(Tu dois écouter impérativement ca en meme temps =)
https://www.youtube.com/watch?v=t1-Y6HqHqy8&feature=related)

On ne sait pas toujours pourquoi on atterrit a tel ou tel endroit. Des fois, on se laisse juste guider par ses gambettes, et on perd le fil de toute orientation. Des fois, la boussole déréglée qu'est notre cerveau nous amene dans un lieu completement étriqué et pas du tout ce a quoi on s'attendait. Sharwyn ne savait pas ou elle allait, en ce moment. Mais elle savait ce qu'elle trouverait lorsque ses jambes stopperaient leur marche. Elle trouverait l'essence même de la délivrance de son âme. Elle trouverait un objet, relique suprême, qui laissait son coeur parler pour elle. Elle trouverait la liberté qu'on lui avait volée, et qu'elle acquérirait de nouveau, par la force de ses fins doigts habiles. Le pendentif de Nat' rebondissait contre sa gorge nue, brillant de mille feux. Son pas était soutenu, rapide. Ses talons hauts claquaient sur le dallage du second palier.

Elle s'arrête enfin. Hésite a ouvrir la porte devant laquelle elle est postée. Sa main tremble sur la poignée. Et s'il avait disparu ? Si sa relique avait été retirée de ce lieu puritain ? Et si tout n'avait été que rêve incertain ? Il fallait s'en assurer. Lentement, sa main appuie sur la poignée. La porte s'ouvre.

La piece est sombre. Un unique rai de lumiere illumine l'objet de ses désirs les plus incontenus. Elle ne tient plus. Avec lenteur, elle referme soigneusement la porte, amene une main dans sa chevelure. Encore quelques pas craintifs, comme si l'objet meme pourrait l'engloutir. En effet, sa "gueule" énorme est ouverte. Prête a chanter. Ses dents, blanches et noires, brillent sous le rai de lumiere, apporté par le soleil, qui s'engouffre par un trou dans le rideau épais. Les boucles de Sharwyn flottent et caressent ses épaules. Ses levres entrouvertes laissent apparaitre une exclamation. Quelqu'un a ouvert la fenetre. Et nettoyé le Monstre.

Alors quelqu'un sait. Quelqu'un sait qu'Il existe. Elle qui avait tout fait pour le cacher, elle se sait repérée. On allait lui enlever son présent divin. Elle sent qu'il sera vendu. Dépitée, elle décide de le faire chanter une ultime fois. La derniere sans doute. Une mélodie qu'elle même avait composée. Une mélodie d'amour et de mélancolie. Lentement, elle s'asseoit sur le tabouret au velours pourpre. Elle sait que c'est l'heure de la Derniere. Elle donnera toute son âme, ce soir la.

Lentement, ses doigts effleurent les dents brillantes comme l'ivoire. Son annulaire caresse tendrement une note noire et profonde. Sharwyn ne sourit pas. Elle se concentre. Le regard terne et fatigué. Donnant tout son être dans la mélodie. Une larme unique perle sur sa joue. S'écrase sur une des touches. Cela ne l'empeche pas de continuer. Et jusqu'a la fin, la femme respirera a peine. Vivant pleinement cette mélodie qui hante ses pensées depuis des lustres. Une mélodie empreinte de tristesse. Tristesse de perdre trop vite son insouciance .. Mélancolie de devoir jouer la grande fille .. Douleur et haine contre ceux qui lui ont fait du mal .. Et d'amour dont elle, gamine éplorée, rêve en secret.

Jools avait un grand besoin de renouveau, sans le vouloir vraiment, sans l’apprécier à sa juste valeur, comme il aurait du le faire, le temps lui sembla bien longtemps entre les murs blancs de l’école. Il avait besoin de voir, de sentir, d’écouter ou de goûter quelque chose d’inavouable, comme un secret, quelque chose que l’on a envie de garder pour soi en voulant pourtant le révéler. Mais voila, cette révélation n’arrivera jamais. Ce secret serait gardé. Provocant un sourire lorsque les pensées s’y dirigeront insouciamment. L’américain se trouvait mélancolique. Une mélancolie qui le poussait à ne plus avoir son sourire d’enfant pendant toute une matinée. Il se fit violence et, les mains dans les poches, l’air morose, à la limite du triste, les yeux bleus levés vers le ciel et les cheveux dans le vent, il avança d’une démarche lente et à la fois tranquille sans savoir vraiment où il allait. Il n’avait plus eu la force d’afficher ses habituelles couleurs gaies à travers ses vêtements et seul ses perles et ses tresses dans ses cheveux contrastaient avec la couleur beige et fade de ses habits.

A peine sortit, voyant qu’il n’y avait rien de mieux à faire au dehors, il s’écroula le long du mur. Le dos parfaitement collé à la façade, la tête levée vers le ciel. L’américain n’avait rien envie sauf d’être seul avec lui-même. Sa solitude était telle qu’il n’en avait pas l’habitude. D’ordinaire, le jeune homme se trouvait être toujours de bonne humeur, toujours avec un sourire, jamais aussi seul, jamais aussi « à part ». Son sentiment était loin du désespoir, encore plus éloigné de la rancœur. Il ne savait pas quel sentiment intervenait. Il n’en avait aucune idée. Jools plongea son visage dans ses longues mains fines et pesta contre lui-même, à voix haute. Sans une seule gêne. De toute façon, personne ne l’entendrait. Il n’y avait aucune vie apparente aux alentours.

Le garçon utilisa toutes les formes d’insultes et d’adjectifs dégradants qu’il savait à son encontre. En rien il ne savait pourquoi il agissait de cette manière. Il ne comprenait pas. Il stoppa son flot de paroles aberrantes lorsqu’il entendit une mélodie qui lui fit l’effet qu’il désirait avoir avec ses injures sans en avoir le pouvoir. Pendant plusieurs secondes, il resta figé, les mains de chaque côté de son visage, ses magnifiques yeux bleus grands ouvert, fixant un point, au loin, invisible, écoutant avec patience la mélodie.

Sans attendre plus longtemps, il se rua à l’intérieur de l’établissement et gravit les marches aussi vite que son mince corps le pouvait. Arrivé devant la salle qu’on disait abandonnée, il posa la main sur la poigné mais attendit encore un peu. Laissant la douce musique qui s’échappait de la pièce l’envelopper encore un peu. Cette mélodie. Elle était tellement agréable, tellement apaisante. Il se sentait différent à son écoute. Lentement, il appuya le mouvement de sa main et poussa la porte. Le spectacle qui s’offrait à lui l’ému. La jeune femme qui jouait était tellement belle et le décor tout entier semblait être attentif au son que produisaient ses doigts sur les touches en ivoire. Jools ne put détacher ses yeux qu’au bout de quelques instants. Complètement charmé, il plongea une main dans les poches de son pantalon et en sortit un appareil photo. Petite chose qu’il gardait sans arrêt dans sa poche. Les pensées enivrées, le corps absolument scotché et le visage fermé, laissant les notes prendre leur possession sur lui. Il prit une seul photo, un unique cliché avant que la jeune femme ne s’arrête de jouer. Ce fut comme si tout son esprit se muait en un cri pour qu’elle continu. Et, sans jamais lui avoir adressé la parole, n’ayant jamais vu cette femme auparavant, il ne pu s’empêcher de prononcer un mot. Dans un souffle, à peine audible.

« Encore. »

Cette mélodie l’enivrait. Il avait l’impression qu’elle se fondait en lui, qu’elle n’attendait que lui pour être jouée et écoutée. Une musique qui vous touche au plus profond de vous, qui s’enfonce chercher des sentiments alors inconnus, qui vous pousse à les extérioriser, à les ressentir. Une de celles qui vous permettrait de pleurer sans avoir à se forcer. De penser à tout à son écoute. Se sentir plus léger sans pour autant se sentir mieux. Une mélodie qui vous force à peser toutes vos pensées. Dont on ne s’oblige pas à l’écouter. Le son vient seul, sans aide, il coule patiemment en soi, provocant un nombre insensé de chose à l’intérieur. On esquisse un sourire, on prend plaisir à l’entendre, bien qu’elle détienne un minimum de mélancolie. On se surprend à en apprendre le rythme par cœur et à se le remémorer quand la tristesse est de nouveau là. On a envie de l’écouter des millions de fois sans se lasser, sans en éprouver de l’ennui. Au contraire. Elle distrait et permet de s’évader. On repense à des choses auxquelles, d’ordinaire, on aurait aucune joie de se remémorer. Mais là, tout parait simple, on a un besoin de pouvoir l’écouter quand bon nous semble, et pas seulement quand le besoin se fait ressentir. Cette jeune fille donnait de la magie à ce moment. On en oubliait dehors. Le monde semblait s’être confiné dans l’espace aussi petit que contenait la salle dans laquelle ils se trouvaient. La vie qui s’écoulait en dehors de la pièce n’avait plus d’importance aux yeux de Jools. Tout ce qui comptait en ce moment même, c’était que la mélodie ne s’arrête pas. Que l’instant féerique qu’il ressentait ne parte pas pour laisser place à la réalité de la vie.

Jools referma la porte derrière lui, sans faire de bruit, sans quitter les doigts fins de la demoiselle qui jouait cette si belle mélodie. Il se laissa glisser contre cette porte et s’assit doucement sur le sol, ne permettant pas à un quelconque bruit de violer l’harmonie qui s’établissait grâce à la jeune fille assise sur le tabouret. Il ferma les yeux et laissa la douce mélodie s’emparer de lui en laissant un soupire lui échapper. Un soupire inaudible, mais qui permettait à beaucoup de chose de partir hors de lui, le libérant d’un certain poids. A présent, il ne ressentait plus ce sentiment indescriptible qui s’était emparé de lui quelques instants plus tôt. Juste une infinie liberté, et une envie de sourire à n’importe qui, n’importe quand.

L’américain ne put s’empêcher de laisser échapper un grognement de mécontentement quand les notes s’arrêtèrent d’un coup. Il garda pourtant les yeux fermés. Devinant la jeune fille qui bougea légèrement sur son siège. Le jeune homme voulait encore sentir sur lui l’effet de sa musique. Il tenait à ce qu’elle reste en lui encore un peu de temps. Le temps qu’il refasse surface à la réalité et qu’il dise adieu à cette superbe mélodie qui l’avait fait rêver un instant. Il remercia mentalement l’inconnue de tout son cœur, et laissa ses lèvres s’étirer pour former un sourire à moitié mélancolique. Restant ainsi les yeux clos, on aurait pu croire qu’il dormait. Mais pas du tout, il était bien éveillé, c’est juste qu’il désirait demeurer dans l’état dans lequel l’avait placé le piano. Il ressentait intensément la musique qui vibrait au fond de lui-même. Il ne voulait pas la perdre. Il voulait la garder. Pouvoir la goutter encore et encore. Pouvoir ressentir toute son énergie et son rythme. Elle aurait put être une berceuse. Jouée par une mère pour son enfant ou encore par quelqu’un qui la dédiait à celui ou celle qu’il aimait. Tout cela restait trop dans le féerique. On le savait, on le sentait bien, mais tout à l’intérieur nous poussait à l’écouter toujours et encore. Jools resta ainsi, les yeux fermés, juste pour permettre à la mélodie de prendre son temps pour s'évaporer.

[Excuse du retard, la rentrée .. >_<]

Sharwyn laissa longtemps les notes se terminer avant de se lever. Ses pas étaient incertains, elle semblait errer sans but dans la pièce, sa robe - atrocement courte comme dirait Ichigo - laissait entrevoir des jambes interminables et parfaites. Elle finit par fixer l'homme aux yeux clos, se concentrant sur son torse pour se rappeller que ce dernier n'était une femme. Elle s'approcha avec lenteur, et s'accroupit pour être à sa hauteur. Voulant entrevoir ses yeux d'un bleu profond, elle soupira de déception lorsqu'il garda les yeux parfaitement clos. Elle cligna plusieurs fois des paupières, puis, timidement, ses doigts allèrent se perdre dans la chevelure ambrée de Jools. Elle sentit alors, caressant son majeur, une perle froide et brillante. Un sourire radieux étira son visage d'ange, alors qu'elle caressait la perle du bout du doigts, les autres bougeant lentement dans les cheveux de l'homme. La femme retenait son souffle, perdue dans la contemplation du champ de blé, émerveillée par tant de vie et d'éclat. Finalement, elle laissa sa main se retirer de la rivière dorée, alors qu'elle se penchait tout doucement.

Dans un geste presque maternel, ses lèvres allèrent baiser le front chevelu de l'homme. Elle y plaqua un bisou empreint de tendresse, huma les cheveux quelques instants, s'imprégna de leur odeur, et recula alors. Elle se dit alors que jamais elle n'oublierait Son parfum. Le Sien. A Lui. Après un second soupir, elle fixa la porte qu'elle voulait emprunter sans le pouvoir. Alors, elle se releva lentement, et posa sa main sur la poignée. Elle ne fixait plus l'homme adossé à la porte. Sa main contre la poignée, elle attendait qu'il se rende compte qu'elle voulait sortir. Un long silence suivit sa demande muette, et elle attendait qu'il rouvre les yeux et la laisse passer. Entre temps, elle ne put s'empêcher de le regarder à nouveau. Un trésor de beauté et de grâce. Sharwyn aurait rêvé le dessiner, si elle en avait eu l'occasion et les moyens. Il était si grâcieux, si mystérieux .. Et son visage .. Il était parfait. Et par dessus tout, il aimait sa mélodie. Et ça, c'était un présent inestimable pour la belle qui pensait qu'elle seule pouvait ressentir la musique comme ça.

Elle se força à ne pas pleurer. Penser que la pièce allait être condamnée et son piano enlevé lui faisait un mal de chien. Mais que faire de plus ? Elle n'avait pas le choix, elle n'allait pas protester, vu que ce lieu était interdit et qu'elle n'était même pas censée pouvoir y accéder. Inspirant profondément, elle ne cessait de fixer le visage sans imperfections de l'homme, puis ses vêtements, son corps. Tout en lui était mystique. Il semblait refléter la gaieté et la vie. Et là, amorphe, il semblait vouloir se laisser mourir dans cette pièce, au son de la mélodie de la belle. Quel paradoxe.

Le bruit des pas de la jeune fille sur le sol le ramena de sa rêverie. Non, il ne voulait pas. Il ne voulait pas retourner à la réalité, sortir de ce sentiment de bien-être si agréable et en même temps si temporaire. Pour rien au monde il n’aurait voulut que quelque chose le sorte de ses pensées et le raccompagne si violemment sur terre. La douce mélodie l’avait emporté loin et il ne souhaitait pas en revenir. La présence de la jeune femme ne fut pas aussi détectable qu’à ce moment là. Entendant le bruit délicat du vêtement qui frôle la peau ou un quelconque objet, il ne put s’empêcher de réprimer un frisson soudain. Comme lorsqu’après avoir été longtemps dans un bain chaud et désireux, vous vous retrouvez dans de l’eau glacée, ce qui vous fait contracter les moindres petites parcelles de votre corps. Le claquement sec des talons de l’inconnue résonnèrent encore quelques instants avant de soudainement s’arrêter. Jools sentit qu’elle était juste devant lui, à quelques centimètres a peine, il aurait voulut lui sourire, lui dire un mot, un phrase gentille, significative, mais rien ne sortit de ses lèvres, elles restèrent hermétiquement closes. Le blondinet eu le désir de plonger son regard dans le sien, voir de quelle couleur étaient ses yeux, si son regard exprimait autant de mélancolie que la musique qu’elle avait jouée plus tôt. Mais eux aussi n’obéirent pas. Au toucher de sa main, son cou se tendit et se crispa soudainement, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle le touche, encore moins ses cheveux. Son sourire se transforma en un rictus. Il n’aimait pas ça. Le jeune homme détestait qu’on lui tripote le crâne. Ses cheveux étaient les choses qu’il préférait au monde, et il n’appréciait pas que quiconque les touche. Mais son sourire revint brusquement lorsqu’elle toucha une des perles qui ornaient sa chevelure.

Il réprima un rire. Son rire, son rire de gamin. Tout sur lui inspirait la jeunesse, et de son rire, il ne voulait pas gâcher l’ambiance qui allait si bien dans un moment comme celui-là. Ses deux yeux bleus s’écartèrent soudainement dans une expression de surprise alors que la jeune femme l’embrassait sur le front. Il resta un moment ainsi, à se demander ce qui se passait. Jools n’avait pas l’habitude de ce genre de comportement. Rares étaient les filles qui osaient, préférant rester inaperçu face à son excentricité et son comportement bizarre. L’endroit où elle avait posé ses lèvres le travailla un instant, alors que son regard bleu océan était encore fixé au fin-fond de la pièce. Voir ainsi un jeune homme de physiquement proche des 18 ans, avec les yeux tels deux soucoupes, et la bouche entrouverte, dans une expression de stupeur était à la limite du ridicule. Sortant de sa surprise, il secoua la tête, entrainant multiple petit bruit que faisaient ses perles en s’entrechoquant. Un véritable boucan lorsque l’on comparait au silence bienfaisant que le piano avait imposé à l’ambiance.

Rapidement, le jeune garçon plaqua la paume de sa main sur la porte, à la hauteur qu’il pouvait atteindre, était toujours assit au bas du mur, et leva la tête vers la jeune femme. Le regard qu’il lui lança aurait pu faire refroidir un cœur bouillant. Ses yeux étaient si froids et hautains, et contrastaient tellement avec son visage d’enfant câlin que s’en était à la limite du choquant. Mais ses expressions changeaient si souvent. Être lunatique n’était véritablement pas un avantage pour la sociabilité. Sa main contre le plat de la porte, il attendit qu’elle renonce à l’idée qu’elle avait en tête, qui était logique vu ce qu’elle s’apprêtait à faire, elle voulait partir, le laisser seul dans cette pièce morbide et sombre alors qu’il n’y avait plus de mélodie si belle à l’écoute, l’abandonner.