Nathan était assit au milieu d’une une salle de classe. Vide. Trois rangés de table alignées au centimètre près. Les murs étaient gris et sales. Des tableaux représentant le massacre des démons sur les humains lors de l’apocalypse y étaient accrochés. Au loin, des cris de terreurs. Puis, plus rien. Le silence complet. Nathan suait à grande goûtes. Son rythme cardiaque s’était affolé. Ses mains étaient moites. Trop calme. C’était franchement trop calme. Un grincement le fit sursauter. Il tourna sa tête vers la porte qui s’ouvrit doucement. Trop doucement. Les yeux écarquillés, dans lesquels on pouvait lire la terreur et l’effroi de ce qui allait se passer, fixèrent la personne qui entrait. Pouvait-on parler de personne ? Non, ce devait être Lucifer. Ou Lilith. L’un des deux démons les plus puissants, ayant prit l’apparence du professeur d’espagnol. Ses yeux étaient noirs. Dans la main gauche se trouvait une hache. Il s’avançait lentement vers lui. Bien trop lentement. Nathan voulut se lever, mais ses pieds et ses mains étaient liés à la chaise. Il voulut hurler, mais rien à faire. Aucun son de sortait de sa bouche. Que faire ? Il savait qu’il n’y avait plus aucune échappatoire. Il n’y avait plus qu’une seule chose à faire. Se résigner. Le professeur était maintenant devant lui. Il lui détacha le bras gauche, le plaqua avec violence sur la table, leva sa hache et …

Nathan se réveilla en poussant un cri d’effroi. Déglutissant, il remarqua avec un certain soulagement, qu’il était dans sa chambre. Un picotement dans son bras gauche le fit, pour de bon, revenir à la réalité. Il se passa la main sur son coude, constatant que son membre était encore à sa place. Nathan inspira profondément puis expira. Ce n’était qu’un mauvais rêve. Un vrai cauchemar. Soupirant, il se laissa retomber sur son oreiller et se cacha les yeux avec son avant bras droit. Il pouvait sentir les battements de son cœur résonner dans ses tempes, se qui accentuait son mal de crâne. Pourquoi avoir rêvé une telle chose ? Les rêves avaient toujours une certaine logique. Mais là. Que … Nathan se figea, abaissa son bras et fixa le plafond, les yeux écarquiller, avant de grimacer de douleur comme si on lui enfonçait un pieu dans le cœur. On était vendredi matin, et c’était aujourd’hui que notre jeune français avait prit rendez-vous avec le prof d’espagnol pour des cours de soutiens. Il soupira à nouveau. Son cauchemar prenait donc tout son sens.

Il pouvait feindre d’être malade et d’être clouer au lit par une grippe, mais dans ce cas il sera obligé d’aller à l’infirmerie, chose qu’il abhorrait. Bon, il sera bien obligé de prendre sur lui, non ? Ainsi, se redressant sur son lit, il se tourna et descendit de l’échelle. Il rata la dernière marche et se rattrapa de justesse à l’un des barreaux pour ne pas s’écrouler sur le sol et risquer de réveiller ses coloc. Alors que ses pieds nus touchèrent le sol, Nathan s’immobilisa. Et son cri d’avant ? N’avait-il pas pu les réveiller ? Il grimaça et se tourna doucement. Yuki était encore endormi, Seiji n’était plus dans son lit - Il devait surement être parti prendre sa douche- et Brian, lui, dormait à poings fermés. Soulagé, Nathan se dirigea vers son armoire et s’habilla.

Bon, nous allons passer sous silence comment Nathan réussi tant bien que mal à survivre à ses cours, malgré son mal de tête qui s’était transformé en migraine au courant de la journée. Il était maintenant 16h, et notre jeune homme se trouva devant la salle de classe désignée par le professeur Egawa. Nathan soupira. Avec son mal de crâne, devait-il réellement se présenter aux cours de soutiens ? La question ne se posait même pas. Evidement qu’il devait le faire, il passerait sinon pour un sale gamin qui ne savait pas ce qu’il voulait. Et si sa migraine augmentait ? Boh, il pourra toujours en faire part au professeur. Normalement, s’il était un minimum compréhensif, il le laissera partir.

Alors, prenant une profonde inspiration, Nathan leva le bras et toqua une fois à la porte. Il attendit la réponse puis entra, prenant soin de refermer la porte derrière lui, avant de s’avancer vers le bureau. Il afficha un sourire et déposa son sac sur le sol. Il ouvrit la bouche, s’apprêtant carrément à prendre la parole en espagnol, mais se ravisa. De toute manière, il devra parler dans cette langue maudite tôt ou tard. Autant repousser ce moment et se contenter du japonais.

« Egawa-sensei » il s’inclina légèrement comme le voulait la coutume japonaise puis se redressa « je viens pour les cours de soutiens … »

Des cours de soutien, Jiro en donnait régulièrement. Professeur passionné et attentif, il n'hésitait pas à prendre sur son temps libre pour aider ses élèves à vaincre leurs difficultés dans la matière. Il avait d'ailleurs apprécié de constater qu'il n'était pas le seul à le faire dans ce lycée, contrairement à son précédent poste. Etre entouré de collègues, si ce n'était aussi passionnés, au moins tout aussi consciencieux et concernés par la réussite et l'avenir de leurs élèves, changeait réellement la donne. Il se sentait à sa place au sein du personnel de cet établissement.
Tout aurait été parfait si sa vie privée n'avait pris un tournant si douloureux. Mais il arrivait à faire bonne figure devant les autres, et s'appliquait à noyer ses sentiments inavouables dans le travail et les soirées avec Cathan. Il avait même réussi à conserver une apparence calme malgré le retour d'Eiji à ses cours.

En ce vendredi après-midi précédant le festival d'Hachioji, Jiro finissait de corriger les copies du dernier test des premières années en attendant un de ses élèves pour un nouveau cours de soutien. La demande, formulée un peu plus tôt dans la semaine, l'avait assez surpris de la part de cette personne. Nathan Scott, élève de troisième année, ne semblait pas vraiment intéressé par l'espagnol. Pire, il donnait même l'impression de détester cette langue. Une aversion que l'enseignant avait du mal à comprendre, se demandant parfois si c'était lui ou sa matière qui provoquait ce rejet de la part du jeune français. Sa langue maternelle était pourtant également une langue latine ...

Jiro soupira en notant une nouvelle copie. Daiki faisait pourtant des efforts, mais ce qui entrait dans sa tête semblait ne chercher qu'une seule chose : en ressortir aussitôt. Dommage, il l'aimait bien celui-là. Copie suivante, un nom familier, Akiyama, l'ex petite amie d'Eiji ... Non ! Il ne fallait pas qu'il pense à lui ! Sa main passa avec lassitude sur son visage légèrement rosi. Trop tard, il sentait à nouveau la douceur de ses lèvres ...

Ce fut un bruit répété qui le tira de ses pensées. Il lui fallut quelques instants pour réaliser que quelqu'un frappait à la porte de la classe. Quelques instants de plus pour retrouver une expression plus neutre et posée, un coup d'oeil rapide sur la pendule pour vérifier l'heure, et Jiro intima d'entrer au jeune homme derrière la porte.

Nathan Scott ne semblait guère à l'aise. Sans doute avait-il du prendre sur lui pour se résoudre au cours de soutien. Jiro répondit à son salut en inclinant légèrement la tête et lui adressa un sourire tranquille, se voulant à la fois rassurant et encourageant pour l'adolescent.

" Bonjour, Scott-san. Installe-toi, s'il te plait. "

L'enseignant attendit que Nathan soit installé avant de se lever et d'approche, s'appuyant contre le bureau à côté de celui où le jeune homme était assis. C'était une habitude qu'il avait prise pour les cours de soutien : instaurer une plus grande proximité et moins de rigueur, pour obtenir un climat détendu, plus propice à ce type d'enseignement.

" Tu n'aimes pas l'espagnol, n'est-ce pas ? Si tu me disais pourquoi et ce que tu attends de ces cours de soutien ? "

Autant être fixé dès le début, ce serait plus simple pour savoir par où commencer, et quelle méthode employer.

Voyant le sourire marquant la tranquillité s’afficher sur le visage du jeune professeur, Nathan souffla discrètement, tentant de paraître le plus calme possible. A l’invitation d’Egawa-sensei de s’installer, notre jeune homme hocha la tête et s’exécuta. Il posa son sac sur la table puis releva le regard, écarquillant légèrement les yeux en voyant la proximité du professeur puis baissa instantanément le regard. Voir l’adulte tellement près de lui le mettait quelque peu mal à l’aise. Et sa question n’eut pas un effet très positif non plus.

Pourquoi détestait-il tellement l’espagnol ? Dieu sait combien de fois Nathan s’était déjà posé cette foutue question … sans y trouver une seule réponse. Et là, encore une fois, il avait été prit de court. Se mordillant légèrement les lèvres, il porta son attention sur son sac et prit le temps de l’ouvrir pour en sortir sa trousse et une feuille. Il aurait bien besoin de ces affaires tôt ou tard, et au moins de cette manière il pourra se donner un peu plus de temps pour réfléchir. Puis, soupirant discrètement comme pour se donner du courage, Nathan releva son regard vers le professeur et haussa doucement les épaules.

« Pour tout vous dire … je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas du tout d’où vient ma répulsion face à cette langue. Mais ce n’est pas du tout votre faute, bien au contraire ! Et c’est justement vos cours qui m’ont poussés à vous demander cette heure de soutient … » il esquissa un léger sourire comme pour appuyer ses dires « je veux dire, vos cours sont très intéressant et je trouve ça dommage de ne pas pouvoir y participer comme je le souhaite. » Il baissa le regard commençant à jouer avec la fermeture éclaire de sa trousse « je … loin de moi l’envie de critiquer le travail des professeurs, mais ceux … ou celui que j’ai eu dans mon lycée en France … on ne s’entendait pas. Je ne sais pas pourquoi. Tous les autres des ma classe l’adorait. Si bien que j’ai laissé tomber au bout d’un an. En un an on n’apprend rien, si ce n’est les bases. Et encore, faut suivre tous les cours. Chose que je n’eu pas l’occasion de faire, car M. Marchand, mon professeur d’espagnol, trouvait toujours la petite chose que je ne faisais pas pour me … virer de … ses cours … »

Jiro n’en avait pas demandé tant, mais Nathan ne s’en rendait compte qu’une fois le mal de fait. Alors, gardant son attention portée sur sa trousse, il en sorti un stylo et commença à le faire tourner autour de son pouce afin de fixer son esprit sur autre chose. Secrètement, il espérait que le professeur ne lui tiendra pas rigueur de sa logorrhée …

Nathan préparait lentement ses affaires, gagnant du temps comme pour repousser le moment où il devrait répondre, à moins que ce ne soit pour organiser ses pensées ou pour chercher ses mots - voir une explication acceptable ? -. Jiro attendit qu'il se décide, optant pour ne pas le brusquer. S'il y avait un réel problème vis-à-vis de la matière, il allait devoir agir avec patience. Et encore plus si c'était lui le problème. Mais il doutait de cette option, sinon l'adolescent ne lui aurait pas demandé de cours de soutien.

Lorsqu'il se décida enfin, Jiro pencha légèrement la tête, l'écoutant avec attention. Il semblait que le jeune homme n'avait eu de difficulté que celle de se lancer, car il se livra à des explications très claires et détaillées. Une question avait suffit pour lui fournir la majorité des réponses à celles qui auraient suivi. Constat amusant : Nathan était du genre bavard, tant qu'il ne s'agissait pas de répondre en espagnol.

" Je vois. "

Un sourire fin étira les lèvres de l'enseignant en une petite grimace. Si aucun système scolaire n'était parfait, ce qu'il avait entendu du système français n'était guère appréciateur et le classait assez loin des meilleurs. Le comportement du professeur n'était en revanche guère surprenant et expliquait la situation. C'était inadmissible et indigne d'un enseignant, selon Jiro, et difficile à rattraper pour ceux qui prenaient le relais, mais malheureusement, il y en avait partout des comme ça et il ne pouvait garantir à Nathan qu'il n'en croiserait plus jamais.

" Il va donc falloir que nous rattrapions les bêtises de ce Mr Marchand. "

Jiro adressa un sourire rassurant à son élève. En aucun cas il ne l'estimait responsable de la situation.

" Voilà ce que je te propose. On va reprendre les bases, une à une, pour voir ce que tu as acquis et ce qui te manque. Chaque fois qu'on tombera sur quelque chose que tu ne sais pas, on le travaillera de façon intensive. Ne t'inquiète pas, tu n'auras pas de travail supplémentaire, on étudiera ensemble pendant les heures de soutien. "

Toujours souriant, il leva un doigt.

" Je n'émets qu'une seule condition : à partir du prochain cours avec ta classe, tu devras participer. C'est le meilleur moyen pour progresser. "

Adorable. C’était sans doute le mot familier qui qualifierait le mieux ce professeur. Il avait l’air tellement sur de lui, appréciant grandement et voulant à tout prix découvrir ce qui clochait chez Nathan afin de pouvoir l’aider en bonne due forme. Notre jeune homme pu se détendre complètement en l’entendant prendre la parole sur un ton assuré. Il lui confirma qu’ensemble ils allaient reprendre les bases et ainsi pouvoir rattraper le retard que Nathan avait prit sur ses camarades de classe. Il parvint même à esquisser un sourire, et hocha vivement la tête lorsque Jiro eu finit de parler.

« Merci beaucoup, Egawa-sensei » lui dit-il d’un ton plutôt enjoué tout en s’inclinant vers l’avant. Il attendit quelques instants avant reporter son attention sur le professeur « Evidement que je vais participer. Du moins, je vais participer du mieux que je le puisse. » Il soupira légèrement et baissa à nouveau le regard « en tout cas ça va être difficile. Je suis, comme qui dirait un cas désespéré en matière d’apprentissage de langue. »

Et pourtant il avait réussi à apprendre l’allemand sans difficulté. Il faut dire ce qu’il en est : lorsqu’on était passionné, l’apprentissage allait bien plus vite et bien était bien plus facile. Il en allait de même pour le violon. Tout d’abord forcé par ses parents, Nathan s’était très vite découvert une passion pour cet instrument qui n’était pas très commun chez les jeunes de sa génération. Mais ce n’était pas un souci car notre jeune homme aimait se démarquer dans ses apprentissages divers et variés. Peut-être était-ce pour cette raison qu’il n’avait pas réussi à accrocher à l’espagnol ? L’Espagne ainsi que sa langue étaient deux choses qui attiraient énormément. L’Espagne rimait bien souvent avec plage, soleil, 35°c à l’ombre, bronzé, cocktail, alcool, fête, soirée, ami. Tous ce qu’un adolescent aimait. Mais Nathan ne faisait pas parti de ce lot. Certes, il suivait parfois le mouvement juste pour être « branché et méga cool » mais une fois dans le mois, pas plus. Les boîtes et les soirées beuveries ce n’était pas son truc.

Mais soit, revenons dans le présent. Secouant légèrement la tête, Nathan chassa ses pensées et fixa son attention sur son livre d’espagnol qui était encore dans son sac. D’un geste vif, il le sorti et déposa son sac sur le sol. Il observa quelques instants la couverture dudit livre puis se décida de l’ouvrir.

« Mais je tenais à préciser que je ne suis pas du genre a abandonné » il releva son regard vers Egawa et l’air déterminer « je n’aime pas me retrouver en reste et, étant donné que je vous demande déjà du boulot supplémentaire, il va de soit que je bosse plus afin de ne pas … afin de pouvoir suivre correctement vos cours »

Nathan esquissa un sourire et un air sur de lui, puis ouvrit le livre à la première page, tout en tentant de se remémorer ce qu’il savait.

Jiro hocha doucement la tête à la réponse relativement enthousiaste de Nathan. Si déjà ils partaient du bon pied, les choses devraient bien se passer. De toute façon, contrairement aux cours de rattrapage imposés en fonction des résultats des examens de fin de semestre, les cours de soutien étaient totalement libres. S'ils étaient parfois conseillés à certains élèves en difficulté, la décision leur appartenait et, bien souvent, ils demandaient d'eux-mêmes à en avoir. La donne étant totalement différente, ces cours en devenaient plus agréables et surtout bien plus productifs, d'où leur intérêt.

Le sourire de Jiro se fit amusé au fil des paroles du jeune homme. S'il avait eu ne serait-ce qu'un aperçu de ce que Nathan voyait de l'Espagne, il se serait sans doute récrié devant un cliché aussi réducteur. Mais fort heureusement, il n'avait pas accès à ses pensées et ne pouvait donc réagir qu'à ses dires.

" Je ne suis pas du genre à abandonner non plus et, de plus, je suis assez exigeant. Tu n'a pas à t'inquiéter, je ne demande jamais l'impossible, seulement ce dont chacun est capable. D'ailleurs, au sujet de ta participation en cours, peu importe ton niveau et tes difficultés. Fais toujours du mieux que tu peux, c'est tout ce que j'attends. "

Il marqua une pause avant de reprendre en fixant son élève.

" Ne te considère pas comme un cas désespéré. Ce n'est pas le cas. Tu es très mal tombé sur ton premier professeur, celui qui aurait dû t'inculquer les bases et le désir d'apprendre, et sans ces deux notions, il est normal que tu ne puisses pas suivre. Ce sont ces deux choses que nous allons travailler. "

Comme le lui avait répété maintes fois un de ses professeurs d'université : il n'y avait pas de mauvais élèves, il n'y avait que de mauvais pédagogues. Et cette affirmation se révélait particulièrement exacte dans le cas de Nathan. Quelqu'un qui avait réussi à apprendre deux langues en plus d'être bilingue, était loin de ce qu'il considérait comme un cas désespéré.
Jiro se redressa, tendit le bras pour fermer le livre ouvert par Nathan et le poussa vers un coin de la table. Ils n'auraient pas besoin de ça.

" Vu que je ne t'ai encore jamais entendu en cours, j'aimerais que tu te présentes en espagnol. Pas seulement par ton nom, mais aussi ce que tu aimes, ce que tu n'aimes pas, ta famille, tes amis ... Bien sûr, tu n'as pas à me dire des choses personnelles. Juste ce qui te passe par la tête. L'essentiel est que tu parles le plus possible, avec le plus de mots possible. Et ce n'est pas grave s'il y a des erreurs, c'est juste pour me donner une meilleure idée de ton niveau. "

Le regard fixer sur le livre qu’Egawa-sensei venait de refermer et pousser à l’autre bout de la table, Nathan entre ouvrit la bouche puis la referma et déglutit. Il le savait bien que d’un moment à l’autre il aurait été obligé de parler en espagnol, mais il avait eu une petit lueur d’espoir dans laquelle il pouvait repousser ce-dit moment le plus loin possible. Mais il devait bien se rendre à l’évidence qu’il n’allait pas pouvoir y échapper. Alors, se passant la main dans les cheveux et prenant son courage à deux mains, Nathan releva son regard vers Jiro, le regard quelques instants puis hocha doucement la tête.

« Je m’excuse d’avance pour l’éventuel carnage … »

Il soupira légèrement et abaissa le regard, préférant ne pas croiser celui du professeur de peur de lire à quel point il était désespéré pour notre jeune français en l’entendant parler.

« Je … m’appelle Nathan. Je venir de France … et …euh … j’aime les … le Japon … » Il laissa le reste de sa phrase en suspens, ne sachant pas comment formuler le reste de ce qu’il souhaitait dire. Il manquait crucialement de vocabulaire ainsi que de confiance en soit, en ce qui concernait cette langue. Mais, reprenant son courage et tentant de passer outre son malaise, il reprit la parole –dans un accent qui laissait réellement à désirer- essayant de parler doucement « Je être … suis … euh … je n’ai pas de … frères et de sœur. » se mordillant la lèvre inférieure, Nathan tenta de se détendre, en vain. « J … j’aime ... non, je jouer du … violon il y a 12 ans. » Il haussa les épaules « et j’aime mieux l’Allemande … »

Il lança un coup d’œil au professeur, signifiant qu’il n’avait plus rien à dire – ou plutôt, qu’il ne savait pas quoi dire d’autre ou qu’il ne savait pas comment le formuler – et esquissa un mince sourire, trahissant son malaise.

Le jeune français sembla avoir un moment de panique en réaction à sa demande. Les souvenirs de son ancien professeur devaient être forts pour le stresser autant, et il manquait de toute évidence de confiance en lui pour parler en espagnol. Mais peu importait, Jiro n'était pas là pour le juger ou le saquer, et jamais il ne le virerait de ses cours. Il allait falloir qu'il obtienne une première chose pour pouvoir l'aider à progresser : la confiance de Nathan. S'ils voulaient aboutir à quelque chose, il fallait en passer par ce premier point.

En attendant, le jeune homme s'était lancé et, effectivement, il y avait du boulot. Conjugaison, grammaire et vocabulaire, il lui manquait de tout. Enfin, niveau vocabulaire, il semblait avoir quelques bases, au moins celles d'un débutant. Comme il ne l'entendait jamais en cours, Jiro n'avait pas deviné que c'était à ce point là. Normal qu'avec ce niveau il n'arrive pas à suivre ses cours de troisième année. Il ne devait rien comprendre à ce qu'il disait, pas plus qu'aux documents qu'il leur donnait. Ca expliquait largement ses résultats.

" Depuis combien de temps es-tu arrivé au Japon ? Tu as réussi à te faire des amis au lycée ? Comment se passent les autres matières ? "

Jiro avait parlé lentement, avec des mots simples faisant parti du vocabulaire de base de première année. Il voulait savoir quel était le niveau de compréhension de Nathan. Bien sûr, il n'allait lui imposer de parler à nouveau en espagnol, vu ses difficultés.

" Tu peux répondre en japonais. C'est juste pour voir si tu as compris. "

Juste un petit exercice. Ils passeraient au cours proprement dit après.

Le regard fixé sur son livre, Nathan s’attendait à chaque instant d’être sermonner quant à sa manière très personnelle de parler espagnol. Autant au niveau de son accent –même un dinosaure ou une vache parlerait bien mieux que lui ….- qu’au niveau du vocabulaire. Il savait pertinemment que la conjugaison et lui ça faisait deux. Autant dire que Nathan aurait été la risée de chaque espagnol avec qui il devrait communiquer. Ce fut donc, avec un certain étonnement, qu’il entendit Egawa-sensei prendre la parole. Non pas pour le critiquer mais bel et bien pour lui poser une question et le pousser d’avantage à parler en espagnol. Arquant un sourcil, Nathan esquissa un petit sourire et, sans relever son regard, écouta le professeur. Il tenta d’assimiler du mieux qu’il pouvait ses paroles, traduisant intérieurement les mots. Lorsqu’Egawa déclara que Nathan pouvait aussi très bien répondre en Japonais, il aurait accepté, en tant normal. Mais pas là.

« Non, je ne … pas répondre en Japon … japonais. » Il releva son regard vers son professeur « je arriver il y a 2 … mois ici et être venu directement de Paris. » Affichant une moue de réflexion, il s’arrêta quelques instants, essayant de formuler quelque chose de concret dans sa tête « je beaucoup aime ce pays. J’ai que … quelque amis. Mes préférés matières sont le … sport parce que j’aime le tennis et … » il soupira doucement « globalement ça se passe plutôt bien dans les autres matières. Si ça se passait moitié aussi bien dans votre cours ce serait génial. »

Nathan était repassé au Japonais, langue dans laquelle il était plus à l’aise pour sa dernière phrase. Alors, observant Egawa, il se demanda intérieurement comment il allait réagir et surtout ce qu’ils feront par la suite …

Jiro fut agréablement surpris d'entendre son élève répondre en espagnol. Le jeune homme semblait vraiment décidé à faire des efforts et prenait sur lui pour parler dans cette langue qu'il ne maîtrisait pas du tout. S'il persistait dans cette attitude, il finirait par progresser, c'était certain. En attendant, c'était laborieux, mais Nathan persista jusqu'à ce qu'il ne trouve plus les mots. La conclusion, en japonais, amena un sourire amical sur ses lèvres.

" C'est déjà très bien. Le but premier des langues est de pouvoir communiquer avec les gens. Peu importe qu'on le fasse bien ou mal, qu'on n'ait pas le bon accent, et qu'on cherche ses mots. L'essentiel est de réussir à comprendre et à se faire comprendre de ses interlocuteurs. Tu as compris mes questions et j'ai compris tes réponses. Nous avons donc réussi à communiquer. N'est-ce pas le principal ? "

La question n'en était pas vraiment une. Jiro voulait faire comprendre au jeune homme qu'il ne devait pas se taire sous prétexte qu'il n'avait pas le même niveau que les autres. Lui serait toujours là pour écouter ses réponses. Il ne voulait pas que Nathan en doute.
A présent qu'il avait une bonne idée du niveau de Nathan, Jiro commença la leçon à proprement parler. Pour ce premier cours, il préféra se focaliser sur le vocabulaire de base. Il n'avait rien préparé, de toute façon, puisqu'il ignorait quels seraient les besoins de son élève.
L'enseignant énonça donc différents thèmes, pour lesquels il demanda à Nathan de donner tous les mots qu'il connaissait s'y rapportant. A chaque fois, il lui rajoutait des mots qu'il était essentiel de connaître. A la fin du cours, Nathan se retrouva avec une bonne petite liste de nouveaux mots à retenir. Il y avait se quoi faire peur au jeune homme s'il y ajoutait ses devoirs habituels, aussi Jiro s'empressa d'apporter quelques précisions pour le rassurer.

" A partir de maintenant, ne fait plus les devoirs que je donne en classe. Ca ne sert à rien de faire quelque chose que tu ne comprends pas. Ca ne fera même que t'embrouiller. Je veux que tu te concentres sur ceux que je te donnerais en cours de soutien. Bien sûr, ça ne te dispense pas d'essayer de comprendre et de participer en classe. Mais applique-toi avant tout à bien assimiler les bases. Le reste sera plus facile après. "

Jiro lui adressa un sourire confiant et rassurant. Il y arriverait, c'était certain. Nathan était plutôt bon en langue, il n'y avait donc pas de raison.

" On se verra chaque semaine, même jour, même heure. Je ne dis pas que tu rattraperas le niveau de troisième année grâce à ça, mais tu devrais pouvoir t'en sortir correctement pour les examens et pour communiquer dans cette langue. Tu en as les capacités. "

Finalement, le cours se déroula plutôt bien. Bien mieux que ce que Nathan aurait pu imaginer. Le malaise et le manque de confiance en soit de notre jeune homme, volèrent en éclat et Nathan assimila assez rapidement les mots de vocabulaires que lui donna Egawa. Evidement, il prenait des notes, de manière à pouvoir relire le tout le soir à tête reposé et pouvoir permettre à son cerveau de tout mémoriser.

A la fin du cours, le professeur lui donna encore quelques conseils comment bien pouvoir maitriser cette langue en recommençant par les bases, avant de le rassurer en lui disant que de cette manière, il réussirait les examens et pourra se faire comprendre correctement. Affichant un grand sourire, Nathan hocha vivement la tête.

« J’y comptes bien » sourit-il avant d’observer le professeur, dès fois qu’il voudrait encore ajouter quelque chose.

Mais, alors qu’Egawa restait silencieux, Nathan se dit que le cours était fini. Ainsi, sans perdre son sourire, il referma son cahier et rangea le tout dans son sac avant de se lever. Epaulant son sac, notre jeune homme se dirigea vers la porte avant de se retourner vers le professeur

« Mer … merci beaucoup » dit-il joyeusement [b]« je tâcherais de m’appliquer en cours dès maintenant. Aurevoir ! »

Après un dernier coup d’œil à Egawa-sensei, Nathan ouvrit la porte et parti en direction de sa chambre. Après le boulot, la détente ! Tant que Brian n’était pas rentré, il allait pouvoir jouer un peu de son violon.