- Ahh... Ma tête...

Detsuda laissa partir son corps contre le dossier de sa chaise, levant le visage vers le plafond avant de lâcher un long soupir. Quittant son écran des yeux pour la première fois depuis quelques heures, il se rendit compte de l'obscurité qui l'environnait. Un rapide coup d’œil sur l'horloge de son ordinateur lui apprit l'heure qu'il était.

- 21h30! Oye!

Portant ses mains à son visage pour ensuite passer ces dernières dans ses cheveux, il se redressa sur sa chaise.

" Heureusement qu'on est vendredi."

Il n'avait vraiment pas vu le temps passé. Le montage des plans et séquences qu'il réservait pour le blog du club de journalisme lui prenait souvent du temps. De plus, il devait avouer que c'était là une partie de son travail qu'il appréciait beaucoup. Du coup, il pouvait se laisser aller à des heures tardives en oubliant sa fatigue.

" Bon allez, je pense que c'est terminé. Je n'ai plus qu'à l'uploader sur le net. "

La connexion étant plus rapide dans la salle de la radio de l'école, il préféra là lancer ici plutôt qu'une fois rentrée au dortoir. Le travail qu'il réalisait lui demandait souvent d'utiliser le matériel d'enregistrement audio de cette salle qui était plus performant que celui dont il disposait au club. De fait, il s'était arrangé avec l'administration pour l'utiliser en échange de la responsabilité du club de journalisme au cas ou ce dernier venait à être détérioré. Bien entendu, le jeune garçon veillait à ce que cela n'arrive pas. Le chargement lancé, il se retrouvait sans vraiment grand chose à faire. Les ressources de son petit pc portable étaient requises pour l'upluoad, il ne pouvait donc pas aller sur le net. Croisant tout d'abord les bras devant la petite table d'enregistrement ou trônait son outil de travail et le matériel radiophonique, il balaya la pièce de son regard noisette. C'était la première fois qu'il se retrouvait si tard dans les locaux de l'établissement. Avec un léger sourire amusé, il se rappela les rumeurs qui circulaient sur ce qui s'y passait une fois la nuit tombée. Bien sûr, il aspirait à devenir journaliste et ne prêtait qu'une oreille condescendante à ce genre de babillages sans fondement. Néanmoins, son imagination, elle, ne pouvait s'empêcher de déjà galoper dans sa tête. Finissant par se relever, il alla vers la seule fenêtre de la toute petite pièce pour l'ouvrir et laisser l'air frais du soir entrer. Le jeune garçon jeta un regard à l'extérieur et en particulier au ciel étoilé, son sourire s'agrandit. Puis, il se tourna pour fixer l'écran de son ordinateur.

" Et bien, ça n'avance pas ce soir... "

Ses yeux dérivèrent pour tomber sur l'instrument radiophonique. Une idée lui vint à l'esprit pour égayer son attente et surtout repousser un silence qui commençait maintenant à lui peser. Revenant à sa chaise, il alluma le matériel et commença à le régler pour qu'il émette dans la pièce et non pas dans toute l'école. Ce n'était pas très compliqué et l'élève l'avait déjà réalisé pour l'écoute de ses propres réalisations. A partir de son ordinateur, mit en réseau, il lança une musique qui s'éleva alors dans la pièce. Satisfait, il se reposa contre le dossier de sa chaise, ferma les yeux et se laissa bercée avec un sourire rêveur. Bien vite, ses pensées se tournèrent vers les plateaux de la Djézireh et les montagnes du Thorus. Seul détail, peut-être fut que la salle ne fut pas la seule à recevoir ce morceau mais que par une erreur de réglage, une autre partie de l'établissement résonna de la même mélodie. Par chance, seule une jeune femme s'y trouvait et eut l'occasion de percevoir la mélopée.

" La guerre! On nous attaque! Sous la table, vite! "

Fut la première pensée de Detsuda lorsqu'il sortit de l'état semi-comateux dans lequel la mélodie l'avait plongé. Son intuition lui rappela néanmoins qu'il était dans la salle radio de la Gingko au Japon et qu'il n'y avait pas de guerre annoncé dans le coin. C'est pour cela qu'en papillonnant des paupières, il tourna son visage vers l'inconnue qui venait de faire irruption dans la pièce tout en se redressant sur sa chaise. On ne pouvait pas vraiment parler de calme. Disons qu'il était plutôt alerte sans pour autant céder à la panique. Sa vie passé au moyen-orient n'avait pas été ponctué que de bonnes expériences et il avait du parfois jouer à cache-cache avec certains représentants des autorités ou son père devait fouiller. Heureusement pour lui, de part l'ingéniosité et la prudence de ses parents, jamais rien de fâcheux ne lui était arrivé. Il restait néanmoins rompu à certaines habitudes comme celles de réagir vite mais dans le calme, celles de se cacher et de voir sans être vue. C'était des talents étonnamment utiles pour son futur travail, journaliste. Ses yeux noisettes reprirent doucement vie alors que le sommeil quittait définitivement son esprit et chassait des souvenirs d'enfance survenus soudainement dans ce dernier pour lui rappeler les consignes élémentaires de survies. Il put alors découvrir la belle silhouette d'une jeune femme de plusieurs années sont ainés. Son regard se trouvait immanquablement à la fois captif et perdu devant le spectacle que l'inconnue lui laissait découvrir. Il pouvait presque ressentir et percevoir l'aura féminine qui se dégageait d'elle. De toute évidence, la jeune femme maitrisait tout à fait l'image qu'elle donnait d'elle et cela se sentait autant dans son apparence que dans ses gestes. Les iris saphirs de l'inconnue d'un éclat assombris par la gêne répondait sans heurter à la couleur rose de ses cheveux longs. A nouveau, comme souvent face à une sempaï, le jeune garçon sentait son cœur s’accélérer et la chaleur de son corps augmenter. Mais, le jeune garçon n'était pas très fort pour comprendre et s'attarder sur ce genre de choses. Il préférait comme souvent profiter de cette énergie sans se poser de questions embarrassantes. Voilà pourquoi son attitude fut tout ce qu'il y a de plus spontanée.

- Tu... Tu vas bien, sempaï ?

Il se leva de sa chaise avec un air inquiet. La beauté de l'inconnue ne l'avait pas empêcher de remarquer le profond trouble qui saisissait cette dernière. De plus, ce cri! C'était-elle fait mal? Quelque chose venait-elle de l'effrayer? Les questions étaient nombreuses. Il s'approcha d'elle avec un regard soucieux à la recherche des deux saphirs de son interlocutrice dans l'espoir de pouvoir la rassurer par un sourire chaleureux. Il s'apprêta à tendre la main pour la poser sur le bras de la jeune femme mais il se rappela in-extremis qu'au Japon, ce genre de choses étaient un peu trop familière. Néanmoins, le teint un peu laiteux de l'inconnue lui intimait d'être attentif à ce qu'elle ne défaille pas.

- Viens t'asseoir.

Avec tous ça, il en avait oublié la musique qui passa un nouveau morceau sans s'émouvoir un instant de la scène.

L'ampleur de la situation n'était pas si grave, au contraire. Elle n,avait rien cassé, elle n'avait dérangé personne, et elle n'avait même pas fait peur à la seule personne qui se trouvait dans la salle. Mais son esprit était si concentré qu'elle ne pouvait plus analyser ce qui était en train de se passer. Ainsi, quand son regard croisa celui de l'adolescent s'étant approché d'elle, elle sursauta. Elle n'avait même pas remarqué que le jeune homme s'était levé et avait avancé jusqu'à elle. Elle était perdue. "Tu... Tu vas bien, Sempai ?" Une question tout à fait banale mais aussi normale dans ce genre de cas. "Sempai". Ce mot fut sans doute celui qui rendit la raison à Hanami. Sempai ? Il était vrai que si on regardait de plus près, le garçon qui se trouvait devant lui paraissait bien plus jeune qu'elle, et était aussi plus petit. Son regard avait changé, désormais, elle le fixait comme si tout son corps lui disait qu'en fin de compte cette personne n'était pas une menace. Vu également la façon dont il avait prononcé sa question, il devait être aussi troublé qu'elle, voire moins. Un point qui faisait la starlette se sentir de plus en plus en sécurité, comme si elle avait le dessus - même s'il n'y avait ni compétition, ni ennemi.

Les deux pieds de nouveau sur Terre, elle savait désormais par quoi commencer. Il était étrange voire quasiment impossible de trouver un lycéen dans l'enceinte de l'établissement. Elle jeta un petit coup d’œil à sa montre et remarqua qu'il n'allait pas tarder à être 22h00. Le tout était de savoir pourquoi il se trouvait dans la salle de diffusion de l'école, une salle aux accès réservés à certains élèves, qui plus est faisant partis de certains clubs. Autant commencer par là.

-"O-Oui, ça va.", fit-elle en s'inclinant de nouveau, sans vouloir s'asseoir, "Par contre, que fais-tu encore ici aussi tard ? Tu fais parti d'un club ?"

Elle avait récupéré un ton plus sérieux, plus imposant, comme celui d'un adulte aguerri. Même si le jeune garçon faisait bel et bien parti d'un club, ce serait sans doute la première fois qu'Hanami aurait vu quelqu'un rester jusqu'à cette heure-ci pour travailler dans l'école. Il en faudrait du courage pour passer toute une journée entière dans ces murs dépourvus de liberté. Ce n'était pas sans ramener quelques souvenirs de son époque de lycéenne, souvenirs que beaucoup aimerait voir, pour en rire surtout. En attendant sa réponse, elle alla se placer contre la fenêtre, les coudes posés contre le bord, le dos tourné au paysage extérieur, les yeux rivés sur son interlocuteur. En le regardant de plus près, il était malgré tout assez mignon pour son âge.

Detsuda suivait l'inconnue du regard comme un chat pouvait suivre quelqu'un tenant l'un de ses jouets. Ses yeux noisettes étaient tous entiers perdu dans la contemplation de la jeune femme. Il ne s'en rendait, bien sûr pas compte. Il était un peu comme l'enfant curieux et impertinent qui fixe sans bien se rendre compte de la propre densité de son regard. Il lui fallu d'ailleurs quelques secondes et quelques battements de paupières pour qu'il réagisse à la question que sa Sempai venait de poser.

- Je... Non! Non... Je travaille pour le club de journaliste et j'ai juste eu l'autorisation d'utiliser le matériel audio de la salle pour faire mes enregistrements avant de les uploader sur le net. Le son est meilleur.

Dit-il en s'empressant de revenir à la table, de faire mouvoir sa souris pour rallumer son écran en veille et voir le téléchargement qui était désormais à sa moitié. Il illustrait ainsi ses propos par l'image et vérifiait ou les choses en étaient.

" Mh... J'en ai encore pour un moment. "

Se redressant pour reposer ses yeux noisettes sur l'inconnue, il exprima son sourire si particulier, charmant, charmeur aussi et un peu fier sans doute. C'était bien loin de ce qu'on pouvait attendre d'un Japonais. L'exotisme du jeune garçon était renforcé par la musique qui s'élevait toujours dans la pièce.

- Je m’appelle Detsuda Yuhei, je suis de la 2-A. Et toi, Sempai ?

Il exécuta un signe de tête respectueux mais n'alla pas forcément plus bas. De toute évidence, il était loin d'envisager de traiter sa Sempai à la manière d'une adulte. Le ton qu'elle avait emprunté à son égard ne paraissait pas l'avoir vraiment concerné. Ce titre, "sempai", c'était plus dans sa bouche, une manière pratique de nommer les plus vieux que lui dont il ignorait le nom. C'était aussi une manière de tisser un lien. Bref, il pensait définitivement la chose comme quelque chose qui rapprochait et pas vraiment quelque chose qui instaurait une distance. Même s'il était loin d'être irrespectueux ou mal poli, on pouvait sentir une certaine forme de désinvolture qui s'exprimait dans sa voix, dans ses gestes et dans ses expressions, un peu comme un vent chaud de liberté. De plus, la chaleur qui enhardissait son cœur à la présence de la jeune femme ne faisait qu'encourager son attitude.