Ténue et hésitante, la mélodie qui s'échappait du piano n'avait rien à voir avec les morceaux joués avec vigueur par les différents membres du club de musique que Brian avait pu entendre. Les notes s’égrainaient, lentement, comme si celui qui les jouaient devait se souvenir à chaque temps de quelle était la touche suivante à appuyer. Un non-membre du club alors ? Quelqu'un qui s'essayait à un nouvel instrument ?
Depuis le début de l'année où il était là, Brian avait creusé son petit trou au sein du club de musique. Pas comme membre, puisque son statut de ronin lui interdisait d'y avoir accès, mais comme électron libre qui venait profiter de la salle et discutait avec d'autres mélomanes quand il le pouvait. Son travail avait aidé aussi, puisqu'il avait croisé à plusieurs reprises ces mêmes élèves dans le magasin de musique où il travaillait. Si les liens tissés entre eux n'étaient guère profonds, ils lui avaient laissé une impression agréable, celle d'un petit groupe concentré autour d'un même intérêt.

Ce soir là, la silhouette debout devant le piano n'était pas une silhouette habituelle, mais la tignasse rousse était loin d'être inconnue. L'étranger resta un instant immobile, appuyé contre la chambranle de la porte, à observer le professeur d'anglais caresser le clavier du bout des doigts, comme à la recherche d'une mélodie oubliée, sur le visage une expression de sérieux qu'il lui avait rarement été donné de voir. Une fois de plus, l'américain regretta presque de ne pas avoir de cours avec lui.
Presque.
Leur première rencontre avait donné le ton, quand Brian avait reluqué le jeune professeur sans s'en cacher avant de lui dire – en anglais parfait était-il besoin de le préciser ? - qu'il n'aurait pas été dérangé d'avoir cours avec un professeur tel que lui. Quand le sous-entendus avait été accueilli par un petit sourire plutôt que par une remise en place, le rônin n'avait pas hésité à se lancer plus en avant dans le jeu, glissant çà et là aux hasards de leurs rencontres quelques suggestions en russe au professeur, allant même jusqu'à les déposer dans son casier au milieu des copies innocentes des autres élèves.
Les possibilités de lui parler de vive voix avaient été plus rares par contre.

Brian pénétra enfin dans la pièce, refermant sans bruit la porte derrière lui. Une fois la porte refermée correctement, la pièce était insonorisée comme il seyait pour un endroit qui servait essentiellement pour les entrainements pas toujours exempts de fausses-notes.

" Je crois qu'il existe une vieille chanson sur quelqu'un qui joue du piano debout. En français je crois. Ou en allemand. "

Une fois le sac de son saxophone déposé avec toute la délicatesse requise sur une des tables de la pièce, Brian revint vers le piano et y appuya les deux coudes. Le menton posé sur ses doigts délicatement entrelacés, le jeune homme s'amusa à fixer le rouquin par en dessous.
Invariablement jeune, le genre de personne qu'il aurait eu bien du mal à prendre réellement au sérieux s'il l'avait eu en tant que professeur.

" Des langues bien moins agréables que le russe à mon sens."

Il n'était jamais parvenu à aimer le piano. Les sons étaient beaux et tirés d'autres mains que les siennes, il pouvait se plaire à en écouter parfois. Toutefois les sortir en appuyant sur les touches avec tout le doigté et la passion que ça demandait lui déplaisait au plus haut point. Il avait détesté qu'on le force à apprendre comment tirer quelque chose de cet instrument de torture, quand bien même s'était-il révélé plutôt bon à l'usage. Alors qu'était-il venu faire ici ?

" Je crois qu'il existe une vieille chanson sur quelqu'un qui joue du piano debout. En français je crois. Ou en allemand. "

Il sursauta. Ses doigts ripèrent sur les touches et terminèrent de massacrer la mélodie dont il tentait de se rappeler. Il les releva un peu pour ne plus appuyer sur les rectangles de plastique et observa celui qui venait d'arriver. Ses lèvres tiquèrent en un mélange de grimace et de sourire, puis il retrouva un air plus neutre, son regard décryptant le visage du jeune homme. Et celui-ci embraya sans avoir l'air de se soucier de son état d'esprit, amenant cette fois un véritable sourire malicieux sur le visage du roux.

« Je n'ai pas assez souvent entendu de russe pour en juger. »

Akutsu s'écarta du piano doucement sans le lâcher des yeux. L'enseignant ne voulait aucun témoin à ses essais, jugeant ses tentatives encore trop intimes pour se permettre d'avoir des spectateurs. Une part de lui regrettait même d'avoir été interrompue, tout aussi agréable que la compagnie du gaijin puisse être. Pour autant, s'il avait reculé partiellement à cause de cela, il n'en restait pas moins enchanté de le croiser. Les occasions de se parler étaient rares malgré l'échange de petites notes.

« Que dit la chanson ? »

A cette distance, difficile de rater les émotions qui passaient sur le visage du jeune professeur – difficile de rater le malaise qu'il ressentait par rapport au fait d'avoir été surpris. De ce point de vue là, Brian le trouvait plutôt mignon, comme un enfant, et le petit détail qu'il avait quelques années de moins que lui ne venait pas entacher ce point de vue, pas plus que le sourire malicieux qui s'afficha sur le visage du roux. Le minois asiatique, surement, qui rendait difficile pour lui de donner un âge véritable à l'autre homme.

" Qu'elle est beaucoup trop vieille pour être citée dans ce genre de conversation. Enfin si vous voulez je peux surement inventer quelques paroles pleines d'une profondeur obscure. Liberté, déprime... ce genre de notions. "

Un délicieux sourire vint ourler le coin de ses lèvres alors que Brian baissait les yeux sur le piano avant de les remonter sur Akutsu, passant avec une lenteur délibérée sur les mains du japonais, son corps, puis enfin son visage. Il aurait été curieux de suivre un de ces cours pour savoir comment l'homme arrivait à maintenant la discipline avec des adolescents guère moins vieux que lui. L'idée qu'il devait y avoir une force insoupçonnée derrière cette aura de chiot – il n'avait jamais entendu de commentaires péjoratifs sur lui de la part de ses colocataires, hormis sur le fait qu'il était généreux en devoirs – le rendait curieux.

Une main toujours en appui sur le bois de l'instrument, Brian se redressa et contourna le piano pour venir se dresser plus près d'Akutsu, avant de lui tourner délibérément le dos pour poser ses doigts sur le clavier et en tirer deux accords mineurs qui résonnèrent tragiquement dans la salle, avec plus de force que ne l'avait fait la fluette mélodie. Il avait un petit faible pour les mises en scène légèrement théâtralisées, et les instruments de musiques étaient de parfaits outils pour se faire, même si la piano n'avait pas la classe et la vibration d'un saxophone.

" Même si je dois reconnaître que vous donniez une image assez remarquable du dépressif en train d'exprimer sa douleur en égrainant une mélodie au piano. Ca manquait encore un peu d'assurance, mais je suis sur qu'avec un peu d'entrainement vous donnerez à toutes les femmes l'envie de vous consoler."

Nouveau sourire brillant qui, loin d'adoucir les petites moqueries lancées par le rônin, tendait plutôt à les mettre en valeur comme un joli cadre qui vient orner une peinture. Akutsu ne semblait pas être une petite chose fragile, et à dire vrai, l'américain aurait certainement été déçu s'il l'avait été.

Il aimait la répartie du brun, l'amusement teinté parfois de moquerie qui animait sa voix. Akutsu n'aurait peut-être pas apprécié de l'avoir en cours, difficile de le dire puisque ce n'était de toute façon pas le cas, mais il imaginait mal le jeune homme mettre un mouchoir sur son caractère pour l'écouter déblatérer un tas de choses en anglais. A fortiori encore plus en étant Américain de naissance.

Le sourire de Brian en amena un autre assez semblable sur son propre visage, remplaçant la malice qui l'habitait jusque-là pour répondre en miroir au sentiment immédiat du brun. Le regard que celui-ci porta sur lui, le détaillant avec une lenteur toute calculée qu'il ne pouvait qu'apprécier, manqua de lui arracher un frisson. Il savait exactement ce que cela signifiait. Difficile de ne pas le comprendre de toute façon compte tenu de leurs précédents échanges.

Akutsu resta sagement immobile en le voyant s'approcher, refusant de reculer davantage alors qu'il se demandait ce qui traversait l'esprit de l'autre garçon. Mais celui-ci s'arrêta tout près de lui avant de se retourner, faisant alors face au piano. Il en aurait fallu peu pour que le roux le touche, juste avancer un peu la main et il aurait pu poser ses doigts sur son flanc. Il s'y refusa et deux accords mirent fin au silence, vite suivis par les paroles du rônin.

« Je suis toujours prêt à apprendre. » Encore qu'il ne tenait pas franchement à devenir dépressif, ni d'ailleurs à en imiter le comportement.

Un demi-pas le rapprocha de l'autre garçon. Il effleurait presque son dos de son torse mais se décala d'un pas de côté, tendant le bras pour toucher les rectangles monochromes de l'instrument. Il les caressa plus qu'il ne tenta d'en tirer un son quelconque tandis qu'il reprenait la parole, la voix teintée de velours.

« Mais je ne suis pas certain de vouloir de toutes les femmes. »

Ils étaient proches et le furent moins lorsqu'il s'écarta pour de bon, mettant fin au presque-contact qui avait caractérisé son approche. Une envie de taquiner Brian largement partagée par le concerné. Akutsu poussa jusqu'à le lâcher des yeux, lui préférant l'instrument posé auparavant avec une délicatesse qui aurait rendu jalouses bien des femmes. Le roux s'en approcha même et posa sa main sur le sac, doucement, avant de redonner l'attention qu'il méritait à son cadet.

« Ne venais-tu pas jouer toi-même ? Tu dois pouvoir mieux faire que mes médiocres performances au piano. Et je ne serai pas contre un show privé. »

Avec tous les doubles-sens qu'on voudrait bien en tirer. Et s'il était désireux de continuer le jeu, il l'était tout autant de ne plus entendre parler piano.

Le sourire de Brian, carnassier, était un miroir à celui d'Akutsu. Le jeune homme espéra quelques secondes qu'aucun membre du club de musique ne comptait passer dans la salle ce soir, avant de bannir cette pensée de son esprit : pour le moment, la scène n'avait rien de gênante. Avec tout l'accent que l'on pouvait mettre sur le pour le moment. Le petit jeu commencé par l'échangé de billets en différentes langues trouvait une nouvelle étape au milieu des instruments de musique.
Le brun laissa son regard dériver posément sur la porte bien close avant d'en revenir à Akutsu. Tournant presque autour de lui pour arriver jusqu'au sac où était rangé son instrument. D'un oeil extérieur, la manière dont ils tournaient l'un autour de l'autre devait s'apparenter à une danse. Une danse lente et ronde, peut-être une valse ?

" Le saxo n'a rien à voir avec le piano. Il faut le caresser avec beaucoup plus d'attention pour en obtenir quelque chose."

Joignant le geste à la parole, l'américain sortit son instrument de son étui avec toute la grâce et la délicatesse habituelle, y ajoutant juste un quelque chose de lascif qui rendait ses mouvements plus caressant sur le métal froid, comme s'il prenait le temps de vérifier l'intégrité de l'objet avant de le prendre dans ses bras. Dire qu'il avait autant d'attention pour un amant que pour son instrument aurait été très peu réaliste : il avait bien plus d'attention pour son instrument chéri, et celui-ci le lui rendait bien, fidèle et prêt à répondre à la moindre de ses demandes.

Il était aussi un complice des plus malléables, et jamais lécher la anche pour la préparer n'aurait du avoir une telle connotation, mais après tout, il avait préféré le saxophone au piano pour pas mal de raison. Avec le recul, il ne pouvait qu'en ajouter quelques unes de plus à une liste déjà remplie d'éléments intéressants.
S'asseyant sur une des tables vides, les pieds se balançant dans un rythme qu'il était pour le moment le seul à entendre, le musicien plongea dans une mélodie connue avec l'aisance née de l'habitude, lui laissant toute latitude pour regarder le roux pendant que ses doigts caressaient les touches.

La démonstration fut de courte durée, et bien vite l'instrument se retrouva posé sur ses cuisses avec délicatesse, le bout de ses doigts caressant le cuivre posément. Le plaisir de la séduction n'ôtait en rien au plaisir qu'il trouvait à jouer devant un public et à se mettre en scène pour lui. Le jeu de scène était juste un peu différent de ce qu'il offrait habituellement à un public de mélomane.
Brian se lécha les lèvres pour se débarrasser de l'arrière-goût du bambou.

" Ça ne vous donne pas envie d'essayer ? "

Etait-il besoin de préciser de quoi parlait-il ?
Akutsu semblait être intéressé pour apprendre à déchiffrer des messages en russe, et Brian ne doutait pas qu'il arrive aussi à retranscrire une autre langue, sans être doué en théorie musicale.

Akutsu se demanda combien avant lui avait pu voir Brian jouer du saxophone de cette manière. Il ne s'attarda pas sur la question, préférant profiter du spectacle que son cadet lui offrait, tout entier dévolu à la musique et à la séduction. Il était probable que dans son esprit les deux soient particulièrement liés. Le roux peinait à voir ce qui chez son vis-à-vis aux cheveux sombres n'avait pas trait à l'envie de charmer.

La démonstration terminée, il flottait sur ses lèvres un léger sourire appréciateur et amusé. Appréciateur du spectacle, amusé de voir le jeu continuer grâce à l'instrument entre les cuisses du brun. L'enseignant s'approcha doucement sans prendre la peine de parler tout de suite. Il attendit d'être tout près pour, sans arrêter son avancée, fournir un premier élément de réponse.

« Pourquoi pas. »

Le plus âgé tendit la main, effleura la cuisse de son cadet du bout des doigts pour venir caresser le métal froid. Lorsqu'il se pencha vers lui, la bouche à portée de son oreille, la paume de sa main entière était posée sur le saxophone sans vraiment s'appuyer dessus.

« Mais enlève ton instrument de là, il me gêne. »

Un rire chaud s'échappa de la gorge de Brian qui souleva docilement son instrument pour aller le déposer dans son écrin de velours juste à côté. Le côté direct du professeur était amusant, rafraichissant après quelques mois à se tourner autour comme deux prédateurs qui rodent sur le territoire de l'autre sans jamais vraiment en franchir les limites. Ce n'était pas non plus comme si la séduction tombait comme une surprise.
L'américain glissa son bras autour de la taille du rouquin, appréciant les muscles fermes qu'il devinait sous le fin tissu de sa chemise, et l'attira contre lui jusqu'à ne ce que même un brin d'air ne puisse s'immiscer entre eux. Son visage s'approcha de lui, lentement, son sourire promettant monts et merveilles tandis que sa main glissait lentement sur les flans de son aîné, avant de se glisser dans sa poche, caressant la hanche saillante avant d'en ressortir, triomphante, avec exactement ce qu'il cherchait : une clé. Pas besoin d'extrapoler bien loin pour deviner qu'un professeur qui se baladait hors heures de cours devait avoir un passe des salles du bâtiment dans les poches.

Brian avait beaucoup de défauts, mais l'exhibitionnisme n'en faisait pas parti, surtout quand un tel comportement risquait d'avoir des effets négatifs sur lui. En y repensant, c'était sa première expérience avec son professeur, même si ce n'était pas réellement le sien. Raison comme une autre de savourer le contexte... un jour, il se pencherait de manière plus précise sur cette notion de roleplay, si Akutsu était à ce moment un partenaire toujours aussi volontaire.

Le musicien s'arracha au bras de son aîné et sauta de la table en souplesse, l'abandonnant sans scrupule pour aller fermer à clé la salle du club de musique. Clé volée qui fut déposée sur le haut du piano dans un geste d'une lenteur délibérée.

" Autant nous simplifier les choses. Je n'aime pas m'interrompre quand je commence quelque chose. "

Le brun avança vers Akutsu et n'hésita plus cette fois, le collant contre le bureau avec rudesse pour l'embrasser sans attendre sa permission, la main accrochée dans son vêtement.
Le baiser n'eut rien d'hésitant ou de délicat, échange de deux adultes parfaitement conscients de ce qu'ils voulaient et dans les conditions qu'ils le voulaient, prêts à se faire plaisir sans contrainte dans l'insouciance la plus totale.

(Hum... J'hésitais à mettre en hide mais je pense que je suis assez soft pour que ça ne s'impose pas.)

Depuis le temps qu'ils se tournaient autour, rien d'étonnant au changement soudain de temps et l'acceptation immédiate de Brian. Du reste ils n'étaient ni l'un ni l'autre réputés pour être difficiles à avoir et quelques mois à se tourner autour paraissait un temps plus que suffisant. Collé à son cadet dont les mains l'effleuraient, le visage tout près du sien, ils auraient pu s'embrasser si le musicien n'avait pas exhiber fièrement les clefs prises dans la poche d'Akutsu. Celui-ci laissa s'échapper un léger rire et lui dégagea le passage pour lui permettre d'aller fermer, un rien d'avidité dans le regard en le reluquant de dos. Sa patience s'émoussait doucement.

N'ayant guère à faire, il s'appuya sur le bureau et regarda Brian déposer lentement les clefs sur le piano, ses lèvres étirées en un sourire prometteur. Qu'il vienne donc puisqu'il s'était éloigné (certes pour une bonne raison et Akutsu l'en remerciait intérieurement). Et il vint sans se faire prier, aussi empressé que lui-même l'était, le plaquant contre le bureau sans grande délicatesse. Qu'importe. Ils ne voulaient pas plus l'un que l'autre se traiter en fleurs délicates.

Et le baiser d'abord subit ne le fut pas longtemps, devenant vite enflammé alors qu'il gardait le brun contre lui en l'entourant de ses jambes. Aussi peu chastes l'un que l'autre, ils ne tardèrent pas à passer à la vitesse supérieure. Lèvres comme mains cherchèrent le contact de la peau de l'autre, caressantes autant que taquines. S'ils en avaient envie, ils n'en perdaient pas pour autant le caractère joueur de leur relation et s'amusaient autant à attirer que repousser l'autre.

Finalement ce fut bien moins couverts pour ne pas dire nus et déjà en forme pour la suite qu'ils s'arrêtèrent. Tous désireux de continuer que les deux hommes puissent être, ils n'en perdaient pas toute réflexion pour autant. Brian s'écarta jusqu'à l'étui de son saxophone – Akutsu en haussa un sourcil, il avait pourtant imaginé qu'il irait chercher ça ailleurs – et en sortit un carré de plastique argenté. Le roux s'approcha de lui, amusé par l'endroit où l'autre cachait ses préservatifs autant que sa prévoyance et rit franchement en découvrant le lubrifiant avec le petit rond de latex.

« Eh bien tu es équipé toi au moins ! »

Brian exhiba l'objet entre deux doigts, son sourire aussi détendu que celui d'Akutsu. Entre eux, la subtilité n'était pas de mise et il appréciait les choses telles qu'elles étaient. Avoir une fragile fleur allongée dans son lit et devoir jouer avec sa sensibilité pour préparer ce qui était indispensable à la suite n'était pas si excitant. Rien de mieux pour casser l'ambiance que de voir son ou sa partenaire rougir et balbutier quand il attrapait une capote.

" Comme j'ai déjà dit, je déteste devoir m'interrompre quand je commence quelque chose. Je ne te choque pas j'espère ? "

Il supposait le professeur aussi choqué par ce fait que par l'idée que le soleil se lève à l'est.
Autant être prévoyant, surtout quand son saxophone était un objet de séduction à part entière, et ce même quand rien n'avait été envisage comme pour ce soir. Cela ne faisait que confirmer le bien fondé de sa prévoyance : Un peu de préméditation pour beaucoup de hasard.
Les deux mains bien à plat de chaque côté d'Akutsu, Brian vint mordiller la clavicule de son futur amant, prenant garde à laisser une marque bien précise sur la peau claire. Il y avait quelque chose de délicieux à marquer pour quelque jour ce qui était éphémère.

" Alors monsieur le professeur, l'idée de vous envoyer en l'air sur un bureau d'élève vous plait-elle ? "

« Me choquer ? Au contraire, j'aime la prévoyance. »

Un sourira orna son visage, mais se crispa un peu lorsque Brian vint marquer son amant. Ça, il n'aimait guère. Non que les suçons le dérangeaient vraiment, mais d'une part il vivait en colocation, d'autre part son frère était trop finement observateur pour rater ça. Ses élèves aussi. Et il n'était pas question de se promener en col roulé à une saison pareille. Il reporta cependant sa séance de plainte à la question qui suivi.

« Plus que tu ne l'imagines. »

Un vrai fantasme ? Non, pas forcément. Il ne niait pas qu'il y avait déjà pensé mais aurait pu poursuivre sa vie sans coucher avec qui que ce soit dans une salle de classe. Cela dit, sa réflexion à ce sujet termina là. Ils reprirent leurs activités avec d'autant plus de plaisir qu'ils l'avaient interrompue bien avant d'être rassasié. Et ce ne fut pas sur un bureau d'élèves qu'ils entamèrent réellement leur danse.

Le symbolisme du piano qui servait de support pour l'acte sexuel lui passa toutefois au-dessus de la tête. Vraiment très haut. Ses pensées peu à peu ne formaient plus de phrases cohérentes, en témoignaient les quelques mots qui sortaient d'entre ses lèvres alors que Brian s'occupait de le faire grimper au septième ciel, de préférence en prenant l'ascenseur avec lui. Non vraiment l'intérêt qu'il portait à l'instrument en cet instant était inversement proportionnel à l'horreur qu'il en avait le reste du temps.

Il lui fallut être redescendu sur Terre pour réaliser exactement où il se trouvait et il pria intérieurement pour ne pas avoir été trop bruyant. Mais puisque personne n'avait essayé de défoncer la porte pour les interrompre en plein élan... Ou bien il n'avait pas entendu. Toujours était-il que peu à peu il retrouvait complètement ses esprits, au point de frissonner lorsque l'air plus frais de la salle se fit sentir sur sa peau maintenant que l'excitation ne le faisait plus bouillir.

« Amusant, si on m'avait présenté le piano sous cet angle, je suis sûr que j'aurais fini par l'apprécier. » commenta-t-il avec un léger sourire en se redressant dans une position autrement plus digne que la précédente.

Son regard s'attarda sur Brian alors que le jeune homme partait jeter le préservatif. Il attendit qu'il revienne vers lui pour l'attirer brusquement et le marquer de manière similaire à la jolie trace qui trônait maintenant sur sa peau. Et ce fut rieur qu'il le relâcha alors.

« Il aurait été très regrettable que je sois le seul à être marqué. »

Et ce quand bien même il ne s'agissait pas plus de possessivité que Brian n'en avait fait preuve à son égard.

Le jeune homme éclata de rire, la peau encore sensible à l'endroit où elle avait martyrisée par les dents et les lèvres de son amant de la soirée. Sa main monta jusqu'à son torse, effleurant la peau rougie avec un sourire appréciateur. Le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'il aimait recevoir autant qu'il donnait. Raison pour laquelle il s'était résigné à n'avoir que rarement des partenaires féminins au Japon : qui pouvait vraiment prétendre s'amuser avec quelqu'un qui faisait l'étoile de mer au lit ? De bonne grâce; l'américain passa derrière Akutsu et lui octroya un baiser sur la nuque avant de chercher autour de lui pour retrouver ses vêtements, semés un peu au hasard lors de leurs précédents efforts pour arriver à la peau de l'autre.

" Au moins le méfait est signé de chaque côté maintenant. "

Sa chemise avait attéri sur une étagère, non loin de son pantalon, dans une position tout ce qu'il y avait de plus intéressante. Dans l'idée, non pas de se rendre plus décent, mais de se protéger du froid maintenant qu'il était un peu moins échauffé, Brian remit son jean puis sa chemise sans chercher à fermer celle-ci, préférant à nouveau poser son regard sur son partenaire qui était lui aussi parti à la chasse aux vêtements. Sans broncher, le rônin kidnappa au passage la chemise d'Akutsu, jouant avec le tissu dont un des boutons semblait avoir souffert de leur sauvagerie. Machinalement, il toucha sa propre chemise à la recherche d'une petite touffe de fils qui aurait signifié un tel outrage. S'il y avait bien une chose qu'il détestait, c'est de sembler négligé ou de paraître dans une tenue désordonnée.

" Hum... c'est une suggestion à faire pour tous les professeurs pour inciter un peu plus les élèves à suivre les cours. Tu aimerais que je vienne à tes cours pour suivre du regard tes fesses ? "

Joignant le geste à la parole, le musicien posa une main caressante sur l'arrière-train qu'il avait déjà eu à sa merci peu de temps auparavant. L'idée de se faire un prof – entendre un professeur qui lui aurait donné des cours – était amusante... mais introduisait l'idée de quelque chose qui se reproduisait sur la durée, et devenait donc par là lassant. Et amenant surement des tas de complications dont il n'aurait pas eu envie de s'encombrer, d'autant plus qu'il n'avait certainement pas besoin de s'offrir les services d'un professeur particulier pour avoir de bonnes notes dans la plupart des matières.
Après l'amour, Brian avait tout du chat câlin et satisfait, qui se frotte en ronronnant contre celui qui l'a bien caressé. Et comme un chat, il était tout aussi près à repartir dès qu'il estimait avoir eu assez d'attention pour être satisfait. Ainsi allait simplement la vie.

L'air frais de la pièce les motiva l'un et l'autre à partir en quête de leurs vêtements et un court silence – tout du moins ils ne parlèrent pas – remplaça leur conversation précédente. Un léger sourire flottait encore sur ses traits, né de la satisfaction d'avoir marqué Brian tel qu'il l'était lui-même. D'un geste inconscient le jeune professeur posa d'ailleurs ses doigts sur son propre suçon alors qu'il terminait de refermer la fermeture éclair. Tel qu'il était placé, il parviendrait sans doute à le cacher des regards et la pensée accompagna sa recherche de chemise.

Elle était entre les mains du rônin.

« Si nous devions coucher avec chacun de nos élèves les moins doués, on n'aurait plus guère le temps de leur enseigner quelque chose. »

Le commentaire fusa avec légèreté tandis que seul un sourire un peu plus marqué répondit à la main taquine. Akutsu préféra se laisser quelques secondes de répit pour décider de comment prendre la question, puis haussa finalement les épaules – de manière à peine perceptible cependant – et décrétant pour lui-même que ce n'était sans doute pas sérieux de la part du rônin.

Il tendit la main pour récupérer son bien. Brian était déjà plus présentable que lui-même, mais comme Akutsu, l'idée était davantage de retrouver un peu de chaleur que de se rendre décent. Au demeurant, un second round ne le chagrinerait guère.

« Je crois tout de même que je me sentirais plus serein de ne pas avoir ton regard posé sur moi chaque fois que je me retournerai en cours. Imagine donc mes lapsus si tu me distrais trop. »

Il mima un frisson d'horreur tout en remettant sa chemise.

« D'ailleurs je doute d’avoir quelque chose à t'apprendre... à tout point de vue. Jusqu'à quel point es-tu prévoyant d'ailleurs ? »

Un rire discret accompagna la déclaration. Ce genre de cours aurait risqué de partir à vau l'eau plus vite que le temps de prononcer Akutsu en étant à bout de souffle. L'américain regarda le professeur remettre sa chemise sans dissimuler son regard caressant. Regard qui se mua en caresse quand il choisit de passer derrière Aku pour lui embrasser la nuque. Perdue telle qu'elle était sous les mèches rousses trop longues, elle était une réelle tentation. Quelqu'un songerait-il à dire à Aku à propos des petites marques qu'il y avait laissé quand il l'avait pris contre le piano, ou est-ce que les gens seraient trop polis pour ? Il supposait qu'il le saurait la prochaine fois qu'ils se verraient.

" Je serais presque tenté de venir en cours juste pour voir ça. Et on n'est jamais assez prévoyant. Malheureusement, j'ai peur de ne plus avoir assez de temps pour ce soir."

Un autre baiser dans le cou fut la dernière caresse octroyée à Akutsu avant que Brian ne finisse par se rhabiller complètement et ne récupère la housse de son saxophone, la refermant avant de la glisser sur son épaule. Il avait presque oublié qu'il devait jouer dans un bar ce soir. Le temps de prendre une douche, de se changer et d'y aller... il ne serait presque pas en retard, juste les quelques minutes consacrées et attendues de l'artiste qui aime se faire désirer.

Son regard en revint au professeur d'anglais, se demandant s'il aurait le plaisir de l'avoir dans ses bras à nouveau. L'idée n'était pas désagréable : ce n'était pas une midinette au coeur fragile à courtiser avec délicatesse. Au contraire, son comportement était plus à rapprocher du sien, sans complexe ou angoisse.

" A une autre fois j'espère. "

Les mots avaient été glissés en russe à l'oreille d'Akutsu, le ton langoureux comme les lèvres caressant le lobe transmettant tout autant que les paroles le sens de la phrase, une main glissant de manière fantomatique sur le flan de son amant d'un soir.