Les vacances avaient pris un goût étrange de passion et de secret. Si les semaines se déroulaient sagement avec les cours de rattrapage et les entrainements assidus, les week end, eux, avaient un emploi du temps bien particulier qui trouvaient leur place dans un certain appartement d'Hachioji d'où le jeune homme ne sortait pas avant le dimanche soir, pour retrouver raisonnablement sa chambre de l'internat. C'était la seule solution possible pour que leur relation se déroule sans heurs, du moins durant la période estivale. Comment ils se débrouilleraient quand les cours battraient à nouveau leur plein... Le kendoka supposait qu'il n'y aurait pas tellement de différence en fait, même si quelque part, il supposait qu'ils ne pourraient pas passer l'éternité enfermés dans l'appartement de Jiro à tout découvrir l'un de l'autre. Mais durant l'intervalle, le débutant était plus qu'heureux d'apprendre et de s’enivrer au contact de son amant, oubliant tout du monde extérieur autour d'eux.

Néanmoins, le monde réel devait bien se rappeler à son bon souvenir quand il avait la main sur la poignet de la porte de sa chambre après avoir traversé la cours quasi vide du lycée. Les mauvais élèves restants s'étaient regroupés en petits clans pour étudier et s'amuser ensemble, renforçant l'illusion de vide : difficile de trouver les gens si on ne savait pas où chercher. Mais des autres, à cet instant, il n'en avait cure, plus soucieux de ce qui se passerait pour la fin des vacances, avant le retour pour la dernière semaine pour l'entrainement intensif des clubs : comment justifier à sa mère des allez-retour à Hachioji ? Pour voir ses amis du lycée ? Oui, il supposait que l'idée passerait sans difficulté. S'il ne posait pas de soucis, elle ne ferait de toute façon pas attention à ce qu'il faisait de ses journées. Pour une rare fois depuis longtemps, le jeune homme était égoïstement heureux des longues journées harassantes de travail de sa mère.

" B'soir, ça va ? "

S'il était bien une personne qu'il n'était pas dur de trouver, c'était l'américain, comme toujours penché sur son bureau pour dessiner ses histoires. Eiji ne résista pas à l'envie de lui lancer un sourire rayonnant – il avait toujours d'énormes difficultés à supprimer de son visage le magnifique sourire qu'il arborait en revenant les week-end et n'essayait même pas. L'impression étrange que le reste du monde devait partager son bonheur le travailler au fond de son esprit sans qu'il arrive à l'exprimer réellement. Il devait déjà cacher tant de choses, alors pourquoi plus ?

Le jeune homme laissa tomber son sac à dos au pied de son lit avant d'ouvrir la fenêtre en grand, faisant ouvrir l'air frais du début de nuit, et s'assit sur le rebord, son grand sourire idiot toujours figé sur le visage. Son regard se posa sur Hugh. Sa lèvre blessée avait fini par désenfler, ne laissant qu'une marque rouge là où il se l'était abimée. Eiji ne savait toujours pas comment d'ailleurs, acceptant sans autres questions de le couvrir devant Kantaro. En un autre moment , il en aurait été plus curieux, mais honnêtement...

" La nuit est belle, non ? "

Hé oui, être amoureux à 20 ans avait une certaine tendance à rendre con.

Des petites barrettes retenant ses cheveux en arrière, le blond était penché sur son bureau, concentré sur l'encrage d'une page de son manga. La période de révision touchait à sa fin, et la date de limite de rendu pour le concours de la rentrée du magazine Ribon également. Les 3 dernières semaines avaient été assez particulières. Agacé de ses résultats, miné par le retour de Brian et leur étrange rencontre au début de l'été, le jeune homme avait eut pour réaction de se plonger corps et ame dans sa passion, se décidant finalement à participer à un concours de one shot dont le prix était l'accès à une série dans ledit magazine. Et comme s'il n'avait pas assez mentit à Kantaro, il lui avait laissé croire qu'il passait ses week end à étudier pour rattraper son retard, alors qu'il passait au final plus de temps sur son manga que sur ses révisions.

Etait-ce une décision réaliste ? Esperait il vraiment gagner une place ? Il ne pensait plus trop à tout ça, toutes ses pensées concentrées sur des questions plus technique de narration et de choix graphique. Il verrait bien après. Tout ce qu'il savait, c'est qu'en faisant ça, il se sentait bien plus à sa place que pour toute autre chose. Et ça lui évitait de penser aux vacances qui viendraient après. Il aprehendait de retourner aux états-unis et de revoir sa mère, même pour le peu de temps prévu. Il aprehendait aussi de se retrouver seul avec Kantaro, étrangement.

Il venait tout juste de retremper sa plume dans l'encre que son actuel unique colocataire rentra en un coup de vent, le bonheur bea émanant de toutes les pores de sa peau. Hugh repondit du bout des lèvres à sa salutation, concentré sur le trait qu'il était en train de tracer, et ce n'est qu'une fois l'encre terminée qu'il releva la tête, essuyant precautionneusement l'encre avec son chiffon.

"Soit t'arrête la drogue soit tu partage, parce que la ça atteint des sommets quand même."

Déclara t'il d'un ton plat, le petit sourire en coin qu'il arborait attenuant l'aspect potentiellement agressif de ses propos.

Avec un air de chouette hallucinée devant la réplique acerbe du blondinet, Eiji cligna plusieurs dois des yeux, réticent à sortir de sa bienheureuse béatitude pour se frotter au commun des mortels qui ne semblait pas avoir la même chance que lui. Incertain de la manière dont il devait prendre la réplique, le jeune homme se passa la main dans les cheveux et se releva pour s'approcher du bureau du mangaka, un peu hésitant.
La feuille sur laquelle était plongée le résident dessinateur était couverte de jeunes hommes musclés et peu vétus, plongés semblent-ils dans le sport, idée qu'il ne s'empressa pas de vérifier de manière plus approfondie. Depuis longtemps il savait que les dessins de Hugh risquaient d'être dangereux pour sa santé mentale. Même maintenant – surtout maintenant – il était encore gêné à l'idée de ce qu'il pourrait entre-apercevoir sur ces feuilles blanches.

Le kendoka préféra détourner son regard de la feuille pour s'intéresser à une des petites mains fines tachée de myriade de taches d'encre, comme toujours. Taches qu'il retrouverait sur le bureau s'il faisait attention, ou sur l'uniforme du pensionnaire qu'il était incapable de garder immaculé. Eiji avait appris à ne jamais laisser trainer ses affaires de sport – du moins tout ce qui n'était pas vieux shorts et t-shirts d'entrainement – à portée des mains de l'américain.

" Tu as un soucis ? "

Et oui. Il était déjà établi que l'amour avait tendance à rendre stupide, et Eiji n'était pas connu pour la rapidité de ses déductions en premier lieu. Que son propre comportement puisse géner Hugh alors qu'il ne l’embêtait plus lui passait largement au dessus de la tête. Il était heureux – il était sorti d'un marasme d'angoisses de plusieurs mois, touchait du doigt une relation qui le faisait se sentir vivant – comment revenir au contact de la réalité dans ces conditions ? Le fait de savoir que quand les vacances termineraient les choses ne seraient plus aussi simple ne suffisait pas à le faire revenir complètement les pieds sur terre.

Le jeune homme finit par agripper sa propre chaise de bureau qu'il rapprocha du bureau de Hugh, la retournant pour s'assoir face au dossier et y croiser les bras avec un petit soupir d'aise. Il était fatigué, de cette fatigue agréable qui suit un bon entrainement ou... quelque chose qui pouvait s'en rapprocher. Si son endurance ne lui faisait pas défaut, la fin de ces week end le voyait toujours revenir aussi calme qu'après une bonne course.

" Ca sera bientôt fini les cours... tu vas pouvoir voir Kantaro." offrit maladroitement le jeune homme.
L'équation s'était faite dans sa tête et la réponse était sortie naturellement même s'il en avait été un peu géné. Difficile de penser aux deux garçons comme un couple sans imaginer ce qu'il les avaient aperçus en train de faire... ou de penser à ce qu'il avait fait avec Jiro quelques heures plus tôt. Aucun des deux chemins de réflexion n'étant vraiment très heureux alors qu'il tentait juste de converser simplement avec le blond, si bien qu'il se força à fixer attentivement le visage de l'autre, essayant de s'éloigner de son euphorie précédente.

Tout en surveillant les mouvements de son colocataire du coin de l'oeil, le blond s'était repenché sur son travailn obnubilé par la dead line et la necessité de finir à temps et surtout le plus correctement possible. La question survola son esprit sans réellement l'atteindre, et lorsqu'il la compris et haussa vaguement les épaules, Eiji était en train de s'asseoir à coté de lui de manière décontracté, sa chaise mise à l'envers. Cette position apporta un vague réconfort à Hugh. L'époque ou ils étaient à couteau tiré était bien loin, mais il y peu encore, une certaine gêne perdurait. Maintenant, une véritable intimité était née et même si Eiji ne se balladait pas torse nu dans la chambre - ou pas plus longtemps que necessaire - il se comportait avec decontraction, même lorsqu'il se retrouvait seul avec lui.

La phrase lancée avec maladresse manqua de lui faire rater son trait, et ses doigts se crispèrent sur la plume, terminant le trait de manière un peu forcée. Le visage inexpressif, concentré sur son travail, se mua en un sourire tordu qui ne refletait pas l'insouciance qu'il aurait voulu lui faire exprimer.

"Je retourne aux states pour la fin des vacances. Je ne le verrais qu'à la rentrée."

Ces mots prononcés, il réalisé que ses propos n'étaient pas clairs et pouvaient porter à confusion. La situation laissait croire que c'était cet éloignement forcé qui le rendait morose. Mais qu'en était il en vérité ? L'idée de s'exiler chez sa mère ne le motivait qu'à moitié. Elle avait insisté pour qu'il vienne, mais n'avait pas posé de jours de vacances. Elle lui avait assuré "qu'elle ferait tout pour être disponible". Il savait déjà comment ça se terminerait : Il aurait le temps de faire tout le catalogue des pizza de Dominos pizza avant la fin des vacances. Il commençait déjà à prévoir la liste de choses qui leur ferait dessiner dans la boite.

Quand à ce qui était de Kantaro... Il ne parvenait pas à clarifier ses pensées et quelques part, l'idée de s'exiler aux states était une excellente excuse pour rester seul quelques temps et réfléchir.

"Et toi, ton mec ? Tu vas continuer à passer tous les week end chez lui durant tous le reste de l'année scolaire ?"

De cet amant fantomatique, il ne savait rien, sinon qu'Eiji ne semblait pas pressé de leur apprendre son identité, et que depuis que le kendoka le fréquentait, son humeur avait changé du tout au tout, faisant apparaitre un sourire bea parfaitement agaçant sur ses lèvres. Tout pour attiser sa curiosité en somme.

La réponse de Hugh, aussi surprenant qu'elle soit – il ne comptait pas du tout voir Kanta des vacances, après les quelques minutes où le président passait au lycée pour ses réunions ? - passa au second plan quand le blond enchaina directement sur lui, précisément sur le sujet qui le dérangeait autant qu'il le tentait à coeur. Le visage écarlate, Eiji ne put que se retenir de ne pas enfouir son visage dans ses bras comme un gamin de quatre ans surpris la main dans le paquet de biscuits, essayant de garder des bribes d'une dignité qui semblait avoir pris des vacances au dépend du petit sourire en coin qu'affichait maintenant son colocataire.

" Comment tu... ça se voit tant que ça ? "

Le kendoka apposa une main fraiche sur ses yeux brulants, devinant sans aucun doute ses joues couleurs framboises. Comment ? A part le fait qu'il découchait tous les week end depuis le début des vacances avec la régularité d'un métronome ? Apparemment, il devait laisser aussi une partie de sa cervelle tous les week end chez Jiro s'il n'arrivait pas à mettre en relation deux faits aussi évidents.
Avec un petit soupir, le jeune homme finit par se détendre, le regard ailleurs, alors que la question tournait en boucle dans sa tête. Est-ce que ça se passerait ainsi toute l'année scolaire ? Il y avait de forte chance oui, que leurs rencontres continuent de la même façon, discrètement cachées dans l'appartement de Jiro, à l'abri de tous les regards et loin du lycée, du moins jusqu'à ce qu'il ne soit plus au lycée.
S'il n'y pensait guère dans ses moments avec son amant, difficile de ne pas se poser la question quand il se retrouvait à l'internat. L'année à venir lui paraissait en même temps un simple passage à tenir et horriblement longue. Et ce n'était que le début...

Les épaules d'Eiji s'affaissèrent un peu alors que le jeune homme cherchait une réponse à offrir à son camarade – réponse qui de toute façon se verrait confirmée ou infirmée en fonction de son comportement : Hugh n'aurait pas à chercher bien loin pour savoir ce qui se passait.

" Je sais pas... je suppose ? "

Un petit sourire joueur naquit sur les lèvres d'Eiji, ramenant à la surface un côté taquin qu'il n'aurait jamais cru pouvoir utiliser dans les circonstances. Ces derniers mois, l'idée de prendre les choses à la légère n'aurait même pas été pensable. Voir à quel point la colère avait - presque – disparue de son esprit en parlant de ses préférences ne lassait pas de le choquer. Il ne se sentait pas encore totalement à son aise – pas assez pour en discuter avec quelqu'un d'autre que Hugh, derrière une porte fermée – mais les choses avaient pris leur place, une normalité inquiétante. Il espérait juste que le prochain pas ne serait pas de jouer les folles devant les autres.

" Il y a moins de risques de se faire surprendre qu'ici. "

Face à lui, Eiji afficha une nuance de pourpre tout à fait inédite, avant de se cacher les yeux de la main, completement gêné et parfaitement adorable. La question manqua de faire éclater de rire Hugh, qui se contint à grand peine, mordillant instinctivement sa lèvre avant de se souvenir de la blessure qu'il s'était infligé quelques temps auparavant et ne se retienne de peur de rouvrir la petite mais o combien ennuyeuse plaie. Qu'il avait forcé Eiji à couvrir d'ailleurs.

"L'odeur du sexe. Ca se sent."

Cerain d'avoir mortifié Eiji jusqu'a la fin des temps, Hugh pouvait se laisser aller à l'amusement de la situation sans trop penser à ses problèmes personnels. Il se repencha sur sa planche, laissant Eiji digérer sa réponse et reprendre le fil de la conversation. Il avait depuis longtemps compris qu'avec Eiji, comme avec un animal sauvage, il fallait laisser le temps au temps et se montrer patient. Comme pour confirmer sa pensée, Eiji repris lentement, un peu gêné.

Hugh tourna la tête vers Eiji, s'amusant de l'expression peut courrante qui s'affichait sur ses traits, avant de tiquer à la réponse particulière.

"Surprendre ?"

Il fronça légèrement les sourcils, surpris par le ton leger qu'employait Eiji à ce propos. Il avait quelques idées quand à la raison pour laquelle eiji ne voulait pas être surpris, mais... Il aimait quand les choses étaient claires. Posant sa planche de coté pour qu'elle sèche et se saisissant de la suivante, sur laquelle il s'attela à tracer les bords de case, il reprit :

"Est-ce que tu cherche à cacher tes penchants - ce que je ne te reprocherais pas, chacun son choix de vie, et il n'y en pas un de mieux qu'un autre - ou est-ce que cette relation a autre chose d'amoral ?"

Il évitait le regard d'Eiji, non pas par gêne, mais pour éviter de le mettre mal à l'aise lui, et favoriser la confession.

Le visage d'Eiji passa par plusieurs couleurs, d'un blanc de mochi à un rouge écarlate du plus bel effet, le temps que le jeune homme assimile la phrase avec un soupçon d'horreur, balbutiant en cherchant avec quelques mots se jutifier, dire qu'il avait pris une douche... avant de capter, au regard hilare de Hugh, que son petit commentaire était bel et bien un blague, aussi gênant qu'il soit.
Reprendre une conversation normale n'était pas des plus évidents, mais le jeune homme réussit tout de même – si tant est qu'il puisse parler de normalité pour tout ce qui concernait une discussion avec Hugh. L'américain adorait le poussait dans ses retranchements comme le prouvait sa dernière niche.

Le kendoka débattait encore mentalement sur le fait d'être gêné ou non – est-ce que par hasard quelqu'un d'autre que Hugh aurait pu deviner où il avait passé son week-end, et à quoi faire ? - quand vint une question qui le ramena immédiatement à une réflexion plus intéressante. Le terme utilisé par Hugh – amoral rien que ça ? - lui fit grincer des dents, et manqua de peu de le faire se jeter, toutes griffes dehors, sur un dessinateur qui ne soupçonnait rien, avant qu'il ne se calme, cherchant un autre moyen de sortir de l'impasse.

" Et toi, pourquoi tu m'as demandé de te couvrir quand tu t'es fendu la lèvre ? "

Après coup seulement, Eiji réalisa comment pouvait sonner la question. Secret pour secret, le jeune homme admettait, même si c'était de manière très détournée, qu'il y avait bien quelque chose qu'il souhaitait dissimulé et qui ne s’arrêtait pas à une simple volonté de garder sa vie privée. Le kendoka fronça les sourcils en baissant les yeux sur les dessins de l'autre, laissant un silence un peu pesant s'installer dans la chambre. S'il galérait maintenant à garder le secret avec Hugh, comment ferait-il à l'avenir ? Il n'avait pas oublié le regard insistant et les menaces de sa petite peste de Konata qui semblait bien déterminée à tout apprendre de la vie privée de son ex.
Il y avait tant à perdre dans ses révélations...

Son regard accrocha sur une silhouette à la crinière un peu trop marquée. Curieux, le jeune homme s'avança un peu plus pour étudier le dessin, trouvant des ressemblances un peu trop marquées pour être un simple fruit du hasard. Il n'avait jamais tellement regardé de près les dessins de Hugh, soit parce que l'autre garçon était discret à ce propos, soit par crainte d'y trouver des traces des préférences tant vantées de l'américain, si bien que voir les planches réelles étaient une véritable suprise.

" On dirait le prof de maths..." murmura-t-il, heureux de trouver une distraction à la tournure particulière que prenait la conversation.

Hugh s'était preparé à plusieurs réponses. Certainement allait il défendre avec plus ou moins de volonté sa relation, peut-être allait il se défouler sur lui d'afficher ainsi ses préférences alors que lui les cachait avec attention, ou encore peut-être allait il lui apprendre qu'il sortait avec une personne incongrue, comme quelqu'un du double de son age. Possibilité qu'il esperait ne pas avoir à affronter. Aussi, la question soudainement lancé, dans une magnifique démonstration de la maxime "la meilleure défense c'est l'attaque", le laissa un instant sans voix, le regard fixé sur son travail tandis que la raison de cette lèvre blessée lui revenait par flash back horriblement précis.

Il regretta de ne pas avoir les cheveux plus longs. Ils auraient peut-être cachés ses joues qui s'empourpraient sur le coup de cet étrange souvenir. Silencieux, humectant la lèvre fautive, le blond continuait à encrer en silence, cherchant un reconfort dans cette activité bien connue. Le murmura d'Eiji lui arracha un petit frisson qui lui courru le long de la colonne vertebrale, ainsi qu'un leger soulagement. Eiji ne cherchait pas à l'acculer. Il cherchait juste à se protéger d'un secret qui semblait lui peser bien lourd.

Néanmoins, ce soulagement disparu très vite lorsqu'il réalisa la teneur de la question. Se servir des personnes de son entourage comme inspiration pour ses personnages, c'était une chose. L'admettre et l'expliciter en était une autre. Encore heureux qu'il n'en était pas aux pages ou le personnage inspiré par Eiji se trouvait en action. Les joues rouges, le jeune homme perdit un peu de sa verve légendaire.

"Non, euh oui, ce... c'est lui. Enfin, indirectement. "

Ses joues lui chauffaient et il n'était pas sur de vouloir voir l'expression d'Eiji. Pourquoi cette question innocente le mettait il dans un tel état ? Certainement était ce la la démonstration que certaines choses nous sont précieuses et des points sensibles sans que l'on en ait vraiment conscience.

"Enfin, je me sert juste des gens que je vois pour poser un personnage, quand j'ai commencé à écrire ce scenario j'ai surtout observé les gens autour de moi et euh..."

Il inspira longuement, renonçant à cacher sa gêne et s'éventa de la main pour se refroidir les joues. Soudainement, sans qu'il fut possible de prévoir une telle réponse, il déclara :

"Je te raconte pour ma lèvre, et tu me dis qui est ton mec."

Il tourna la tête vers Eiji, un air de comploteur sur le visage.

"Et ça a interêt d'être une histoire SUPER croustillante parce que la mienne l'est au moins deux fois plus."

Estimait il que ses secrets vallaient si peu qu'ils pouvaient être marchandés pour satisfaire sa curiosité ? Loin de la. Il cherchait plutôt une manière de se confier sans en avoir l'air, parce que cette histoire lui pesait sur le coeur et que sa simple évocation le mettait dans tous ses états.

Inquisiteur, Eiji observa à nouveau les pages, la question suspendue sur les lèvres sans qu'il ose la formuler. Se trouvait-il lui aussi posé quelques parts sur les feuilles de papier ? Sans être un grand amateur de dessins ou de manga, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une once de curiosité à l'idée d'un personnage inspiré par lui, même seulement par son physique.
Heureusement pour Hugh – même si ce n'était probablement qu'un peu de temps gagné avant que la conversation ne revienne sur le tapis – le changement de sujet chassa complètement de l'esprit d'Eiji tout interrogation envers les personnages en traits noirs qui hantaient les pages de BD de Hugh.
Comme le blond, les joues du kendoka avaient reprises une teinte vermillon qu'il ne chercha pas à dissimuler alors qu'il se rasseyait un peu plus en arrière sur son bureau.

Secret pour secret, hum ?
C'était tentant.
Pas seulement parce qu'il était curieux de ce que l'autre avait à dire, mais bien parce que comme l'autre adolescent, le secret était pesant. Une fois revenu dans sa chambre, loin des bras de Jiro, le silence était lourd et difficile à garder, le dévorant cruellement de l'intérieur. Et sans même parler de ça... Eiji était habituellement un garçon qui aimait partager. Ronger son frein en silence ne lui ressemblait pas et le frustrait. Sur ce point là, il semblait bien avoir quelques points communs avec le fragile américain qui le fixait d'un regard fébrile, lui donnant l'impression certaine que l'autre garçon avait hâte de tout pouvoir raconter.

Avec un soupir amusé, Eiji posa un avant bras sur le dossier de sa chaise et y laissa tomber sa joue, observant le blond pour une rare fois par en dessous.
Après quelques minutes de silence, le sportif grogna une vague approbation, ou quelque chose qui y ressemblait de près.

" Ok... pas la peine de te dire de tenir ta langue je suppose, on sera à la même enseigne. "

Même si, jamais dans l'esprit d'Eiji ne servait venue l'idée de faire chanter Hugh ou qui ce soit d'autre. Un secret était un secret, et de toute façon ses manières étaient bien trop directes pour s’embarrasser de l'utilisation de détails plus ou moins sordide sur la vie privée des autres.

Soudain plus motivé, le jeune homme se redressa avec une énergie qui lui avait manquée depuis son entrée dans l'atmosphère tranquille que recélait la chambre en cette période de vacances.

" Alors, où est-ce que tu as fait trainer tes lèvres ? "

S'il s'y était arrété deux minutes, Eiji aurait réalisé à quel point sa question aurait pu être sortie d'une discussion d'un groupe de filles, du genre qu'affectionnait Konata quand il s'agissait de savoir si les derniers ragots croustillants étaient vrais ou non, comme de savoir lequel, de la frère ou de la soeur Togawa, était le plus féminin.
Il était d'ailleurs plus heureux qu'il ne s'arrête pas à ce genre de pensée, sinon le jeune homme n'aurait pas perdu une minute à s'angoisser de savoir si oui ou non sa sexualité affectait son comportement et son mode de pensée pour le rendre plus féminin, avant de tout mettre sur le dos de Hugh. L'un dans l'autre, mieux valait qu'il ne réfléchisse pas trop et s'intéresse juste au contenu de la conversation.

Silencieux et le dos raide, Hugh observa attentivement le jeune homme dont il avait, pour une rare fois, une vue de dessus. Comme si Eiji utilisait cette position pour affirmer son abandon momentané de son rôle de mâle alpha et ne pas sembler trop agressif face à celui qui s’apprêtait à lui confier ce qui, de toute évidence, serait un secret suffisamment intime pour devoir être énoncé dans le calme et la confiance mutuelle.

Hugh haussa les épaules face à la déclaration évidente du brun. Nul besoin de la préciser, mais il se doutait bien que, quelque part, ce genre de parole était plus pour meubler et prendre le temps appréhender l'échange de confession que pour réellement mettre quoi que ce soit au point. La ravivement d'Eiji, qui sembla gagner un regain d’énergie à l'approche de l'échange, le fit sourire.

"Pourquoi c'est à moi de commencer ?"

Néanmoins, son petit sourire de vaincu résigné laissait bien transparaitre son était d'esprit en cet instant. Il inspira lentement, cherchant quels mots poser sur des sentiments bien trop mouvants à son gout.

"...Mon ex."

Il leva la main, ôtant les barrettes qui maintenaient en place ses cheveux, pour pouvoir y passer la main, cherchant à se donner une contenance.

"Ça n'a pas de sens si je ne te raconte pas les choses depuis le début."

Il détourna le visage, peu désireux de soutenir le regard d'eiji en cet instant, tandis qu'un doute subit lui traversait l'esprit. Était il bien prudent de faire ce genre de confession ? Mais, s'il y avait bien un mot dont eiji connaissait la définition, c'était l'honneur. Il pouvait lui faire confiance.

"Quand j'étais aux states...Nous étions ensemble, et puis il y a eut..." Sa main passa sur sa poitrine, touchant à travers le tissus le relief de la cicatrice "Il n'est pas venu à l’hôpital, il n'est plus jamais revenu en réalité. Et il semblerait que de son coté, lui aussi ait été abandonné par moi, parce qu'en fait, tout ça était organisé par ma mère qui cherchait à nous séparer..."

Il sentait une boule dans sa gorge, et son esprit peinait soudainement à aligner les mots en japonais, tandis qu'il résistait à l'envie de passer à l'anglais pour exprimer ce qu'il ressentait alors.

"Je pensais que c'était du passé. Et je l'ai revu dans cette école !"

Sa voix se cassa un peu, tandis qu'il partait dans un rire nerveux, ses épaules tremblant légèrement, tandis qu'il sentait la paume de sa main devenir humide alors qu'il gardait ses yeux cachés d'une main. Eiji demeurant silencieux, certainement parce qu'il ne savait pas quoi répondre à ce genre de révélation et qu'inconsciemment, il savait que c'était ce qu'il y avait à faire dans ce genre de cas : Attendre et laisser l'autre parler.

"Sans ma mère... L’opération... Nous n'aurions pas rompu. Alors, je ... J'ai douté..."

Il se tue soudainement, comme pris dans ses pensés, incapable de raconter son histoire jusqu'au bout.

Silencieux, Eiji écouta Hugh commencer son histoire. Quelques mots qui devinrent bien vite un torrent d'explications plus ou moins désespérées et hâtives, comme si le jeune homme craignait de se faire interrompre et de ne plus avoir ensuite le courage de poursuivre. A plusieurs reprises, le kendoka manqua de parler pour au final préférer garder le silence jusqu'à ce qu'enfin la confession se tarisse. Parce que c'était bien ce dont il s'agissait, non ? Une confession, un lourd secret qui pesait sur le blond sans qu'il trouve à qui le confier. Celui qu'Eiji supposait être le plus proche de lui, à savoir Kantaro, n'aurait pu entendre pareils mots, non ?
Le jeune homme ne savait quoi penser de ce qu'il entendait. Une partie de lui – la plus grosse partie – n'imaginait même pas la possibilité d' avoir des sentiments pour deux personnes et encore moins l'hypothèse de tromper quelqu'un. C'était tout bonnement inimaginable, une trahison ignoble.
Et à côté de ça, il voyait Hugh, penaud et meurtri, plus fragile qu'il ne le connaissait. Il s'était habité à cet américain grande gueule qui adorait flatter sa sexualité sous son nez, qui l'avait secoué quand il en avait eu besoin, et au final, l'avait aidé à s'accepter. Quelqu'un d'assez brute et de plutôt fatiguant pour un japonais habitué à plus de discrétion.

Le voir comme ça était physiquement douloureux. Au delà de la situation qu'il avait du mal à appréhender – le passé restait le passé, non ? - le jeune homme n'aimait guère voir son ami souffrir. Le temps s'étira encore un moment – une seconde, une minute ? - sans qu'aucun des deux jeunes gens n'osent reprendre la parole. Hésitant, Eiji se leva de sa chaise, grande ombre encombrante dans l'étroite chambre, pour réduire la distance entre eux deux, avant d'abattre sa main sur son épaule, ramenant le jeune homme au corps plus fragile contre lui, lui offrant une brève accolade qui se voulait rassurante. Combien de fois avait-il pris ses petits kohais malheureux, ses plus jeunes, contre lui pour les rassurer ? Un nombre incalculable. Pour ses meilleurs amis par contre, il ne souvenait pas avoir franchi la porte du contact physique si spontanément.

" C'est compliqué...Et lui... enfin, ça va aller ? "

Eiji n'était pas très sur d'avoir envie de savoir si Hugh avait une idée du sens qu'il voulait donné à cette rencontre – à moins qu'il ne s'agisse d'une relation ? Même si ses relations avec Kantaro restaient tendues ses derniers temps, se retrouver ainsi le confident de l'autre garçon ne serait pas aisé.

Les dents serrées, cherchant vainement à empêcher ses larmes de couler entre ses doigts, Hugh frémit lorsqu'il sentir Eiji se relever. Pour quitter la chambre avec perte et fracas, choqué par ce qu'il venait d'entendre ? Lorsqu'il sentit la main d'Eiji toucher son épaule et l'appuyer contre lui, il se raidit un bref instant avant de se laisser aller, posant le front contre la poitrine d'Eiji, soulagé quelque part qu'il n'ait plus de vue sur son visage.

La question fit tressauter ses épaules dans un petit rire grinçant. Il frotta son front contre le tee shirt d'Eiji, cherchant ses mots.

"Ah, ne me parle pas de Kantaro..."

Ce simple non le faisait frémir désormais. Il ne savait plus quoi faire, il ne parvenait ni à dépêtrer ses sentiments, obsédé par Brian, ni à vouloir cesser les choses avec Kantaro. Alors, il essayait de ne penser ni à l'un ni a l'autre. Les vacances et l'éloignement, de ce point de vue la, étaient un soulagement. Mais chaque jour qui passe le rapprochait de la rentrée et de la vie ensemble...

"Il est gentil, honnête. S'il savait, il ne me pardonnerait pas je crois. Et moi, je... Je ne sais pas ce que je ressent, je ne sais pas. Et si..."

Sa voix baissa d'un ton, alors qu'il murmurait d'une voix pitoyable. Un autre lui même au fond de lui l'aurait volontiers bâillonné pour l'empêcher de continuer à parler, mais les mots coulaient tout seuls hors de sa bouche, comme trop longtemps contenus.

"Si j'ai accepté de sortir avec lui, c'était pour ne pas le perdre comme ami. Quelle raison ridicule..."

Il repoussa Eiji avec faiblesse, appuyant de ses deux mains sur sa poitrine pour s'écarter de lui, le visage baissé au possible, les yeux fermés pour ne rien voir.

"Excuse moi... Tu n'avais pas forcement envie de savoir tout ça, et j'abuse, je... Je me sert de toi pour vider mon sac sans tenir compte de ce que toi tu ressent, pardon."

Comment en était il arrivé à dépérir ainsi soudainement devant Eiji ? Il pensait tenir la situation en main, il pensait se débrouiller très bien tout seul, savoir composer avec ses soucis. Ils devaient simplement s'échanger des secrets, rire un peu comme deux ado face à leurs situations croustillantes respectives, et lui, face à Eiji qui enfin trouvait son équilibre et était heureux, ne trouvait rien de mieux à faire que de lui balancer toutes ses angoisses à la figure sans reprendre son souffle. Comme si jusque la il avait marché sur le rebord d'une falaise et que cette petite poussée amicale l'avait fait chuter.

Gentiment, Eiji ébouriffa les cheveux de hugh avec la même douceur qu'il l'aurait fait pour un kohai malheureux, s'inquiétant plus de l'état de son ami que d'une situation qui le dépassait entièrement. Les motivations de Hugh, la situation dans laquelle il s'était empêtré et ne semblait vouloir se défaire au prix de perdre Kantaro...Réellement, le jeune homme trop franc – voir trop frontal – ne pouvait la comprendre. Ses doutes et ses attentes étaient différentes de celles de l'américain. Restait une certaine inquiétude, une certaine pensée un peu misérable devant ce foutoir : était-ce vrai pour chaque relation ce genre de doute ? De se demander si l'autre aimait vraiment autant que soi ou si c'était juste une illusion ?
Le kendoka choisit de ne pas poursuivre sa réflexion sur cette voie, tout en se doutant qu'elle ne le laisserait pas totalement en paix. Mais en cet instant, ce n'était pas lui qui allait mal.

Le sportif offrit un sourire amusé, bien qu'un peu triste, au blondinet quand celui-ci le repoussa, le visage un peu hagard. Sa main resta sur la tête blonde un instant, avant d'appuyer dessus et de disparaître pour retourner se planquer dans la poche de son jean, comme sa jumelle, dans l'illusion de se donner de la contenance et de la stabilité. Depuis longtemps, au kendo ou en athlé, Eiji avait compris que la meilleure façon de rassurer les autres étaient qu'en premier lieu, il fallait déjà donner l'impression d'être parfaitement sur de soi. Difficile avec Hugh qui l'avait déjà vu des pires manières.

" T'as suffisamment été là pour m'aider, enfin me secouer et te moquer de moi quand j'étais paumé pour que je puisse t'écouter quand tu en as besoin tu sais. Même si j'ai pas vraiment d'avis à donner sur une situation qui me dépasse. "

Le jeune homme sortit ses mains de ses poches et croisa ses bras, prenant un instant un air trop pensif pour être honnête. Ses doigts tambourinèrent un instant sur un biceps parfaitement délimité , expression physique d'une pensée incongrue qui traversait son esprit en ce moment. Comment avait fait Hugh ? Ah, oui.

" Au moins... le sexe est bien ? "

Le même genre de blagues que lui. Si Eiji n'était pas écarlate, il n'était pas loin de l'être malgré le sourire en coin bien trop assuré. Il espérait au moins que sa tentative ne serait pas trop mal reçue, même si en l’occurrence, le point soulevé était peut-être encore trop sensible.

Le visage penché, Hugh sentait les larmes qui s'accumulaient dans ses yeux et menaçaient de couler, malgré ses dents et sa gorge serrée. Il avait joint les mains entre ses genoux serrés. et ses épaules tremblaient légèrement par intermittence. Les paroles d'Eiji, simples et chaleureuses, le réconfortèrent légèrement. Elles semblaient sincères. Eiji était toujours sincère. Comme le prouvait l’aveu de son total désarmement face à la situation complexe que lui avait avoué le blond. Le jeune homme releva légèrement la tête, essuyant ses yeux du revers de la main. La question saugrenue le prit de cours, et il afficha un visage surpris, limite choqué, avant de se mettre à hoqueter d'un rire un peu nerveux, qui devint vite un fou rire incontrôlable, le jeune homme prenant à bras le corps le premier échappatoire venu.

S'essuyant les yeux, il finit par répondre :

"C'est un bon élève. Un peu trop scolaire peut-être, mais bon élève."

Hugh releva la tête vers Eiji, dont les joues rouges trahissaient la gêne malgré la posture assurée et décontractée. L'effort que faisait son ami pour le détendre le toucha. L'amitié, c'était peut-être mieux que l'amour. Et la au moins, il parvenait à rester lui même et à ne pas s'emmêler dans des histoires sans fin. Il se leva, ressentant un irrépressible besoin d'air frais.

"Ne pense pas que tu y a échappé, tu me raconteras tout... Mais plus tard."

Il se passa la main dans les cheveux, se recomposant un masque de nonchalance feinte. Ce barrage qui avait cédé lui avait laissé un drôle de gout dans le font de la gorge, et une étrange sensation de faiblesse. Il avait besoin d'être seul de nouveau.

"Je vais prendre un peu l'air, ça faisait trop longtemps que j'étais la dessus de toutes façons."

S'approchant d'Eiji, il l'embrassa à l’américaine, le prenant dans ses bras et le serrant un court instant fort contre lui.

"Merci. "

Sans laisser au brun le temps de réagir, il était sortit, la porte claquant légèrement après son passage.