Lieu sous surveillance .. [PV Erwann]

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"Voila, mademoiselle, la clé de votre chambre. "

La jeune fille tendit la main, attrappant le jeu de clés qui pendait entre le pouce et l'index de la cinquantenaire. Elle réussit à bougonner un rapide "merci", avant de tourner les talons et ramasser ses valises. Les clés,calées entre la poignée de la valise de sa main droite et sa paume, rentraient dans sa peau, y laissant une marque rougeâtre, irritée.Ca passera, évidemment. Mais Sharwyn n'aime pas que son corps soit déformé, qu'elle qu'en soit la nature. Elle grogna donc, sous la petite douleur que lui procurait ses charges. Comme par hasard, fallait monter un étage. Heureusement pour elle,un ascenceur avait été conçu à cet effet. Elle s'y engouffra, non sans avoir au préalable chipé quelques crayons à papiers et échantillons de gel douche à l'effigie de l'école, dans le hall, à la réception. Elle posa ses valises et fourra les crayons et les échantillons dans la poche de son pantacourt vert, entre la pomme et le pastel très clair. Son débardeur, d'un teint virant plutot à la pêche, rappelait sans efforts un plat, fruité, vif, apétissant. Ses talons hauts, dénudés au niveau de ses orteils et de ses chevilles fines, paraissaient être des chaussures d'été. Et pourtant, c'était pas vraiment la saison .. Mais Sharwyn s'habillait toujours comme ça. Jamais comme les autres.

Il était midi. La belle n'avait pas de montre, fait surprenant vu le nombre de ces dernières qu'elle avait dû piqué. Pourtant, cela ne la dérangeait pas, pour le moment. Elle avait perdu la sienne dans l'avion. Très embêtant pour son "travail", mais sinon .. Son corps se chargeait du reste. La preuve : Dès qu'elle ouvrit la porte de la chambre qu'on lui avait attribué, la jeune femme posa ses valises, et un gargouillis sonore s'échappa de son estomac. Elle eut un demi sourire narquois envers elle même. Ou plutot envers l'image d'elle que renvoyait le miroir de sa chambre. Une nouvelle chambre, d'ailleurs. Vu qu'elle était seule à l'occuper pour le moment. Bah, elle s'arrangerait pour ne pas avoir à l'occuper avec qui que ce soit. Comme ça, pas de questions, ou de soupçons sur son identité, etc ..

Finalement, elle soupira, son ventre la rappellant toujours à l'ordre, et elle décida de défaire ses valises une fois repue. La jeune fille se rendit donc jusqu'à la cafétéria. Dans les couloirs, elle marchait d'un bon pas, mais une sonnerie retentit alors. Les cours. Qui finissaient. Les ados affluèrent. Elle les regardait, fascinée par tant de gens, tant de styles différents. Elle évitait soigneusement de les toucher, et son coeur s'accéléra alors que son instinct agoraphobe commençait à l'envahir. Pour ne pas céder à la panique, elle décida de ne pas perdre de vue son objectif premier. La cafétéria. Elle s'avança, les yeux rivés sur le panneau, écrit en majuscules rouges, à une cinquantaine de mètres. Elle ne vit pas l'inconnu qui lui rentra dedans. Sa respiration se coupa net, alors qu'elle était projetée vers l'arrière. Elle battit violemment des bras, s'empêchant de chuter bêtement sur le derrière, dans toute cette foule. Elle avait si peur de se noyer dans cet océan de bras, de jambes et de corps ..

Elle grogna, sourdement, se redressant, une lueur sauvage dans les yeux. Son regard avait viré de l'émeraude au bleu profond et sombre. Campée fermement sur ses deux jambes, tentant de dominer l'inconnu de son mètre quatre vingt trois(avec talons), elle posa ses mains contre ses hanches, et se pencha légèrement, d'un air sauvageon et arrogant. Sa position aurait pû être qualifiée de "sexy", mais son air rageur témoignait bien évidemment du contraire.

"Bon sang, mais vous pourriez pas faire gaffe d'où vous foutez vos pattes ! "

Elle avait craché ça d'un ton dédaigneux. La foule se mit alors à les contourner soigneusement. Ca avait tout l'air d'être une scène de cow boys, vu comment c'était présenté. Il ne manquait que la botte de paille qui volète derrière .. Son regard doux, grâcile, aux traits fins et délicats, dégageait un tel sentiment de pureté, que la violence de ses paroles de charretière avait dù choquer. Elle le/la toisait, grognant toujours, essayant de déterminer son sexe, son age, son niveau d'acuité visuelle, et surtout, de stupidité.

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Des pas de plomb. C’est ce qui revenait aux oreilles du grand canadien. Des pas de plomb, qui résonnaient, comme si une armée de soldats métalliques sortaient des salles et des couloirs, en même temps, même démarche, mais pendule, même cadence interminable. Erwann sustentait ses dernières secondes de cours de la journée. Si peu depuis huit heures ce matin, mais chargées en potentiel supra-cognitif. Bref, inutile de dire que dès que le professeur aurait donné le signe du départ, la masse humaine de cette salle blanche et humide sortirait pour aller, faire quoi que ce soit d’autre. Quand cela fut fait, l’effective masse se pressa dans l’entonnoir de la porte, et sortit dans les couloirs pour rejoindre les autres âmes qui déambulaient sans raison profonde de vivre. Erwann lui, sortit en dernier.

Il sanctifia un ultime regard à son professeur d’anglais, en jetant la boule de papier froissée dans la corbeille au pied du bureau. Erwann avait un avantage notable sur les autres en matière d’anglophonie, le prof le savait très bien, et il le détestait pour ça. Un sourire narquois limite provocateur ? Peut être bien, ou alors une simple envie de remettre cette antiquité humaine à sa place, sans un mot, sans un bruit. Une fois dans le couloir, il entendit la porte claquer derrière lui, ce qui lui releva un nouveau sourire. Il s’apprêtait à aller déjeuner, mais préférait laisser passer devant lui la foule d’élèves patentés, souriants et assez, il fallait le dire, exaspérants.

Le brun marchait le long du couloir, d’une lenteur plutôt « Blues », toujours en boitant, levant sa cuisse gauche et la reposant sèchement, en accord avec le cliquetis habituel qui signifiait l’appui sur le sol. C’était pas la pire des choses qui le préoccupait, mais même si ça lui donnait un air de… « Vétéran du Viêt-Nam », il aurait volontiers fait sans. Surtout dans ces situations, où la foule devenait comme une grosse masse noire et bruyante. Il savait que la moindre personne qui le bousculerait légèrement le ferait tomber, ou alors simplement perdre l’équilibre. Il marchait droit, évitant de regarder les personnes qui passaient devant et sur les côtés. Il écoutait malgré lui des bribes de conversation qui paraissaient toutes étranges. Des bouts de phrases et des bouts de mot, qui, sortit de leur contexte semblait incompréhensible. Erwann essayait de ne pas y prêter, il devait marcher et sortir de là, sans craquer, sans fléchir, toujours tout droit.

Il passa devant l’entrée de la cafétéria, et hésita un instant à y rentrer hasardement. Cet endroit aurait pu en effet être une bonne solution à son problème d’attente et de foule de marée montante. Il cala sa main sur le rebord de la porte grande ouverte, tout en regardant à l’intérieur s’il n’apercevait pas un visage familier ou une mine réjouie, qui constituerait une bonne raison de finaliser sa décision. Puis, poussé par une soudaine envie de prendre l’air, il passa son chemin et continua dans le couloir bondé. C’était pas tellement son genre de se défilé comme ça devant la masse, mais il lui était venu un pressentiment, le même genre de pressentiment qui lui avait couté sa jambe gauche.

Tandis qu’il marchait, toujours de la même fragile et rugueuse façon, il sentit quelque chose qui lui passa juste sur sa droite, quelque chose de petit et de rapide. Un instant il cru qu’un missile sol-sol venait de luis frôler le bassin. C’était, à première vu un môme, qui courait, vers n’importe où, mais qui y allait de bon cœur. Le grand canadien fut d’abord énervé, mais finalement un sourire lui revint aux lèvres. La folie des années pré pubères… .

La scène devint moins marrante lorsque cette même petite chose fulgurante l’entraina dans une vrille plus ou moins contrôlé. Il se sentit partir, encore une fois. Mais ce ne fut pas lui qui rentra dans la jeune femme qui se trouvait là, à quelques centimètres, ce fut le mioche, le mioche qui courait. D’après le peu qu’il pu voir, la fille fit une jolie valse aussi. Une île se forma dans la marée du couloir, un périmètre de sécurité pour ne pas subir quelques dommages collatéraux. Pendant qu’Erwann se relevait, il entendit la voix se lever. La fille avait, à l’étonnement du canadien, une voix qui portait, ainsi qu’une paire d’yeux assez envoutant. Il voyait la petite tête qui subissait, et dans un élan de gentillesse rare ou de stupidité écrasante, il déclara calmement :

- Hé, lança il assez fort pour qu’elle intercepte son regard, on se calme mademoiselle, y’a pas encore de mort… pas encore.

Il avait l’impression d’avoir dis un mot de trop, comme s’il allait à son tour en prendre pour sa fraise. Mais il restait confiant, lui, il avait de quoi se défendre, du moins, il croyait.

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Un nain de jardin. Un simple petit marmot. C'était tout ce qu'elle avait trouvé comme adversaire, lorsqu'elle avait toisé l'inconnu. C'était un garçon. On aurait pu en douter, vu la longueur de ses cheveux, et leur aspect si lisse, ainsi que son visage, doté de traits angéliques. Un môme qui en aurait fait craquer plus d'une de son âge .. Mais Sharwyn ne s'en formalisa pas. Elle avait cinq ans de plus que lui,assurément. Le blondin, d'une douzaine d'années, lui renvoya un regard empreint d'une peur naissante. On sentait l'angoisse qui brûlait sa gorge, l'empêchant de répondre à la belle femme, qui avait pourtant, tout l'air d'être une sacrée mégère. Ses mains posées sur ses hanches, d'un air osé, elle ne quittait pas le môme des yeux. Il ne partirait pas sans explications, ou sans excuses préalables. Il tenta vainement de bégayer quelque chose, que la jeune femme n'entendit pas dans la cohue, mais alors qu'elle s'apprêtait à l'écraser encore plus, un jeune homme, plus vieux qu'elle, sans doute, s'interposa.

La première chose qu'elle remarqua ne fut pas son visage, mais la manière dont il se tenait, une hanche prédominant l'autre. Un problème avec ses jambes ? Un point faible tout trouvé, au cas où il y aurait de la casse .. Elle lâcha ses hanches, croisant ses fins bras contre sa poitrine, d'un air rageur

"T'as raison, pas encore .. Mais j'vais en faire de la chair à patée, ce gamin !"

Elle n'avait pas quitté le marmot des yeux. Ce dernier semblait avoir les larmes qui lui montaient aux yeux. Ce qui rassura amplement Sharwyn, qui en profita pour faire un pas de plus vers lui, imposante. Le garçon tenta de déguerpir, mais ses jambes ne lui obéissaient plus. Alors qu'elle s'apprêtait sans doute à lui faire comprendre, violemment, qu'il ne fallait plus jamais qu'il la touche, elle se tourna à demi vers l'inconnu qui s'était interposé d'un air calme, et grogna

"Et puis d'abord, de quoi tu te mêles ? C'est ton frêre ?"

Elle chercha l'air de ressemblance entre eux. Ni les mêmes traits du visage,ni les mêmes natures de cheveux. Ils n'étaient pas de la même famille. Finalement, un élan de compassion sembla paraître, et elle se pencha vers le garçon.

"Ne me touche plus jamais .. C'est clair ?"

Le petit hocha la tête, vivement, comme s'il le lui promettait par le regard. Il semblait sincère. Ou plutôt,il semblait tenir à sa vie. La belle se redressa alors, son regard virant au vert, en restant toujours dans le bleu, cependant. Elle sentit son coeur arrêter de cogner comme un fou dans sa cage thoracique. D'un mouvement, elle poussa l'épaule du garçon, brusquement, mais sans violence, ce qui l'envoya deux pas plus en arrière

"Allez, vas t'en .."

Il n'en fallut pas plus pour qu'il disparaîsse. La femme semblait être redevenue calme. Il n'y avait plus personne, dans les couloirs. En cinq minutes, on passait de la foule au vide total. Elle soupira, longuement, avant de sentir une présence, derrière elle. La jeune femme se retourna, vivement, méfiante, et reconnut l'homme qui s'était interposé tout à l'heure. Elle fourra ses mains dans ses poches, d'un air un peu gêné. Que dire ? Finalement, elle bredouilla dans sa barbe(inexistante <_<)

"Qu'est ce que tu fais là ? Fais donc comme les autres, vas bouffer .."

Elle se laissa tomber dans le vide. D'un coup. Une demi seconde, seulement. Le temps que son dos dénudé heurte le mur froid et rugueux du couloir. Son regard était redevenu émeraude. Elle fixait l'homme, intensément, plantant ses prunelles dans celles de son locuteur. Le silence s'installa. Un silence morbide ..

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Erwann avait fortement douté de sa capacité à la médiation durant un instant. D’ailleurs il avait bien cru avoir fais une belle connerie. Il avait légèrement sous-estimé la grande devant lui. Une forte tête ? Une maniaque des contacts rapprochés ? Il n’en savait foutrement rien. Il se demanda même pourquoi il s’était élancé dans un tel élan de sauvetage instantané. Ca faisait un sacré bail qu’il n’avait pas joué les supermen au service de la veuve et de l’orphelin. Et puis risquer de s’imposer face à une coléreuse, c’était le cadet de ses désirs. D’habitude il aurait su évaluer tous ces paramètres avant de dire quoique ce soi, il aurait pu limiter les dégâts en prenant en charge la correction du môme, mais il n’aimait pas non plus faire le tyran. C’était assurément pas comme ça que son monde allait s’arranger.

Il ne répondit pas à la fille, sur sa question de parenté. C’était plus qu’évident, le gamin était de type asiatique, et lui occidental. Pas la peine d’aller chercher bien loin. Mais cette remarque lui rappela que si ce gosse avait été son frère, il aurait certainement été plus… comme un grand-frère… . La famille, c’était comme la bouffe, pas touche. Il fut étonné par la phrase suivante de la dame au regard coloré, « me touche plus jamais »… Il sentait comme une pointe de peur là dedans. Pourtant c’était idiot, qu’est ce qu’un minuscule petit microbe ultra pré adolescent pouvait faire à cette demoiselle ? Il oublia, et recommença calmement à marcher.

Il regarda tout de même en arrière, par-dessus son épaule pour voir la fin de la discussion. Il n’était pas loin d’eux, mais vue d’ici, l’incident paraissait moindre. Ou alors était-ce peut être le soudain calme qui était revenu chez la dame. Erwann se félicita lui-même, il se coucherait se soir avec la conviction qu’un gamin de bas étage avait pu rentrer chez lui avec tout sa dignité. D’ailleurs celui-ci s’en alla vers le réfectoire, en courant de plus belle, s’empressant de ne plus penser à ce qui venait de se passer.

Il passa juste devant Erwann, le regard planté droit devant sa trajectoire. Même pas un merci ni un sourire, même pas le moindre signe de reconnaissance. Quel petit con. Erwann regretta d’avoir ouvert sa bouche. Après tout il se serait volontiers délecté d’un règlement de compte en plein couloir, juste sous ses yeux, entre l’hystérique à talons, et le mioche plus influençable qu’un batteur à œuf.

Il s’apprêta à reprendre sa route, pour de bon cette fois, et continuer de marcher droit. Il jeta un dernier regard, du moins c’est ce qu’il pensait, vers la fille qui s’était adossée contre le mur blanc du corridor. Ses yeux chopèrent les siens, mais il fut retenu, un peu comme le garçon un peu plus tôt, c’était un regard foudroyant qu’elle lui lançait, un regard plein de choses indescriptibles. Le gosse s’y était perdu, mais le canadien lui y restait lucide. Il s’y amusait même, car ce genre de regard, il savait les faire lui aussi. Il se mit face à elle, se rapprochant doucement, toujours en la regardant, en interceptant les milliards d’éclairs qui fusaient. En ayant bien réfléchit, il lui répondit :

- Comment je pourrais avoir de l’appétit avec des yeux pareil qui me fixent ?

Contrairement à ce que l’on pouvait croire, il n’avait aucunes idées douteuses. Il avait juste envie de la tester, de la voir réagir après une telle provocation. De remettre légèrement les points sur les « i », de lui montrer qu’il n’y avait pas qu’un seul fort caractère dans ce couloir vide comme l’espace.

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La tension s'était apaisée, depuis que la foule avait prit place dans la cafet', et que Sharwyn était seule. Ou presque. Elle ne s'attendait pourtant pas à ce qui se passa alors. L'homme se rapprocha. Il boitillait légèrement, Sharwyn ne tarda pas à le relever. Il devait avoir un sérieux problème d'ossature, pour que sa jambe soit droite ainsi. Ce ne pouvait être autre chose. La femme ne pouvait absolument pas se douter que le membre inapparent du garçon était inexistant. Il s'était fait amputer. Quel triste sort. Mais revenons plutôt à la situation ..

La jeune femme écarquilla les yeux, qui virèrent au bleu iceberg. Un peu si pâle qu'il aurait pû paraître blanc. Ses pupilles noires contrastaient parfaitement avec la blancheur des iris de la femme. Et l'homme, placé assez près de son visage, pouvait ainsi remarquer quelque chose : Ses pupilles étaient dilatées. Par un semblant de peur, grandissant. Elle était seule. Il était grand. Un moment, elle se surprit même à penser qu'il pouvait être l'un des Quatre, qui l'aurait retrouvée. Un long frisson parcourut son échine, alors qu'elle ne quittait pas des yeux le regard de l'inconnu. Etait ce lui ? Son bourreau ?

Son instinct animal en fut attisé. Elle fronça des sourcils, le coeur battant, et posa à plat ses deux mains sur le torse de l'inconnu. Les bras tremblants, elle laissa ses mains là, une seconde, avant de repousser brusquement l'homme en arrière. Haletante, le fixant d'un air mi apeuré mi haineux, elle murmura alors

"M'approche pas .. "

Le contact du mur dans son dos, telle l'impasse dans laquelle elle s'était laissée piégée, la fit frémir de nouveau. Son coeur battait toujours la chamade. Elle lança alors, beaucoup plus fort, et hargneusement

"M'approche pas ! "

Sa voix se brisa. Elle tremblait, légèrement. Sa nuque se courba en un mouvement grâcieux, laissant ses boucles retomber sur les traits aquilins de son visage d'ange.

Le flashback revint. Violent. Intense. Presque réel .. Les Quatres .. L'impasse .. La mort de son âme ..

Tête basse, Sharwyn tremblait comme une feuille. Cela dura quelques minutes, pendant lesquelles la scène ne faisait que de se ressasser en son esprit. Enfin,le flash disparut, et Sharwyn arrêta de trembler. Maîtrisant les battements de son coeur, elle releva un regard embué de larmes. Des larmes qui ne couleraient pas. Sharwyn ne pleurait pas. Ou peu. Sa voix, enrouée par la boule de peur dans sa gorge, perça le silence

"C'est stupide, de tenter de m'impressionner ainsi .. Faut vraiment être idiot, ma parole ! "

Elle crachait ces mots avec dédain. D'un revers de main, elle essuya les larmes qui voilaient son regard, toujours aussi clair. Le soleil timide semblait se refléter dans ses pupilles noires, rendant son regard étincelant. Elle reprenait les commandes, à présent. Son esprit était lucide. Elle ne se laisserait plus avoir par son instinct .. Redressant fièrement le buste, elle finit par mumurer, d'un air fourbe

"Ce serait dommage que la prochaine fois, j'donne un coup dans ta jambe abîmée, tu crois pas ? "

Elle le toisait, se grandissant au maximum, tentant de l'écraser par sa grandeur et sa haine. Elle ne quittait plus l'homme des yeux, tentant l'envoutement.

"Et si mon regard te dégoute, ne le fixe pas .."

Elle plissa des yeux d'un air las. C'était logique. S'il n'aimait pas ses yeux, ou leur trouvait quelque chose à redire, il n'avait qu'à baisser les siens .. Son regard avait viré de nouveau au bleu profond. Bleu nuit. On voyait même des semblants d'étoiles, reflets du soleil sur ses iris. Elle était si belle .. Et si chiante <_<

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Dans une autre vie, il aurait reçu pour seule et unique réponse un espèce de « lâche-moi tocard » et basta. Fin de la discussion et des jolies tournures de phrase. Il aurait laissé d’échapper un zeste de faiblesse dans son regard, il aurait montré que lui aussi était assez peu rassuré par une telle pression oculaire. Ils se seraient éloignés, ils se seraient oubliés. Point final. Mais contre la plus grande des logiques possibles, ce ne fut pas Erwann qui craqua le premier. Pourtant la démonstration de force de la fille juste avant l’avait convaincu qu’elle ne se serait pas laissé impressionner par la mine usé du grand brun.

Il avait très bien vu qu’elle avait pris peur, d’un seul coup, sans vraies raisons évidentes. Quand il avait vu ça, il avait de suite effacé ce petit sourire prétentieux qui lui allait si mal. Sans qu’il ne puisse changer quoique ce soit d’autre, elle plaqua deux mains tremblantes, mais sûres d’elles, sur sa poitrine, et le repoussa avec une force qui l’étonna, une nouvelle fois. Elle répéta deux fois de suite une phrase qui ressemblait étrangement à une autre qu’il avait relevé un peu plus tôt… . La première de ces paroles ressemblait à une pitié, une dernière prière… mais la deuxième fois qu’elle lui dit de ne pas l’approcher, il la perçu comme une menace directe. C’était certainement le but voulu.

Erwann, tout en reculant, se décomposa entièrement. S’il savait paraitre un peu plus intimidant qu’il en avait l’air, il avait pas mal de difficulté à réagir devant elle.

- Hé ! Doucement tu vas pas en crever. Je…

Il n’eut pas vraiment le temps d’aller plus loin, voyant comment la jeune fille se mettait à trembler, devenant aussi fragile qu’il fleur sur un champ de bataille. Sa voix venait de casser sous le poids de ses derniers mots. Erwann se demanda longuement quel attitude prendre face à ça… l’indifférence dédaigneuse ou la main amicale sur l’épaule ? Aucune des deux, car il avait le vague pressentiment que s’il posait sa main à n’importe quel endroit à moins de dix centimètres d’elle, elle la lui trancherait sans pitié.

Les rôles s’inversèrent, ce fut elle qui devint dominante, surtout lorsque qu’Erwann vit arriver la tornade dans son regard. Il commença à reculer, très doucement, par prudence, voire par crainte. Il avait bien vu juste, il avait fait une boulette. Il le savait pertinemment, mais il oubliait à chaque fois : il ne fallait pas jouer avec les femmes, ou alors… pas comme ça.

Elle lui débita une flopée de parole qu’il ne pu assimiler totalement. C’est vrai qu’il avait été idiot, il serait le premier à l’admettre. D’ailleurs il essayait de placer une vague phrase entre les siennes, mais rien à faire, c’était elle qui maitrisait. Aussi, elle le menaça en parlant de sa jambe. Il fut très surpris cette fois ci, car personne avant n’en avait parlé comme ça… à l’aveuglette. C’est là qu’il réalisa qu’il avait déclenché quelque chose de terrible. Une réaction en chaine ou ses neurones avaient servis de noyaux d’uranium.

Et puis elle se re-calma un peu. Comme si l’incendie que le canadien avait allumé venait de s’éteindre. Même si l’angle que formaient ses sourcils laissait entendre qu’il fallait mieux pour lui qu’il respecte le périmètre de sécurité. Il baissa la tête, regardant ses chaussures, puis la seconde d’après, la refixa droit dans le blanc autour des iris, mais cette fois ci en changeant d’expression, une expression un peu plus... humaine.

- S’il m’avait dégouté, j’me serais pas approché comme ça. Et puis un coup dans la jambe, j’te préviens je sentirais pas grand-chose, à te place je viserais plus haut.

Il avait cette manie exaspérante de ne pas s’arrêter aux choses telles qu’elles sont. D’ailleurs il avait horreur en général de tourner le dos aux obstacles, même si cette fois ci, l’obstacle était loin d’être rebutant.

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La jeune fille assimila ses paroles. Ayant repris de l'assurance, levant le menton, elle le toisait sans peur. Son regard se posa sur la jambe gauche de l'homme. Là, elle eut un demi sourire, narquois, avant de dire

"J'y avais pensé, à plus haut, ne t'inquiète pas .."

Elle tendit ses deux bras devant elle, croisant ses mains en en geste compliqué, comme si elle faisait une ombre chinoise. Pourtant, ses mains formaient un carré, qui visait clairement l'entrejambe du garçon. Un oeil fermé, l'autre planté dans le carré fait par ses mains, elle eut un sourire dédaigneux. Un coup de genou mal placé, et hop .. Elle serait sauvée. Il était seul. Elle était forte. Enfin, elle arrêta son manège, ses bras retombant le long de sa taille, ses mains se reposant un peu plus bas que ses hanches, avec naturel, alors qu'elle le fixait, toujours aussi méfiante ..

"Alors pourquoi dis tu que mon regard te fait perdre l'appétit .."

Elle détourna la tête, fixant distraitement le panneau qui indiquait l'entrée de la cafétéria. Son regard vira au marron foncé, brun,comme l'écorce des arbres plantés dans l'école. Enfin, elle les ferma, doucement, et soupira

"Je n'ai pas demandé à naître différente, ni à vivre les épreuves que j'ai eu à surmonter dans ma courte vie .."

Ses bras se croisèrent sur sa poitrine. Elle se recala, omoplates contre le mur froid, les yeux clos. Sa respiration était calme. Elle semblait las, fatiguée de se battre. L'homme finirait bien par partir, exaspéré, comme tous ceux qui l'avaient rencontrée jusqu'à présent ..

Elle repensait à son passé. Plus la peine de le détailler. Elle essayait de le voir d'un autre oeil, extérieur .. C'était quasiment impossible .. Rêvassant ainsi, on aurait pu croire qu'elle en devenait sans défenses, à la merci de l'homme en face d'elle .. Pourtant, lorsque ses yeux étaient clos, c'étaient ses autres sens qui se décuplaient. S'il approchait, elle le sentirait venir ..

Un long silence s'installa entre eux. L'hostilité brutale avait laissé place à une méfiance sans nom .. On était pas sortis de l'auberge ..

Elle rouvrit les yeux. Ils étaient redevenus émeraude. Profonds. Vifs. Doux, naturellement. La femme ne fronçait plus les sourcils. Elle fixait l'homme, d'un autre air .. D'un air curieux .. Car elle venait de se rendre compte qu'il était le seul à avoir tenu aussi longtemps en sa présence. Il méritait au moins qu'elle le traite pour ce qu'il était, et non pas en fonction d'elle même. Pour un instant, elle laissa donc son passé noir aux oubliettes, comme pour devenir une autre. Une jeune fille curieuse de le connaître, qui n'est ni méfiante, ni méchante. Comme celle qu'elle était avant .. Finalement, elle décida de marquer d'un point d'honneur son changement brusque de caractère :

"Au fait, j'sais même pas comment tu t'appelles .."

Son ton était calme. Ni gentil, ni méchant. Ni doux, ni brusque. Juste intéressé. Ses yeux se posèrent, neutres, curieux, dans ceux de l'homme. Comme si elle recommençait tout à zéro. Pourtant elle savait, qu'il suffirait d'une phrase, d'un mot, d'un geste pour qu'elle redevienne sauvage. Elle était manipulable avec précautions ..

[Manque d'inspi monstrueux,j'me rattrapperai sur un autre post ^^]

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Elle jubilait. C’était inconcevable. La minute qui avait précédé, elle ressemblait à un glaçon, froid et tremblant, si crispé qu’on aurait cru que sa peau allait craquer comme un vulgaire t-shirt trop petit. Et là, elle jouait les snipers visant droit vers les bijoux de famille du grand canadien. Les doigts en carré, comme un réalisateur recevant des centaines de flux d’inspiration, modélisant l’objectif et capturant de ses yeux. Erwann avait du mal à la suivre dans son caractère, qu’il n’avait jusqu’à lors pu qu’entrevoir quelques échantillons. La première impression qu’il en reçu avec ce recul, c’est que même s’il avait été payé, il n’aurait pas poussé plus loin la conversation. Certes tout cela avait failli virer au mélodrame, mais à présent tout était plus ou moins normal. Il sentait quand même une pointe de tension dans l’air, comme des électrons près à communier pour faire l’étincelle, puis l’éclair qui plongerait à nouveau le couloir dans l’orage et le tonnerre.

Erwann sourit un instant, elle était vraiment décidée à ne par croire en le pouvoir hypnotisant de son regard qu’elle lui avait balancé plus tôt. Cette fois-ci, il fut beaucoup plus explicite avec la jeune femme :

- Un regard comme ça c’est comme une cigarette... ça vous coupe la faim parce qu’on en reveut encore et encore…

Il disait ça d’un ton assez voluptueux, limite beau parleur, ce qui ne lui correspondait pas. Il pivota légèrement, dans la direction où elle regardait : la cafétéria. Le silence qui les plaquait tout les deux était arrivés soudainement, un blanc dans le brouhaha constant du monde, et il fallait que ça leur arrive maintenant. Erwann n’aimait pas ces blancs là, ces silences qui mettent mal à l’aise. Surtout face à cette fille là, qui passait du coq à l’âne à une vitesse phénoménale. Tandis qu’elle regardait toujours l’entrée de la cafétéria, Erwann se retourna vers elle assez lentement, la regarda un instant sans que cela soit réciproque, repris la parole :

- C’était… c’était un compliment hein.

Rien de provocateur dans ces mots là. Au contraire, il avait en quelque sorte assuré ses arrières, tout en étant honnête. Il fallait mieux prévenir les maux avec ces mots. Il n’avait rien de plus à ajouter. Elle ne le regardait plus, laissant un léger message de demande de départ. Il recula d’un pas puis repris l’espace d’un autre pas sa route, comme s’il sortait d’une place de parking. Ce fut d’autre parole qui l’arrêta. Ô miracle, elle ne semblait pas être totalement perdue dans son monde. Mais ce qui était encore plus troublant, c’est qu’elle demandait son identité à Erwann de façon si... décontractée. Il ne comprenait pas tellement où elle voulait en venir, en fait, il ne comprenait rien. La méfiance qui planait dans l’air, celle qui aurait déclenché le tonnerre au moindre faux pas, cette méfiance était toujours bien présente, mais elle semblait en faire abstraction. Erwann était vraiment intrigué.

- Y’a deux minutes tu m’interdis de t’approcher, et maintenant tu me demandes mon prénom ? Sans être complètement paranoïaque, tu me laisses perplexe.

Il ne se montrait pas violent, juste un peu provocateur. Il n’aimait particulièrement pas les happy ends où tout le monde s’embrassait sous le gui. C’était trop facile de s’en tirer comme ça. C’était bête et méchant, mais le canadien cherchait souvent la petite bébête, surtout quand elle était imposante et qu’elle menaçait sa descendance.

Invité

La femme avait a peine cillé lorsqu'il avait parlé. Ses paroles sonnaient vrai, malheureusement, et c'est cela qui fit cligner des yeux la belle aux cheveux cuivrés. Elle avait retenu un grognement, toujours distraite par le panneau. Lorsqu'enfin, elle revint sur terre, elle entendit les pas de l'homme. C'est cela qui l'incita à parler. Elle le suppliait du regard de ne dire que son nom. Ce qu'il ne fit pas. La belle se décomposa alors, au fur et à mesure qu'il parlait. Il la fixait d'un air intrigué. Comme si elle était une bête de foire. Le genre de regard qu'on aime pas trop, quoi ..

Elle fronça à nouveau les sourcils. Tant pis pour sa tentative de gentillesse. Chassez le naturel, il revient au galop .. Il venait de prononcer la phrase de trop.

"Si ça te plait pas, tant pis, alors, j'vais faire l'idiote, la fille mannequin dont tout le monde veut, mais seulement si elle se tait et montre ses charmes ! Ben super !"

Elle décolla son dos du mur, décroisant les bras, ayant un geste pour repousser ses cheveux en arrière, le regard empli d'un dédain sans nom

"Vous les hommes, vous n'avez pas évolué .. Vive le garçon borné du millénaire numéro 2 !"

Elle venait encore de cracher. Feuler. Comme une panthère. Enfin,en tout cas, comme une bête qui peut vous réduire en pièces d'un coup de crocs .. Serrant les siens, justement, ainsi que les poings, elle se dirigea vers lui, et,le dépassant, elle cogna dans son épaule pour le faire vaciller. Puis, fourrant ses mains dans ses poches, sans se retourner, elle lança alors, d'un air renfrogné

"Quand j'fais des efforts personne n'en veut .. J'tortillerai pas des fesses en faisant la belle, si c'est ce que vous attendez .. Si mon caractère déplaît, allez vous faire voir .."

Elle semblait énormément déçue. Pour une fois qu'elle tentait d'être un peu "moins pire" .. Ca ne marchait jamais .. Sharwyn ne testerait plus .. Les mains dans les poches, ses talons claquant sur le dallage du couloir, elle marchait, tête haute, sans s'arrêter, ni ralentir. Libre à lui de s'excuser pour n'avoir obéi, ou de partir, comme les autres. Au fond d'elle, elle savait que même s'il partait, elle le recroiserait. Le boiteux ..

Elle s'engouffra dans une pièce inoccupée. Deux chaises, vieilles, poussièreuses. Un local ? Elle s'en fichait. Elle avait besoin de décompresser. Alors, doucement, levant le menton,fermant les yeux, posant ses deux mains contre le mur, doucement,toujours dos à la porte, elle se mit à chantonner. Sa voix était douce, tendre, suave. Aquiline et pure. Cristalline. Rien à voir avec le ton dédaigneux de tout à l'heure .. Ce qui était dommage, c'était que sa voix portait, et qu'elle n'avait pas prit soin de bien refermer la porte .. C'est donc inconsciemment qu'elle donna un concert pour tous les gens qui passaient dans le couloir .. De sa voix pure, elle envouta les deux chaises, seul public présent à l'écouter. Elle fixait le mur, à dix centimètres d'elle. Elle ne savait ce qui se passait dans la pièce, juste dans son dos .. Elle chantait, c'est tout .. C'était son rêve .. Chanter .. Juste chanter .. Décompresser .. Oublier ..

" I reached into the sky
Omoi wa todokanakute
Chiisaku sora ni kieta
Irotoridori no fuusen

I'm alone
Ikisaki no nai watashi no te wo
Sotto tsunaide kureta

Starless night kako no kage furikaeranai
Kanjitai anata no nukumori
Tears are falling down mayotte mo hanashi wa shinai
Tsunaida anata no te wo

Sometimes we fall apart
Okubyou ni natte shimau kedo
Kitto hito wa soko kara nanika wo mitsukedaseru hazu

Take my hand
Moroku fukanzen na futari da kara
Zutto te wo tsunaide iru

Starless night kuchibiru ga yowane haite mo
Shinjitai anata no nukumori
Endless love mujun sae ai seteru no wa
You are my shining star

Starless night kako no kage furikaeranai
Kanjitai anata no nukumori
Tears are falling down mayotte mo hanashi wa shinai
Tsunaida anata wo

Starless night kuchibiru ga yowane haite mo
Shinjitai anata no nukumori
Endless love mujun sae ai seteru no wa
You are my shining star
You are my shining star "

Invité

Erwann avait une légère impression amère. Cette impression de satisfaction relative. Que finalement on a ce qu’on veut, même si on le voulait pas… .Ce qu’il voulait, c’était d’être en paix, ce qu’il ne voulait pas, c’était de partir sur un vide pareil. Sur une incompréhension même. Erwann n’avait pas bien saisit la totalité de son discours. Mais elle semblait ne pas lui parler à lui, parler à plusieurs personnes en même temps, comme si le couloir était une assemblée. La jeune femme avait déballé ses quatre vérités à ce monde qui semblait tant lui déplaire. Il n’y avait pas de mal à ça au contraire, mais là, planter au milieu du corridor, Erwann s’avouait à lui-même qu’il se sentait seul, et perdant. La lutte ne fut pas des plus héroïques, mais il n’empêche qu’elle s’éloignait avec le dernier mot. Et ça, le canadien avait vraiment du mal à l’avaler.

Elle l’avait appelé le garçon borné du millénaire, 2e du nom s’il avait bien saisit. Oui, Erwann en était convaincu, cette fille avait une dent contre les mecs, et pas une petite quenotte. Il faut dire que c’est une chose assez fréquente chez les femmes de détester les hommes. Erwann était absolument conscient que sa masculinité lui fermait la porte à d’intéressante conversation… . »la fille mannequin dont tout le monde veut »… Erwann bredouilla dans sa barbe quelque chose comme « je m’en contre-fout des mannequins de ce monde », ce qui était vrai, après tout, pourquoi aimer la beauté si la beauté ne nous aime pas ? Ces paroles étaient à peine audibles, elle avait dû ne strictement rien entendre, les sens bouchés par la rancœur.

Elle tourna les talons, rangea ses mains dans se poche, et fila de l’autre côté du couloir. Erwann salua intérieurement cette sortie aussi magnifique que l’entrée. Il ne pensait pas vraiment à la revoir, ni même lui reparler. Dans un futur proche, nous seulement il aurait abimé ce souvenir d’elle, et elle se son côté aurait certainement entretenu son dégout putride pour les hommes. Chacun sa route, chacun son chemin. Mais là Erwann sentait cette boule dans sa gorge encore, cette boule modélisant la légère déception de ce milieu de journée. Il ne savait pas trop quoi faire à présent. D’un côté du couloir, la liberté et l’air frais, de l’autre, un autre chemin où le jeune femme aux yeux verts avait semé sa colère et son parfum. Il ne la voyait déjà plus, elle avait disparu aussi vite que le silence. Froide et directe comme l’hiver, mais soupçonnant une pointe de chaleur comme le printemps. Après tout elle avait eu un élan de quiétude lorsqu’elle lui avait demandé son nom, avec du bol, ça ne serait pas le dernier.

Erwann marcha donc vers la direction qu’elle avait prise auparavant, dans l’espoir de la voir une toute petite dernière fois, voire même pourquoi pas lui adresser un regard, un petit regard mais qui en dirait beaucoup.

La mélodie qui sortait de cette petite alcôve, il l’entendit, vu qu’à part cela, il n’y avait rien de bruyant dans les parages. Il su que c’était elle, peut être c’était ce timbre de voix particulier, ou tout simplement l’instinct. Il se mit devant la porte qui était entrouverte, adossant son épaule contre le mur, regardant droit dedans. Au bout de dix secondes, il poussa la porte avec sa jambe, l’ouvrant ainsi en entier, et faisant entrer l’air par un appel puissant. Elle était là, encore. Et personne n’aurait pu croire que quelques minutes plus tôt, elle portait sa voix à des occupations plus rudes que la chanson. Il sortit au bout d’un certain temps.

- Erwann. Caractère au moins aussi borné que le tien.

Invité

Elle sentit une brise légère soulever ses boucles. Rouvrant les yeux, puis les clignant, elle arrêta sa mélopée, brusquement, sans même finir sa phrase. Elle coupa donc son public, net, leur arrachant la mélodie des oreilles, pour les laisser seuls, avec un silence conquérant. Sharwyn avait les mains posées à plat contre le mur. Son front l'effleurait, sa nuque arquée avec grâce en direction du sol. Là, elle eut un petit sourire. Elle ne revoyait plus ses visions .. Ils n'étaient plus là .. Pour l'instant, tout du moins ..

La phrase du grand brun la fit brusquement sursauter. Surprise au plus haut point, elle se tourna d'un bond vers lui, ses mains se replaquant contre le mur. Les yeux écarquillés, elle le fixait, d'un air .. Indescriptible ..

Mais qu'est ce qu'il foutait là, bon sang ! C'est qu'il était coriace, le boiteux. Sharwyn avait du mal à croire que ce n'étaient ses sens qui lui jouaient des tours. Clignant plusieurs fois des yeux, elle se rendit alors compte qu'il venait de parler, et elle mit quelques secondes à assimiler ses paroles. Alors, inconsciemment, un sourire s'esquissa sur le visage de la belle. Un sourire victorieux. Un sourire éphémère. La femme avait reprit son masque d'impassibilité. Pourtant, au fin fond de sa mémoire, elle enfouit le prénom du canadien, pour ne jamais l'oublier. On ne sait jamais, si besoin est .. Elle le toisait, d'un air qu'elle voulait rendre dur et accusateur.

"Si tu m'suis comme ça, j'pourrais aller me plaindre .."

Elle eut un autre sourire, narquois, léger, croisant ses bras sur sa poitrine.Comme si elle détenait les cartes du renvoi du garçon. Il était clair que si elle portait plainte pour harcèlement, il n'était pas prêt de ravoir une chambre d'étudiant dans ce trou. Mais finalement, elle haussa des épaules, et finit par murmurer

"T'façon, j'suis pas comme ça .. Et pis pour une fois que j'trouve quelqu'un à ma hauteur, niveau caractère .."

Un sourire hautain et victorieux pointa sur son visage. Ses yeux avaient pris une teinte d'un émeraude puissant et profond. Son regard empli de malice brillait intensément, alors qu'elle croisait le regard du garçon. Elle décroisa les bras, et s'approcha de deux pas, s'arrêtant à quelques mètres du garçon. Pour la première fois, elle le détailla vraiment. Son regard s'arrêtait sur chaque détail qui pouvait le rendre différent. Mais l'endroit où son regard se posait le plus fréquemment, c'était sans aucun doute sa jambe. Ou plutôt son absence de jambe. Que lui était il arrivé ? Comment était ce arrivé ? Pourquoi ? Pour qui ?

La belle se mit à songer, le regard perdu dans le vague, le regard voilé par les rêvasseries .. Elle aussi, avait une blessure .. Brûlante .. A vif .. D'une douleur extrème .. Mais .. La sienne était invisible .. Cet homme, lui .. Devrait porter à jamais un fardeau qu'il n'a sans doute jamais réclamé .. Il doit le porter dans tout le poids qu'occasionne sa jambe, alors que Sharwyn, elle, détient son fardeau en son coeur .. Un soupir qu'elle poussa nonchalament la ramena au monde réel. Ses yeux se plantèrent dans ceux d'Erwann. Elle venait de penser à quelque chose. Il se pourrait qu'il se soit blessé il y a peu, et qu'il se dirigeait vers l'infirmerie lors de l'altercation. Elle ne savait pas qu'il n'avait plus sa jambe. C'est pour cela que cette pensée traversa son esprit. Sa voix, grave et sérieuse, perça le silence

"Tu es blessé .. ? "

C'était bien une question. Sharwyn se demandait si dire ça ne marquait pas une pointe de faiblesse en elle, mais finalement, cette pensée quitta sa tête. Saloperie de cerveau qui lui envoie des signaux stupides .. Son regard virait au marron clair, noisette, alors que ses prunelles se posaient, inconsciemment inquiètes, sur le membre estropié du canadien.

Invité

Les choses s’apaisaient peu à peu. L’air était devenu moins électrique, moins bancale. L’objectif principal étant désormais de le laisser tel quel. Parce que pour le canadien, les mots plus hauts que les autres et les paroles plus hautes que l’Everest, il ne supportait pas quand ça durait plus d’un quart d’heure. C’était un cercle relativement vicieux, aussi vicieux que les tours que jouait la vie. Des tours de manèges ou des tours de magie.

Il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle porte une plainte, pourquoi ? Parce qu’il avait le sentiment que la jeune femme devant lui était du genre à faire face au problème, et à les affronter jusqu’au bout. Pas le genre à se défiler devant le moindre caillou gênant, pas comme certaines choses que le canadien avait faite, et dont il n’était pas fier. Mais peu importait. Après tout il n’était qu’un petit pion, certes bancal, mais comme les autres.

Lorsqu’elle enchaina ses paroles suaves mais toujours d’une justesse et d’une sureté exponentielle, ses pensées furent confirmées. Juste après, un baume douillet entoura son cœur : elle le considérait à sa hauteur. Il le prenait bien, extrêmement bien même, c’était pour lui un compliment assez flatteur. En fait il n’avait jamais vraiment accordé de crédibilité à sa personnalité. Il se sentait légèrement rassuré, maintenant que quelqu’un lui avait mis les points sur ses « i », en plus, cette fille n’avait aucune raison de lui mentir. C’était tout bénef.

Elle s’était beaucoup rapprochée. Ces moindres pas, il les jugeait, il les mesurait, il évaluait, se renseignant sur ce qui pouvait lui arrivé dans les instants suivants. Comme toujours, mais comme bien souvent également, il se trompait, ou faisait de mauvais pronostics. A force de trop vouloir prévenir, on ne peut plus du tout guérir. Il en était la preuve vivante. Il décida de relâcher un instant ses nerfs, et puis si elle partait en courant, si elle lui plantait un poignard dans le cœur, et même si un astéroïde venait s’engouffrer dans le bâti rigide de cette fichue école, et bien tant pis, il laisserait faire la vie sans tenter de la deviner.

Elle le reluquait de haut en bas, mais il remarqua que c’était surtout en bas en fait. Comme beaucoup de gens, ses yeux se dirigeait comme des aimants vers sa cuisse et le reste de sa mécanique étrangère. Il avait arrêté de faire semblant de ne rien voir depuis longtemps, depuis qu’il avait eut l’habitude en fait. Il regarda lui aussi cette maudite cuisse gauche à son tour, comme s’il découvrait le malaise à l’instant. Ironiquement, sa tête prenait une expression de surprise et de douleur. Etait-ce inconsciemment qu’il faisait ça ? Même lui n’était pas sûr, c’était comme un réflexe, comme si il s’arrachait la peau à chaque fois qu’il regardait. Il se pinça doucement la langue, pour se rappeler à l’ordre.

Une fois qu’il eut la tête relevée, il vit que la jeune fille devant elle le regardait profondément dans les yeux. Elle avait changé un peu d’expression, l’air légèrement abattue. Il fit vibrer ses graves cordes vocales. « Tu es blessé ? ». Elle avait vu, et certainement compris. Depuis longtemps même, mais peut-être avait elle réalisé la gravité de la chose. Ces mots avaient résonné comme ils ont toujours raisonné, avec un léger gout de colère et de désespoir.

- Huum… On peut dire ça comme ça.

Il en avait assez mangé. Autant raccourcir le sujet avant qu’il ne s’effondre en larme. Si elle en voulait plus, elle approfondirait. Et si lui n’avait pas envie d’en parler, il se casserait plus loin. Mais pour l’instant pas d’inquiétude, il survivait.

- Et ton prénom à toi, j’aurais le privilège de le savoir ?

Invité

Elle se demandait si c'était une bonne idée d'approfondir. Elle le sentait pas trop, mais d'un autre côté, elle ne savait pas si un jour, elle pourrait revenir sur ce sujet épineux. Pas envie de laisser le trouble et les questions sans réponses. Elle s'approcha, encore, un peu, jusqu'à être à une distance peu habituelle. Là, sa main droite s'afaissa, lentement, et toucha la cuisse gauche du brun sans que Sharwyn lui jette un seul regard. Comme si elle découvrait un simple objet. Mais un objet grave, sérieux. Un objet qui faisait mal, indirectement. Un objet à souvenirs. Un objet lourd. Un objet douloureux.

Le contact était dur. Trop dur. Trop froid, aussi. Sharwyn comprit alors ce qu'elle n'avait même pas imaginé jusqu'à lors. Elle redressa son visage, quelques boucles mangeant son regard de braise. Ce n'était une métaphore : Son regard était à présent d'un pourpre profond et intense. Inimaginable. Un regard empli de questions ..

Leurs regards se croisèrent. Elle lut dans le sien comme une demande de silence. Comme une demande d'oubli. Alors, Sharwyn se tut. Sans oublier, cependant.

Ses doigts se reculèrent. Ils ne rencontraient à présent plus que l'air qui les entourait, piquant, tendu. Elle n'avait voulu le blesser davantage. Elle n'avait voulu que comprendre. Elle avait compris. Elle se tairait, désormais.

La belle cherchait un moyen de s'en sortir. De virer de bord. De ne plus aborder ce sujet. Il aurait pu rebondir sur elle avec un effet monstrueux. Elle en aurait été ravagée.

La jeune femme se redressa. Elle recula d'un pas. Son regard ne quittait plus celui du garçon. Le sien, avait viré au bordeau. De plus en plus sombre .. De plus en plus profond ..

La question la ramena à l'essentiel. A la réalité. Elle s'accrocha à ce moyen de changer de sujet comme à une bouée de sauvetage. Sauf que cette bouée était crevée d'avance. Une fois qu'elle aurait répondu, elle se noierait à nouveau ..

Dans son cerveau, tout se mélangeait. Elle tentait vainement de trouver un sujet quelconque, mais qui pourrait durer des heures. Tout pour ne plus revenir là dessus. Tout, pour ne pas partir non plus. Elle parla, d'un ton différent. Ni pitié, ni appréhension. Elle savait, maintenant. Un lien infime et dangereux les liait. Un lien qu'elle briserait sans égards. Elle le savait. Mais pas aujourd'hui. Pas maintenant. Pas tant qu'il l'amusait, et attisait sa curiosité. Pas tant qu'elle n'était lassée. Pas tant que son jouet marchait encore ..

" Sharwyn .. "

Son regard était redevenu émeraude. Un sourire fugace passa sur ses lèvres. Un sourire qui déforma son visage. Ou plutot, le reforma. Elle sembait fraîche. Heureuse. Innocente. Douce. Généreuse. Juste par un sourire. Un cadeau divin qu'elle lui offrait. Une chose rare. Désirée. Convoitée des autres. Une chose presque irréelle. Une preuve qu'elle lançait ses filets de diablesse. Oui. Juste un sourire.

| M@cHi@v€lIsM€ |

Invité

Des instants comme celui qui avait précédé les dernières paroles de la jeune fille, Erwann en avait vécu bien assez peu. Une impulsion puissante et violente avait fais le voyage de ses tripes jusqu’à l’extrémité de son crâne lorsque la jeune fille était entré en contact avec la matière laide et malsaine de sa jambe à travers son jean, comme une onde de choc, une châtaigne électrique dévastatrice. Sa première impression fut une légère vexation : quel culot. Venir si près pour palper le peu de faiblesse à découvert, c’était fort. Il savait à présent qu’elle ne reculait devant pas grand-chose.
Mais elle avait peut être été trop loin ce coup ci, elle avait peut être passé les limites, les frontières de la pudeur du canadien. Cependant l’onde de choc qui l’avait secoué le troublait si bien qu’il se sentait paralysé de toute répression. Aussi, s’il avait vraiment été timide, peut être aurait-il paré cette avancée ? Ou alors il aurait simplement reculé… levé la voix et le ton. Toujours était-il qu’il n’en était rien. Il s’était laissé faire, et sur le coup, cela pouvait paraitre assez servile de sa part.

Elle aussi semblait gênée, il n’avait aucune idée du pourquoi et ça ne le dérangeait pas de ne jamais le savoir. Il avait appris que moins on posait de question, mieux on se portait. Surtout avec des esprits compliqués, surtout avec l’esprit d’Erwann.

Sharwyn. Ces paroles retentissaient doucement dans la cervelle du canadien. Il fut sous le charme. A défaut d’une personnalité, elle avait un prénom relativement doux et attirant. Pas qu’il ne pouvait pas du tout la supporter, mais plutôt que la suavité de ce nom contrastait avec la violence qu’elle lui avait précédemment démontrée. Cela dis, il était convaincu que comme tous les cyclones, elle avait un œil de calme, un coin reposant, un endroit vierge de colère, un œil… ou plutôt deux, dans lesquels Erwann manquait de plus en plus de sombrer. Il en était certain de l’existence de cette paix intérieure car même lui possédait ce même genre « d’espace détente ». Restait juste à voir si Sharwyn savait être pire que pire… .

Soudain les choses changèrent, une poignée de seconde s’était écoulée depuis qu’elle avait prononcé son aimable identité, et elle affichait clairement un sourire à son petit minois. C’était sans doute par crainte qu’Erwann n’avait pas osé imaginer sa locutrice en souriant, et c’était sans doute elle aussi qui avait chassé ce sourire naturel et appréciable. Une chose était sure, ce sourire avait l’effet d’une pilule relaxante sur les deux jeunes. Peut-être tout les deux avait attendu cette convexité de la bouche avec impatience, depuis des lustres déjà. Peut-être était ce le signe que la hache était désormais six pieds sous terre.

Erwann ne vit pas d’autre solution que de lui répondre par un même sourire, plus modéré que le sien, mais c’était tout de même un sourire. Celui d’Erwann était plus un pincement du coin des lèvres, comme pour cacher l’envie d’un grand sourire juste derrière. Mais il semblait hypocrite… . Ce n’était pas le cas, juste qu’il n’avait pas envie de sourire, surtout quand il pensait au sujet qui les préoccupait, quelques instants plus tôt.

C’était presque beau, deux boules de nerfs dans moins de trois mètres carré qui ne se bouffaient pas le nez. Mais c’était trop beau. Il avait décidé de briser ça, sans prévenir, car c’était ça aussi son vrai visage. Sa personnalité violente et lunatique. Aussi prévisible que la météo sur les chaines du cable.

Il saisit d’un coup le bras de sa voisine, avec une forte et une violence assez rare. Il serrait le membre fort, mais juste assez pour qu’elle ne puisse de débattre. Il avait changé de regard. Ce vrai-faux sourire était totalement parti, aussi vite qu’un spirographe à la lumière sur un corail, et ses yeux lançait des éclairs de haine terrifiants. Il faisait…limite peur. Il grinça ces quelques mots.

- Je déteste avoir une longueur de retard, maintenant que tu sais pourquoi j’ai une patte qui dérouille…

Il s’approcha de son visage, risquant tout les dégâts matériels possible, sa tête, sa jambe, ses bijoux de famille… tout était à portée de la jeune fille. Il mesurait très bien ce risque, mais il aimait tellement le danger.

- … je veux savoir pourquoi une fille, aussi forte que toi, tremble quand je m’approche… ou quand je sers son bras comme ça.

Il avait sorti la carte de la surprise, il avait changé si vite d’attitude que même lui avait du mal à se suivre. Pour une fois il avait une confiance téméraire en lui-même. Cette confiance lui avait souvent coûté, mais il sentait de plus en plus qu’elle allait être très chère, voire même exorbitante.

Invité

Enfin, la paix. Entre eux, une certaine harmonie s'était crée. On était loin des amitiés incassables, ou encore d'un sentiment assez puissant pour permettre aux jeunes de rester l'un près de l'autre plus de quelques heures. Le sourire qu'esquissa Erwann fit rayonner son visage. Ses yeux brillaient, doucement. Une vraie petite perle .. Rien à voir avec la panthère féroce des instants précédents. Ah, les filles et leurs humeurs changeantes ..

Elle le vit alors s'approcher. Un coup d'oeil au regard d'Erwann lui certifia que ce n'était pas dans de bonnes intentions. Elle n'eut pas le temps de comprendre ce revirement de situation, ni ce changement brusque de caractère. Son regard se faisait interrogateur et perdu. Que voulait il exactement ? Ne venaient ils pas de fumer le calumet de la paix il y a à peine une minute ? La belle recula d'un pas, prise d'un vague malaise, sentant une curieuse nausée lui monter. Il était comme les autres, alors. Il voulait la même chose. Ou alors, il voulait plus que tout se venger de l'attouchement de Sharwyn sur sa jambe - ou plutôt son absence de jambe - en tentant un acte complètement stupide ?

Oui. L'acte était d'une stupidité débordante. En une demi seconde, le canadien avait enfermé dans sa poigne de fer le bras frêle et dénudé de la femme. Leurs peaux se touchèrent. Se rencontrèrent. Elle brûla.

Brusquerie .. Force .. Peaux qui se touchent .. Brûlure intense .. Lente agonie .. Flashbacks ..

Les yeux de Sharwyn s'agrandirent. On y lisait une douleur sans nom. Le fait de sentir son bras prisonnier d'un étau de chair si fort, la rendait vulnérable. Elle ne voulait même plus se battre. Comme à l'époque, elle se savait prise au piège. Elle savait qu'elle ne pouvait plus rien. Il commençait déjà à la brûler ..

Sa bouche s'entrouvrit. Elle tenta vainement d'articuler la moindre supplication pour qu'il la lâche, mais n'y parvint pas. Sa lèvre inférieure frémissait sans qu'aucun son ne traverse sa bouche. Elle tenta de se débattre, doucement, sans même y croire vraiment, alors que son teint devenait de plus en plus pâle. Finalement, elle réussit à murmurer, d'un ton doux et faiblard

" S'il te plait .. Lâche .. Moi .. "

Elle croisa son regard. Elle ne semblait pas vraiment voir Erwann. Plutôt quelqu'un d'autre. Inconnu au bataillon. Elle battit des paupières frénétiquement, comme pour échapper à un regard envieux et pervers inexistant, et son corps tout entier se mit à trembler. Cela devint frissons, puis soubresauts, puis spasmes violents. Les jambes de la belle tremblaient comme une feuille. Elle semblait vivre une scène qui n'existait que dans ses songes. Mais le contact réel de la peau d'un homme contre la sienne rendait son mirage si réel ..

Les larmes voilèrent bientôt son regard d'un rideau aqueux. Elle semblait sans vie. Ses yeux avaient viré au noir. Profond. Charbonneux. Intense.

Ses spasmes s'intensifièrent. La femme finit par lâcher un sanglot plaintif

" Non .. "

Blême, elle réussit à faire lâcher prise à l'homme, sans même savoir comment. Peut être avait il tout simplement lâché son bras de son propre chef. Ses jambes ne portaient plus ses légers kilos. Elle avait perdu sa force. Elle avait perdu la lueur qui illuminait son regard. Elle avait perdu son âme.

Amorphe, elle s'afaissa, avant de s'écrouler lourdement sur le sol. Allongée, comme agonisante, ses tremblements s'espacèrent et se firent moins violents, sans pour autant s'arrêter. A présent, elle tremblotait et frissonnait sans cesse. Ses boucles mangeaient totalement son visage, à présent inapparent. Elle sanglotait, piteusement, écroulée, vidée de son âme, ses deux mains allant se plaquer sur son bas ventre avec la maigre force de ses bras. Elle semblait tant souffrir .. D'un sîmple contact ..

Le silence s'était fait, à présent. On entendait plus qu'un ou deux sanglots de la belle qui déchiraient l'air silencieux avec une douleur incomparable. C'étaient des gémissements plaintifs à vous fendre l'âme.

Bientôt, ses pleurs s'espacèrent. Elle cessa totalement de trembler. Elle cessa totalement de bouger. Cela devint inquiétant, lorsque même le soulèvement de sa poitrine à chacune de ses respirations saccadées, se faisait de plus en plus petit. Elle respirait faiblement. Inconsciente. Etalée au sol. Terrassée par un contact un peu trop brusque et un peu trop masculin.

Un ange. On aurait vraiment dit un ange, lorsqu'elle dormait. Lorsque ses mirettes étaient closes, et que son visage n'était déformé par aucun rictus de haine. Un ange dont les joues ruisselaient encore de larmes salées et brûlantes ..

Comble de la situation, la sonnerie allait retentir d'ici quelques minutes ..

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Les hommes, en général, étaient maladroits et perfides. Il n’y avait aucune exception, c’était quelque chose d’inchangeable, quelque chose d’incompréhensible aussi. Chaque homme avait son degré de folie, mais tous avaient une araignée collée au plafond. Erwann ne faisait pas exception à la règle, bien au contraire. Et la pauvre Sharwyn venait d’y gouter. Résultat ? Elle était effondrée sur le sol, toutes énergies consumées.

Erwann avait tenu sa prise sur le bras gauche de la jeune femme jusqu’à ce que sa conscience humaniste n’intervienne. Il n’avait pas réagis quand elle lui demandé dans un murmure le la lâcher. Il voulait la pousser à bout, voire si le colosse qu’elle faisait d’elle était de terre ou de fer. Et pour confirmer ses soupçons aussi. Elle était comme allergique aux autres. Une première fois un gamin la touche sans réelles intentions mauvaises et elle devient boule de feu, une deuxième fois le canadien s’approche, et une troisième fois, il lui saisit le bras, certes fort, mais pas au point de lui arracher la peau… .Allergique aux hommes ? Aux humains ? Aux malintentionnés ? Peu importait. Il avait sa réponse. Elle l’avait touché pour être sure, lui, c’était exactement pareil.

Pour la première fois, il eut une légère pitié pour elle. Pas du dégout, mais de la compassion, une envie forte de l’aider, l’aider à se relever, l’aider à vivre simplement. Oui mais voilà, s’il saisissait son épaule pour la relever, qu’allait-il se passer ? Un cancer généralisé ? Il ne risqua pas. Pas par crainte, mais parce que la vision qu’il avait d’elle à ce moment était paradisiaque. C’est vrai qu’on aurait dis un ange. Un ange en paix, allongé sur un sol pur et sans perversion. Il resta là, une poignée de petites secondes, contemplant cet être d’une beauté si simple, mais pourtant si compliquée.

Il fini par s’accroupir dans une position qui lui était à son aise, toujours en la regardant. Cette fille là c’était le contraire de tout ce qu’il avait rencontré précédemment dans sa vie. Les têtes brûlées avaient un corps d’acier, des défenses extérieures de fer, sans faille, et a contrario avaient des organes vitaux si fragiles qu’ils en devenaient un handicap. Elle, Sharwyn, avait un cœur de fer, elle lui avait tenu tête sans difficulté. Mais sa carapace n’était pas en acier… en papier crépon à tout casser. Après avoir poussé la porte du local, pour ne pas qu’on les surprenne, Erwann déclara :

- Tu as de la chance tu sais, Sharwyn.

Elle avait de la chance en effet. Comme ça allongée sur le sol, n’importe quel connard aurait pu faire d’elle un vulgaire objet, en usant de toute la perversité imaginable de ce monde. Ou au contraire, elle avait de la chance qu’il ne la laisse pas seule comme ça. Seule dans les ténèbres, plus seule que jamais.

Il était toujours accroupi à quelques centimètres de sa peau en porcelaine. Il la regardait cracher ses derniers sanglots, toujours sous le choc. Il reprit :

- Maintenant si tu veux m’arracher la tête, mon autre jambe ou si tu veux décimer ma famille je comprendrais…

Il était bon seigneur malgré tout, enfin modérément tout de même. C’était peut-être ça qui le différenciait des autres mecs pourris de ce monde. Peut-être ça qui faisait qu’à lui, elle avait souri.

- … mais saches, que je t’aime bien, on n’est pas si différent l’un de l’autre.

C’était fini. Il n’avait plus rien à dire. Son discours de parrain de la mafia juste après un massacre était terminé. Normalement, il aurait bafouillé ou bredouillé des bêtises. Mais là il avait sorti ces mots avec une justesse très surprenante –surtout pour lui en fait. Il avait retrouvé un peu de confiance en lui.

Le silence des deux êtres, excepté leurs cœurs et leurs poumons, fut ainsi brisé par la cloche cinglante, étouffé par l’isolation des murs.

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Clac. La porte du local venait de se refermer sur leurs deux corps, à présent perdus dans les ténèbres. Il n'y avait aucune ampoule dans la pièce. La seule source de lumière provenait de sous la porte, d'où un rai lumineux entrait, éclairant faiblement les deux êtres. Le noir. L'homme. La peur. Elle savait ce qui allait suivre. Elle s'en doutait. C'est pour cela qu'elle écouta, attentivement, malgré le sang qui cognait violemment au niveau de ses tempes.

Elle n'osait pas le regarder. Affalée sur le sol, elle attendait son châtiment. Comme s'il avait une arme, et qu'elle attendait qu'il appuie sans réfléchir sur la gachette. Lorsqu'il parla, elle n'en revint pas. Elle essaya de savoir si c'était elle qui avait des hallucinations, ou si c'était lui qui devenait fou, ou pervers. Elle comprit qu'il avait vraiment dit ça, et qu'il semblait le penser. Elle écarquilla des yeux, sans bouger, comme si elle faisait la morte, là, étendue par terre.

De la chance ? Elle ? Elle avait de la chance d'avoir vécu les pires années de sa vie, d'avoir vécu les drames les plus glauques qui puissent arriver, d'avoir survécu à l'appel de la rue, cette chienne qui vous mord et ne vous lâche plus ? Elle avait de la chance, peut être, d'avoir tout raté, même son entrée ici, d'avoir voulu remonter la pente, ne pas toucher le fond, et oublier son passé, en vain ? Elle avait de la chance, d'être tombée sur un gars qui l'avait bousculée, lui rappellant ses douloureux souvenirs, d'être tombée sur un autre, qui était resté comme un débile à observer sa malformation pigmentaire des iris ? Elle avait de la chance, qu'il la suive, qu'il soit coriace, et qu'il la brûle ? Elle avait de la chance d'être là, au sol, brûlée à vif, à attendre qu'il en finisse avec elle ?

Il était fou. Elle en était persuadée, à présent. Et elle aussi, les yeux rivés sur la porte close, elle semblait folle. Elle le devenait de minutes en minutes. Il parla à nouveau. Elle l'écouta. Le sang battait un peu moins fort à ses tempes, et ses oreilles bourdonnaient un peu moins. Le voile opaque qui embrumait son regard s'estompait. Et là, n'osant même pas poser son regard sur les deux mirettes à quelques centimètres des siennes, qui l'observaient, elle eut une réaction pour le moins inattendue.

Elle se mit à rire. Un rire si doux, si grâcieux qu'il en paraîssait improbable. Trop parfait. Trop attirant. Au bout d'une dizaine de secondes, pourtant, son rire aquilin changea d'intonation. Il paraîssait faux, à présent, et désespéré. Lorsqu'elle s'arrêta enfin, elle réussit à passer une main tremblante sur son visage, balayant dans le même temps les jolies boucles qui ceignaient son visage. Là, le regard clair, et noir, elle leva les yeux. Elle rencontra les pupilles dilatées de l'homme, dans l'obscurité, et elle sembla le mettre au défi. Elle semblait fatiguée, à présent. Enfin, elle se mit à parler, calmement

"Ils ont tous dit ça avant toi, tu sais. Ils ont tous dit qu'ils m'appréciaient. Qu'ils appréciaient ma personne. Tu parles .. On sait ce qu'ils veulent .. Et j'vois que tu ne fais pas exception à la règle .."

Elle marqua un temps d'arrêt, pour reprendre son souffle. Il faut dire qu'étalée par terre ainsi, faiblarde, elle usait ses dernières forces pour parler. C'était pas très malin, mais c'était important. Elle reprit

" Mais tu sais, Erwann .. Maintenant, je sais qui tu es .. J'ai vu ton visage .. Même si ça t'amuses de me faire souffrir, tu sais très bien que je te retrouverai. Si tu y tiens, vas y, fais donc c'que t'as à faire .."

Son regard, déja charbonneux, devint encore plus sombre. Ses pupilles se fondaient entièrement dans le noir de ses iris. Elle parla d'un ton solennel, et grave. D'un ton accusateur. Empli d'une haine destructrice et violente.

"Un viol de plus ou de moins, j'suis pas à ça près .. Mais si tu veux un conseil, petit con, tu ferais bien de me tuer après, parce que je compte bien te faire bouffer les barreaux de ta taule. Jusqu'à ce que t'en crèves."

Elle s'afaissa de nouveau. Plus de forces. Impossible de lutter. Elle put lancer un dernier regard, d'une haine sans failles, à l'homme penché sur elle, avant que ses muscles ne se détendent entièrement. Elle avait perdu la bataille.

Et des lèvres pulpeuses de la petite poupée, suintait un léger liquide brunâtre .. Le sang avait coulé .. C'était inévitable .. La belle était partie pour dormir .. D'un sommeil sans rêves .. Un repos réparateur .. Et bien mérité ..

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Des fourmis. C’est ce qui venait dans ses jambes. Enfin plutôt dans une jambe et demi… . Il savait maintenant pourquoi il ne restait jamais longtemps dans cette position : parce que ça faisait relativement mal. Pourtant il y restait. Sachant très bien qu’il aurait encore plus de mal à marcher et à se déplacer avec une jambe engourdie. Ce n’était pas vraiment du sadomasochisme, mais plutôt une flemme aigue de faire quelques mouvements de trop, de balayer dans l’air et brasser les atomes d’oxygène pour se relever… et se retrouver à nouveau dans une position désagréable. Encore un cercle vicieux, ça le poursuivait.

De plus Erwann aimait bien la situation « parler comme à un mort ». Certes Sharwyn n’était pas morte, mais allongée comme ça sur le sol, elle ne donnait aucune autre impression. Il ne l’avait même pas vu tenter de se redresser, comme si elle baissait les bras bien avant la fin du round. Cette attitude l’étonna, il était convaincu que l’homme - l’humain – était animé par un instinct de survie qui lui disait « allongé : mauvaise défense ». Une fois de plus cette fille faisait un point noir à la norme.

Et puis vint les rires, comme des cheveux sur une soupe. L’arcade droite d’Erwann se courba très nettement, donnant à son œil la forme du « … hein ?», qu’il ne prononça pas. Il se sentait tout petit d’un seul coup. Il était certain que son discours avait assombri l’ambiance générale du cagibi, mais il n’en était rien. Ou alors était-ce une tactique pour le discréditer… en tous les cas, ça marchait bien.

Puis après les rires vint les paroles. Elle prononça beaucoup de mots, et tout ça avait un vrai sens. Un sens qui touchait le brun, même s’il n’y était pour rien, même s’il ne pourrait rien y faire, même s’il y avait méprise sur la personne. C’est là aussi qu’Erwann remarqua qu’elle ne jouait pas de comédie. Elle était vraiment épuisée, ça se voyait à sa respiration qui sonnait comme un dernier souffle. Erwann redoubla d’attention. Il aurait voulu la couper, dire quelque chose. « Qui c’est Ils ? », « A quelle règle ? », même s’il connaissait très bien la réponse. Mais juste pour l’arrêter, pour arrêter son labeur d’énonciation.

Puis enfin vinrent les menaces, les choses qu’il préférait. Ca c’était du masochisme, du pur de vrai de vrai. Pousser quelqu’un à bout pour qu’il profère des menaces - et que s’en suive un règlement de compte sanglant -, c’était plus fort que le LSD ou l’alcool, voire même les deux réunis. Ca n’avait pas vraiment de sens, encore moins d’utilité, mais c’était encré bien profond dans sa personnalité. Peut être avait il besoin d’une bonne thérapie psychologique finalement… .

Lorsqu’elle eut fini, et qu’elle retomba dans cette stase comatique, Erwann enchaina, après un temps d’arrêt comme signe de méditation. Il murmura d’abord, comme pour se parler à lui-même, mais assez fort pour qu’entende, avec ce ton ironique, légèrement moqueur.

- Oui… ben ça revient à peu de chose près à ce que je t’avais proposé.

Il reprit un ton plus élevé, mais toujours aussi ironique.

- Bon honnêtement, c’est vrai que l’idée d’un rapport sexuel avec toi ne me dégoute pas à un point énorme. Mais te violer comme ça, dans le noir, avec un équilibre douteux… huum, je suis pas trop partant.

Lui aussi marqua un petit temps d’arrêt. Leur conversation était aussi symétrique que les jardins de Versailles. Il reprit :

- Et entre nous, je pense pas être assez viril pour être à la hauteur, j’suis vraiment désolé.

Virilité… le mot n’était pas vraiment exact, car pour violer une femme, il ne fallait pas qu’une arme bien chargée, il fallait aussi être un bel enfoiré. C’était quelque chose qui répugnait ce pauvre Erwann, et malheureusement Sharwyn ne l’avait pas compris comme ça. Faut dire que l‘ambiance était plutôt douteuse aussi. Erwann venait juste de faire le rapprochement. Il était parfois… tête en l’air. Mais il n’avait pas voulu lui dire d’emblée, sinon ça aurait créé l’effet totalement contraire… enfin c’est ce qu’il pensait. Comme toujours il doutait sur ce qu’il disait.

- Et si t’es pas convaincu t’as qu’à penser que je suis gay.

Il se releva, et retrouva cette bonne vieille position debout. Comme il l’avais prédis, une violente douleur s’empara de sa jambe droite. Quant à la jambe gauche, et bien elle fit le même bruit sourd que l’on entendait lorsqu’Erwann marchait.

[c'est bof désolé =/]

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[Comparé à ce que je te sors là, c'est super <_<]

Elle l'entendait. Inconsciemment, elle l'entendait. Dans son état de torpeur profonde, par contre, impossible de lui répondre. Elle ne s'agitait plus, de toute façon. Là, elle plongeait réellement dans un stade mi sommeil, mi comateux. Les yeux clos, elle ne bougeait plus d'un poil.

Devant ses yeux, défilaient des tonnes d'images, qui finissaient par repasser, par périodes, successivements.

D'abord elle, avec son père adoptif, en train d'apprendre à marcher. Il était penché sur elle, d'un air protecteur, et ses mains étaient calées sous les aisselles de la petite. Il lance d'un air enjoué

"Allez, avance !"

L'enfant, pataude, évolue sur la terre, avant de s'écrouler sur le côté, ratrappée par son papa. Ce dernier éclate de rire.

Puis, une autre scène. Sharwyn a dix ans. Elle se balade dans les rues. Il est huit heures. Elle gambade, innocemment, heureuse, après un larcin réussi au marché du village. Son sac rempli des caisses des marchands, elle file vite chez elle, avant que la nuit ne tombe. Car elle se rappellait ce qu'avait dit son père, à la nuit tombée .. Un policier l'interpelle, quelques mètres derrière elle. S'ensuit une course poursuite. Mais la petite souris s'échappe par une crevasse cachée dans un mur. Elle est passée sous le nez des forces de l'ordre, ce qui valut de grands éclats de rire à son père, lorsqu'elle lui raconta.

Encore une scène autre. La belle a quinze ans. Des éclats de voix et des gestes brusques. Elle se bat, moralement, contre son père, pour savoir la vérité.

"Cesse de toujours me cacher les choses, papa !"

Le père, plissant des yeux :

"La vérité n'est pas toujours bonne à entendre, chère enfant .. Je n'ai fait que te protéger .."

" Menteur ! Tu dis ça pour te rassurer toi même ! J'te déteste ! "

Les injures fusent, les portes claquent. La belle fugue.

Scène suivante. Sharwyn, son sac en travers de l'épaule, qui fuit, vingt kilomètres plus loin. Elle, se liant d'amitié avec Lui .. Elle, tentant de chaparder toujours plus .. Elle, oubliant complètement les recommandations de son fioutu papa .. Elle, dans cette ruelle, cette impasse .. Elle, et les Quatre .. Elle, et sa douleur ..

Ses lèvres frémissaient dans son sommeil, alors que sa respiration se saccadait par mouvements plus prononcés de sa cage thoracique. Elle luttait contre ses souvenirs, mais ne luttait plus contre L'homme. Elle ne pouvait plus. Plus pour l'instant.

[Je peux pas faire mieux, elle dodote xD]

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Quand un stade rempli de cinquante mille personnes passe de l’effervescence au silence absolu, personne n’y crois. C’est un silence ravageur, un silence terrifiant, car on sait que son existence tient à si peu de chose… . Pourtant il subsiste, et pique l’échine des femmes et des hommes, il les terrifie. C’est pour ça qu’il y a toujours du bruit là où les hommes se rassemblent, les hommes craignent de se retrouver inaudibles, impuissants. C’était un silence comme ça qui avait envahi la pièce sombre et humide. Erwann frissonnait… il faisait trop froid ici pour lui, ou alors était-ce autre chose… .

Il jeta quelques derniers regards à la jeune femme, retrouvant l’usage de ses muscles, adossé contre le mur. Il n’avait rien à faire ici, plus rien. Et tant pis si elle le haïssait après. Elle ne serait pas la première après tout. En si peu de temps il avait appris tellement de chose au sujet de cette fille là, ça en devenait presque déconcertant. C’est pour cela que, malgré tout, partir lui faisait un léger pincement à sa pompe vitale. Plus encore que la première fois qu’elle lui avait tourné les talons.

S’en aller comme ça aurait été très impoli, et relativement dangereux. Qui sait ce qu’elle pouvait faire là par terre, à demi morte, sans aucun moyen de s’exprimer « normalement », excepté quelques bribes de parole narrant des hallucinations nocturnes. Erwann jeta un œil bref à sa montre. Treize heures cinq. Presque simultanément, un grondement retentit de son estomac. Il n’avait pas réalisé à quel point il avait faim. Faim et froid, il se sentait comme Oliver Twist. Son estomac parla pour lui.

Plus tard, une dizaine de minute plus tard, Erwann se tenait assit, adossé à la porte du local. Sharwyn était toujours allongée juste en face de lui. Mais elle semblait plus paisible, plus reposée en fait. Erwann avait pris le temps de bien l’observer, sans passer les limites du voyeurisme bien sûr. Il en tira les conclusions que la vie pouvait être une belle garce. Un si joli morceau de femme, passé sous le bulldozer de la folie humaine… quel gâchis.

Juste à la droite d’Erwann, une barquette, trois gobelets et ce qui ressemblait à une boule de papier froissée. Il dégustait un espèce de sandwich où il y avait plus de mayonnaise que de salade, un horreur diététique, mais qui faisait du bien à ce pauvre petit ventre oppressé. C’est vrai que partir pour de bon aurait été encore plus dégueulasse que de lui faire du mal. Il en savait quelque chose, rester seul dans un noir presque total, c’était du suicide pour l’âme. Alors il attendait là, assit par terre, une jambe pliée et le coude dessus comme un accoudoir. Il attendait qu’elle refasse surface, qu’elle sorte sa tête de l’océan huileux qui la noyait. Elle finirait bien par en sortir, un jour… .

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Il fallut bien une demi heure à la femme pour sortir de sa torpeur. Ce fut le bruit du froissement d'un papier qui la sortit de ses songes.

Grognant légèrement d'être dérangée dans un tel sommeil, elle cligna des yeux maintes fois avant d'y voir clair. Lorsqu'enfin, sa vue ne fut plus troublée, elle aperçut le jeune homme, assis en face d'elle, l'air songeur. Grondant un peu sous la douleur de ses membres engourdis, elle tenta de se redresser avec prudence. Faut dire aussi que la position dans laquelle elle avait fait son somme n'était pas la plus confortable qui soit ..

En position assise, elle s'étira alors comme un petit chat, balançant ses longs bras fins au dessus de sa tête et les croisant au dessus de son crâne, les muscles de son dos se réchauffant peu à peu. Ensuite, elle plaqua ses paumes à plat sur le sol, et poussa sur ses bras pour se relever. Chancelante, elle se tint au mur pour ne pas s'effondrer de nouveau. Ses forces revenaient progressivement. Elle amena ses doigts à ses tempes, les massant consciencieusement. Elle avait mal au crâne.

Son regard se reposa innocemment sur le visage d'Erwann. Elle se rendit alors compte qu'il était toujours là. Qu'il n'était pas parti. Qu'il ne lui avait pas fait de mal. Qu'il avait veillé sur elle ? Ce serait beaucoup dire. Elle préféra ne pas se lancer dans des interprétations hasardeuses.

Elle lâcha enfin le mur. Bras ballants, elle resta là, à l'observer comme s'il était une créature étrange et rare. Enfin, elle s'approcha, de quelques pas, le regard .. Embrouillé. On ne pouvait discerner une couleur distincte dans ses iris. C'étaient quatre pots de peinture différents qui venaient de tomber dans ses mirettes, sans qu'on puisse maintenant savoir quelle était la couleur initiale.

Sur son visage, on lisait la même incompréhension que dans ses yeux. Elle ne comprenait rien à ce que faisait l'homme. Il l'agressait alors qu'il connaissait son point faible, puis il restait à ses côtés sans la tripoter. Y'avait de quoi être sur le derrière <_<

Enfin, de ses petites lèvres, passa un mot unique, un mot prononcé sur un ton neutre. Ni méchanceté, ni gentillesse particulière. Juste une interrogation profonde. Le mot passa le barrage de ses lèvres sans problème

" Pourquoi .. ? "

Ce mot voulait dire tant de choses. Il représentait tant de questions à la fois .. Mais la belle n'avait pas la force de s'étendre sur ces questions. Il comprendrait. Il se devait de comprendre.

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Toutes les secondes, ses mâchoires se pressaient les unes contres les autres. Chaque morceau de ce magnifique hamburger était réduit en morceau infime avant de passer vers l’autoroute digestive. Par moment il rinçait le tout de quelques centilitres d’eau. C’était le bonheur, littéralement. La jeunesse de ce monde en demandait tant, alors que si peut pouvait tout régler. Même si régler tous les problèmes de cette planète avec deux tranches de pain, c’était un rêve qu’Erwann avait abandonné depuis longtemps.

Il fallu une petite demi-heure à Sharwyn pour revenir à la réalité. Après quelques acrobaties post-réveil, elle s’aperçu de la présence incongrue du canadien. A sa place, Erwann aurait aussi été très surpris, et il ne se serait pas approché tout de suite, il aurait attendu, il aurait joué une comédie dramatique, pour faire passer l’instant difficile un peu pus vite, un peu plus cool.

Il savoura chaque seconde qui précéda ses paroles. Comme le fauve qui s’approchait vers la sortie de la cage. Mais elle avait l’air si inoffensive, si douce et si gentille. Ses cheveux étaient légèrement décoiffés, ce qui lui donnait un air encore plus adoucissant. Elle sortait des ténèbres de Morphée, même si elle y était entrée de façon pas très recommandable.

« Pourquoi ? ». Ce mot résonna un peu dans son pauvre crâne. Il ne savait pas si c’était lui qui l’avait dis le plus souvent, ou si c’était les autres, les autres qui le lui demandaient. Là en occurrence, son « pourquoi » était percutant comme l’acide. Il débordait d’émotions, de curiosité. Erwann hésita un instant à y répondre. Ce n’était pas qu’il n’avait pas envie, mais plus qu’il ne savait pas trop quoi répondre. Pourquoi ? Pourquoi l’avoir épargnée ? Ou pourquoi l’avoir laissée dormir ? Pourquoi… pourquoi il vivait avec tant de choix comme ceux là… ? Il ferma les yeux un instant, comme pour montrer sa médiation personnelle. Il désigna du doigt et du regard la deuxième boite en carton sur sa droite.

- Je… j’t’en ai pris un, et puis une bouteille de flotte. T’en aura besoin… pour émerger.

Il ramena ses yeux dans les siens. C’est vrai qu’il n’agissait pas comme le commun de tout les mortels. La pénombre les rapprochait légèrement. Elle attendait quelque chose. Une réponse, une seule, peut être pour se convaincre que ce qu’elle voyait était vrai. Qu’il existait au moins un mec sur cette Terre qui ne profiterait pas d’elle comme une vulgaire poupée, même s’il y en avait plus qu’un seul. Il reprit la parole, pour la satisfaire comme elle le voulait :

- Tu sais, il n’y pas de verrou à cette porte. Imagine si on nous avait surpris, notre séjour dans ce bahut, enfin surtout le mien, aurait été sacrément écourté.

Cet égoïsme de première classe, mêlé à l’ironie qui lui allait bien, c’était encore une autre parade pour éviter de s’ouvrir. Malgré le fait qu’elle paraissait mignonne là devant lui, il n’oubliait pas quelle furie elle avait été juste avant. Comme toujours il était prévoyant, peut être un peu trop parano sur ce coup là.

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Il venait de contourner soigneusement sa question. Peut être n'avait il pas compris ce qu'elle représentait, et comment il devait y répondre. Tant pis. Elle aquiesca en découvrant le hamburger auprès d'Erwann. Son estomac, qui venait lui aussi d'émerger de sa torpeur, fit comprendre à la femme que la raison première de son altercation dans le couloir, avait été qu'elle se dirigeait vers le réfectoire, pour dévorer la première nourriture qui lui serait tombée sous le nez. Même si elle avait sa fierté, elle ne pouvait refuser ce met de choix, tant elle avait faim. Son bidon réclamait, elle fallait qu'elle assouvisse enfin cette sensation harassante de vide dans son estomac.

Elle s'approcha alors, toujours aussi méfiante, comme une louve affamée, tombant sur un homme avec des provisions. Elle attrappa la bouteille d'eau et le hamburger, et recula de nouveau, calant ses omoplates contre le mur blanc du local, face à l'homme énigmatique. Elle mangea lentement, savourant enfin le plaisir d'avoir tant de matières grasses d'un coup dans sa bouche, d'avoir autant de saveurs d'un coup sur sa langue. Elle ferma les yeux, finissant son pseudo repas, plaisir divin pour ses sens gourmands, avant de les rouvrir, et de faire tourner ses doigts autour du bouchon qui fermait la bouteille d'eau. Elle amena le goulot à ses lèvres, et but lentement, par petites gorgées, pour éviter les brûlures d'estomac. Lorsqu'enfin, elle referma la bouteille, elle posa son regard sur lui, et ne sut quoi dire. Le remercier ? Non, elle ne pouvait pas .. Pas se rabaisser à ça .. Timidement, jetant un regard furtif mais pas hargneux vers lui, elle finit par murmurer

"T'aurais pu prendre du coca, quand même .."

Elle adorait ça. Ce soda sucré et pétillant, dont les bulles éclataient sur sa langue, faisant picoter toute sa bouche avant de rafraichir son gosier. Finalement, il se remit à parler. Il dit encore quelque chose de différent. Comme s'ils n'étaient sur la même longueur d'onde .. Comme s'ils parlaient, mais à deux interlocuteurs différents, que leurs conversations étaient parallèles, ne se croisant jamais avec une logique précise.

Elle fronça du nez, peu habituée aux monologues à double face, puis haussa des épaules, l'air de rien, avant de décoller son dos du mur, et de toiser l'homme, frappant les prunelles d'Erwann de ses iris émeraude. Elle ne savait plus quoi faire. Plus quoi dire ? Que pouvait elle faire, de toute façon ? Elle avait rarement été confrontée à un cas pareil de dialogue. Elle parlait sans aboyer. Pour la première fois depuis des années .. C'était beaucoup d'un coup. Beaucoup trop. Il ne fallait pas s'attendre à un miracle. La jeune femme fixait le boiteux d'un air presque suppliant, comme si elle le sommait de déclencher lui même un sujet de conversation, le forçant à parler le premier ..

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[Up ?]

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Le jeu d’ironie et d’optimisme qu’avait engagé Erwann portait ses fruits. Son but n’était pas de trop de partir dans un monde parallèle où il ferait comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, mais plutôt d’oublier un instant, de faire comme si les quelques minutes qui allaient se dérouler, seraient des minutes de paix intérieure, de voix calme, et de pensées sincères. Un large sourire s’afficha comme un panneau publicitaire accrocheur à sa bouche. Ils pouvaient, ils devaient détendre leurs âmes. En faisant un ou deux sacrifices, en faisant abstraction de leurs rivalités implicites. Faire… comme si de rien n’était.

Erwann n’avait aucune idée de combien de temps il pourrait jouer cette comédie légère, ni combien de temps elle pourrait d’ailleurs. Même si ça finissait par dégénérer, ça ne pouvait pas être pire que ce qui avait précédé. Le canadien joua la carte du « qui ne tente rien n’a rien ». Il ne se crispa pas, il resta souriant, assit par terre en compagnie de la bouffe, comme s’il pique-niquait face à la mer calme et turquoise. Même si le bruit des vagues et celui du vent ressemblait au bruit de la ventilation qui grondait, même si l’herbe douce et verte était sombre et dur comme une roche volcanique, même si la compagnie qu’il avait ne ressemblait en rien à un rencard prometteur.

Il engloutit quelques gorgées de la limonade bon marché qu’il venait de troquer, puis souffla un bon coup, poussant un râle de satisfaction gustative. Repu, il allait entamer un repos bien mérité, une sorte de sieste éveillée où il était aussi vif et motivé qu’une carpe dans un lac de sel. C’était le bon moment, le bon moment pour lui d’en savoir un peu plus sur Sharwyn. Qui elle était, et pourquoi elle l’était. Il en avait déjà vaguement deviné un bout, mais sa curiosité le titillait de plus en plus. Elle ne pourrait pas lui refuser ça.

- D’où tu viens ? Il coupa un instant, puis repris très vite, comme pour s’il se corrigeait, enfin… je te demande pas d’où tu viens, où tu es née… mais, pourquoi t’as atterri ici, dans cette école ?

Il devinait vaguement se réponse, mais il lui fallait une amorce pour continuer. En plus chacun avait ses raisons. Il avait bien vite remarqué que la plupart des gens dans l’école était là banalement, mais il avait aussi vu qu’il avait tendance à attirer les élèves… les élèves qui avaient une histoire particulière à raconter, les élèves particuliers, des élèves un peu comme lui.

Tous les deux se restauraient, et il savait que parler et mâcher en même temps ne faisait pas bon ménage. Mais la patience était la vertu la plus noble qu’Erwann possédait. Même si parfois il s’énervait au quart de tour, comme une grosse cylindrée dans le rouge. Pour l’instant, il n’avait pas la force ni l’envie de faire usage de ses nerfs. Calme, il s’était promis de rester calme.

- Y’a pas a dire, c’est de la bonne bouffe comme on les aime, meugla t’il en imitant les centaines de gros bœuf qu’il avait vu dans sa vie, avachis devant leur poste de télévision.

Une nouvelle vois, il ne pensait pas totalement ce qu’il disait, il était sûr que les hamburgers étaient des nids à cancer généralisé. Rien ne remplacerait jamais une salade de jardin.

» pensée ou lieu d'un instant?
» Just Impolite. {P.V. Maj' & Erwann}.
» Erwann Packey [Validé]
» Quand la neige tombe...(PV Erwann)
» Absence Erwann Packey (-Durée Indéterminée-)

Lieu sous surveillance .. [PV Erwann]

Lieu sous surveillance .. [PV Erwann]

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