La cheville bandée, de plus en plus douloureuse, Miku avait dû se résigner. Maudit trou qu'elle n'avait pas vu... À vrai dire, si la jeune femme était moins étourdie, moins tête en l'air, elle l'aurait vu. Mais non, il avait fallu qu'elle rêvasse, qu'elle mette le pied dedans et qu'elle tombe... Et depuis elle avait mal. Sa cheville n'était pas foulée, mais elle n'en restait pas moins douloureuse. Malheureusement, si elle allait chez son médecin pour cela, il allait encore vouloir l'interdire de chantier. En avait-il le droit ? Elle en doutait fort, mais Miku n'avait absolument pas envie d'avoir encore le droit à une leçon de morale qui allait se doubler d'un coup de téléphone de son père histoire de lui remonter les bretelles. C'était ça le problème avec les médecins de famille qui suivaient votre dossier depuis l'enfance et qui connaissaient très bien vos parents... Elle pouvait également chercher un autre généraliste qui la prendrait en charge, mais ce serait une perte de temps pour une petite douleur qui allait bien finir par passer.

Malheureusement, Miku était en panne sèche d'antidouleurs. Il ne lui restait plus donc qu'à s'en fournir... et c'était pour cela qu'elle se rendait à l'infirmerie... Seulement, elle n'avait pas vraiment envie d'y aller, mais pourtant, elle avait choisi de parler face à face avec Dean plutôt que de se rendre en ville chez un médecin. Trois mois... trois mois qu'il était ici et trois mois qu'elle l'évitait désespérément... Ils s'étaient croisés dans les couloirs un beau jour, lui le nez dans des papiers et elle en train de contempler bêtement la peinture des murs. Miku l'avait alors reconnu, s'arrêtant au beau milieu du couloir, la bouche entre ouverte, les yeux écarquillés en grand, n'arrivant pas à réaliser qu'elle connaissait la personne qui venait de disparaitre au détour d'un couloir. Elle l'avait alors suivi discrètement, convaincue qu'elle faisait erreur et qu'il ne pouvait en être autrement.

Pourtant, lorsqu'elle tomba nez à nez avec la porte de l'infirmerie et l'étiquette qui donnait le nom de l'infirmier, son nom, elle ne put nier la vérité aussi tordue soit-elle. Miku avait alors pris son après-midi, prétextant un gros coup de fatigue pour rester dans ses appartements et encaisser le choc qu'elle venait de subir. Et maintenant, elle s'en allait provoquer une confrontation au lieu de faire comme si de rien n'était, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourquoi faisait-elle ça ? Parce qu'elle avait mal à la cheville ? Non, ça, c'était son petit prétexte. Elle aurait très bien pu passer à la pharmacie du coin qui lui aurait délivrée des antidouleurs... Elle avait simplement envie de comprendre, comprendre la situation présente, mais également la situation passée. Pourtant, elle appréhendait les réponses qu'elle voulait avoir...

En attendant, elle se tenait devant la porte fermée, droite comme un piquet, à se demander si elle devait partir ou toquer. Elle hésita longuement, se grattant la tête, ne sachant réellement que faire. Dans le pire des cas, s'il ne la reconnaissait pas ou si cette rencontre se passait vraiment mal, elle demandait ses médicaments et disparaissait sur-le-champ... mais dans ce cas, à quoi bon faire tout ce cinéma digne d'une lycéenne qui allait à son premier rendez-vous galant ? Miku était vraiment pitoyable, elle s'en rendait compte... Notamment lorsqu'elle colla son oreille à la porte pour écouter s'il y avait du monde à l'intérieur. L'endroit semblait paisible, très paisible. Avec un peu de chance il ne serait pas là et Miku n'aurait rien à se reprocher... Elle aurait essayé de lui parler, mais manque de chance il n'y avait personne pour l'accueillir. Ce fut dans cet état d'esprit que la jeune femme tapa trois fois à la porte, histoire d'avoir bonne conscience et de n'avoir rien à se reprocher.

Malheureusement pour elle, Miku avait faux sur toute la ligne. Elle n'avait jamais de chance, elle devait commencer à le comprendre, car évidemment il était là et il lui répondit. Ravalant sa colère après elle-même, elle posa la main sur la poignée, prête à ouvrir la porte. Ce fut le cas au bout de quelques secondes d'hésitation.

« Bonjour… »

Ce fut tout ce qu’elle réussit à articuler face au jeune homme qui venait de la regarder entrer...

C’était il y à 4 ans, alors que Dean venait d’avoir 22 ans. Il avait un détour par une ville quelconque d’Amérique, juste le temps d’un concert. Mais jamais il n’allait réussir à y aller, à ce concert, car son chemin rencontra celui d’une jeune femme. A peine plus âgé que lui, elle lui semblait … irréelle ? Cet air timide et farouche, ces cheveux noirs lui tombant sur les épaules telles une cascade aux milles reflets. Tant de choses qui avaient attiré Dean chez elle. Ils s’étaient abordés, avaient apprit à se connaître et, très rapidement, l’infirmier sut que le coup de foudre était partagé.

Alors que Dean aurait du rester sur place pour seulement trois jours, il décida bien vite de prolonger son séjour jusqu’à ce qu’il ne décolle pour le Japon, où il commencera sa formation d’infirmier. Pendant 5 semaines il resta aux côtés de Miku, désireux. Pourtant, il se garda bien de faire des gestes qui risqueraient de brusqué la jeune fille. Pendant cinq semaines ils passèrent des journées ensemble où câlin et baisers rythmèrent leur quotidien. Bien que discutant de beaucoup de choses, se confiant énormément l’un à l’autre, Dean ne pu se résigner à annoncer à Miku qu’il ne restait pas éternellement ici.

Alors, du jour au lendemain, il l’abandonna dans sa chambre, avec un simple mot de remerciement disant qu’il partait pour le Japon, sans d’autres explications. Pendant ces quatre années, Dean avait fait beaucoup de rencontres charmantes mais n’aboutissant à rien. Aussi, notre infirmier ne pu oublier ces cinq semaines d’amour avec Miku. Et maintenant ? Quatre ans ½ après, Dean se retrouvait là, devant cette même jeune femme. Elle n’avait pas changé. Peut-être avait-elle seulement prit deux ou trois centimètres.

L’infirmier était entrain de ranger quelques boîtes de médicaments dans l’armoire lorsqu’il entendit quelqu’un frapper. Il répondit d’un « oui », s’efforçant de paraître de bonne humeur –alors que ce n’était pas réellement le cas. Quand il entendit la porte se refermer, il se redressa, afficha un sourire et se tourna. Instantanément, son sourire disparu faisant place à la stupéfaction, le regard figé sur la jeune femme. Les yeux écarquillé, notre jeune homme se tenait immobile, les mains restant en suspens en l’air, n’en croyant pas ses yeux.

« Mi … Miku ? Qu’est-ce que … ? »

Il y avait certes mieux comme première approche, mais c’est tout ce qu’il put articuler en ce moment même.

La réaction ne fut pas feinte, l'étonnement de Dean étant bien réel. Ce dernier l'avait reconnu sans réelle hésitation. Visiblement, sa venue venait de lui couper le sifflet, le jeune homme ayant du mal à parler sans bafouiller. Ils restèrent silencieux quelques instants avant que Miku ne tente de dire quelque chose, histoire de mettre fin à ce malaise qui était encore plus présent dans la pièce que l'odeur de désinfectant.

« Hum… Que dire ?... Surprise !… »

Et non, elle n'était ni morte, ni portée disparue, mais bien vivante devant lui. Si Dean avait décidé de disparaitre du jour au lendemain sans explication, Miku, elle, avait décidé d'apparaitre sans crier gare, même si le hasard avait un peu décidé pour elle...

Il n'avait pas tant changé que cela en quatre ans, ses cheveux, peut-être, étaient coiffés différemment. Elle ne s'attarda pas sur les détails, n'osant pas le regarder en face. La jeune femme préféra donc baisser la tête et regarder ses pieds. Elle ne savait pas trop quoi dire, ni par où commencer. En un instant, elle fut néanmoins envahie par un flot de souvenirs. Elle se souvint de cette bourse d'étude que son sensei était parvenu à lui décrocher pour qu'elle puisse partir effectuer un semestre aux Etats-Unis. Elle y était allée à reculons, un peu réfractaire aux choses qu'elle ne connaissait pas et visiter le nouveau monde en tant qu'étudiante en faisait partie. Elle avait pourtant cédé, avec beaucoup d'appréhension. Néanmoins, elle avait eu la chance d'avoir des camarades étudiants agréables et capables de l'aiguiller. Elle parlait évidemment anglais, même si celui-ci n'était pas parfait. Plus qu'une barrière linguistique, ce fut une barrière culturelle qui se dressa entre elle et le monde américain, Miku manquant parfois d'un peu de recul fasse aux habitudes et attitudes des Américains.

Le premier mois passa plutôt lentement, et la jeune femme jonglait plutôt bien entre ses études et ses sorties entre amis, même si ces dernières étaient souvent contraintes. Puis un jour, l'une d'elle se solda par une rencontre. Elle ne se souvenait plus du nom du bar dansant dans lequel cela c'était produit, mais elle se souvenait de son aspect convivial. Elle y avait rencontré Dean, un jeune homme charmant qui l'avait abordé avant de vraiment engager la discussion avec elle. Miku étant plutôt timide, elle se sentit pourtant bien en sa présence, réussissant à tenir une conversation sans se cacher derrière un mur de timidité. Ils s'étaient revus une fois, puis deux et puis ils étaient sortis ensemble. Malheureusement, quelques visites et morceaux de guitare plus tard, il s'était volatilisé, comme un mirage.

Seule et dans l'incompréhension, Miku s'est longtemps demandée ce qu'elle avait fait pour provoquer une telle réaction. Avait-elle été trop étouffante ? Trop pressée de faire des projets pour eux deux ? Elle savait que Dean avait pour objectif de partir au Japon pour ses études et elle devait y retourner également à la fin de son semestre. L'occasion semblait à saisir, mais pourtant, il disparut sans la prévenir, certainement pour le pays du soleil levant, mais sans elle. Son semestre terminé, mais raté, Miku retourna à son tour vers sa terre natale, faisant face à la déception de son sensei et au refus des écoles d'infirmier de lui communiquer les noms de ses étudiants. Elle avait alors abandonné, se résignant et poursuivant sa petite vie comme elle l'était avant.

Miku avait aujourd'hui tourné la page. Seulement, à l'époque, la jeune femme était amoureuse et le coup fut plutôt dur à encaisser, très dur à encaisser. Et puis du jour au lendemain il était là, sans que l'un ou l'autre l'ait souhaité, avec son accent américain et sa guitare certainement pas trop loin.

La tête toujours basse, Miku n'osait rien dire et lui non plus visiblement. Prenant son courage à deux mains, respirant un grand coup, elle leva finalement la tête, souriante...

« Ça fait un bail hein ? J'ai mis un moment avant de me décider... mais je suis venue. C'était peut-être plus intelligent plutôt que d'attendre que tu me remarques enfin dans les couloirs... Dire que j'avais peur que tu ne me reconnaisses pas, je suis un peu soulagée...»

La stupéfaction laissa lentement place à la joie. La joie de cette rencontre des plus inopinées. Il regarda la jeune femme, faisant abstraction de son entourage. Il concentra seulement sur la voix de Miku, qui semblait tout de même assez … irréel ? Comme lors de leur première rencontre. Mais était-ce vraiment tellement différent en ce même instant ? Ils ne s’étaient plus vus depuis 4 ans, chacun d’eux avait sans doute réussi à tourner la page. Et maintenant ? Ils avaient tout deux muri, avaient changés. Ils devaient surement réapprendre à se connaître. Mais, devaient-ils renier le passer ? Faire comme si de rien n’était ? Dean avait conscience que son brusque départ aurait pu blesser la jeune femme naïve et timide qu’était Miku lors de leur idylle de cinq semaines. Voulait-elle renouer avec le passer ? Ou aller de l’avant ? Quoiqu’il en soit, elle était venue le voir directement dans son lieu de travail. Cela signifiait qu’elle avait, au fond, ce désir de prendre des nouvelles de Dean. Rien que pour cela, il lui serra reconnaissant.

Alors, prenant une grande inspiration, notre jeune homme afficha un sourire et entre ouvrit la bouche mais fut couper par la prise de parole de Miku. Celle-ci avait relevé la tête et lui adressa un sourire. Ce même sourire qui avait attiré l’infirmier vers elle, il y a 4 ans de ça. Elle l’avait donc déjà aperçu dans les couloirs ? Et lui était passé à côté d’elle sans la voir ? Impossible. Ou alors il ne devait pas franchement être réveillé. Mais ce fut surtout sa dernière déclaration qui surprit Dean. Inclinant légèrement la tête sur le côté, il reporta toute son attention sur la jeune femme. Alors comme ça elle avait craint que Dean ne la reconnaisse pas ? Souriant, l’infirmier se redressa et fit un pas en avant

« Comment ne pas te reconnaître ? Tu es toujours tellement ravissante »

Sans perdre son sourire qui étira un peu plus ses lèvres, il continua de s’approcher d’elle. Puis, se retrouvant devant elle, il plongea quelques instants ses yeux dans ceux de Miku, réfléchissant rapidement, avant de passer ses bras autours des épaules de la jeune femme. Liant ses mains sur ses omoplates, il la serra tendrement contre lui.

« Ça fait plaisir de te revoir » sourit-il avant de la relâcher et de se reculer d’un pas, réaffichant son sourire « mais raconte moi. Qu’est-ce qui t’emmène ici ? Vous avez prévu des fouilles dans le coin ? »

Evidement, Dean ne connaissait la jeune femme qu’en tant qu’archéologue. Mais alors, pourquoi était-elle venue ici, à l’infirmerie de Ginkgo ? Etait-elle professeur ici ? Impossible, Dean aurait sans doute son dossier médical. Quoique, à part celui de Luca qui était un cas à part, notre jeune homme n’en avait lu aucun des professeurs …

Miku ne put s'empêcher de rire lorsqu'il évoqua le fait qu'elle était ravissante. Elle devait surtout avoir l'air stressée et d'une banalité déconcertante avec sa paire de basket. En attendant, l'atmosphère oppressante vola en éclat instantanément, comme s'il s'agissait de deux vieux copains en train de bavarder d'une chose ou d'une autre à la terrasse d'un café. N'était-ce pas ce qu'ils étaient en fin de compte ? La jeune femme n'en savait trop rien...

« Et toi mon cher Dean, tu sais toujours trouver les mots qui font plaisir ! »

S'avançant vers la jeune femme, Dean la prit naturellement dans ses bras. Elle fit de même, le serrant contre elle et fermant les yeux. Étrangement, elle ne reconnut pas son odeur. Après tout, il était peut-être normal qu'elle ne s'en souvienne pas. Une image pouvait rester gravée des années dans le cerveau des humains, mais pour les odeurs, cela semblait différent. À vrai dire, le souvenir du visage de Dean n'avait pu s'effacer convenablement pour la simple et bonne raison qu'elle avait entretenu ce souvenir. Volontairement dans un premier temps, puis sans réellement le vouloir dans un second temps et cela à cause d'une photo. Photo d'eux deux qui avait été prise lors d'une nouvelle soirée dans ce même bar dansant. Ils étaient assis, côte à côte, dans les fauteuils du bar, tout sourire. Elle avait gardé précieusement cette photo, la regardant lorsqu'elle était nostalgique puis l'abandonnant finalement au fin fond d'un carton avec ses affaires de fac. Elle était retombée dessus à plusieurs reprises, lors de ces successifs déménagements ou lorsqu'elle cherchait simplement quelque chose dans ses affaires de cours.

L'étreinte ne dura à peine que quelques secondes, avant que l'infirmier ne relâche la pression qu'il exerçait sur le corps de la jeune femme et ne recule d'un pas. Miku n'avait jamais pensé recevoir un accueil si chaleureux. Elle était plutôt soulagée à vrai dire, surtout qu'ils seront forcément amenés à se côtoyer dans le futur et il fallait mieux que ce soit dans de bonnes conditions. Pour l'instant, ils n'avaient pas eu à se trouver par hasard seuls dans une même pièce, surtout grâce aux qualités incroyables de camouflage et d'infiltration de Miku !

Elle l'écouta alors lui demander la raison de sa venue. Que dire, si ce n'était qu'il touchait du doigt un point clé tout en omettant une réalité de taille. À l'époque de leur rencontre, Miku ne voyait que par l'archéologie. Si elle avait travaillé dur à l'université, c'était dans l'optique de devenir un jour une archéologue réputée, mais depuis, elle avait un peu revu ses projets. Heureusement pour elle, et surtout une nouvelle fois grâce à son sensei, elle pouvait rejoindre bon nombre de missions archéologiques lorsqu'elle le désirait. Qui pouvait s'en vanter ? En fin de compte, elle avait réussi à marier d'une manière assez efficace le désir de mener sa petite vie tranquille et celui de partir vivre la grande aventure uniquement de temps en temps.

« En quelque sorte ! Je fouille et participe à des conférences en tant que spectatrice ou actrice quand je le peux, mais le reste du temps je suis ici à Ginkgo Gakuen en tant que professeure de sciences sociales... Et oui, nous sommes collègues Onwara-san !»

Le sourire de Miku s’effaça alors brutalement lorsqu’une nouvelle douleur à la cheville la lança.

« Par contre, aurais-tu des antidouleurs à me donner ? Je me suis un peu fait mal à la cheville en tombant bêtement... Je serais peut-être plus à l'aise pour discuter après...»

L’étreinte fut mutuelle et Dean en fut enchanté. Enchanté de savoir que cette jeune femme lui avait sans doute pardonné son sale coup. Souriante, elle lui fit un semblant de compliment avant de déclarer ouvertement qu’ils étaient collègues. Là, ce fut l’étonnement qui put se lire sur le visage de notre infirmier. Alors comme ça la jeune et timide Miku tel il l’avait gardé en mémoire avait effectivement changé moralement. Dean en fut agréablement surprit : au moins comme ça ils auront sans aucun doute l’occasion de se revoir, ce qui ne pourrait qu’être positif. Si tout de fois ils venaient à reparler du passé, notre infirmier n’était pas sûr de ce qu’il allait pouvoir lui dire. Mais soit.

Pour l’instant nous sommes au présent, adviendra ce qui voudra par la suite. La jeune femme, après lui avoir expliqué rapidement son quotidien, perdit son sourire et lui demanda des antis douleur à cause d’une chute pendant laquelle elle s’était faite mal à la cheville. L’infirmier qui sommeillait en lui revenant au quart de tour, Dean hocha vivement la tête

« Oui bien sur, vient, assit toi » dit-il en désignant une chaise.

Pendant que Miku s’installa sur ladite chaise, Dean repartit vers son armoire qu’il venait de quitter. Ouvrant la porte, il s’accroupi devant et fouilla dans un des cartons. Il en sorti une boîte d’antis-douleurs qu’il n’avait pas eu le temps de ranger avant. Puis, se redressant, Dean se tourna à nouveau vers Miku et s’avança vers elle. Il lui tendit un cachet et un verre d’eau, sourire éternel sur les lèvres

« Voilà pour vous, chère demoiselle » dit-il en lui faisant un clin d’œil avant de tirer une chaise à son tour et s’installer en face de Miku avant de désigner ses pieds « c’est laquelle qui te fais mal ? Peut-être que je peu t’aider un peu plus » fit-il en toute innocence pendant qu’il observa la jeune femme avaler le cachet.

Prenant place sur la chaise que Dean venait de lui désigner, elle le laissa faire son travail, le regardant fouiller dans l'armoire à la recherche certainement des fameux antidouleurs. Elle en profita pour observer son lieu de travail, prenant conscience de sa propreté. Dans une infirmerie, c'était plutôt souhaitable... mais l'odeur de désinfectant était vraiment trop présente dans la pièce. Peut-être que les fabricants devraient songer à parfumer d'une odeur un peu plus agréable ce genre de produit...

Le jeune homme revint alors près d'elle, la faisant sortir de ses rêveries en lui tendant un verre d'eau et le fameux médicament qui devait la soulager. Elle le remercia avant de regarder d'un sale œil le cachet. Elle le trouvait un peu trop gros pour qu'elle puisse l'avaler sans soucis. Traumatisme qui devait remonter à l'enfance, elle passa pourtant outre et réussit à s'en débarrasser dès la première gorgée d'eau, ne voulant pas passer aux yeux de l'infirmier pour une éternelle gamine. Ce dernier s'installa alors en face d'elle, avant que Miku ne pose le verre sur le bureau qui était à proximité.

Elle recula alors ses pieds sous la chaise lorsqu'il voulut examiner de plus près sa cheville. Pourtant, elle finit par lui tendre la bonne jambe, consciente qu'une fois encore, elle ressemblait à une lycéenne qui avait peur de la piqure du docteur.

« C’est la droite. Je me la suis foulée l’année dernière et depuis je suis sans arrêt embêtée… Il parait que c’est parce que je ne l’ai pas correctement soigné...»

Elle laissa alors Dean faire son travail, tandis que la jeune femme détourna la tête pour observer le ciel par-delà la fenêtre. Soupirant doucement elle se demandait pourquoi le destin avait décidé qu'ils se retrouveraient ici. Cette situation semblait un peu irréelle, comme si elle était en train de rêver. Étrangement, elle était arrivée dans cette infirmerie pleine d'appréhension, pleine de questions qui lui torturaient l'esprit... et maintenant elle ne voulait plus les poser. Le manque de courage certainement... ou était-ce peut-être son inconscient qui lui soufflait l'oreille qu'il ne valait mieux ne pas savoir... Elle n'en savait rien.

Reportant son attention sur Dean, elle le regarda finir d'examiner son pied avec professionnalisme et intérêt. Miku sourit tristement, l'euphorie des retrouvailles passées, elle se sentait de nouveau dans une drôle de situation, un mélange d'angoisse et de nostalgie qu'elle tenta tant bien que mal à dissimuler par des paroles.

« Je suis heureuse que tu sois devenu infirmier. Si mes souvenirs sont bons, cela te tenait vraiment à cœur… »

Elle se souvenait également de beaucoup d'autres choses le concernant...

Néanmoins elle avait eu vent d'une certaine animosité des élèves envers leur infirmier. Miku n'avait pas accordé beaucoup de crédit à cette légende et le voyant maintenant dans son élément, elle n'en accorderait plus du tout.

« Dis, je peux te poser une question que je ne t'ai jamais posée ? Pourquoi avoir choisi le Japon pour faire tes études plutôt que de rester aux États-Unis ? »

Elle avait finalement posé une question, mais il ne s’agissait pas de la plus dérangeante.

Alors que Miku reprit la parole, Dean se raidit, évitant au maximum de croiser son regard et déglutit. Elle allait lui demander des explications sur son départ précipité, s’était obligé. Mais que répondre à cela ? Oh désolé, tu m’énervais, j’ai préféré me casser plutôt que de m’engager avec une femme étouffante ? Non, Dean avait réellement aimé Miku et serait resté avec elle s’il n’avait pas eu cette crainte de n’être qu’un jouer pour elle. Aussi avait-il préféré partir pour le Japon au lieu de rester avec elle, d’autant que son départ pour le pays du soleil levant avait déjà été organisé bien avant qu’il ne fasse la rencontre de cette charmante jeune fille. Mais, alors qu’il était plongé dans ses pensées, il faillit ne pas entendre la suite de ce qu’elle lui annonça.

Relevant vivement le regard, il la regarda un instant, ahuri avant de s’empresser de faire disparaître sa surprise derrière un petit sourire nerveux. Le soulagement de ne pas devoir la confronter à la réalité de la chose fut rattrapé par le fait de ne pas réellement savoir quoi répondre.

« Eh ben, tu … me prends de cours là » rigola-t-il en lui lâchant la jambe et, se redressant sur sa chaise, il se passa une main dans les cheveux, baissant le regard, une moue de réflexion sur le visage « pourquoi avoir voulut faire mes études au Japon … ? » répéta-t-il doucement, pour lui-même « eh bien, très bonne question. Et pour tout te dire, je n’ai pas eu réellement à réfléchir là-dessus. » Il haussa les épaules « je veux dire, cette décision est venue assez, comment dire, naturellement. J’ai été élevé dans la tradition Japonaise par deux pères eux-mêmes Japonais, ce que j’ai surement du te dire et je me suis depuis toujours intéressé à ce pays. » Il lui offrit un sourire un peu plus mystérieux qui en disait long sur ce qu’il pensait, avant de se reculer contre sa chaise « et oui je suis très content d’avoir réussi mes études et d’être devenu infirmier. » Soupirant doucement, Dean dévia à nouveau le regard, laissant le silence s’installer entre eux. Mais s’empressa de le briser à nouveau, avant que celui-ci ne devienne trop oppressant « et toi Miku ? Comment se fait-il que tu sois devenue prof ? De science sociale en plus. JE veux dire, ça n’a rien à voir avec l’archéologie, non ? »

Oui Dean était curieux, mais il était aussi désireux de savoir ce qui avait poussé cette jeune femme à abandonner partiellement sa passion pour se consacré à un boulot de professeur qui, avouons-le, est tout de même bien plus chiant …

La question de Miku sembla un peu surprendre le jeune homme. Peut-être qu'elle avait mal formulé cette dernière ou bien alors qu'elle lui avait fait peur en précisant qu'il s'agissait d'une question qu'elle n'avait jamais posée. Là n'était pas son intention, il s'agissait surtout d'une maladresse dont Miku avait le secret. En attendant, Dean reposa la jambe de la jeune femme, lui faisant comprendre tacitement qu'il ne s'agissait de rien de bien méchant. Rassurée sur ce point, l'enseignant écouta l'infirmier répondre à sa question concernant ses motivations, hochant à plusieurs reprises de la tête en signe de compréhension. Elle avait, en effet, oublié dans un coin de sa petite tête le lien qui unissait Dean à la culture japonaise. Néanmoins, elle aurait voulu lui faire remarquer que manger des hamburgers bien gras, comme il en avait l'habitude, n'était pas dans les traditions japonaises. Seulement, il ne lui laissa pas le temps de pondre sa blague, voulant en savoir un peu plus, à son tour, sur les changements qui étaient survenus dans la vie de la jeune femme.

Elle afficha alors une moue faussement vexée lorsqu'il lui demanda si l'archéologie avait un lien quelconque avec les sciences sociales. Que des élèves puissent s'interroger à ce sujet passait encore, mais un adulte de l'intelligence de Dean ne devrait pas poser des questions à la réponse tellement évidente.

« Mais voyons Dean ! Un peu de bon sens mon ami ! L’Histoire et l’archéologie ne vont pas l’un sans l’autre ! Et L’Histoire fait partie des sciences sociales. C’est aussi simple que cela ! » Dit-elle amusée.

Miku capta alors un instant son regard, lui adressant un franc sourire pour lui faire comprendre qu'elle le taquinait un peu. Seulement, il ne resta pas longtemps à la fixer dans le blanc des yeux, détournant doucement la tête. De toute manière, si ce n'était pas lui qui fuyait son regard, cela aurait été Miku qui aurait fait de même.

« Mais il est vrai que rien ne me destinait à être enseignante. Courir à gauche et à droite, d'un chantier à un autre, m'épuisait, j'avais besoin de tranquillité et de stabilité. Je ne suis pas vraiment faite pour mener ce genre de vie... Et je n'avais malheureusement pas le niveau pour enseigner à l'université... alors me voilà ! »

Si certains pouvaient vivre au jour le jour sans se poser de questions, la jeune femme n'en avait pas le courage. Elle avait besoin de repères et de se sentir en sécurité pour pouvoir avoir l'esprit tranquille. Parcourir le monde en permanence n'étant pas tout à fait compatible avec ce besoin.

« Mais je ne me plains pas ! Je fouille toujours, mais seulement lorsque je le désire. C’est peut-être mieux ainsi. »

Elle se tut alors, laissant planer à nouveau un silence encombrant. Décidément, cette situation allait durer tant que l'abcès ne serait pas crevé... mais comment ? Ni un, ni l'autre n'avait envi d'aborder le sujet. La plus sage des décisions consisterait alors pour Miku de remercier Dean et de partir maintenant... mais cette situation risquait de se répéter encore et encore... Ce ne serait qu'une fuite en avant, remettre à plus tard l'inévitable...

« Tu m’as manqué Dean… »

Elle l’avait dit, la tête basse et les jambes qui commençaient à trembler. Miku poursuivit néanmoins…

« J’avais peur qu’il te soit arrivé malheur… mais je suis sincère heureuse de savoir que tu vas bien. »

La jeune femme avait imaginé pas mal de scénarii catastrophes le concernant, en plus de ceux concernant les raisons de son départ précipité, mais elle n'allait pas s'amuser à les énumérer.

A la réponse de Miku, Dean esquissa un mince sourire afin de cacher son malaise. Il est vrai que, maintenant qu’elle le disait, il fallait avoir pas mal de connaissance historique pour faire des fouilles correctes. Mais rien dans « sciences sociales » n’indiquaient qu’il fallait aimer l’histoire. Enfin bref. Ce fut surtout les dernières déclarations de la jeune professeure qui éveilla la curiosité de notre infirmier. Il lui avait manqué et elle avait eu peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose ? Ben ouais, sale con, t’as donné aucune nouvelles. T’aurait très bien pu être mort depuis 3 ans, elle n’aurait jamais rien sut. Certes, elle l’aurait sans aucun doute oublié au fil du temps, n’empêche que ce n’était pas très … galant (?) poli ( ?) ce qu’il avait fait.

Alors, se rendant bien compte de sa faute, il baissa furtivement le regard puis s’avança et posa délicatement une main sur la cuisse de la jeune femme, avant de relever la tête. Affichant un sourire amusé, il tenta de capter son regard avant de prendre la parole

« Je suis bien plus résistant que tu ne le pense ma chère » sourit-il calmement, un brin enjoué « Entre temps il m’est certes arrivé quelques soucis, mais rien de méchant ou qui ne se soigne pas. Si ce n’est mon épaule gauche qui débloque depuis quelques mois, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse » Il se redressa ensuite et prit un air plus sérieux « Bon, j’imagine qu’il va bien falloir qu’on en parle un jour ou l’autre, même si ça me gêne plus qu’autre chose … » Soupirant, il dévia légèrement le regard Allons droit au but : je ne sais pas ce qui m’a prit. Sans doute la peur de devoir m’engager ? Je ne sais pas. Mais que ce soit claire, ça n’a rien à voir avec toi, hm ? » Il releva son regard et réafficha son sourire. Puis, de sa main gauche il vint effleurer la joue de Miku puis lui faire lever la tête et plongea son regard dans le sien « Physiquement, tu es toujours la jeune femme que j’ai connu. Toujours aussi belle » son sourire s’grandit légèrement avant qu’il ne baisse doucement sa main, la reposant sur sa cuisse « le problème venait de moi et mon excuse n’est pas des plus valides qui soit, je le conçois complètement » reprit-il en redressant quelques peu son dos « J’espère que tu ne m’en veut pas trop de ne pas avoir donner d’explications, parce que, pour tout t’avouer, je m’en suis longtemps voulut et j’ai longtemps hésité à t’appeler, mais … j’ai crus que tu ne voulais plus rien savoir de moi et tout ce qui s’en suit. Tu vois ? »

Tout en parlant, il avait gardé son regard fixé sur la jeune femme sans pouvoir détourner son regarde. Sans pouvoir, ou sans vouloir ? Allez savoir …

En disant cela, Miku n'avait pas pensé que le jeune homme allait commencer à revenir franchement sur son départ et sur les raisons qui avaient motivé ce dernier... même si peut-être son inconscient désirait en savoir plus. Elle l'écouta sans l'interrompre, effaçant son sourire, passant de la joie à la tristesse, puis à la colère et pour finir à la déception. Elle avait soutenu son regard sans broncher, essayant tant bien que mal de cacher ses émotions à chacune de ses paroles. Après toutes ces années, elle n'aurait jamais pensé que ses mots allaient la toucher à ce point, que ce soit de manière positive ou négative.

Elle le laissa également poser sa main sur sa cuisse ainsi qu'effleurer son visage, attendant patiemment le moment où elle pourrait répondre. Et lorsqu'il se tut enfin, elle rassembla le flot d'informations qu'il venait de lui débiter avant de les rassembler et de former un tout cohérent. Ainsi, il était parti sans savoir pourquoi et ce n'était, soi-disant, pas de la faute de la jeune femme... Qu'est-ce que cette justification était nulle, mais nulle ! Elle soupira bruyamment, son attitude devenue maussade trancha avec celle de son interlocuteur qui s'efforçait de garder le sourire.

« C’est vraiment très naze comme excuse… »

C’était sorti, il le fallait.

« Par pitié ! Dis-moi que tu as rencontré quelqu'un d'autre ! Dis-moi que j'étais insupportable à ne pas vouloir regarder des films d'horreur ! Dis-moi que j'étais ennuyeuse, casanière et pas très marante en soirée ! Mais ne me dit pas que tu ne sais même pas pourquoi tu m'as quitté ! Et surtout que ça n'a rien avoir avec moi ! Si tu avais peur de t'engager c'est qu'une chose te faisait douter... et cette chose avait forcément un rapport avec moi ! »

Elle dévia alors le regard, étant vraiment trop mal à l’aise pour le fixer dans les yeux.

« Je ne t'en veux pas... ou du moins je ne t'en veux plus. Je mets ça sur le compte de la jeunesse et de notre stupidité respective. Aujourd'hui j'ai tourné la page, mais ce n'est jamais très agréable de revenir sur le passé lorsqu'il est plutôt douloureux... Mais tu as peut-être raison. Il y a quelque temps en arrière, je n'aurais peut-être pas apprécié que tu me téléphones pour me parler de la pluie et du beau temps comme cela sans raison... »

Fixant toujours le sol, ne relevant pas la tête, Miku songea que c'était finalement la bonne solution que celle d'être venue ici. Elle était un peu remontée, mais elle ne pouvait lui en vouloir réellement. Le temps avait certainement eu raison de sa tristesse et de sa colère ou bien alors elle avait grandi et choisi de faire la part des choses. Dans les deux cas, elle comptait tout de même finir de dire ce qu'elle avait sur le cœur...

« Je ne t'aurais pas empêché de partir si tu ne voulais plus de moi... j'aurais simplement voulu que tu me dises au revoir, au lieu de me laisser un bout de papier avec quatre mots écrits dessus sans que je puisse savoir s'ils étaient sincères ou non... »

Elle avait tout dit.

Pourquoi Dean se doutait-il de ce genre de réaction ? Sans doute parce qu’elle était fondée et justifiée. Mais au moment même que la jeune femme prit la parole, notre infirmier se sentit bien con, de telle manière qu’il ne pu même plus la regarder en face. La laissant parler, il hocha simplement la tête. Bien qu’attentif au moindre de ses mots, il commença tout doucement à réfléchir à ce qu’il pourrait éventuellement lui répondre. Ce qui ne fut pas chose aisé car il ne trouva aucun arguments valables en sa faveur. Miku avait on ne peut plus raison.

Après qu’elle eu fini, laissant un lourd silence retomber entre eux, Dean dégluti, ne sachant pas quoi répondre. Comment une femme pouvait-il le mettre tellement mal à l’aise ? Et surtout, pourquoi ? Dean n’était pas du genre à se laisser abattre pour un sous, mais là, les circonstances n’étaient pas les même. Heureusement que Miku s’empressa à briser à nouveau ce silence qui devenait de plus en plus oppressant, pour enfin lui annoncé une bonne nouvelle. Soupirant légèrement, Dean se sentit soulagé en l’entendant dire qu’elle ne lui en voulait plus. Puis, elle revint sur ses accusations, lui signifiant clairement qu’elle aurait franchement préféré qu’il lui dise au revoir. L’infirmier, relevant son regard, prit appuie sur ses genoux et se leva complètement pour aller faire un tour dans son infirmerie, ne supportant pas de rester assit longtemps sur une chaise.

« Justement, c’est là où réside le problème » déclara-t-il finalement d’un ton calme et posé en se plantant devant Miku « Je ne suis pas bon pour les aux revoir. » Soupirant il enfonça ses mains dans ses poches et se mordilla légèrement la lèvre inférieure « ce … ça te dit qu’on aille faire un tour ? L’infirmerie à beau être un endroit calme, ce n’est pas l’endroit le plus accueillant du monde » Il esquissa un petit sourire et attendit que Miku hoche la tête et se lève pour attrape son porte feuille et ses clefs « le parc est sans doute le meilleur endroit pour discuter tranquillement. » Il lança un coup d’œil vers l’extérieur, voyant que le soleil commençait tout doucement à décliner « D’autant que la température doit être plutôt agréable à cette heure-ci »

Il s’avança ensuite vers la porte et attendit que Miku le rejoigne pour sortir dans le couloir. Il lui adressa un sourire puis s’avança à ses côtés dans le couloir.