La cour était bondée d'élèves, qui, malgré le froid mordant et les quelques flocons de neige qui blanchissaient le sol, fumaient une cigarette ou bavardaient tranquillement. Kerishu maudissait ces élèves. Grâce à ces "cheeeers" élèves, la surveillante se retrouvait dehors, frigorifiée. Bien qu'elle portait un lourd manteau noir par dessus un pull à coll roulé et un jean bien épais, le vent glacé réussissait à se frayer un chemin sous ses épaisseurs de tissus. Même ses mains, dissimulées dans ses poches et sous des gants, étaient transies de froid. De plus, Kerishu était détestée par la CPE -d'un côté, qui aimait-elle?-, et était persuadées que celle-ci l'avait placée dehors pour la première partie de la matinée rien que pour l'embêter, et lui faire attraper une pneumonie à l'occasion...

-Foutus gamins... 'pouvez pas vous passer d'une clope à 10 heures du mat', bor*el? marmonna Kerishu avec mauvaise humeur, qui, elle aussi, aurait bien voulu en griller une...! La rouquine lança un regard noir à un élève qui s'allumait une cigarette en la regardant, l'air goguenard.

-Sale gosse... murmura la surveillante en lançant un autre regard assassin à l'élève, qui tirait désormais une taffe sur sa cigarette avec délectation. Les étudiants de Shokuboo adoraient Kerishu. Étant une grande gamine elle-même, qui vous faisait la tête pour un rien et qui vous donnait une sucette au citron quand vous étiez triste, elle attendrissait les pensionnaires qui la considéraient la plupart comme une grande sœur, ou quelque chose dans ce goût-là.

Tout d'un coup, quelque chose attira l'attention de Kerishu. Une grande quantité d'élèves tournait leurs yeux gros comme des billes vers l'entrée du pensionnat. En effet, un jeune homme aux cheveux verts monté sur un vélo, traînant deux gros sacs sur une sorte de remorque, pédalait tranquillement. Éclat de rire général. Très vite, les élèves retournèrent à leurs occupations. Shokuboo Inochi et ses pensionnaires étaient désormais habitués aux entrées spectaculaires ou surprenantes comme celles-ci. Kerishu se souvenait, par exemple, d'une grande limousine noire aux poignées rouges dont une adolescente aux cheveux roses, vêtue d'une mini mini jupe -en plein hiver...- et d'un blouson en cuir en sortir, une cigarette à la bouche. Mais le prix de l'arrivée la plus marquant revenait tout de même à Aisekura Chisato.

Elle venait prendre ses nouvelles fonctions de directrice et avait débarqué dans le réfectoire, à l'heure de pointe, habillée d'un magnifique kimono. Elle avait grimpé sur une table, et le joyeux brouhaha habituel de la cantine avait aussitôt cessé, pour laisser place à un silence surpris. Aisekura-san avait alors fait un discours aussi unique que raciste et avait quitter le réfectoire, laissant les élèves encore figés d'indignation et d'ahurissement. Avec un sourire nostalgique, Kerishu repensa à la résistance qui s'était mise en place contre la directrice, jusqu'à qu'elle soir reléguée au rang de professeur.

Le nouvel arrivé attacha son moyen de transport au grilles et le déchargea, avant de disparaître dans la foule d'élèves. Quelques minutes plus tard, la sonnerie sonna la fin de la récréation. Alors que les élèves finissaient leurs cigarettes en vitesse tout en râlant, Kerishu sauta presque de joie : elle pouvait enfin quitter la cour glacée pour les couloirs chauffés du pensionnat. Aussitôt le surveillant qui prenait sa place arrivé, la rouquine se précipita dans l'établissement, et alla déposer son manteau dans le bureau des surveillants.

Kerishu devait dès maintenant patrouiller dans le couloir des casiers, où une vingtaine d'élèves se trouvaient encore, mais qui se hâtèrent de déguerpir en voyant arriver la surveillante rousse.

-Dîtes vous avez pas cours? C'est pas bien de sécher! lança Kerishu, avec un sourire, à deux élèves qui discutaient. Ces derniers se tournèrent vers Kerishu et lui répliquèrent :

-Genre t'allais en cours, quand t'étais pensionnaire? sans prendre la peine de leur répondre, Kerishu les chassa d'un regard. Le seul élève encore présent était le "p'tit vert", celui qui avait eu son moment d'attention à la récréation. Perché sur ses deux sacs, il essayait tant bien que mal de placé des affaires sur l'étagère du haut de son casier, mais, très vite, il se retrouva les fesses par terres, livres et sacs éparpillés sur le sol. La surveillante réprima un éclat de rire, craignant de vexer le nouveau, et s'avança vers lui.

-J'ai jamais compris pourquoi ils donnaient les casiers du haut aux plus petits. B'soin d'aide, p'tit vert?

[HJ à mon tour de m'excuser pour ce retard et ce petit post plus que minable, mais je n'en ai pas fini, je vais éditer^^]

Le p'tit vert adressa un large sourire à Kerishu avant de lancer :

-Le tabouret du photomaton était bloqué trop haut. Kerishu lui rendit son sourire Freedent et le regarda se relever. Le garçon tendit sa main à Kerishu, en se présentant comme Ajira Sanzô. Mais, très vite, ce dernier retira sa main, ne se rendant même pas compte de son geste. Kerishu pouffa de rire derrière ses mains, tandis qu'Ajira se baissait pour ramasser quelques livres. Décidément, Shokuboo Inochi avait le chic pour choisir les élèves les plus déjantés du pays -et d'ailleurs, également...

-Hum. À moins de faire la courte échelle, à nous deux on aura du mal à tout mettre là haut... Kerishu sourit à nouveau. Le jeune garçon lui rappelait Hlyn. D'ailleurs, les deux gamins avaient à peu près le même âge, ou peut-être étaient-ils tout simplement de la même année. Kerishu imagina les deux adolescents ensemble, Hlyn avec ses yeux de différentes couleurs, Ajira avec ses cheveux verts, et une maladresse qui pourrait presque rivaliser avec celle de notre chère rouquine.

Kerishu ramassa à son tour quelques bouquins, mais avant qu'elle ait pu penser à un stratagème autre que la courte échelle -surtout qu'ils faisaient tous deux à peu près la même taille et le même poids...-, Ajira demanda à la surveillante :

-Mais qu'est-ce que tu fiches là toi? Y'a pas cours à cette heure-ci? Kerishu éclata de rire. Si elle s'était attendue à ça... Comme quoi, elle ne faisait pas gamine que dans sa tête...

-C'est vrai que j'ai oublié de me présenter, j'peux pas t'en vouloir. fit Kerishu, après avoir calmé son fou rire.

-J'm'appelle Soukiyama Kerishu. Vingt ans, surveillante à Shokuboo Inochi. ajouta-t-elle avec un petit rire.