, de comprendre, de savoir ce qu'il en découlerait, ce qu'il allait dire pour sa défense, ce qu'il allait répondre après tant de cris échangés. Son visage tourna par à-coups, écoutant sa raison qui lui disait de ne plus le regarder, de ne plus tourner dans son sens et son cœur qui lui rappelait que ce n'était pas son genre d'ignorer les gens, même les plus méprisables et finalement, son visage baissé laissa son regard se poser à nouveau sur le blond qui avait sa tête inclinée de la même façon que la sienne. Pour voir son visage, ou du moins ce qui était devinable derrière ses quelques mèches de cheveux, Hlyn n'avait qu'à lever un peu les yeux, ne prenant pas la peine de lever le nez en même temps.

Hlyn avait du mal à le comprendre, ce qui lui faisait à nouveau froncer les sourcils… qu'on l'accepte? Quand? Qui? Pas elle en tout cas, c'était se faire rejeter qu'il voulait avec elle et pas l'inverse… mais alors de quoi parlait il? Hlyn aurai voulu lire dans son regard à cet instant mais une main lui barra la vue en même temps que des mots, des phrases plus cohérentes prenaient la place, revenant au début de leur rencontre… si vraiment il avait voulu qu'elle parte, pourquoi l'avait il sermonné? Pourquoi, alors qu'elle aurait pu partir d'elle-même, pourquoi s'en était il pris à elle avec des arguments absurdes, qu'il lui dise de dégager était une chose, en justifiant un a priori sur sa chevelure et ses origines en était une autre: qui aime se faire accuser de faute non commise? Personne et Hlyn n'était différente en rien sur ce sujet, c'est pourquoi elle s'était défendue et qu'ils en étaient maintenant là… Néanmoins les paroles du blond donnaient raison au cœur de l'adolescente: il avait un peu trop souffert.

Et enfin, oui enfin, ce qu'il aurait dû faire depuis le début: une parole gentille. Plusieurs dizaines de minutes plus tôt, il lui aurait suffit de l'aider à se relever pour qu'ils en restent là, qu'elle le remercie, échange peut-être des banalités mais s'en serait aller là où ses pas la menaient de prime abord. C'était pas rien mine de, que de recevoir ces excuses, pas rien du tout aux yeux de la petite qui, bien que dans l'incapacité de sourire après tant de tentions, en était néanmoins ravie. Une mince lueur réjouie dans son regard en était la preuve et la confortait dans cette impression qu'il était plus à plaindre qu'à haïr, se sentant une nouvelle fois ridicule d'avoir hurler, d'avoir rager et pester… et cette culpabilité s'accentua quand son regard la vit, cette larme s'écrasant au sol. L'idiot il allait lui donner envie de pleurer aussi maintenant… et dans cette crainte, Hlyn fit un brusque demi tour, tournant ainsi le dos au jeune homme. Que faire à présent? Autant elle pouvait hurler du tac au tac, autant au vu de quelqu'un en pleure, les mots ne se bousculaient pas au portillon. Que ferait les autres? Que ferait IL? Pas le blond, pas ce blond là… celui qu'elle aimait toujours, que ferait il? Ses yeux semblaient faire une introspection dans ses souvenirs enfoui pour finir par y faire luire une étincelle. Hlyn se laissa 'tomber' à croupi, toujours de dos à Keith, enroulant ses bras autour de ses jambes, posant son menton sur ses genoux et calmement, de son ton habituellement chaleureux, parvint à répondre:

"Non!... Je ne peux pas te pardonner parce que ça voudrait dire que tu n'es plus un sans cœur? Ça voudrait dire que tu es en train de pleurer pour l'instant… mais tu ne pleure pas n'est ce pas? Et ça t'est égale que ça m'aie fait de la peine, n'est ce pas? À moins que… " elle marqua un temps d'arrêt intentionnel, souriant de satisfaction pour ce qu'elle venait de dire "… tu ne sois pas vraiment comme ces imbéciles en fin de compte…"

{Wouah tout est rentré!! Va falloir arrêter de m'inspirer toi xD}

[xDDD trop heureuse ^^]

La toute petite voix de Keith, cette voix si douce si féminine, si injustement emprisonnée tout au fond de son esprit par préservation du monde extérieur avait enfin pu s'exprimer. Pas entièrement, pas pleinement à cause de la lutte qu'elle venait d'effectuer avec sa colocataire et le corps qui lui revenait de droit, ce corps qui l'avait épuisée en lui coûtant un trop grand effort, à elle la petite fragile. Elle s'était rendormie pour reprendre des forces sans demander son reste. Elle avait eu ce qu'elle désirait, à demi mais ravie et fatiguée, savait que ce ne serait pas la première et la dernière fois qu'elle se montrerait sous son vrai jour, et non pas éternellement prisonnière du joug de la voix du diable en personne. Elle venait de remporter un énorme combat, alors laissons-là dormir au travers de la larme versée par le jeune homme. Jeune homme qui continuait de respirer par à-coup, pour s'éviter inutilement une scène trop mélodramatique (elle l'est déjà assez comme ça xD). Une larme avait fui du barrage que représentaient ses yeux, aucune autre ne devrait passer. Il passa sa langue sur la subtile trace que celle-ci avait laissé sur son passage, d'un goût salé mais pas désagréable au palais. Il entendait Hlyn remuer devant lui, se demandait intérieurement ce qu'elle pouvait bien fabriquer à présent. Ce silence l'oppressait, le mettait vraiment mal à l'aise mais surtout, il commençait à faire de plus en plus froid dans les environs.

En effet, le vent s'était levé et agitait les branches des arbres, luttant vainement contre son courroux. Keith le savait car son oreille captait ces sons divers de la nature et les transmettait à son cerveau, son imagination créait une image dans sa tête, presque exacte à la réalité, avec quelques difformités. La nature, cette maîtresse contestée du monde reprendrait ses droits, ferait éclater sa colère dans les prochains jours. Si ça se trouve, un typhon n'allait pas tarder à leur tomber dessus car les nuages assombrissaient davantage le paysage et il était presque ardu de distinguer quelque chose, comme dans un brouillard obscur. Keith ne pouvait cependant pas se permettre de regarder la jeune fille en face à cause de son amour-propre, ce qui lui restait de la vie. Mais ce chatouillement glacé et picotant qu'il ressentait au niveau du cou et des mains devenait bien trop insupportable pour qu'il n'agisse pas contre. Il allait se rendre malade sinon. Aussi, il rouvrit sa valise, débusqua une écharpe qui se trouvait presque au fond du tas avec les secousses du voyage, et ses gants plus facile à sortir, et les enfila, l'écharpe lui servant également de cache-nez. Mais même avec cela, on pouvait aisément deviner que ses joues étaient passées au rouge, ainsi que ses yeux, légèrement gonflés par les deux ou trois larmes qui avaient coulé en solitaire l'une après l'autre, l'instant qui avait suivi leur éclaireur. Keith extirpa alors un mouchoir de sa bouche et entreprit de se nettoyer le visage et se moucher aussi, pour reprendre un peu contenance, et respirer une grande goulée d'air froid par la même occasion.

"Franchement, rien ne m'est égal. Rien ne m'a été égal. Est-ce qu'un sans-coeur pleurerait comme ça et livrerait un combat intérieur si acharné? Je crois pas, j'y crois pas."

Hlyn se trouvait dos à lui, ce qui l'arrangea plutôt bien car ainsi, cela lui évitait de constater qu'elle souriait de satisfaction et qu'elle aurait sans doute arboré par la suite un sourire plus que victorieux à son égard. Et puis, regarder son dos n'avait rien de frustrant en soi. La voir comme ça accroupie, tournée dos à lui, l'apaisait, lui faisait retrouver son calme comme si elle avait décidé de le laisser seul ou de l'ignorer, malgré ses paroles qui s'adressaient bel et bien à lui. 'A moins que tu ne sois pas comme ces imbéciles en fin de compte"? Cela lui faisait peut-être plus de mal au fond de se comporter comme eux, avec un coeur de pierre qui n'était pas le sien. Mais se faire du mal à soi-même sans l'aide de quelqu'un d'autre était moins péjoratif que ressentir de la souffrance parce que quelqu'un l'aurait trahi ou s'était ouvertement moqué de lui. Il avait eu le choix entre la souffrance d'espérer être un jour accepté par tous ceux qui lui lançaient ces vilenies, et la souffrance de se mettre en quarantaine et ériger des murailles et des murailles à n'en plus finir, même si quelqu'un de plus modéré frappait à sa porte. Il n'était sans doute pas le seul dont le corps avait horriblement saigné mais souvent, ceux qui ont le plus souffert se renferment sur eux-même et leurs souffrances, et sont de ce fait incapables d'admettre que même s'ils souffrent, d'autres souffriront pour eux et sans eux. Parce que la vie n'a tellement plus de goût qu'ils sont forcés de peindre la vie en noir, et de vivre avec cette conviction, derrière un mur de solitude infranchissable, tout en entendant jalousement les cris des rires des autres, jouant sans vous.

"Ma gentillesse m'a causé tellement de problèmes...Je ne voulais pas qu'elle revienne. Parce que même si des imbéciles, comme tu dis, viennent me parler, je n'arriverais jamais à les repousser, à cause de ça. Pour elle, j'ai voulu devenir comme eux."

Keith soupira, pas de soulagement mais de dépit. Mais de quel droit allait-il donc déballer tous ses petits malheurs et ses confidences à cette fille dont il ne connaissait même pas le nom? bravait encore l'impérieuse voix en lui, furibonde. L'autre dormait encore gaiement dans son lit, la porte de sa chambre étant grande ouverte, n'ayant plus besoin d'effectuer d'efforts pour sortir. En tout cas, son fardeau s'était un peu allégé et cela lui faisait beaucoup de bien. Oui, beaucoup de bien.

"Est-ce qu'on peut...recommencer à zéro?"

Il avait l'impression de régresser jusqu'à ses plus tendres années où, timide, il levait à peine le doigt pour répondre à une question dont personne ne connaissait la réponse et dont la voix, si petite, revenait à la charge, hésitante à sortir, zézayante d'hésitation si la réponse n'était pas juste ou simplement par le regard des autres qui se tournaient tous vers lui, comme des moutons prenant conscience qu'il existait enfin et attendant, impatients, soit de rire de sa déconfiture sans coup férir, soit de l'ignorer à nouveau par la suite s'il donnait une bonne réponse. Keith détourna le regard vers ces mêmes branches, continuant encore à onduler violemment sous la bise hivernale. Ces branches nues, encore dénuées de bourgeons, qui redeviendraient très bientôt le plus bel apparat des arbres. Il ferma les yeux à demi et retrouva enfin sa sérénité si secouée durant tout le dialogue. Ils allaient peut-être enfin pouvoir discuter calmement, normalement, comme deux ados normaux venant tout juste de se rencontrer et se présentant gaiement avant de peut-être rentrer s'abriter dans une pièce bien éclairée, autour d'un bon chocolat chaud. L'espoir commençait-il à renaître, oisillon trébuchant encore au sortir du nid? Sans doute. Non, sûrement...

La tension s'atténuait vraiment beaucoup mieux lorsque leurs regards captaient autre chose que les prunelles sournoises de l'un comme de l'autre. Cet "écart" permettait de faire le point, la paix avec soi-même. Souvent, on disait d'un animal sauvage ou mal apprivoisé qu'il ne fallait jamais le regarder directement dans les yeux, ou en tout cas pas trop longtemps pour qu'il prenne cet acte pour de la provocation, ou un air de défi. Cela avait animé le feu qui avait brûlé et s'était entièrement consumé. Après son passage ne restait plus qu'un silence infini et des cendres annonciatrices d'une nouvelle ère, permettant aux jeunes pousses de reprendre le cours de leur vie en main. Faire le point, se calme, reprendre le contrôle de sa fureur était bien la chose à laquelle il aspirait le plus. Ne plus être en duel avec aucune de ses tendances intérieures. En "harmonie" fragile, mais ô combien reposante. Le froid continuait sa lente descente dans chacun de ses membres, le pétrifiant de froid malgré ses vêtements chauds et ses protections contre cet impitoyable hiver. En observant à nouveau les nuages, le soulagement l'étreint: qu'il pleuve ou qu'il neige, il en serait très heureux car la pluie lui donnait toujours l'intime impression que le ciel pleurait avec lui, et cela l'aidait également à supporter sa vie.

C'est alors que, tout absorbé qu'il était dans ses pensées poussant de longues goulées d'air chaud immédiatement transformés en vapeur d'eau par l'air ambiant, Hlyn fit brusquement volte-face, le faisant légèrement sursauter. Non, il ne l'avait pas vue venir, ni même se relever, ne la regardant même plus. Leurs regards se croisèrent à nouveau mais son coeur battait à nouveau dans sa poitrine. De peur, de timidité, de toutes sortes d'autres sentiments mélangés qu'il préférait ne pas analyser pour l'instant, au risque de retrouver son impassibilité et sa froideur originelles. Qui plus est, elle souriait et il détourna le regard, ses joues se teintant de rose bien que cela ne se voyait pas des masses à cause de ses rougeurs dûes aux larmes précédentes, bien que ses yeux se soient à nouveau asséchés pour son plus grand soulagement. Et également, elle acceptait de recommencer leur relation à zéro, ce que d'autres auraient tout simplement écarté sans préavis avant de lui en fiche une bonne. En un sens, Hlyn avait parfaitement raison: elle n'était pas comme eux, pas comme tous ces imbéciles ignares et imbus d'eux-mêmes qu'ils avaient rencontrés par le passé. Un genre de là débutait sa naissance entre eux deux.

Les paroles de Hlyn générèrent un rire franc de sa part lorsqu'elle les eût prononcés. En vérité, Keith avait dû se retenir de beaucoup pour ne pas éclater de rire comme les autres tant c'était tentant, et encore plus pour ne pas lui proposer son aide. Que c'était dur de devoir jouer les méchants icebergs ! Son rire se prolongea, un peu plus enfantin à chaque syllabe prononcé, aussi très féminin. Cela faisait belle lurette que ça ne s'était pas produit. Puis, il finit par se sentir abominablement ridicule et fit tout et n'importe quoi pour se débarrasser de son hilarité prolongée, la transformant en hoquets forcés et se massant au niveau du ventre jusqu'à ce que l'envie parte définitivement. Il murmura de brèves excuses, encore un peu confus, hésitant.

"Oui d'accord, on oublie ce passage."

Et voilà ça y était reparti pour une nouvelle crise de fou-rire ! Non mais c'est que la façon dont elle était tombée et avait glissé en aurait secoué plus d'un, rien d'étonnant à ce qu'il se bidonne ainsi, même si c'était avec beaucoup de retard. Mais il fallait vraiment qu'il se reprenne car sinon, elle allait finir par penser qu'il était définitivement cinglé cet olibrius-là ! Allez reprends-toi mon gars parce que dans son cas, ça devait pas être super marrant comme moment à passer ! Mais il n'en pouvait rien, c'était décidément plus fort que lui: le soulier de cette jeune fille glissant malencontreusement sur une plaque de verglas et s'étalant comme une cruche sur cette même plaque de gel, la jupe à l'air et les fesses endolories, y'avait de quoi en rire pour des lustres dans sa tête, surtout que ce genre de moments, c'était capable de le marquer à vie au fer rouge, tout comme leur engueulade. Parce que ça faisait partie intégrante de la fille qu'il avait rencontrée et qui lui avait remis les idées en place même aussi abruptement, alias Hlyn la superwoman ! Enfin, après le fou-rire, les vraies présentations en bonne et dûe forme !

"Et moi, Keith. Enchanté."

Il avança sa propre main vers la sienne qui frémit un instant en frôlant les doigts de la jeune fille avant de les serrer d'une poigne timide et mal assurée, même si avec plus de chaleur qu'elle n'aurait pu lui paraître. Amicalement donc, il la lui serra puis relâcha sa prise pour revenir emmailloter sa main dans une de ses poches de veste pour lui tenir davantage chaud, car on aurait dit que le vent se complaisait à percer la fausse fourure de ses gants. Saleté de temps, va ! Vivement le printemps et des jours meilleurs, qu'on puisse enfin un peu se découvrir, ça fera de mal à personne ! Surtout pas aux deux interlocuteurs, l'un des deux rêvant toujours de son délicieux chocolat chaud, accoudé à une fenêtre et exécutant un formidable pied de nez à la tempête là-dehors. Il allait vraiment concrétiser son envie s'il continuait à rester sous ce sale temps, c'était certain. Qui sait, peut-être qu'il inviterait la miss aussi pour se faire "pardonner"?

[Pas très long, désolée.]

Pour une fois, pour la toute première fois depuis son entrée à l'école, le rire s'échappait de ses lèvres, explosait même littéralement au fond de sa gorge comme un volcan qui se serait soudain réveillé d'une longue léthargie. Mais même si c'était un évènement majeur de sa vie, il fallait bien qu'il s'arrête à un moment ou à un autre. Il ne pouvait pas rester là éternellement, sous ce froid mordant, à se geler de plus en plus les poumons par cet atroce vent d'hiver en compagnie de cette pauvre jeune fille qui finirait par croire qu'elle était tombée nez-à-nez avec un fou échappé de l'asile. Et les mimiques qu'effectuaient Hlyn pour se défendre de rire avec lui ne faisait que l'exciter davantage dans ce sens, rendant le rire de plus en plus long et incoercible. Déjà, Keith se tenait le ventre à force d'avoir ri et de rire encore de cette manière, à gorge déployée et finit littéralement par en pleurer de joie en prime, sans s'en rendre compte. Enfin, bien heureusement, cela s'arrêta le temps qu'ils se serrent la main et repartit ensuite de plus belle en entendant ainsi geindre l'estomac de la jeune fille.

"Eh ben dis donc ! T'es pas discrète, toi !"

Un vent plus glacé que les autres lui paralysa les zygomatiques et le gela à nouveau sur place, stoppant ainsi le rire à son stade le plus ultime et le plus douloureux stomacalement parlant. La raison et la réflexion revinrent alors habiter son cerveau redevenu à présent calme, et à peu près serein. Keith observa à nouveau le ciel lorsqu'un flocon glacé vint se poser sur son nez, le faisant éternuer, tournant la tête juste à temps à cet effet pour ne pas frapper Hlyn d'un nouveau malheur, et non des moindres. Il se moucha copieusement et s'essuya le nez, à nouveau frigorifié. Il neigeait, pas encore beaucoup mais quelque chose lui disait que cela risquait de tomber beaucoup plus fort dans les prochaines secondes à venir. Autant se mettre à l'abri, et vite. A nouveau, la vision de son chocolat chaud derrière une vitre, dans une pièce préchauffée et narguant la tempête au-dehors lui traversa l'esprit et lui sembla si tentante encore, que sa lèvre vint effleurer sa lèvre inférieure de délice. La jeune fille lui proposa alors gentiment de rentrer se mettre au chaud et manger un morceau, idée assez bien reçue dans sa tête d'ailleurs, comme si elle avait lu dans ses pensées en fait.

"Oui, bonne idée. En même temps, ça me fera visiter. Euuh...c'est par où la cafét'?"

Bah évidemment que non, il n'avait pas encore pu effectuer le moindre repérage des lieux, venant tout juste de débarquer de sa cambrousse. Et surtout, autre chose importante à noter: Keith était totalement dépourvu du moindre sens d'orientation, sauf à force d'habitude. Autant dire que l'exploration allait se retrouver dans l'histoire de l'école s'il osait même s'aventurer dans un simple couloir sensé le conduire à la bibliothèque par exemple, et qu'il débouchait en fait sur un placard à balais, des détails de ce genre. Heureusement que le ridicule ne tuait pas, même s'il laissait quelques marques à même la peau. Son propre estomac émit alors une ferme protestation lui aussi, comme pour répondre à son homologue féminin, même si un peu moins bruyant. La sensation de faim lui parcourait tout de même les os. Keith empoigna sa valise et s'apprêta à suivre Hlyn, supposant qu'elle allait lui servir de guide justement jusqu'à la "célèbre" cafétéria scolaire.

*Chocolat chaud sweet chocolat chaud, me voilà !*

Il en bavait presque, tellement il en avait de plus en plus envie. Et là qu'importent les dortoirs, les cours, l'éloignement familial, les condisciples, les profs et tous les problèmes qui s'ensuivaient de ces petites bêbêtes-là. Quand on avait faim, on pouvait accepter n'importe quoi, ou presque.

[On poursuit au réfectoire?]