La bouffe du réfectoire était-elle réellement si infecte comme le prétendaient certains élèves ? Engendrait-elle réellement toutes ces indigestions ? Et la cuisinière ? Etait-elle vraiment aussi méchante qu’on le disait ? Aujourd’hui, Jeudi, durant la pause de midi, Dean aura une bonne heure afin de vérifier ou contrer tous ces dires.

Dean eu l’avantage de ne pas être obligé de faire la queue derrière les élèves, son statu de personnel de lycée lui accordait le pouvoir de passer en prioritaire avec ses collègues. Il se retrouvait maintenant avec son plateau qu’il fit glisser sur la rampe métallique et qui se remplissait au fur et a mesure. Aujourd’hui, c’était un menu « american special ». De ce fait, il eu droit à une salade en entré, un fromage et sundae en dessert. Le menu principal étant, lui, composé d’un hamburger « fait maison » et de frites. Jusque là, rien d’anormal. Avec ce genre de repas on ne pouvait pas faire grand-chose de faux, non ? Eh bien, faut croire que les Japonais, qui arrivent à tout gérer, n’arrivait pas à se servir d’une friteuse. Mais soit.

Dean s’installa ensuite à la seule table de livre et commença à manger, pressé du verdict. Celui-ci ne tarda pas à se faire. ? Les frites étaient tellement grasses qu’elles ne semblaient ne pas avoir été assez égouttées. Avec cela, la tonne de sel tuait tout le bon goût de la pomme terre que des frittes dignes de ce nom devaient avoir. Pendant que notre infirmier attaqua le pain –beaucoup trop mou- dans lequel reposait un steak –pas assez cuit- il songea qu’il devrait faire un cours au responsable ou à la responsable, de la bouffe, sur le fait que manger trop salé était très mauvais pour la santé.

M’enfin, peut-être Dean était-il simplement tombé un mauvais jour ? Peut-être avait simplement choppé la mauvaise assiette ? Quoiqu’il en soit, ce n’était sans doute pas concluant et il pensa déjà au bento qu’il allait devoir s’acheté pour réussir à tenir le reste de la journée jusqu’au soir.

Quel monde, mais quel monde ! Et tout ça, pour ça. Le ça en question c’était les frites que lui servait la cantinière. Elles dégoulinaient de gras et déjà l’huile se répandait dans son assiette atteignant bientôt son hamburger. Décidément, elle préférait largement le mardi et le mercredi. Au moins si la nourriture était mauvaise elle pouvait toujours aller au foyer et se faire un bentô. Enfin, ce qui était fait était fait. Au pire des cas, elle mangerait mieux ce soir.

Elle quittait déjà la file et scruta autour d’elle à la recherche d’une place libre. Qu’importe qu’elle soit avec des personnes qu’elle connaissait ou non. Vu la qualité des plats, elle n’allait pas rester longtemps. Elle poussa un long soupire. La cantine était vraiment pleine. Mais bon, c’était ça aussi d’être la petite dernière. Ah ! mais là-bas n’était-ce pas une table libre ? Mais oui, mais oui, c’était bien une table libre. Enfin, libre… disons qu’il y avait trois places disponibles sur les quatre. La jeune femme partie avec un petit sourire sur le visage vers son futur lieu de repas.

Plus elle s’approchait de la table et plus la personne dos à elle lui rappelait quelqu’un. Il était assez grand, brun et surtout il ne portait pas l’uniforme du lycée. Simplement un jean et une chemise blanche. Grand, brun, cheveux qui arrivent à la nuque, quelqu’un qui n’était pas un élève et sûrement pas un prof, mais quelqu’un qu’elle avait déjà vu pour qu’il ne la laisse pas indifférente. La lumière se fit soudain et elle s’arrêta net : l’infirmier ! Elle ne l’avait pas vu depuis le traitement pour sa conjonctivite. Elle ne savait pas qu’il mangeait ici, avec les élèves. Mais bon, vu son attitude lorsqu’ils s’étaient rencontrés ce n’était peut-être pas si étonnant.

Son pas se fit plus lent jusqu’à la table. Mais bon, on ne pouvait pas dire que le self était immense et elle arriva rapidement à destination. Elle s’arrêta dans le dos de l’homme et hésita sur la manière de faire. Finalement, elle décida de se mettre face à lui, elle fit un léger mouvement de la tête pour le saluer puis s’installa à sa table.

« Bonjour Onwara-san. Cela vous dérange-t-il que je m’installe à votre table ? Il n’y a plus une seule place disponible. »

Ce qui d’ailleurs était très étonnant vu la nourriture proposée aujourd’hui et le beau temps qu’il faisait dehors. Elle regardait d’ailleurs son assiette avec une petite moue dégoutée. C’est d’un air résigné qu’elle joua un instant avec sa salade avant de piquer sa fourchette dans son assiette et d’en avaler une bouchée. Autant savourer ce qui le plat qui serait le meilleur du déjeuner.

Alors que notre jeune homme était entrain de mâchouiller avec un certain dégout quelques frites, il venait de sortir son livre de cours de russe lorsqu’une voix l’interpella. Il releva son regard et reconnu Maiko Aikawa, sa première patiente dans ce lycée. Hochant vivement la tête il lui indiqua que oui, elle pouvait s’installer, ce qu’elle aurait sans doute aussi fait même si elle n’avait pas eu son approbation. Il l’observa quelques instants jouer avec sa salade et reprit une bouché, qui eu réellement du mal à passer. Alors, résigner, il repoussa son assiette et referma son livre en soupirant

« Dit moi, Mai … euh … Aikawa, ça t’arrive souvent de manger au self ? C’est toujours aussi infect ? » Il lança un coup d’œil à son assiette et afficha une mine de dégoût « parce que si c’est toujours comme ça je vais devoir en parler au directeur afin qu’il rêgle deux trois petites choses … » soupirant il secoua la tête et planta sa fourchette dans une fritte « imbiber de graisse … hm un vrai délice dans un repas méga équilibré » il fallait être sourd pour ne pas entendre l’ironie dans sa déclaration « et puis cette tonne de sel … c’est évident que comme ça les élèves seront en pleine forme et en excellente santé tout au long de l’année. » Il soupira à nouveau et reposa sa fourchette avec la frite puis regarda Maiko, lui souriant doucement « et sinon ? Ça va toi ? » Il fronça légèrement les sourcils, l’observant d’un peu plus près puis hocha la tête, retrouvant une mine enjoué « on dirait bien que le traitement à fait son effet. C’est cool ! »

Tout en souriant, il attrapa son assiette de salade et l’attira vers lui avant de commencer à manger. Au moins avec Maiko en tant que compagnie, le repas ne sera peut-être pas aussi merdique qu’il avait commencer …

Le bruit de l’assiette et du livre qui se ferme fit relever la tête de Maiko de sa salade. L’infirmier allait-il s’en aller ? Après tout, le menu ne valait pas la peine qu’on reste plus de cinq minutes. Mais à sa grande surprise, il se contenta de lui adresser la parole. Et pas n’importe comment, il s’était rattrapé à temps et avait employé son nom de famille. C’était une attention qu’elle appréciait. En effet, elle n’était pas encore à l’aise avec lui, alors peut-être qu’un jour ça ne l’a gênerait plus qu’il l’appelle par son prénom, de là à en faire de même, il faudrait plus de temps. En tout cas, prendre en compte ses sentiments aidait à aller dans ce sens. Mais pour en revenir au reste de son discours, ses mimiques étaient amusantes lorsqu’il désignait la nourriture. Alors, même un Américain comme lui n’appréciait pas ce genre de nourriture. Au moins, c’était rassurant, cela voulait dire que bien cuisiner ça avait un meilleur goût.

« Disons que, dès qu’il s’agit d’autre chose que de la nourriture japonaise voire asiatique c’est une catastrophe. Du coup, comme je n’ai pas cours le mardi et le mercredi après-midi je vais au self me préparer un repas. »

La jeune femme reprit un peu de salade en même temps que l’homme en face d’elle. C’était sûrement la seule chose avec le fromage qu’elle mangerait. Enfin, peut-être cette chose-là qu’ils avaient servie en dessert et qu’elle ne connaissait pas. Elle observa l’infirmier. Lui devait sûrement savoir si c’était bon et qu’est-ce que c’était.

« Oui, je vous remercie. J’ai voulu vous rendre le traitement, mais vous étiez absent. Alors, j’ai laissé le petit sac avec un mot de remerciement devant votre porte, j’espère que vous l’avez bien reçu. Et vous, comment allez-vous ? Vous vous habituez ici ? Ah ! au fait, qu’est ce que c’est que cette chose ? Est-ce bon ? »

La jeune femme avait attrapé le sundae et le regardait avec une petite moue interrogative, les sourcils froncés.

Dean ne put s’empêcher d’esquisser un sourire lorsque Maiko prit la parole pour lui dire clairement que ben voilà, les japonais ne savaient cuisiner que leurs spécialités ou d’autre repas typiquement asiatique. Bon, ce n’était surement pas le cas de tous les cuistots nippons, mais c’était le cas pour celui qui préparait le repas. Il n’y avait donc que deux explications possible : où alors cet homme –ou cette femme !- n’aimait pas les étrangers, les « gaijin » comme ils le disent si bien ici, soit cet homme –ou cette femme !- avait apprit à cuisiner chez un pur asiatique bien renfermer sur lui qui lui avait inculqué de ne pas s’ouvrir aux autres cultures, ou alors, tout simplement, cet homme –ou cette femme !- était une vraie merde en cuisine et qu’il –ou elle !- aurait mieux fait de faire un autre métier et se mettre à la plonge.

Puis, elle déclara avoir voulut lui rendre le médicament qu’il lui avait refilé la dernière fois. Elle l’avait mis dans un sachet devant sa porte ? Boh, il le retrouvera quand il regagnera son infirmerie. Et, avant même qu’il ne puisse ouvrir la bouche pour répondre, Maiko attrapa son sundae et le lui tendit, en demandant ce que c’était. Eh ben cocotte ? T’es devenue aveugle ou quoi ? Ça ne se voit pas que c’est de la glace ? Hm ? Boh tant pis, après tout c’était servi avec le repas, donc ça pouvait être louche. Continuant de sourire, il désigna le pot avec sa fourchette et avala sa bouché

« Ça s’appelle un Sundae » dit-il en exagérant son accent américain « Une sorte de glace artificielle au goût indéfinissable. Généralement il y a un coulis de chocolat ou caramel et des sortes de noix de peccant ou autre par-dessus. C’est très bon et sans doute la seule chose, avec la salade et le fromage, qui n’est pas louche dans ce repas » Il sourit et attrapa son pot « Je suis un fan inconditionné deJunk food. En Amérique j’allais souvent au MacDo et mon dessert c’était toujours la même chose : un sundae aux noix de peccant, avec un coulis de chocolat chaud par-dessus. Ou alors je remplaçais les noix de peccant par des noisettes. A ce moment là, le coulis de chocolat se transformait en coulis de framboise … »

Tout en parlant, il soupira de manière nostalgique pendant que son regard se perdit un instant dans le vide. Puis, se redressant, Dean secoua légèrement la tête et reporta son attention sur Maiko

« En tout cas, oui je m’y habitue plutôt bien à la vie sur le campus. C’est plutôt sympa, j’aime bien l’ambiance et l’entente entre les collègues est plutôt cool. » Il haussa les épaules « Bon, il y a évidement des gens qu’on apprécie plus que d’autre, mais globalement ça va. »

Maiko comprenait un peu mieux pourquoi ce Sundae ne lui disait rien. Elle n’avait jamais mangé dans un McDoc, ni dans un autre lieu de ce type. Elle préférait largement la nourriture cuisinée en prenant son temps, la cuisine maison, celle qui est faite soi-même ou par des proches. C’était humain et généralement meilleur vu qu’on prenait le temps de cuisiner et qu’on savait ce que telle ou telle personne aimait. Pourquoi trop saler alors que l’oncle ayant trop de tension n’en avait pas le droit ? Et ce gâteau au chocolat et aux noix, la tante ne pourrait pas le manger sans finir aux urgences à cause de son allergie aux noix. Autant de petits détails, de petites attentions qui font que le repas même s’il est raté, reste meilleur. Pas comme celui-ci qui était tout simplement infect. Sa salade était à moitié déjà terminée et elle sentait qu’elle avait encore faim. Elle n'avait pas le choix, elle irait demander à un de ses camarades de prépa s’ils ne leur restaient pas un fruit, histoire de la caler avant le cours de mathématiques.

« Je vois, merci pour l’explication, je ne connais pas du tout ce genre de nourriture : la junk food. Il faut dire qu’ils ont des noms bizarres, pourquoi sundae si c’est une glace, ice-cream serait plus compréhensible. Non ? »

Enfin, changeons de sujet. L’infirmier lui répondait déjà à sa première question. Et, elle aussi s’habituait bien à la vie sur le campus. Elle n’avait pas rencontré énormément de monde depuis la rentrée, enfin, elle n’était proche que de peu de personne. Un en particulier. En règle général, les personnes étaient sympathiques ici. La jeune femme pensait qu’elle aurait du mal à s’habituer à la vie si loin de ses parents, mais, au final, petit à petit elle se rendait compte être vraiment bien ici.

« Je suis du même avis que vous. C’est agréable de vivre ici. En plus, j’ai entendu dire qu’il y aurait bientôt un festival. J’aime ce genre d’évènement pas vous ? »

Normalement, le club d’art traditionnel devait participer au concours d’Ikebana. On les en avait informés pour qu’ils puissent décider si oui ou non ils voulaient y participer et surtout pour s’entraîner. Or, malgré tout l’entrainement du monde, la jeune femme n’était pas sûre d’y arriver. Elle aimait bien les fleurs, elle adorait les jolis bouquets, mais elle était incapable de créer un arrangement harmonieux, de rendre la tige, les feuilles, les pétales et le vase aussi indispensable les uns que les autres.

Dean ne pu réprimer un sourire amusé en entendant la jeune femme réclamer des explications supplémentaires. Pour elle, tous ces noms anglais n’avaient aucun lien entre eux, si bien qu’il lui était difficile de faire la différence entre tous ces plats qui se voulaient américain. C’était normal pour ces japonais habituer à manger sainement. Les repas japonais étaient, en général, les moins gras du monde et c’était sans doute le fait qu’ils mangeaient énormément de légumes et de poissons que la population nippone vivait longtemps. Mais bon, il fallait simplement trouver le juste milieu. Dean, bien qu’ayant prit l’habitude de manger assez gras en Amérique, n’avait jamais eu de problème de poids. Il avait fait pas mal de karaté dans un dojo a Milton et il lui arrivait encore maintenant d’aller courir régulièrement afin d’entretenir sa forme physique. A vrai dire, ce ne fut que lorsqu’il eu déménagé au Japon que son corps changeait. Déjà il y avait eu le problème de l’environnement, mais son corps avait surtout eu du mal à s’adapter à sa nouvelle vie. Mais tout était rentré de l’ordre au bout de quelques mois.

Mais soit. Revenons au présent. Maiko parla d’un festival qui devait avoir lieu dans pas très longtemps. Effectivement, il était difficile de passer outre. Tous les élèves en parlaient, il y avait beaucoup d’affiches en ville concernant la préparation de ce festival et tout ce qui s’en suit. Hochant la tête, Dean attrapa sa cuillère et la planta dans sa glace

« J’en ai déjà entendu parler » dit-il avant de prendre une bouché de la glace.

Il grimaça. De la glace fondue n’était pas ce qui avait de meilleur et tuait tout le bon goût de ladite glace. Mais, soupirant, Dean se résigna et se dit qu’il allait devoir manger ce pot s’il ne voulait pas tomber en hypoglycémie d’ici la fin de la journée.

« Mais à vrai dire je n’ai jamais été à ce genre de festival. Ok c’est ma deuxième année au Japon mais au lycée dans lequel je travaillais avant … il y avait sans doute trop d’étrangers, de ‘gaijin’ comme vous le dites si bien, pour que je sois intéressé d’y aller. » Il haussa les épaules, se demandant si dans l’autre ville il y avait ce genre de festival qui avait été organisé « m’enfin, quoiqu’il en soit, en général j’aime beaucoup tous ces rassemblement. Je connais beaucoup de personne qui déteste être au milieu de gens … mais moi j’adore ça. » Pendant qu’il parlait, il songea mentalement qu’il pourrait éventuellement demander à ses coloc de l’accompagner à ce fameux festival. Avec Jiro et Akutsu, deux japonais, la virée dans les rues de Tokyo pourrait être sympathique. « Je devrais songer à organiser une petite sortie, ça pourrait être cool. » Il prit une dernière bouché de son sundae puis inclina légèrement la tête sur le côté « T’as prévu d’y aller, toi ? »

Maiko coupait des morceaux de fromage dans sa salade histoire de lui donner un peu plus de goûts à l’un comme à l’autre de ces aliments. Elle prit quelques bouchées tout en écoutant l’infirmier répondre. Si elle comptait y aller ? Oh que oui ! D’ailleurs, les pensées de la jeune femme allèrent vers un certain brun. Aller au festival en amoureux, avancer au rythme du coucher de soleil pour finir en beauté avec le feu d’artifice. Il faudrait qu’elle songe à en parler avec Yuhei. Elle porta de nouveau la fourchette à ses lèvres et quand celles-ci se refermèrent ce fut sur du vide. Elle regarda étonnée son couvert, décidément, elle était partie bien loin pour ne pas se rendre compte de ce qu’elle avalait.

« Je pense que j’irais oui, rien que pour participer avec le club d’arts traditionnels au concours d’Ikebana. Et puis, j’adore les festivals. Si un jour vous avez l’occasion passez voir celui de la neige à Sapporo, c’est exceptionnel ! »

Ce festival avait bercé son enfance. Chaque année, elle s’y rendait avec sa famille. Ces sculptures géantes étaient impressionnantes. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres à ce souvenir. Un jour, elle y retournerait, un jour…

En attendant, elle était ici, et cette glace bizarre l’attendait. Contrairement à celle de l’infirmer, son sundae n’était pas encore totalement fondu. C’est avec une moue dubitative qu’elle plongea sa cuillère dans le pot. Elle l’observa un instant avant de l’avaler d’une bouchée rapide. Une petite grimace vint alors orner son visage et elle repoussa son dessert.

« C’est froid ! Et en plus, ce n’est pas si bon que ça. »