Rinji avait toujours préféré les mangas aux comics américains. Pourtant il y avait un comics que Rinji avait toujours aimé depuis l'enfance, et encore plus depuis ses treize ans. C'était les X-men. Parce qu'ils étaient différents aux yeux des autres. Et le personnage qu'il admirait le plus était wolverine. Agressif, drôle, fort mais ...mutant. Cependant, son pouvoir d'auto guérison fascinait Rinji. Si seulement il avait eut cette faculté...

Rinji revenait de la bibliothèque où il avait emprunté un livre sur les indiens d'Amérique, un autre sur les enfants loups et quelques comics. Il les portait au creux de son bras et les emmenait vers sa chambre pour entamer ses lectures. Sur la passerelle qu'il empruntait, un groupe de mecs, élèves de seconde année peut-être, discutaient. Au passage de Rinji, les conversations cessèrent, ce qui, déjà, déplaisait à Rinji. Mais c'était peut-être un hasard, alors il décida de passer son chemin. Seulement, tandis qu'il s'éloignait, il perçu un gloussement. Ni une ni deux, son sang ne fit qu'un tour. Rinji fit volte-face et revint vers le groupe d'un pas décidé. A son approche, les regards se tournèrent vers lui. Deux avaient une mine déconfite, un tint pâle, et deux autres ricanaient encore. Rinji s'arrêta devant eux et les observa chacun à leur tour. Il dit posément, l'air incroyablement calme :

"C'est quoi le problème ?"

Calme uniquement en apparence, il suffit d'une réflexion de l'un des garçon (qui devait être quelque chose du genre "Tu devrais plutôt lire Batman, espèce de Double-Face !") pour que Rinji lâche ses bouquins et lui colle son poing sur la tronche. Mais un membre du comité de discipline passa au loin et deux garçons avaient attrapé Rinji par les bras lui intimant de se calmer où ils partiraient tous en heure de colle. En contre-partie, s'ils voulaient se mettre sur la gueule, le rendez-vous fut prit dans l'instant pour se rendre sur le toit de l'école. Les livres empruntés, eux, restèrent au sol.

La-haut, sous le regard de trois secondes années, celui qui s'était moqué de Rinji et Rinji lui-même se faisaient face. Possible que celui qui cherchait la merde voulait montrer sa puissance et se faire respecter de tout le bahut. Possible qu'il n'aime pas Rinji et les nombreuses légendes qui circulaient à son sujet. Possible qu'il soit jaloux que les trois quarts de l'internat connaissent le nom et le visage de Takeda l'indien. Possible qu'il soit juste con. Pour Rinji, il n'était pas question de laisser ce nouveau coq lui cracher sur les bottes.

Rinji mûrissait au fil des ans. Un peu, quand même. Au lieu de lui rentrer une seconde fois dans le lard, il lui laissa une chance de présenter des excuses. Mais fort du soutien et des encouragements de ses trois camarades de classe, le seconde année ne s'excusa pas. De plus, il récidiva dans ses commentaires vexant sur l'apparence de Rinji et lui révéla :

"T'es là à faire le fier. Si j'étais à ta place, je me ferais discret avec une gueule pareille ! Tu sais comment on t'appelle partout dans le bahut ? Face cramée. Face de hachi parmentier et accessoirement, Trou du cul de chimpanzé."

Blessé, vexé, énervé, Rinji fonça tête la première dans le ventre de ce connard, tel un taureau en furie. S'en suivit une bagarre de chiffonnier où les uniformes souffraient.

L'après-midi commençait doucement, sous le soleil trop haut de l'été et la chaleur écrasante du mois de juin. Celui-ci d'ailleurs arrivait à sa fin, laissant profiler à l'horizon un mois de juillet qui ne ferait pas mentir le cliché. Un éventail en main, sa sacoche dans l'autre, Akutsu se dépêchait de rejoindre son appartement lorsqu'il vit filer devant lui, sur la passerelle de l'école, un groupe de jeunes gens bruyants dont les quelques propos audibles n'étaient pas sans promettre des problèmes.

A une époque, sans la moindre hésitation, il se serait joint à eux pour aller voir ce qui se passait sur le toit et prendre la défense du plus opprimé des deux avec les poings. Parce qu'il avait vieilli et avait son rôle à tenir, il leur emboîta le pas pour calmer le jeu, éventuellement défendre la victime de l'affaire si victime il y avait, mais de préférence sans les points. A bien y songer, il avait du mûrir – ou tenait juste trop à son job pour risquer de le perdre aussi stupidement.

Chose qui l'avait toujours surpris, les belligérants étaient bien entourés lorsqu'il arrive sur le toit. Un petit groupe de spectateurs s'était constitué. Certains murmures faisaient état d'une envie pressante d'en toucher un moment à un professeur – pourquoi ne pas être parti plus tôt alors ? - d'autres paroles plus audibles encourageaient les uns ou les autres. Étonnamment, il trouva un peu trop vite que seule l'une des parties trouvait du soutien dans les témoins de la scène, soutien qui se tassa lorsqu'enfin on se rendit compte de la tignasse rousse et de son appartenance. Il fendit la petite foule sans y prêter attention, s'arrêtant lorsqu'il se trouva au premier rang du triste spectacle.

« Takeda ! Matsumoto ! »

Ton sec et sans appel. Ce n'était pas le timide appel au calme d'un professeur effrayé mais soucieux de son travail : il s'agissait juste d'un avertissement d'adulte bien capable de leur rentrer dans le lard au besoin. Simple bluff, peut-être, mais qui au moins ne se voyait pas puisque son être entier tendait vers une envie solide d'entre prendre un pour assommer l'autre. Un pas fut fait, puis un autre. Il attrapa le deuxième année bien vite, fixa son regard sur son aîné.

« Puis-je vous aider ou vous retrouverez votre calme tous seuls ? »

Et sa voix paisible, moqueuse... Fugacement, il eut l'impression d'entendre le professeur de mathématiques, mais il chassa ce sentiment aussi vite qu'il s'était imposé à lui. Cathan déteignait sur lui, ce n'était pas une nouveauté.

« Les autres, dispersez-vous. Ceux qui sont encore là dans une minute auront des devoirs supplémentaires à rendre à leur professeur principal. »

Son regard revint sur les deux belligérants.

« Et j'aimerais obtenir assez vite une explication de votre part. L'un après l'autre. » anticipa-t-il.

Au milieu des voix de ceux qui assistaient à la bagarre, au milieu des odeurs de sueur, de gout de sang, et de sel qui s'échappait des corps des deux élèves, Rinji tapait avec énergie, fougue et colère. Il mordait le deuxième année au bras lorsqu'on entendit une voix d'homme s'élever, faisant taire les voix des plus jeunes :

« Takeda ! Matsumoto ! »

Rinji n'était pas sourd mais il était difficile de se mettre au garde à vous devant le professeur d'anglais lorsqu'un bâtard de merde vous empoigne les cheveux et tente de vous écarteler la bouche avec une main pleine de poussière et de sang tiède. Le deuxième année, qui était couché sur le dos subissant le poids les coups et les morsures de Rinji, donna un violent coup de pied au troisième année qui roula sur le côté. Le professeur en profita pour saisir fermement cet empaffé de Matsumoto. Rinji se mit debout en fusillant son adversaire du regard.

« Puis-je vous aider ou vous retrouverez votre calme tous seuls ? »

Aucun des deux belligérants ne répondit mais aucun des deux ne tenta non plus de cogner l'autre car le professeur empoignait toujours le plus jeune, l'immobilisant.

« [...] Et j'aimerais obtenir assez vite une explication de votre part. L'un après l'autre. »

Rinji essuya le sang qui coulait d'une de ses narine avec sa manche d'uniforme. Celui-ci était parsemé de poussière et déchiré à l'épaule. Il lui manquait également deux boutons. L'uniforme de Matsumoto avait au moins autant souffert que celui de Takeda. Le plus jeune semblait avoir prit le parti de tirer bénéfice de la mauvaise réputation de Rinji pour se sortir de cette situation inconfortable. Il prétendit que Takeda l'avait agressé parce qu'il s'était trouvé sur son chemin avec ses copains.

"Espèce de sale enculé." vociféra Rinji prêt à lui sauter à nouveau à la gorge. Un simple mouvement du bras du professeur freina Rinji dans son élan. A la place de corriger ce petit bâtard, Rinji offrit son majeur à Matsumoto, si près de son visage qu'il aurait pu lui enfoncer son doigt dans les narines. Geste qu'il ne fit pas par simple soucis d'hygiène.

Comme Matsumoto continuait à plaider sa cause en enfonçant Takeda pour se sortir de la purée, Rinji fulminait à n'en plus finir jusqu'à perdre le contrôle de lui-même et à donner un puissant coup de genou dans la cuisse de Matsumoto qui ne put éviter le coup à cause du professeur Moe. Okay, ce n'était pas fair play, mais putain ce que ça soulageait !

"J'vais te fumer Sac à merde !" conclut Rinji en fusillant Matsumoto. Puis, il jeta un regard au professeur. Quoiqu'il dise, il serait punit. Alors mieux valait garder le silence. Au moins, il gardait sa dignité. Par contre, deux copains de Matsumoto vinrent en renfort pour expliquer au professeur que Rinji était un malade mental agressif, un psychopathe, un aliéné. Seul le troisième larron du groupe ne dit rien et semblait particulièrement mal à l'aise lorsque les deux autres lui donnaient des petits coups de coudes pour le prendre à témoin, et l'inciter à confirmer leurs dires.

« SILENCE ! »

Sa voix avait tonné, plus fort même qu'il ne l'avait envisagé. Les explications embrouillées des deux copains de Matsumoto n'arrangeaient rien, au contraire, et commençaient plutôt à lui taper sur le système. Puisque le troisième année semblait néanmoins ne pas vouloir frapper à nouveau – il le punirait plus tard pour le coup donné – il se permit de le lâcher des yeux sans libérer le seconde année de sa poigne. Son regard dériva sur les trois qui n'avaient rien à faire là, dont les deux bavards qui semblaient enfin avoir compris qu'il ne voulait plus les entendre.

« Tous les trois, fichez le camp d'ici. J'irai parler à votre professeur principal à propos des devoirs en plus. »

Le petit groupe sembla ne pas y croire. Il lui sembla même que deux membres du trio comptait protester quand le troisième les attrapa finalement pour les entrainer vers la sortie. Ça n'étonnait pas beaucoup Akutsu. La petite bande commençait à être connue dans l'école pour chercher des noises à tous ceux qui sortaient un peu trop du lot. Mentalité si typique du pays que même les enseignants ne disaient rien, et ça n'arrangeait pas son affaire.

Néanmoins, puisqu'ils se retrouvèrent finalement à trois sur le toit, il les chassa de ses pensées pour se concentrer sur les deux belligérants. Son regard maintenant froid détailla rapidement les deux garçons, plus particulièrement celui qu'il tenait qu'il tira vers le haut pour le faire se redresser. Prudemment, il le lâcha, mais le roux se plaça à peu près entre les deux pour pouvoir réagir rapidement au besoin.

« Takeda, je t'écoute. Que s'est-il passé ? »

Heureusement pour tout le monde, c'était Moe sensei qui était là. Un prof qui avait suffisament d'autorité et de charisme pour faire taire une meute de loups en un claquement de langue, mais un homme relativement cool avec qui les élèves avaient toujours l'occasion de s'expliquer. Moe était un homme posé, ferme mais humain, qui aimait que les choses soient claires, et justes. Vraiment un coup de bol pour Rinji, même s'il avait eut tendance à secher les cours d'anglais ces derniers temps.

Le professeur regardait Rinji et lui demanda sa version des faits. Rinji se mit à rire nerveusement, un rire plus cynique que joyeux, car il avait l'impression qu'avec sa réputation merdique au sein du bahut, personne ne pourrait imaginer qu'il puisse être la victime cette fois. Et pourtant, il n'avait fait que répondre à une provocation.

"Que voulez-vous sensei. C'est plus fort que moi. Quand on me traite de cul de singe, ça part tout seul."

Rinji effaça son demi sourire de son visage et regardait tantôt Matsumoto, tantôt Moe sensei. Il s'attendait à ce que l'un ou l'autre dise quelque chose, contre lui évidemment. Il était résigné à en prendre plein la gueule. Délit de faciès, que voulez-vous... En tout cas, jouer les petits canaris effarouchés et larmoyants, très peu pour lui.

"J'préfère avoir ma gueule que la tienne, face de prout !" dit-il à Matsumoto.

C'était puérile, oui, et du même acabit que l'attaque qu'il avait subit. A la différence qu'à part quelques kilos superflus, Matsumoto avait un physique tout à fait normal. Rinji pouvait donc l'attaquer dessus, il y avait peu de chances que Matsumoto se sente réellement blessé puisqu'il n'avait pas vraiment de complexe. A part son petit excédent de poids. Mais Rinji n'était pas interessé pour le vanner dessus.

« Takeda, du calme. »

La lassitude et la migraine se disputaient la place. Un léger soupir manqua même de franchir ses lèvres alors que son regard quittait le troisième année et ses brûlures pour se poser sur le plus jeune. Un plus jeune qui d'ailleurs se tenait toujours la jambe là où son sempai l'avait frappé plus tôt, bien qu'Akutsu le soupçonnât intérieurement de surjouer. Et le croyant bien capable de faire ce dont le plus vieux l'accusait, il devait dire qu'il n'approuvait guère de compassion à l'égard du cadet.

Des réactions de gamins d'un bout à l'autre. C'était tout ce qui avait motivé cette bagarre. Un refus catégorique de la différence, des provocations dignes de mômes de douze ans et des conséquences pas tellement plus matures, voilà tout ce qui expliquait sa présence sur le toit à jouer l'arbitre. Jusqu'où la situation aurait-elle dégénéré s'il n'était pas finalement arrivé ? Plus il fixait le benjamin, plus il supposait que ça aurait mal fini.

Finalement, le soupir lui échappa.

« Matsumoto, redresse-toi un peu. Il dit vrai ? »

Combien de chance y avait-il qu'il soit franc ? Le regard de l'enseignant passait de l'un à l'autre pour surveiller leur comportement. Il avait été un peu soulagé de voir le plus jeune ne pas réagir à la dernière provocation de Takeda, mais à l'entendre maintenant bredouiller quelque chose d'incompréhensible, il supputait que ça n'avait rien à voir avec sursaut de maturité. Juste l'envie de passer pour la seule victime de l'affaire. Et la réponse de plus en plus confuse finit par faire naître chez le professeur un franc mépris parfaitement visible sur ses traits. Le choc perceptible sur le visage du deuxième année face à cela laissa planer un court silence dont le roux profita immédiatement pour couper court aux tergiversations.

« Oui ou non ?
- Oui... »

Il ne répondit pas immédiatement. Akutsu observa les deux garçons en réfléchissant à une réaction appropriée. Il ne pouvait pas laisser passer. Il ne pouvait même pas se contenter de leur filer des devoirs supplémentaires, sanction qu'il préférait pourtant aux heures de colle normalement. Mais l'affaire était un peu grosse pour une punition aussi gentillette, ce serait disproportionné et pas dans le bon sens. Si bon sens il y avait.

« Tous les deux, j'espère que vous avez bien conscience que votre comportement est inacceptable. Nous sommes dans une école, non sur un ring de boxe et il est hors de question de laisser passer la provocation comme la bagarre. Matsumoto, j'irai toucher un mot à ton professeur principal et c'est lui qui s'occupera de ton heure de colle. Je me chargerai de la tienne, Takeda. »

La tentation de leur dire de partir immédiatement tous les deux était grande. Il n'avait pas que ça à faire que de jouer les policiers, mais il y avait très clairement un problème avec le troisième année qu'il voulait aborder. D'ailleurs, puisqu'il l'avait sous la main, il pouvait bien aussi s'expliquer avec lui vis-à-vis des heures d'anglais séchées.

« Maintenant Matsumoto, file d'ici. Toi – il se tourna vers Rinji – je te demanderai de rester là. Il va falloir qu'on discute. »

Et son ton ne laissait guère de doute sur la latitude dont disposait le jeune homme pour refuser : absolument aucune. Il attendit néanmoins que le plus jeune des deux soit parti pour faire signer à son aîné de suivre ses pas jusqu'à l'ombre près de l'arrivée des escaliers. Volontairement silencieux durant quelques dizaines de secondes pour le laisser cogiter, il finit néanmoins par reprendre la parole, encore ferme mais un peu radouci.

« Des remarques sur ton apparence, tu en auras d'autres. Beaucoup d'autres. Et surtout tu en as pour une vie entière à les entendre, alors il va falloir apprendre à les laisser passer. » Il marqua une pause. « Ça ne veut pas dire d'encaisser les critiques sans réagir, surtout si elles sont douloureuses, mais tu ne peux pas non plus donner du poing dès que quelqu'un aborde ce sujet. Étudier dans cette école est une opportunité, il y a du monde qui voudrait y être. Toi tu es parvenu à y entrer, alors ne gâche pas ta chance pour quelques imbéciles, Takeda-kun. »

Un sourire qu'il voulait rassurant éclaira ses traits, ponctuant le ton déjà assez doux de ses propos. Akutsu ne doutait pas que le garçon ait compris qu'il était préférable de se tenir à carreau. L'idée d'ailleurs n'était pas de lui passer un savon. Il espérait surtout parvenir à lui faire comprendre qu'il n'était pas seul face à ses problèmes, et là, l'affaire se corsait un peu plus.

« Et puis tu as tes professeurs, reprit-il. Nous sommes là pour t'aider au besoin. »

Silencieux, Rinji observait Matsumoto tenter de s'extirper du regard franc et perçant de Moe sensei. Ce fut un échec cuisant pour le seconde année. Il y avait donc une vague justice en ce bas monde. Après quoi le professeur d'anglais leur fit un petit sermon obligatoire et justifié où il annonçait les punitions à venir. Une heure de colle, ce n'était pas marrant mais ce n'est pas comme si c'était la première pour Takeda. La première fois, il 'était senti humilié par cette sanction. A force d'en recevoir, ce qui l'emmerdait le plus dans l'histoire c'était surtout d'être enfermé une heure sous surveillance à faire des exercices détestables. Et en plus, ça ne faisait pas élégant dans son dossier scolaire.

« Maintenant Matsumoto, file d'ici. Toi – il se tourna vers Rinji – je te demanderai de rester là. Il va falloir qu'on discute. »

Et merde... Moe sensei allait le prendre entre quatre yeux. Pas bon ça. Pas bon du tout. Le professeur d'anglais n'était pas le plus sévère, mais il était respecté de tous parce qu'il était juste et ferme, droit dans ses bottes mais pas procédurier. Il allait droit au but, toujours, et réglait ce qui devait l'être point par point. Aussi, Rinji savait qu'il allait devoir s'expliquer pour ses récentes heures de cours séchées...

Il fut entrainé par son professeur vers l'ombre du recoin près de l'issu qui permettait d'accéder au toit. Ils se "mettaient à couvert" en quelques sortes. Rinji n'avait jamais eu de discussion directe avec Moe san. Mais vu comment Matsumoto s'était fait grillé dans son mensonge, Takeda se doutait qu'il ne pourrait pas duper ou apitoyer son professeur sur un motif quelconque pour se justifier de ses absences. Il ne lui restait qu'une solution : jouer franc-jeu. Rinji était donc près à avouer ses crimes et à recevoir, puisqu'il le faudrait sans doute, une seconde punition.

Cependant, le discours que le professeur entama n'avait rien à voir avec l'anglais. D'une voix posée, accompagnée d'un regard bienveillant et même de quelques sourires, Moe sensei lui parlait des problèmes rencontrés à cause de son physique et lui expliquait que la façon dont il avait réagit aujourd'hui n'était pas du tout la bonne méthode. Il lui rappela également la chance qu'il avait de pouvoir étudier dans cette école. Chance que beaucoup d'autres n'avaient pas. Rinji regardait dans le vague et hocha la tête, signe qu'il comprenait parfaitement. Il se mettait à la place de ses autres, s'imaginant ne pas pouvoir suivre d'enseignement et assister au gâchis de la chance des élèves qui eux, pouvait apprendre. S'il avait eu un Takeda sous les yeux, il lui aurait collé son poing en pleine face. Donc oui, Rinji était méprisable d'avoir merdé, tant sur le comportement que sur le séchage de cours.

Pourtant, si Rinji s'était fait remonter les bretelles d'une autre manière, il se serait rebiffé et il aurait été impossible de lui faire entrer le message dans sa caboche butée. Moe sensei ne le traitait pas comme un gamin, mais comme un adulte qui pouvait comprendre. C'est pour cela que Rinji avait entendu les conseils, les reproches. Et même, cela le touchait plus profondément que ça en avait l'air. Car Rinji n'avait jamais eu ce genre de rapport avec son père. L'homme de la maison n'était jamais là. Alors en grandissant, c'est lui qui avait prit cette place. Lui qui imposait sa loi, plus ou moins. Jamais aucun autre homme plus âgé que lui ne lui avait "fait la leçon" ou ne lui avait parlé comme à un homme sur les choses de la vie. Moe san était le premier. Ce qui ne manqua pas de marquer profondément Rinji.

« Et puis tu as tes professeurs, reprit-il. Nous sommes là pour t'aider au besoin. »

Là pareil. Jamais personne ne lui avait proposé son aide suite à son accident qui avait modifié son physique à jamais. A tel point que Rinji avait du mal à croire que la proposition puisse être sincère. Ce n'était probablement qu'un apitoiement passager qui serait oublié si tôt que le professeur ne l'aurait plus sous les yeux. Faire pitié... Non merci ! Il préférait encore se faire traiter de macaque. Là au moins, il pouvait répondre.

"Merci sensei... Mais ça ira." répondit-il calmement. "J'ai pas besoin de la pitié des gens pour me construire. Les pleurnicheries, c'est pas mon truc."

Le ton était posé, mais ferme. Ferme, mais pas agressif. Ce n'était que de l'orgueil en fait. Puisque le professeur n'abordait pas les heures séchées, mais que ça viendrait tôt ou tard, Rinji montra qu'il était effectivement un homme, quelqu'un de fort, qui assumait ses responsabilités, fièrement, et sans l'aide de personne, contrairement aux gamins qui peuplaient cette école.

"Je n'ai pas d'excuse pour mes absences aux trois derniers cours d'anglais, sensei. "

AAAAH ! Pourquoi fallait-il que Rinji se sente si mal de cette situation qu'il avait lui-même provoquée ? En fait, il respectait Moe sensei, et même, il l'aimait bien. Il venait d'être touché par le côté paternel de la discussion, mais son orgueil était trop lourd pour accepter simplement les choses. Voilà qu'il s'en voulait à présent. Il ajouta donc, histoire de faire comprendre à demi mot à son professeur que ce n'était aucunement une rébellion contre lui, baissant le regard (ce qui n'était pas une chose facile à faire pour lui) :

"J'accepterai votre punition Sensei. Et je... je vous prie de m'excuser pour mon comportement de ces derniers jours."

AAAAH ! Maintenant il se trouvait ridicule. Quel labyrinthe...

La pitié... Y avait-il sentiment plus controversé ? Entre ceux qui la cherchait et ceux qui la fuyait, Akutsu avait parfois l'impression de ne pas trouver de juste milieu. Mais il comprenait assez bien le ressenti du jeune homme : s'il se laissait aller à l'attirer, il en aurait pour une vie entière à se faire traiter comme une petite chose fragile qu'il convenait de protéger. Voire de surprotéger. Lui n'en avait pas l'intention. Il savait néanmoins qu'il aurait du mal à le faire entendre au troisième année.

Pourtant le roux n'eut pas le temps d'y revenir, d'essayer d'expliquer un point de vue tout en nuances et de fait difficile à faire comprendre. Déjà Takeda-kun abordait le sujet des heures de cours séchées. Certes, il tenait à pouvoir l'aborder plus tard oui, mais ce n'était pas vraiment pour cela qu'il avait retenu le garçon. Un soupir manqua même de franchir ses lèvres alors qu'il l'observait. Voir le jeune homme baisser les yeux devant lui avait quelque chose d'étrange, sans être totalement désagréable. Il avait obtenu son estime, visiblement, et c'était aussi plaisant qu'effrayant.

« Ah oui, les heures séchées... »

Il expira doucement, longuement pour se laisser un peu de temps pour réfléchir. La décision finale était cependant toute trouvée. Un cours séché aurait été plus simple, le garçon s'en serait sorti avec simplement des devoirs supplémentaires, mais trois cours... A part lui donner des heures de colle – tâcher son dossier avec au passage – il n'y avait pas grand chose à faire. Mais après tout, c'était bien ainsi qu'on devenait un homme : en assumant ses actes.

« Je te rajouterai deux heures de colle en plus de celle que tu dois déjà faire, tu recevras un mot pour te dire quand elles auront lieu. »

Un temps de silence ponctua ses propos.

« Je ne te proposais pas de venir nous voir par pitié, Takeda-kun... Que tu n'en veuilles pas est tout à ton honneur, mais parfois on a besoin de parler à quelqu'un pour être conseillé... ou juste pour discuter. Alors si tu ne sais pas qui venir voir, n'hésite pas. »

Pendant un instant, Takeda cru que le professeur avait bien faillit oublier les heures de cours séchées. Merde alors. S'il avait su... Quoique non. Il pensait avoir bien fait de parler en premier. Cela avait le mérite de montrer au prof que même s'il avait merdé, il ne fuyait pas la sanction et était prêt à assumer ses actes. Comme un homme. Moe sensei était un homme juste. Beaucoup craignaient de le contrarier, rapport à une rumeur concernant son passé. Mais il suffisait de prendre cinq minutes pour soutenir son regard pour comprendre que Moe sensei ne punissait pas à la légère et que cet homme était donc juste, et bienfaisant. C'est seulement aujourd'hui, sur ce toit, que Rinji le comprenait. Avant cela, il n'avait jamais eu l'occasion d'y réfléchir. Et à bien y songer, tant de maturité chez ce jeune professeur, cela ne le rendait que plus impressionnant.

Bien sûr, Rinji n'échappa pas à la sanction. Il écopait de trois heures de colles à faire en tout. Takeda avait toujours pensé que les heures de colle étaient une perte de temps mais finalement, il s'en sortait bien. Car s'il avait été en cours, il aurait eu trois heures de liberté qu'il s'était auto accordé en moins. C'était les soldes pour les punitions en quelques sortes. Ainsi, la bagarre serait "gratuite". Enfin bref. Les calculs de Rinji étaient peut-être étranges, mais lui, il s'y retrouvait. Aussi, lorsque le professeur lui annonça qu'il devrait les faire et qu'il recevrait une convocation pour en connaitre la date, il ne broncha pas, et se contenta d'opiner du chef, acceptant le deal.

Voilà. Il n'y avait plus qu'à redescendre de ce toit changé en ring par la faute de Matsumoto. Pourtant, les jambes de Rinji s'y refusaient.

"Sensei..."

A peine eut-il commencé sa phrase que Rinji se mordillait déjà sa lèvre inférieure, regrettant d'avoir commencé une phrase qu'il aurait honte de terminer. Mais il était trop tard. Moe sensei l'observait de son regard doux, attendant la suite. Rinji se maudissait. Dire qu'il avait la chance de ne pas être prit en grippe par son prof d'anglais malgré ce qui venait de se passer, voilà qu'il risquait gros avec ses idées à la con. Rinji fut à deux doigts de renoncer mais baissant les yeux au sol, il décida de terminer sa phrase, assumant, comme un homme :

"C'est vrai ce qu'on dit sur vous ?... Vous étiez... un Yakuza ?"

Rinji évitait de croiser le regard du prof, craignant d'y lire un reproche, une colère ou quelque chose que le 3-A n'avait pas réellement voulu déclencher. Il s'étonnait juste du contraste entre la bonté de l'homme et les rumeurs qui circulaient sur lui.

Certaines manières d'entamer une discussion ne plaisait à personne. Les « il faut que je te parle » quand on était en couple, par exemple, et toutes les autres variantes du « j'ai quelque chose à te dire » généralement prononcées avec un air grave qui promettait ou l'annonce d'une mort passée ou imminente, ou l'annonce d'un amour fou pour sa personne. Étrange d'ailleurs comme les gens pouvaient être aussi sérieux dans un cas que dans l'autre.

Pourtant là son élève n'était supposé lui faire ni l'un, ni l'autre. La dernière partie était d'ailleurs presque plus effrayante que la dernière hypothèse. Comment réagirait-il si un jour l'un de ses étudiants venait le voir pour ça ? Ou l'une de ses étudiantes, d'ailleurs. Peu importait en fait, il verrait ça plus tard puisque son élève lui demanda tout autre chose.

La question le laissa entre soulagement et perplexité, laquelle laissa bientôt place à un sentiment d'horreur. Son tatouage. Oui bien sûr, il n'y pensait pas souvent à Hamura parce que ni Jiro, ni Cathan ne s'étaient formalisés du motif dans son dos. L'un et l'autre avaient bien compris qu'il s'agissait plus d'un acte de rébellion de sa part que d'un engagement mafieux mais... Et si d'autres l'avaient vu ici ? Depuis son arrivée à Ginkgo, il avait vraiment fait attention à s'en cacher. Jamais il n'était torse nu chez lui et les vêtements qu'il portait ne laissaient pas apparaître son dragon.

« Qui a bien pu te dire une chose pareille ? »

Il sourit un peu, démentant ses propos plus par ce biais qu'avec des mots qui, de toute façon, pouvaient dire tout et son contraire.

« Tu te doutes bien que si c'était le cas, je ne pourrais pas te dire oui. »

Cessait-on un jour d'être yakuza lorsqu'on l'était devenu ? Il en doutait.

« Cependant non, je ne l'ai jamais été. Tu ne devrais pas prêter attention à ce genre de rumeurs, Takeda-kun, elles tiennent plus de la diffamation qu'autre chose. »

Et avant que la conversation ne dérive encore, Akutsu décida de clore là leur entretien. Il avait dit ce qu'il devait lui dire et supposait que, même si ça ne lui rentrait pas dans la tête, il ne pourrait pas mieux faire pour cette fois. Le roux veillerait juste à l'avenir à ce que Rinji ne subisse pas les moqueries d'autres élèves et se rappellerait à lui en cas de problème. Il n'y aurait probablement pas d'autres moyens pour lui faire comprendre qu'il était là en cas de besoin.

« Si tu n'as pas d'autres questions, je te libère. Et reviens en cours jeune homme. Dans tous les cours. »

[HRP : Voilà, à part si tu vois un truc essentiel à ajouter, je pense qu'on arrive à la fin du topic. Tu peux clore dès ton prochain message, je répondrai probablement pas une fois Rinji parti^^]

Rinji regrettait de s'être montré assez couillon pour poser une question pareil à un prof qu'il aimait bien. Prêter du crédit à des conneries de rumeurs, ça risquait de le reléguer au niveau du benêt standard qui croit tout ce qu'il entend. Même une huitre s'en serait mieux sorti que lui sur ce coup là. Et en plus, lui, il ne pouvait pas s'enfermer dans sa coquille pour se cacher après la honte à laquelle il s'exposait. Bref, pas franchement une réussite.

Par contre Moe sensei géra parfaitement la situation. Il resta cool, sans s'énerver, et grâce à une habile manœuvre de langage, il s'en sorti comme un prince sans être inquiété. La grande classe ! Rinji donnait plus de poids à ce que pouvait lui dire son professeur que ce qui avait pu être dit sur son dos pour faire descendre sa cote de popularité chez les élèves. Et même, l'indien pensait que justement, tout cela n'avait fait que renforcer le mystère de Moe sama.

Très admiratif de la franchise... ou alors du mensonge dit avec aplomb qui constituait la réponse de Moe Sensei, Rinji regretta presque que l'entretien se termine. Il est vrai qu'il n'adorait pas les face à face avec les profs, mais là, c'était différent. Il avait l'impression d'avoir trouvé un allié concernant son délit de sale gueule. Quelqu'un qui pourrait prendre son parti s'il était à nouveau dans l'obligation de faire face à des connards de l'acabit de Matsumoto. Et il comprenait parfaitement que même s'il y avait un fond de vrai dans ces rumeurs, Moe sensei ne pourrait pas se laisser aller à en parler au premier venu. Rinji n'était qu'un élève parmi d'autres après tout.

Hochant la tête, Rinji signifiait par là qu'il ferait des efforts pour les cours. Il avait un peu déconné ces derniers temps et ça allait vraiment finir par faire tâche dans son dossier scolaire. Puis, souriant, il quitta le toit, non sans jeter un dernier coup d'oeil à son professeur.

*T'es un bon, Moe Sensei !*

FIN
[HRPG - merci]