Ginkgo Gakuen
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Le lycée sous le signe de l'arbre aux 1000 écus
 
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 [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.

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MessageSujet: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyLun 28 Avr - 16:37

* La salle de musique était vide à cette heure-ci. C’était l’insomnie de Ruika qui l’avait conduite ici. Apparemment, l’installation était plutôt récente, et elle était heureuse de retrouver un piano. Le soleil n’était pas près de se lever, mais les dortoirs étant dans un autre bâtiment, elle savait qu’elle ne rencontrerait personne. Elle s’installa sur le petit banc en velours, ses jambes tremblantes sous l’effort. Et elle posa ses mains sur les touches. Elle ferma les yeux.

Elle venait de passer un mois à l’hôpital. Un long mois pendant lequel on lui avait réappris à manger, à dormir. Ou du moins, on pensait l’avoir fait. Elle avait repris quelques kilos, à contrecœur, pour que son père ne pleure plus. Après Erwann, seul son père était venu la voir, tous les jours. Pour être avec elle. Pour l’aider disait-il. Elle n’osait pas lui avouer qu’il ne pouvait rien changer, elle savait qu’elle n’avait pas le droit de lui faire porter sa descente mortelle ou sa vie de cadavre. Et puis un jour, une semaine plus tôt, alors que les médecins avaient déjà décidé de la laisser sortir, elle avait reçu une lettre. Une très longue lettre, qu’elle avait lue, et relue, encore, et encore. Sans pleurer, parce qu’elle ne voulait plus. Mais à chaque mot, son cœur s’était déchiré. Un mélange ambigu de joie et de peine, toujours ces éclats de sentiments que lui procurait son frère. Elle se souvenait de chacun de ces mots.

« Bonjour petite sœur.
J’ai hésité longtemps pour savoir si je devais te répondre ou non.
Je m’étais promis de ne plus entretenir de relation avec vous, je m’étais promis de ne plus vous donner de signes de vie.
Mais je t’avais aussi promis de ne jamais t’abandonner, et je ne tiens que les promesses que je te fais.
Je ne sais pas si c’est une bonne idée, mais je crois que la situation est trop compliquée, même pour moi maintenant .
Je m’en veux terriblement. J’étais sûr et certain que tu ne voudrais jamais me reparler. J’étais sûr que j’avais dépassé les limites. Je suis un monstre, Ruika, et tu dis m’aimer quand même. Un homme n’a pas le droit de caresser une femme qui n’est pas à lui. Il n’en a pas le droit. Je ne suis pas un homme. Je suis plus qu’un monstre.
Est-ce que je mérite vraiment l’amour d’une personne aussi merveilleuse que toi ? Est-ce que j’ai le droit de ne pas tout faire pour te faire fuir ? J’ai éteint ton sourire tellement de fois, je t’ai faite pleurer.
Je ne comprends pas, je ne comprends plus. Comment sommes-nous arrivés là ? Pourquoi n’avons-nous pas grandis comme des frères et sœurs normaux, tu sais, ceux qui se piquent leurs jouets, et qui se disputent ? Pourquoi es-tu si jolie ? Pourquoi es-tu si tendre, si douce ? Et pourquoi ne puis-je que te rendre triste ?
J’ai toujours aimé la vie, sourire et tout. Tu me dis fort. J’ai toujours aimé prendre les choses du bon côté, et prendre des risques. Mais tout ça, c’était pour toi. Et maintenant, maintenant que j’ai compris que c’était inutile, j’ai l’impression de perdre tout ce qu’on avait réussi à se forger.
Alors des fois, il m’arrive de penser que c’est peut-être possible, un frère et une sœur, qui s’aiment, qui se marient et vieillissent ensemble. Mais je ne le mérite pas. Je n’ai pas le droit de te faire subir ça. C’est à moi de payer.

Alors je t’en prie Ruika, je t’en prie, souris, tu sais, ce sourire adorable, offre le aux autres garçons. Tu verras, aucun ne pourras y résister. Tu es si jolie … Rend quelqu’un heureux Ruika, tu en es capable, bien plus que tu ne le crois.
Ressaisis toi, arrête de penser à moi. Peu m’importe si tu nourris même de la haine à mon égard. Je veux juste que tu sois heureuse, d’accord ? Je veux que tu puisses grandir encore, dans les bras de quelqu’un fait pour toi, quelqu’un qui te mérite. C’est pas grave si t’es différente, c’est pas grave. T’es tellement mieux que tous ces moutons là ! Tu dessines, t’écris, et puis, tu sais aimer toi, vraiment. Alors regarde devant toi, et vis à ton rythme, de toute tes forces, emmerde-les profondément et pense à toi un peu ! Je ne veux pas entendre dire que tu as encore maigri, j’veux même pas que quelqu’un te voit encore avec ces cernes là !
Dis toi juste que si un jour tu tombes, tu auras toujours ton frère pour te rattraper, et que ce mec là, même s’il t’a fait du mal, il te rattrapera, le plus délicatement possible, et il t’aidera à remonter tout en haut, et à briller encore. Si t’as besoin de quelqu’un sur qui laisser couler tout ce qu’il y a de mauvais dans ton cœur, je suis là pour ça. Je ne peux pas supporter de te savoir mal, à l’autre bout du monde.

J’veux qu’on vieillisse en temps que frère et sœur, que ça soit un lien de sang qui nous lie. J’veux pas qu’on se perde en n’aimant que l’autre. J’veux qu’on en guérisse, qu’on s’en sorte, et qu’on en rie plus tard. J’veux pas qu’on se laisse couler, ok ?
Je t’aime très fort, mais je veux apprendre à t’aimer raisonnablement, comme un frère est censé aimer sa sœur, ou juste un peu plus fort.

Sinon, ça te dirait d’aller voir Maman un jour ? Elle a réussi à publier son livre (je l’ai lu dans le journal), je sais pas si vous êtes au courant. Il s’appelle « Мирыл и Река ». Génial nan ? Je te l’envoie avec la lettre, je l’ai trouvé génial … Tu me diras ce que t’en penses hein ?
Bon, ok, c’est une façon très maladroite de te dire que je veux garder contact avec toi, mais pour pouvoir lire entre les lignes de tes lettres que tu vas mieux, et que tu vis.
D’accord ?
Je ne veux pas te faire de mal. Jamais.
Ne me pardonne pas, je ne le mérite pas.


Bisou, et à la prochaine petite Sœur !
Myril

PS : Je te joins à la lettre quelques petites choses, j’espère que ça te fera plaisir ! »

Avec la lettre, un carnet noir, un petit livre, un lecteur mp3, et un stylo à encre, noir. Elle avait écouté les chansons du lecteur des centaines de fois, accusant le choc. Elle avait relu le livre de leur mère jusqu’à le connaître par cœur. Et elle avait fini par sortir de l’hôpital, encore plus brisée qu’avant. Et voilà qu’elle venait s’échouer sur ce piano, pour pleurer avec des notes, car son corps n’avait plus la force de verser des larmes.

Elle mit sa main tremblante dans sa poche, caressant le papier que Myril avait signé. Puis elle reposa sa main sur le piano. Et elle la laissa courir avec l’autre, à la recherche de quelques notes. Ses doigts glissaient sans appuyer, juste pour toucher, pour sentir. Myril ne savait pas qu’elle avait revu le canadien qui l’avait tellement blessé. Elle avait envie de lui en parler, de tout lui raconter, pour qu’il la console. Mais il ne voulait plus la consoler, elle le savait. Il ne voulait plus qu’elle se plaigne, il le lui avait clairement montré un an plus tôt. Elle avait des nouvelles de lui, après tout ce temps, mais ça lui faisait mal. Elle l’avait tant espéré, et voilà qu’elle était presque morte, et qu’il lui répondait. Elle en avait rêvé, mais quand un rêve ne se réalise qu’à moitié, la mauvaise moitié, ça n’est jamais agréable.

Elle ferma les yeux, et commença à appuyer sur les touches. Doucement d’abord, des notes tristes, un ternaire mélancolique. Et puis, plus vite, un peu plus vite. Elle jouait une mélodie qu’elle avait écrite, quelques années plutôt. La mélodie qui lui faisait du bien. Elle laissait ses doigts courir, ses yeux fermés. Elle s’imaginait dans son petit appartement, avec son père pour l’écouter. Ou au milieu de sa Sibérie, seule sur la glace, avec son piano. Un peu de vent dans ses cheveux, des flocons de neige sur ses mitaines. Et puis sa robe glacée, lui écorchant les jambes. Agressive. Fermer les yeux, et pouvoir partir, bien plus loin. Laisser mourir la réalité pour en visiter une plus agréable. Et ne plus penser à Myril, à Erwann. Juste se laisser crever en musique. *
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyJeu 1 Mai - 12:25

Si la belle japonaise revenait de loin, de la noirceur lumineuse d’une chambre d’hôpital, Erwann, le canadien en question, lui, revenait d’une abîme de l’enfer. Il avait gouté à la mort. D’ailleurs sur le moment ça ne lui avait pas déplu, il s’était laissé envahir par une vague de colère incontrôlable, envoyée par Lucifer, comme pour substituer la drogue qu’Erwann prenait à grande dose. Cette drogue, c’était de la morphine. Un analgésique parmi d’autre, qu’il se procurait en l’achetant ou en le volant, parfois avec quelques coups de pieds et de poings, qu’il donnait et qu’il recevait. Mais dernièrement, juste avant qu’il ne fasse de nouveau front à la mort en personne, la réception du tube de morphine s’était suivie d’une fusillade sanglante et tragique. La fille qui était avec lui, sa plus grande amie dans ce pays, n’avait pas été épargnée par le destin. Après le feu, la poussière et le sang, ils avaient dû exécuter de leurs propres mains nues deux hommes appartenant au service de police d’intervention. Deux vies en moins, deux vies qui valaient certainement plus que celle qui les avaient prises.

Ils avaient réussi à partir, mais à quel prix ? Pour son cas, Erwann, le « miraculé » revenant de l’épicentre d’une explosion, avait perdu un doigt – l’annulaire droit – et avait sacrifié sa peau pour protéger sa tête et ses yeux. Quelques plaies, dont une plus grosse que les autre dans le dos. Une tête raillée sur la façade extérieure, et cassée à l’intérieur. Il lui avait fallu du temps, beaucoup de temps, pour se convaincre qu’il s’était battu pour sa propre vie, et que s’il n’avait pas achevé cet homme, ça serait lui qui serait allongé dans le fond d’une caisse en bois. Pour l’instant, il s’était calfeutré dans une planque, un appartement abandonné dans le centre ville délabré, et s’y était soigné, en compagnie de Majoren, du froid et de la peur des gyrophares.

Une nuit, lorsque la Lune était caché par l’ombre de la Terre et que la nuit était encore plus sombre que le regard d’un homme, il était sorti, juste après l’extinction des lampadaires. Il avait rasé les murs, il avait marché tel un chat de gouttière, évitant tous les endroits potentiellement surveillés. Car depuis peu, ce n’était plus un délinquant toxicomane qu’il était, mais bel et bien un meurtrier sans pitié, qui avait enfoncé son coude dans la gorge d’un officier. Il avait toujours sur lui le revolver de poing avec lequel il avait troué son adversaire. Il le gardait coincé entre sa ceinture et sa peau, chargé, près à faire feu sur n’importe quoi de mobile et menaçant. Erwann était-il devenu paranoïaque ? Ce n’était pas impossible, même s’il se déplaçait finalement assez facilement, assez confiant. Et comment ne pas être confiant avec un 9mm sous le nombril… ?. Au bout d’une petite demi-heure de marche, il arriva devant l’école. Il n’y retournait pas par nostalgie, mais plutôt parce qu’il y avait laissé beaucoup de chose, qui lui serait bien utile dans sa nouvelle maison provisoire… .

Il passa sans difficulté la porte d’entrée, qui restait ouverte tout les temps désormais, et s’engouffra dans le parc, sous l’ombre des arbres, puis dans la cour et finalement devant le bâtiment central, face à la porte double, transparente et opaque. Comme une feuille morte il se glissa dans le bâtiment. Quelques pas hasardeux plus tard, dans la chambre 39, il ramassa tout ce qui pourrait lui servir. Vêtement, médicaments, trousse de toilette, téléphone, etc… . Et puis lorsqu’il s’apprêta à sortir pour retourner vers l’obscurité, il se stoppa sur un objet, posé sur l’extrémité de son lit. Une objet noir, rectangulaire, plat. Le carnet de Ruika.

Il posa le sac en bandoulière qui lui servait de hotte. Et posa sa main sur le carnet. Il était là depuis le jour où elle était partit à l’hôpital, depuis l’après-midi où il l’avait prise dans ses bras. Depuis le jour aussi où elle s’était en aller vers d’autres sortes d’abîme. Ca faisait un peu plus d’un mois, un mois que ce carnet prenait la poussière ici, un mois qu’ils ne s’étaient pas vus. Un long mois, qu’Erwann n’avait pas vraiment vu passer.

Il avait pensé à elle bien sûr mais peut-être pas autant qu’il l’aurait voulu. Pas autant qu’elle l’aurait voulu. Les deux personnes avaient chacun leur point de vue sur la question « existe-il encore un nous », et Erwann savait que ces deux points de vue n’était pas si éloigné que ça. Il se sentit soudainement coupable, ce mois à l’hôpital, s’il n’en était pas la raison directe, il en était un facteur. Il était le membre d’une équation bien difficile à résoudre. Chacun s’efforçait à faire du mieux qu’il pouvait, mais en fin de compte, ça ne donnait rien de pacifique. Erwann eut soudain un élan de curiosité malsaine, il ouvrit le carnet noir, s’assit sur le bout du lit, et parcouru ce qui était vraisemblablement la vie de Ruika, depuis le début de sa chute.

**

Après une bonne heure passée dans sa chambre, Erwann descendit lentement les escaliers des dortoirs. Bien plus lentement qu’à son arrivée. Il était pensif, songeur et tout ce qui allait avec. Plus rien ne tournait rond dans ce monde. Il comprenait certaines choses, et puis d’autres pas. Parfois c’était la clarté d’un beau ciel de juin, et puis l’instant d’après, c’était l’opacité noire d’une nuit dans une forêt tropicale. Il avait lu la lettre, la longue lettre qu’elle avait envoyée à son frère il y a de cela trois ou quatre mois. Chaque pas à lui résonnait dans sa tête, comme si un métronome disjonctait profondément entre ses méninges. Son sac lui paraissait moins lourd, ses plaies fermées ne lui faisaient plus mal. Penser à Ruika n’était-il pas finalement un autre substitut à la drogue ? Il ne savait pas trop. Il ne savait pas non plus si cet effet durerait, et s’il serrait au final bénéfique pour lui. Qu’importe ? Cette pauvre Ruika, ce petit bout de jeunesse brisée n’allait plus jamais apparaitre dans la vie du canadien, parce qu’il avait fait des choses plus ou moins grave, parce qu’au fond, il ne savait, une fois de plus, pas s’il allait supporter de la revoir ainsi.

Mais malheureusement ou heureusement, lorsqu’il passa devant les salles de classe qui précédaient le dernier escalier, une mélodie digne des plus beaux récitals lui parvint aux oreilles. Il tourna la tête vers la salle de musique entièrement vitrée. Il s’approcha doucement, sans bruit, une fois de plus par curiosité. La musique couvrait ses pas, et ses pas se caler sur la musique. Une fois juste devant la porte, face à l’obscurité musicale, il posa le sac, et baissa les épaules, montrant à Dieu à quel point il pouvait le détester parfois. Une odeur bien connue lui était arrivée aux narines, était-ce le fruit défendu du hasard e qui se passait là ?
Après une bonne poignée de seconde, le canadien lança au piano dans l’obscurité :

- Ca pourrait presque être trop beau.

La musique se stoppa. Et Erwann entendit une respiration, un petit souffle d’air, qui gonflait un thorax où le cœur battait lentement.
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyJeu 1 Mai - 17:48

* Elle jouait, les yeux toujours fermés, la tête oscillant dangereusement sur les notes. Ses doigts couraient à une vitesse dont on ne les aurait jamais crus capables. La musique grandissait, accélérait, montait d’une puissance triste et effrayante. C’était comme si elle entrait dans une sorte de transe maladive, une transe où chaque note rapprocherait un peu plus le son ultime qui sonnerait le glas.

Elle pensait, à ce neuf mai qu’elle avait passée seule, sur un banc du parc, à dessiner, encore, encore, essayant d’oublier qu’elle venait d’avoir dix-huit ans, et d’oublier ces kilomètres ingrats qui l’éloignaient de Myril, et la confrontaient à Erwann. Elle pensait à ce jour de leur enfance, où Myril l’avait surnommée Mika, avec amour et tendresse, quand il lui avait attaché ce petit mot adorable à la peau, plantant en même temps les clous de leurs amours encore plus profond dans sa chair. Elle pensait au jour où elle avait fait de même avec Erwann, elle l’avait appelé Svyet, sans jamais lui révéler la signification de ce mot russe qu’elle adorait tant. Elle se souvenait de ce jour où elle avait vu son père pleurer pour la première fois, le début d’une longue liste de jours englués de larmes, quand sa mère était partie rejoindre son pays natal.

Et tout à coup, elle ne pensa plus à rien, seulement à sa musique, en s’enfermant dedans.

Elle jouait encore, encore. Elle avait une impression de puissance agréable, elle se sentait vivre vraiment. Son petit cœur battait plus vite que la pulsation, l’essoufflant doucement. Le son montait, montait, une ascension terrible qu’elle ne voulait jamais arrêter. La mélodie tournait autour d’elle, effleurant quelques notes graves, sautant légèrement sur les croches plus aigues, et la partition défilait dans le crâne de la jeune fille. Elle s’imaginait qu’elle était partie, loin, et que personne ne pourrait l’empêcher de jouer. Elle oublia l’école et ces gens avec qui elle avait du mal à se sentir bien. Elle oublia l’hôpital, les tuyaux, et tous ces produits qu’elle devait avaler chaque jour. Elle oublia son ventre tordu, ses jambes tremblantes. Et elle se laissa aller.

Des pas résonnèrent dans le couloir, mais elle n’y fit pas attention, elle était dans une phase étrange où seules les touches comptaient. Ses doigts ne s’arrêtaient plus. Son cœur hurlait. Sa tête s’agitait. Il n’y aurait jamais de fin, elle crèverait ici, sur le velours noir du banc, son corps meurtris écrasé sur le superbe instrument de sa mort. Il n’y avait pas d’autre issue, c’était comme ça qu’elle avait toujours voulu mourir. Seule.

Et puis, brusquement, un air frais vint se mêler à la mélodie. Un petit vent léger qu’elle reconnaissait. Ce même fluide qui la faisait rêver un an plus tôt. Mais elle ne s’arrêta pas, pas encore. Elle connaissait son imagination, et elle savait qu’elle lui jouait souvent des tours.

Et la voix qu’elle redoutait résonna contre ses notes. Et puis tout s’arrêta. Sa Sibérie disparu, ses doigts tombèrent sur les touches, et s’immobilisèrent, tremblants. Ses yeux se rouvrirent douloureusement, et la réalité se fit clairement remarquer.

Elle tourna la tête vers lui, il était toujours aussi beau. Elle ne souriait pas, elle essayait encore de s’extirper de la transe musicale dont elle était victime quelques secondes plus tôt. Elle l’observa, de haut en bas. Il semblait revenir du front, avec ses vêtements sales et troués, sa main emballée dans un tissu intriguant, et son visage épuisé. C’était la première fois qu’elle le voyait comme ça. Elle avait peur. Elle remarqua le gros sac qu’il portait contre lui, et sa bouche s’entrouvrit.

A ce moment là, le voyant dans un tel état, elle aurait tout donné pour accuser le coup à sa place. Quoi qu’il lui soit arrivé, elle aurait vendu son âme au diable pour absorber ses peines. Pour qu’il n’ait pas à porter ça. Ça lui faisait si mal de voir de la peine dans ses yeux. Mais elle ne savait pas comment lui dire tout ça. Alors elle se contenta de se taire. Et de le regarder, dans les yeux. Avec son regard qui disait tout ce qu’elle n’avait jamais su prononcer. *
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyVen 2 Mai - 17:40

Toujours ce silence qui mettait les gens mal à l’aise. Ce silence qui faisait parfois pleurer, parfois sourire, qui faisait réagir certaine personne et qui en endormait d’autres. Un silence funambule, qui liait les gens dans une intimité telle que le moindre bruit trahirait le moindre sentiment. Mais aussi un silence réconfortant, sachant que les deux personnes étaient proches, et s’aimait même encore plus lorsqu’elles n’étaient que deux. Un silence mangeur d’homme, qui faisait de vous en une fraction de seconde le dominant, ou le dominé… .

Erwann s’étonna de ce silence. Il aurait cru que la jeune japonaise qu’il connaissait bien, peut-être trop bien, n’hésiterait pas à dire quelque chose. N’importe quoi, du moment que c’était dit par le cœur. Ca ne lui ressemblait pas, mais en même temps, qu’est ce qui lui ressemblait désormais ? Erwann se le demandait bien. Il se demandait si cette fille était vraiment celle qu’il avait connu auparavant. Elle avait tellement changée… lui aussi d ‘ailleurs, mais c’était encore réaliste. Elle, elle était devenue quelque chose d’étranger à ce monde, par sa pâleur et ses yeux magiques. Elle n’était plus n’importe qu’elle fille sans soucis. Elle était la seule qui avait su montrer au canadien les dessous fragiles de l’amour, elle était la seule à l’avoir totalement conquis. Mais elle était aussi une fille qui était –toujours- amoureuse de son propre frère… de son grand frère.

Le néo-écossais ne pu s’empêcher de penser aux siens, de frères et de sœurs. Le plus jeune, Mathew, qui allait fêter ses dix années, et qui jouait déjà avec les outils de son père. Jennifer, la plus belle. Lisa la plus gentille, Léo qui devenait un homme, et puis Alicia. Alicia sa sœur la plus Erwann, Alicia sa jumelle par excellence. Dieu laissait une chance sur deux à tout le monde, pour la famille Packey, ce fut la première naissance : une fille, douée et jolie, et un garçon, à la personnalité relative et aux talents inexistants. Il l’aimait, elle aussi d’ailleurs, elle le lui avait prouvé par de multiples fois. Mais de là à en finir dans un lit, à s’aimer comme deux amants de passage, ça jamais. Il chassa cette pensée de son esprit, car même si la distance temporelle entre les deux personnes de la salle de musique était importante, Erwann se sentait mal à l’idée qu’un autre homme puisse trouver son bonheur passager dans le corps d’une si belle et si fragile personne. Ruika, c’était un épisode de sa vie non-achevé, une histoire sans fin car pas terminée. Il attendait toujours la nuit avec elle, pour se dire au revoir à jamais, pour enterrer la hache de guerre, une fois pour toute. Même si une chose pareille était impossible à ce moment de sa vie.

L’obscurité silencieuse craqua une fois de plus sous le poids de la voix grave et usée du canadien :

- Tu ne dis rien ?

Lui-même ne savait que dire. Avait-il le choix ? Il n’allait pas s’en aller comme ça, comme un vieux loup voulant rester seul, loin, à l’écart de la civilisation. Il devait au moins dire quelques mots avant de foutre le camp. Il devait voire même continuer ce qu’ils avaient entamé à l’hôpital de la ville la dernière fois.
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyLun 5 Mai - 18:39

* Maintenant que la musique et les bruits de pas s’étaient tus, seuls deux sens s’activaient encore chez la jeune cadavre. Tout d’abord, l’odorat. L’air léger portait encore légèrement l’odeur de la cigarette qu’elle avait fumé plus tôt dans la nuit, comme pour mettre son cœur au défi, de tenir le coup, et pour évacuer. Parce qu’elle en avait besoin, de plus en plus. Mais surtout, ces quelques molécules invisibles agressaient son crâne avec ce parfum si particulier, si inoubliable, et si douloureux. Ces effluves étranges chargées de souvenirs qui accompagnaient toujours aussi bien le canadien.

Et puis, il y avait la vue. De ses grands yeux nordiques, elle caressait Erwann, aussi bien qu’elle le pouvait. Elle avalait son image goulûment, avec la même douleur désagréable de son anorexie. Elle avalait, parce qu’elle en avait besoin, mais chaque bouchée coulait difficilement, lui écorchant les sentiments à chaque passage. Elle dévorait le garçon, culpabilisant parce qu’elle savait que ce n’était pas bon pour elle, qu’à trop s’empiffrer, son cœur allait finir par exploser.

Il n’était venu qu’une fois à son chevet. Elle se souvenait de leur étreinte, et de son départ brusque. Elle ne savait plus où ils en étaient, si elle était censé avoir pris ça comme un Adieu, ou comme un « Je ne t’abandonnerais plus, c’est la dernière fois ». Son cerveau habitué avait choisi la première solution, pour s’interdire une nouvelle déception. Ruika était tombée, du haut de sa petite tour, loin de tout, s’écrasant sur le sol avec son cocon, chamboulant tout à l’intérieur. Et puis le cocon s’était protégé de ronces, pièges ingrats qui commençaient à l’atteindre elle aussi. Mais Erwann avait passé ses bras dans cette prison compliquée, pour la frôler, respirant délicatement les miasmes de son corps détruit. Et peu importe ce qu’elle se disait, elle avait du mal à l’oublier.

Mais elle ne pleurerait plus. Plus maintenant. Si elle était morte, elle ne pouvait plus pleurer. C’était tout ce qui comptait.

Et voilà, qu’après un mois d’absence, il la regardait. Avec ses yeux superbes qui la troublaient toujours autant. Mais avec un visage détruit qu’elle ne lui connaissait pas. Un visage qui l’effrayait. Si elle en avait le courage, elle se serait approchée, pour frôler ses traits du bout des doigts, comme si elle pouvait le soigner de la simple force de son métronome intérieur. Mais voilà, elle n’était sûre de rien, elle était blessée, et effrayée. Ces retrouvailles auxquelles elle ne s’attendait pas lui remuaient le crâne, la perdant dans un flot de pensées compliquées. Elle ne savait tout simplement pas comment lui montrer qu’elle voulait faire quelque chose pour lui. Alors elle se tût à nouveau, plantant ses yeux dans le siens, comme autrefois, quand il était triste.

Il brisa le silence en premier, lui reprochant le sien. Il n’y avait qu’une chose à répondre. Une autre question, qui lui brûlait les lèvres. Avec sa voix faible, elle osa prononcer les mots qui semblaient trop grands pour elle, en rougissant, parce qu’elle ne savait pas s’il prendrait cela pour de la curiosité obligatoire, où s’il arriverait à peser toute son inquiétude. *


_ Qu’est-ce … qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?

* Oui, pourquoi es-tu dans cet état là ? Quelqu’un t’as fait du mal ? Tu as besoin d’aide ? Je peux faire quelque chose ? J’aimerais tellement t’aider, comme toi tu l’as fait. Je te dois tellement de chose, tellement d’espoir. Tu comptes beaucoup pour moi, j’aimerais tant te sauver. Je voudrais te prendre dans mes bras Erwann, je voudrais qu’on oublie tout ce qui te fait mal, tout ce qui me fait mal, et recommencer à zéro. J’voudrais que tu m’emmènes avec toi, loin. Tout effacer.

Mais ce n’était pas possible à dire. Les mots paraissaient trop maigres, trop nuls par rapport à ce qu’elle ressentait. Et puis, parler avait toujours été compliqué pour elle. Une fois de plus, ses lèvres restèrent liées, espérant que ses yeux les remplaceraient. Que ce bleu abstrait serait assez bavard pour le flot qui lui crispait le cœur. *


[Je suis un peu partie en live :s]
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyJeu 8 Mai - 17:26

"Qu’est-ce … qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?"

Erwann sentait comme une pointe de désespérance dans ces mots. Qu'est ce qu'elle croyait ? Qu'il déballerait tout comme ça, après tout elle n'avait pas fait grand chose pour sortir de l'ombre elle. Pas de nouvelle, pas la moindre chose entre ce funeste jour de blouse blanche et celui des notes de musique froide sur un piano de l'école. Certes il n'avait pas été disponible tout les jours, tout le temps, et ce n'était pas faute de l'avoir voulu. Et il avait appris à faire sans elle, depuis bien longtemps, alors, honnêtement, qu'est ce que ça pouvait lui faire..?

* Plein de choses... *, il pensa.

- Rien, il dit.

C'était comme ça. Pour l'instant, il n'avait aucune envie de causer de lui, il avait eut assez de moment pour discuter avec lui même, de lui et des autres, alors non, pas une énième fois. En plus il était assez curieux d'en savoir plus sur la guérison miracle de la jeune fille. Une curiosité relative, puisqu'il était certain qu'il se serait régalé du récit de ses souffrances... . A nouveau il se laisser emporter par la saveur de l'obscurité de son esprit. Tout le contraire d' il y a un mois, juste à son chevet. Exactement la même chose que cette longue nuit dans le centre ville. Le malheur des autres, il n'y avait que ça de vrai. Il y avait un côté de Ruika qui était légèrement comme ça aussi, un tout petit côté, Erwann le savait. C'est pour ça qu'elle avait fait semblant de ne pas le reconnaitre dans la cour il y a quelques mois, c'est pour ça qu'elle s'était laisser crevé comme un vulgaire bout de chiffon, c'est pour ça qu'elle avait recherché l'amour avec son propre frère.

Erwann sentait la tension monter. Il serrait les dents et les points, le plus discrètement possible, pour ne pas que la belle brune japonaise ne le remarque. Son cœur battait de plus en vite, mais il n'aurait pas su dire si ce fut de l'amour ou de la haine à l'état pur. Certainement un bref mélange des deux, avec un soupçon de désir et une pincée d'agacement et de lassitude. La recette était parfaite : une boule naissait au creux de sa gorge, et elle descendait et montait au grès des battements.

Le canadien plongea la main dans le sac noir qu'il portait en bandoulière. Il détourna le regard brièvement de celui de la brune. En un coup de main, il saisit le carnet noir, puis ramena ses yeux vers où ils aimaient être, avec la lenteur et la douceur que chacun rêvait. Puis, avec une rare violence et une rage que la japonaise n'avait certainement jamais connue, il lâcha le sac et lança d'une même geste le carnet sur elle, de toute la force dont il disposait. Il gueula :

- Et toi, qu'est ce que t'es devenue !

Le carnet s'affaissa sur le sol et les feuilles furent étalées un peu partout. Quelques dessins, quelques textes, et puis la lettre, clairement disposée, révélatrice du drame de sa vie.
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MessageSujet: Pétage de cable.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyJeu 8 Mai - 20:12

* Rien, il ne lui était rien arrivé. Son corps arrivait presque à être aussi pitoyable que celui de Ruika, et cela, sans raison. Elle ne le croyait pas, mais elle savait bien qu’elle ne pouvait pas le forcer à parler. Il ne lui était rien arrivé dont elle puisse être au courant. Rien qu’elle méritait de porter. Et puis, après tout, il avait raison. Ils n’étaient plus rien l’un pour l’autre. Cette dernière étreinte devait être un Adieu, et énième Adieu. Peut-être qu’à force, elle n’aurait même plus mal. Tout à coup, elle ressentit une énorme lassitude, comme si son cœur réalisait qu’à trop battre il se faisait du mal. Un instant de lucidité qu’elle attendait sûrement depuis longtemps. C’était à cause de l’hôpital, elle en était sûre. Elle allait redevenir celle qu’elle détestait tant, celle qu’elle haïssait le plus, celle dont le corps permettait encore une conscience désagréable.

Ça commençait avec Myril. Pourquoi lui ? Pourquoi ne pouvait-elle jamais l’oublier ? Pourquoi ça n’était pas possible, et puis pourquoi tout ça ? Il s’inquiétait pour elle, ou il faisait semblant, mais ne pouvait-il pas simplement la laisser couler ? Qu’elle arrête de manger, qu’elle tombe, que personne ne la rattrape, et qu’elle crève, une bonne fois pour toute. Morte au moins, elle n’aurait plus à se haïr, à se découvrir des sentiments stupides, la rabaissant encore plus. Pourquoi fallait-il qu’il existe, pourquoi fallait-il qu’elle existe ? Sa mère n’aurait jamais dû quitter son pays glacial, elle aurait dû rester là-bas, et laisser ces jumeaux amoureux dans le monde seul de son imagination.

Ensuite, Erwann. Il l’avait aimée, ou pas, elle ne savait plus. Elle avait osé croire qu’il ne la laisserait jamais tomber, elle avait osé penser qu’elle pouvait être heureuse. Mais au fond, elle savait qu’elle ne le méritait pas. Elle trahissait Myril, elle trahissait son pays. C’était juste un superbe mensonge qu’elle avait aimé vivre, jusqu’à ce qu’il se termine. Et puis, ces retrouvailles stupides, ces retrouvailles qui lui faisaient encore mal. Il n’aurait jamais dû venir dans son pays, chacun chez soi, c’était mieux. Elle n’en pouvait plus. Elle ne voulait plus le revoir, plus jamais. Qu’il laisse ses yeux loin d’elle, et qu’il se retourne, à jamais, qu’elle puisse jouer du piano jusqu’à sombrer dans un sommeil sans fin.

Et puis, il y avait elle. Elle qu’elle haïssait. Elle qui se forçait à souffrir, pour se persuader d’aller mal. Elle et son esprit ambigu qu’elle n’arrivait pas à comprendre. Son cœur stupide, débile, qui battait tout le temps, alors qu’elle aurait donné n’importe quoi pour qu’il arrête. Et puis son corps tout difforme, obèse et laid. Son caractère ingrat que personne n’arrivait à aimer, qui la forçait à se plaindre tout le temps. Elle détestait tout ça. Elle avait cru, un instant, pouvoir devenir une femme bien, mais plus elle s’acharnait, plus elle sombrait, si bien qu’elle n’avait plus d’espoir de remontée. Elle avait eut envie de laisser filer, de vivre à son rythme, dans son coin, loin des autres. Elle aurait réussi si le Canadien n’était pas, encore une fois, venu perturber sa décadence.

Elle se leva, quittant le petit banc couvert de velours. Pour s’aider, elle dû s’appuyer sur le piano, et sa main dérapa violemment sur quelques touches, les écrasant dans un choc sonore qui ne lui ressemblait pas. Ses yeux paraissaient sûrement plus durs, plus froids. Ils étaient surtout plus distants. Elle venait de prendre sa décision. Si le destin ne voulait pas la laisser tranquille, elle allait prendre les choses en main. Même si cela signifiait ignorer Erwann, et oublier qu’elle pouvait être sentimentale. Elle s’approcha, pour sortir de la salle, ne pas lui répondre, et ne plus jamais croiser son regard.

Mais il l’interrompit dans sa fuite, par un geste qu’elle ne lui attendait pas. Il sortit de son sac le carnet dont elle avait oublié l’existence. Un bref coup d’œil à son expression, et elle su qu’il l’avait lu. Il savait maintenant tout, et elle savait bien que les découvertes qu’il avait faites n’étaient pas tout à fait pardonnables. Tant mieux. L’ignorance mutuelle devait être la solution.

Elle se baissa, dans l’optique de ramasser les feuilles de papier sans laisser transparaître sa gêne. Elle voulait lui faire croire qu’elle n’en avait plus rien à faire, qu’elle était passée à autre chose. Ce qu’elle était devenue ? Ce truc difforme, maladroit et incapable. Cette forme à peine humaine qui venait de perdre ça sincérité. Cette petite parcelle de lâcheté qu’elle avait envie de laisser crever. Mais elle ne pouvait pas lui dire. Rien. Et puis voilà.

Ses mains s’approchèrent des dessins, des textes, et d’au moins six mois de sa vie. Six mois qu’il avait souillés en peut-être une heure. Elle le haïssait. Elle haïssait tout le monde, tous ces gens, et puis elle en premier. Elle avait envie de pleurer, de rage, mais elle ne laisserait pas éclater la boule, pas maintenant, pas devant lui. Il y avait un poème, dans toute cette paperasse. Un poème pour lui, mais il n’aurait pas pu le deviner. Elle le voyait là, au milieu des dessins morbides et des mots trop tristes. Elle se força à ne pas s’attarder sur cette page-aveu, et finit de ramasser les fragments de sa solitude. Et puis, elle se releva, et ses mains se serrèrent sur le papier, le transformant en une boule difforme. Il ne pouvait pas le savoir, mais il assistait là à un assassinat. Un meurtre sadique qui voulait en dire beaucoup, et que la victime regretterait bientôt autant que la coupable.

Serrant ses poings de plus en plus sur le cadavre du carnet, elle fixa le déclencheur de sa crise, les yeux rougis de colère. Elle le poussa de l’épaule pour pouvoir quitter la pièce dont elle avait le plus besoin. Et puis, elle ferma la porte derrière elle. Violemment. Elle resta quelques secondes, la main sur la poignée, le dos tourné à ce qu’elle venait de fuir, réalisant doucement l’erreur de trop qu’elle venait de commettre. Et puis elle se laissa tomber, assise dos contre la porte, enfermant ainsi sans réfléchir le garçon à l’intérieur. Elle avait donné tout ce qu’elle avait, il ne restait plus rien, elle était peut-être morte cette fois, enfin. *
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyJeu 15 Mai - 13:06

[ je suis littéralement vidé de mon inspiration... T_T ]


Erwann avait l'habitude de se voir lui même en colère, de se voir tout casser autour de lui, sans vraiment réfléchir aux conséquences, sur les hommes et sur les objets. Ainsi il avait sérieusement blessé un homme et en avait tuer un autre durant la même soirée. Mais là, c'était quelque chose de nouveau pour lui, voir Ruika dans une crise de colère passagère certes, mais aussi puissante qu'un typhon d'automne. Elle avait vaguement tenter de ressembler les bouts de pages et de papiers, qui résumait sa petite vie qui ne ressemblait pas vraiment à une vie. Peut-être sur certaine feuille on verra désormais des gouttes de larmes, ou d'autres choses, de sang venant d'un langue, trop serrée pour contenir une haine trop douloureuse et trop interieure. Elle avait froissée quelques feuillets, enfin bref, Erwann en était surpris, et attendri également. Au fond, qu'est ce que lui pouvait faire pour elle ? Peu de chose, même s'il en avait eu la brève motivation un jour de blues.

Elle le poussa d'un coup de main décidé, et outre-passa la porte, et la ferma violemment. Erwann resta là une ou deux minutes avant de réagir, à penser. Est ce que la violence de ses mots valait la violence de ces actes ? Et si elle n'était pas folle..; si elle était tout simplement très malade ? C'était un peu trop naïf pour le canadien. Il ne croyait pas vraiment en la maladie mentale, tant on lui avait rabâche que lui même était malade. Mais Ruika, elle n'avait pas que ça, son corps la laissait crever comme ça, comme une rien du tout, une moins que rien. Erwann regretta un instant, puis revint sur ses pensées : elle avait changé, c'était certain. Ce n'était plus du tout la jeune fille de son adolescence, qui aimait les baisers et l'électricité de son caractère. Elle avait tourné au vinaigre, sans que personne ne l'aide à combattre la dérive. Erwann fut pris d'une nostalgie passagère assez brève, puis se résigna à partir.

La porte résistait, très peu, mais Erwann sentait quelque chose qui était placé juste derrière. L'aurait-elle enfermé dans la salle de musique. Ca serait dommage, déjà qu'il était en cavale. Il passa très vite fait en revue les différentes solutions qui se présentait à lui. Casser un carreau ? Absolument pas. Sauter par la fenêtre ? Pareil, à moins qu'Erwann ne veuille se fare amputer de l'autre jambe. Il se sentit obligé de sortir, parce que s'il restait là seul enfermé, il deviendrait fou. Puis il entendit ce son, long et suave : le souffle de l'être juste derrière la porte. Les yeux fermés, le front collé à la porte, Erwann parla :

- Tu n'as... pas répondu à ma question Mika.
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyVen 29 Aoû - 6:54

* Elle restait là. Assise. Comme pour un siècle. Des larmes douloureuses remontaient dans sa gorge, écrasant tout ce qui se trouvait sur leur passage. Elle se sentait détruite, et son visage se contorsionnait d’adrénaline et de douleur. Elle avait envie d’hurler, hurler comme elle ne l’avait jamais fait. Se détruire les poumons dans un cri torturé, que tout le monde l’entende. Un hurlement si effrayant que tous en aient si peur qu’ils la laissent enfin crever dans son coin, sans la détruire encore plus. Sa respiration se faisait de plus en plus haletante. Elle tremblait de partout. Et son souffle commençait à se dérégler, elle le sentait. Son cœur battait de plus en plus vite, pour lui rappeler qu’elle était trop fragile pour ressentir aussi fort que ça. Mais cette fois, cette fois elle était bien trop en colère contre tout pour laisser son cœur l’emporter à l’hôpital à nouveau. Elle avait juste envie de rester là, d’écouter tout ses nerfs craquer sous le coup de ses sentiments, et de sentir le papier se froisser dans son poing, si fort qu’elle n’était même plus sûre de pouvoir ouvrir sa main à nouveau. C’était la première fois qu’Erwann la voyait comme ça, mais elle ne pouvait plus se contenter de souffrir en silence. Elle ne pouvait pas encaisser plus. Il fallait que tout craque, tout ce petit équilibre précaire qu’elle avait réussi à construire sur son jeu d’actrice et d’effacement. Que tout s’écroule, et Erwann serait là pour voir ça. Mais elle n’avait pas la force d’y penser.

D’épuisement, elle cogna l’arrière de son crâne contre la porte. Ses jambes étaient étalées devant elle dans des angles anormaux. Ses bras se laissaient couler le long de la porte. Et son visage était ruiné par ce qu’il se passait dans son corps. Le garçon prononça quelques mots de l’autre côté de la porte, mais elle n’écouta pas. Seul le dernier mot se heurta à ses tympans. « Mika ». Mika. Mika, elle n’en pouvait plus. Mika elle ne comprenait plus pourquoi c’était comme ça. Pourquoi elle ne pouvait pas voir les gens à qui elle tenait simplement heureux autour d’elle. Mika, elle savait bien que le problème venait d’elle, mais elle ne savait plus comment faire. Alors Mika ferma les yeux, et ouvrit sa bouche, pour faire résonner dans le couloir sa voix écrasée par les pleurs. Sans penser à lui. Ou alors un peu trop. Mais elle voulait croire qu’enfin, elle ne pensait à rien. Et surtout pas à ce que les autres pourraient penser d’elle.


“ I see the sun begin to rise
And I'm blinded too
I've seen the world through jaded eyes
That I'm crying through
I watch the darkness hypnotize
And can't fight it
Hold On I'm falling
Can't breathe anymore
As an ocean has opened
These scars need to heal over

Caress the needle prick in my eye
The tears fell like rain
I've rode the phoenix as she glides
And I've gone insane
I've seen the light of suicide
And I'm dying

Hold on, I'm falling
Can't breathe anymore
As an ocean has opened
These scars need to heal over

Hold on I'm falling, can't breathe... breathe...

Colder and colder
Just hold onto me “



(Machine Head - The Burning Red)

De temps en temps, elle s’arrêtait, parce que sa respiration était trop tremblante. De temps en temps, la Mika pourtant bilingue laissait, sans le vouloir, un peu de son accent japonais écraser les mots. Et quelques larmes coulaient le long de ses joues, et tombaient de son menton sur le bustier de sa robe, noire. Elle voulait s’oublier. Elle se suicidait à l’oubli et l’inconscience. Elle savait qu’après ça, elle irait mieux. Peut-être même qu’elle pourrait partir, et ne jamais revenir. Vivre ou mourir, mais loin de là, seule, ou avec des gens nouveaux, et se reconstruire, petit à petit, vers l’un ou l’autre des extrêmes.

Et puis la fin de la chanson arriva. Elle ferma les yeux. Elle était calme maintenant, et seuls quelques hoquets, qu’un reste de larme lui provoquait, venaient troubler le silence. Elle ne voulait pas savoir ce qu’il faisait, de l’autre côté de la porte. Elle ne savait même plus ce qu’elle voulait, si ce n’est que, une chose, une petite chose au moins, aille mieux. *
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MessageSujet: Re: [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé.   [Salle de Musique]Erwann'. Piano glacé. EmptyVen 29 Aoû - 9:44

La salle de musique comportait en vérité deux issues. La première, celle qui donnait sur le couloir, semblait pour un certain temps condamnée. La seconde était une porte qui communiquait avec la salle de cours d'à côté. Si Erwann n'avait jamais forcé de serrure avec un trombone, il s'y essaya avec son postérieur dans un succès sans applaudissement. Il rassembla ces affaires, c'est à dire son sac rempli de bonne chose, et passa la porte vers la salle de cours à l'est, qui était en réalité la salle du club photo. Alors qu'il y entrait, la voix mélodique de la japonaise tripota ses tympans. Il stoppa sa course un instant pour écouter. « Encore un truc qui déborde de bonheur intuitif » pensa avec un sourire perdu le brun. Personne ne pouvait vraiment savoir ce qui se tramait à l'intérieur de sa tête. Plus tôt il aurait donné cher, très cher pour une explication en tête à tête, claire nette et précise. Maintenant la seule chose qu'il voulait c'était... s'en foutre ni plus ni moins. La vie lui avait appris qu'il ne fallait pas s'attacher aux choses trop attachantes. Qu'il fallait parfois, au prix d'un effort ubuesque, à oublier sans raison, à ne plus penser, à ne plus se poser de question trop compliquées. Il virait sur ça. Fin de l'histoire, l'un des protagonistes a frôle la mort, l'autre ne va pas tarder à la toucher.

Il slaloma entre les tables, les chaises et les meubles pour se saisir de la poignée de la porte qui donnait sur le couloir sombre, et qui, n'était pas obstruée par quelques tiers personnes. Lorsque le brun déboula dans le couloir à vingt pas plus à gauche de Ruika, il lui accorda un bref regard, puis marcha lentement, très lentement vers elle, comme un générique de fin gravissait l'écran de bas en haut. Une dernière fois, il allait tout de même justifier ses actes, du moins il allait tenté de faire en sorte que ça soit la dernière fois. Il avait une arme dans le sac, il aurait très bien pu l'euthanasier tout de suite, mais cette solution ne lui plaisait guère. Sa voix perça un silence qui avait reconquit l'endroit depuis que Ruika avait cessé de chanter.

- Ça m'arrive d'être désolé d'avoir tant merdé avec toi. Même si je pense qu'il n'existe ni méchant ni gentil, j'me fais peur des fois quand je vois ce que j'ai fais ou dis. La suite personnellement, je m'en fous. Parce qu'à moins d'un petit miracle sur nos esprits, je pense qu'il n'y aura plus jamais d'entre nous. Je vais partir loin je pense, rentrer au Canada quelques semaines, alors... c'est un au revoir sur des airs d'adieux.


La mine déconfite de la japonaise releva un dernier goût amer dans le fond de la gorge d'Erwann. Peut-être que partir pour lui était une bonne nouvelle pour elle, ou pas. Dans tout les cas, ils en souffriraient, en silence.

En silence aussi, Erwann tourna les talons et s'enfuit calmement vers la sortie. Le pas toujours lent et cassé, avec ce bruit de métal qui travail. Il marchait vraiment très lentement, comme si ses jambes obéissaient à son cœur et refusaient de s'éloigner. En silence encore une fois, Erwann serra les poings.
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