La neige avait depuis quelques semaines déjà recouvert le parc de Shokuboo Inochi. Les couleurs pastelles avaient laissé leur place à la poudre blanche et froide, les arbres y projetant leurs ombres sans feuilles. Un peu de neige blanchissait leurs branches. Les rayons du soleil, qui était légèrement caché par les quelques rares nuages qui flottaient dans le ciel, donnaient une ambiance chaleureuse et paisible.

Malgré le soleil présent en ce milieu d'après-midi, le froid glacial persistait, finissant de persuader les élèves à rester bien au chaud dans leurs dortoirs ou le salon; le parc restait donc désert. Rares étaient les pensionnaires qui s'y étaient aventurés. Seule une dizaine d'élèves était éparpillée sur l'immense étendue blanche.

Depuis environ une heure, Kerishu n'était plus de servie, et était libre de mouvements jusqu'au soir. Étant de "garde" cette nuit-là, la jeune surveillante préféra rester tranquille et ne pas trop se dépenser. C'est pour cette raison que la Japonaise alla s'asseoir sur un banc du parc, bien emmitouflée dans son long manteau noir, sa guitare sèche sur le dos.

Arrivée à destination, Kerishu s'assit en tailleur sur le banc, commençant un petit air tranquille sur sa gratte. Ses mitaines lui permettaient de jouer sans encombre, alors que les gants la gênaient. Son écharpe de laine kaki bien serrée autour du cou et ses bottes marrons finalisaient cette véritable tenue anti-froid.

La rouquine jouait sans vraiment s'en rendre compte. Le regard perdu dans le vague, ses doigts grattaient machinalement les cordes de la guitare, une douce musique japonaise s'élevant dans les airs. Sa tête se balançait en rythme, mais, encore une fois, Kerishu le fait machinalement. Elle était préoccupée.

La brune avait des soucis, ainsi que son colocataire. Et, d'après ce qu'elle avait compris, Tsuyu s'était ajoutée à la montagne de problèmes de Majoren et Erwann. Kerishu connaissait peu le Canadien, et ne savait pas ce qu'il en pensait. Ce qui était sûr, c'est que la présence de la gamine dérangeait son amie, même si elle la supportait. Kerishu n'avait aucune idée quelles proportions avaient atteint les galères des trois bruns, ni comment avait évoluer la situation. Elle ne savait pas si Tsuyu avait quitté la planque de Maj' et Erwann, ni si ces deux derniers avaient rejoint l'établissement. La Japonaise n'avait pas eu de nouvelles de la brune depuis un moment, et, dans la masse d'élèves de Shokuboo, il était difficile de discerner trois élèves particuliers, même s'ils étaient assez reconnaissables. Mais Kerishu savait que Maj' savait parfaitement se fondre dans la masse pour se faire oublier, et le Canadien ne devait pas avoir trop de problèmes pour faire de même.

Quant à Tsuyu, Kerishu s'en fichait pas mal, tant qu'elle n'attirait pas de galères en plus à sa brune d'amie. Mais le changement de la gamine avait surpris Kerishu. De la pauvre grosse suicidaire et complètement paumée, elle était apparemment devenue une allumeuse sûre d'elle. Majoren lui avait rapporté en vitesse la scène singulière qui réunissait la "rencontre" des trois bruns. La gamine en chemise et petite culotte, Maj' avec un flingue et un couteau, et Erwann prit entre deux feus. Kerishu ne savait pas comment avait fini cette histoire de dingues, car la communication avait été coupée : la rouquine n'avait plus de batterie.

C'est ainsi que Kerishu continua de jouer machinalement son air japonais...