Lieu sous surveillance .. [PV Erwann]

Invité

La question coupa net la mastication de la jeune femme. Elle écarquilla ses yeux, mi clos quelques secondes auparavant, et posa son regard sur lui, d'un air un brin méfiant, mais surtout décontenancé. Elle s'était dit qu'elle ne risquait rien, ici. Les Quatre ne la retrouveraient pas. Et s'il connaissait une once de son histoire, ce n'est pas ça qui la ferait courir à sa perte. Elle décida alors de répondre. Sincèrement. D'une voix calme et douce. Le regard perdu dans le vague ..

"Quand on touche le fond .. Que tout est noir .. Comme ici .. Qu'on est prisonnier de soi même .. Que la porte est condamnée depuis deux ans .. Et que quelqu'un l'ouvre .. On est tellement frustré et claustrophobe, qu'on se fiche bien de se retrouver sur un champ de mines à l'extérieur. On saute hors de sa cage. Pour atterrir on ne sait où. Moi, j'ai atterri ici."

Elle plissa ses yeux, le regard empli de sagesse, avant de froisser l'emballage entre ses mains, de le rouler en boule, et de le balancer à la manière des basketteurs vers le sac plastique contenant les déchets. Panier. Sourire sans équivoque, la jeune femme semble satisfaite. Elle finit par s'asseoir elle aussi, à terre, face à Lui. Le regard énigmatique, elle se doute bien qu'il aimerait en savoir plus. Mais elle savait aussi qu'il se contenterait de ça, s'il le fallait. Alors, elle n'ajouta rien de plus. Elle posa son regard sur les épaules larges du jeune homme, d'un air pensif, rêvassant, pendant qu'il finissait de manger. Lorsqu'il se mit à parler, elle revint sur terre, et mit quelques secondes à analyser et comprendre sa phrase. Pourtant, lorsque le signal clignota dans son cerveau, et que sa matière grise était entrée en action, elle avait compris. Et elle avait réagi.

Elle éclata de rire. Un rire doux, et grâcieux. Un rire fin et aquilin. Pur. Un rire incontestablement sincère, vu les mirettes embuées de la jeune femme, qui fixaient le visage d'Erwann avec une pointe de moquerie, mais surtout beaucoup de bonheur et de légèreté. Le poids qui pesait quelques minutes plus tôt sur leurs épaules, semblait s'être envolé brusquement. Ils n'avaient plus à porter leur fardeau, pendant un instant ..

Le voir imiter les hommes, ceux qui approchent de la cinquantaine, qui ont une énorme bedaine, qui boivent sans compter, qui puent, qui gueulent pour n'importe quoi, cela l'avait transportée. Elle n'avait pu s'en empêcher. Et le pire, c'est que son rire ne cessait pas. Nerveux et incontrôlable. Comme toujours ..

Son index se pointa faiblement vers le visage du jeune homme, comme pour montrer à un personnage invisible que la tronche que tirait Erwann était hilarante. Lorsqu'enfin, son rire se calma, elle soupira un grand coup, un sourire béat aux lèvres, avant de caler ses omoplates contre le mur dans son dos. Là, elle fixa Erwann d'un air jovial.

Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle commençait à s'ouvrir à lui, et à changer de comportement, elle se mordit violemment la lèvre inférieure, pour se punir d'en avoir trop dit et trop fait. Elle détourna vivement la tête et le regard, semblant fascinée par une petite araignée qui tissait sa toile au plafond .. Son regard avait viré à l'Acajou, et elle n'osait plus piper mot .. Dur dur, de changer ..

Invité

L’instant de détente était parvenu à eux sans vraiment prévenir. Ce qui prouvait sa réalité parfaite. Erwann fut d’abord un être surpris, il ne s’attendait pas à ce que sa voisine se mette à rire, presque aux larmes. Il ne pensait pas qu’une telle plaisanterie pouvait détendre l’atmosphère du cagibi obscure. L’espace d’un instant même, il fut apeuré, croyant qu’il avait quelque chose d’anormal collé sur le visage, comme un bout de poulet ou une grosse trace de sauce tomate, tellement elle se bidonnait. Mais il n’en était rien, Erwann comme par contagion, se mit à rire également, mais toutefois avec un peu moins d’enthousiasme.

Il ne regrettait pas d’avoir attendu si longtemps pour voir ça, et il était convaincu que de nombreux gringalets auraient payés cher pour être là. Ces mêmes gringalets qui avaient dû se casser les dents sur le caractère et les réactions de Sharwyn. Ces mêmes gringalets qui couraient sans regarder devant eux dans le couloir. Erwann lui, avait encore sa dentition dans l’état qu’il l’avait laissé le matin même, un miracle, une intervention divine à coup sur.

Mais le moment de décrispation nerveuse s’arrêta plus vite que prévu. En un mouvement fluide et élégant, elle détourna la tête, comme si une vision d’horreur et de dégout se dressait devant ses yeux. Et d’un coup, plus rien, plus de rire, plus même le bruit d’une respiration. Les deux êtres, Sharwyn en première, étaient revenus à la dure réalité de la vie. Un rappel à l’ordre qui avec le temps, était devenu automatique. Erwann savait que ces instants forts en éclats de rire allaient finir par virer au vinaigre… un jour ou l’autre. Lui aussi détourna le regard.

Erwann était certain que le plus malheureux des deux ici, ce n’était pas lui. Il le sentait au plus profond de son cœur. On sentait, dans ses gestes, dans sa manière de parler, dans sa manière de respirer que son cœur saignait, depuis longtemps déjà. Il ne pensait pas pouvoir saper cette blessure profonde comme une abysse, mais une chose lui trottait en tête déjà pas mal de minute : essayer de la rendre invisible, transparente, pour qu’on ne la voit plus, pour qu’on l’oublie. Il n’était pas dupe, il savait que ce genre de plaie ne se refermait pas avec une bonne dose de séance chez un psychologue de quartier et une cure de tisane au thé vert. La rendre invisible… ça avait bien marché avec lui, pourquoi pas avec quelqu’un d’autre ?

Il se leva, assez soudainement, sans donner un seul signe de prévention. Il prit bien le temps d’ajuster le pli de ses vêtements, de secouer certains pour ôter la poussière et les minuscules gravillons qui siégeaient du sol au plafond, puis enfonça la poignée de la porte. Un rectangle puissant et ravageur pénétra dans la petite salle. Les yeux d’Erwann dégustèrent sérieusement ce passage noir/jour. Une fois qu’il pu distinguer la forme des objets à l’extérieur, il retourna sa tête vers Sharwyn qui était toujours au fond de la pièce. Seuls ses jambes et le bas de son buste étaient éclairés, le reste restait dans l’ombre.

- J’ai un cours.

Ces paroles ne semblaient affecter rien dans les environs, ni les hommes ni les murs ni rien, il avait l’impression de parler dans le vide, dans le néant. L’œil du cyclone avait été bien court… .

- Au revoir, mademoiselle.

Il sortit sur ça, un léger salut. En effet il aurait été difficile pour lui, et pour elle également, d’expliquer que la vie était dégueulasse et que l’on ni pouvait rien, et de se quitter sur des remords et des mauvaises pensées. Il aurait été difficile pour lui aussi de la quitter sur une sorte de « bon ben à plus tard alors ». Ca aurait été très naïf et maladroit, il préférait éviter ça.

Il sortit totalement de la salle, laissant la porte un tout petit peu entre-ouverte, et repartit dans sa démarche habituellement saccadée. Il avait vécu quelque chose de spécial, et maintenant, il allait vers un cours de microbiologie. Cet homme était le paradoxe incarné.

Invité

Elle avait compris dès l'instant où il s'était relevé, qu'il allait s'en aller. Elle avait reprit des forces, mais pourtant, il semblait que queque chose la clouait au sol. L'honneur. Elle aurait pu se relever, le rattrapper, aggriper sa manche de ses doigts frêles, elle aurait pu lui adresser un sourire, et lui demander de l'accompagner. Elle aurait pu faire tout ça. Si elle l'avait voulu. Seulement, elle ne le voulait pas. Pas lui faire ce plaisir. Elle l'appréciait, et le détestait à la fois. Ca passait du chaud au froid, du froid au chaud, inlassablement.

Elle grogna lorsque la porte s'ouvrit, et qu'un rai de lumière balaya ses pupilles grandes ouvertes. Clignant des yeux maintes fois, elle finit enfin par distinguer la forme du boiteux dans l'entrebaillement. Il s'en allait. Tout était fini.

Son bras se leva, à l'horizontal, pour faire visière au dessus de ses sourcils. Là, elle l'écouta, et hocha lentement la tête, comme pour lui renvoyer son salut. Le "mademoiselle" faillit la faire sourire, mais le coeur n'y était vraiment pas. Elle était prise dans un étau qui l'ensserrait, et elle avait deux choix possibles. Sauf qu'elle n'arrivait pas à en choisir un distinctement. Ils avaient tous les deux leurs qualités et leurs défauts ..

Ce fut Erwann qui décida. Il disparut de l'embrasure de la porte, laissant la femme seule, agenouillée dans un coin, avec pour seule compagne un pan de lumière violente, venant du ciel. Le soleil était de retour. La jeune femme soupira.

Elle se remémora brièvement leur rencontre, l'ambiance mystique qui émanait entre eux deux, alors qu'ils étaient ensemble. Elle soupira, devant tant de mystère, et revint enfin à la réalité. Pour la première fois, elle n'était pas malheureuse qu'un petit con lui ait rentré dans le bide. Ca avait du bon, des fois, de souffrir un peu ..

Elle secoua la tête, et sortit de ses songes. Se relevant lentement, elle s'étira alors, comme un petit chat, avant que son regard ne se repose sur l'entrebaillement de la porte laissé par Erwann.

Erwann. Elle prit soin de bien ancrer ce prénom dans son cerveau, au niveau de l'hémisphère proéminent. Enfin, la belle sortit du local, refermant lentement la porte alors que la sonnerie retentissait. Elle soupira, et fila vite fait à la cafet, à présent vide, tous les marmots partant pour les cours ..

Retour à la solitude ..

[FIN ?]

» pensée ou lieu d'un instant?
» Just Impolite. {P.V. Maj' & Erwann}.
» Erwann Packey [Validé]
» Quand la neige tombe...(PV Erwann)
» Absence Erwann Packey (-Durée Indéterminée-)

Lieu sous surveillance .. [PV Erwann]

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