Dans son apprentissage de la vie, Sheikhan n'avait pas pris l'option nounou. Malheureusement, il était clair que cette fois, il devrait faire comme si. Comme s'il savait s'y prendre pour consoler les gens, comme s'il avait envie de consoler Aoi. Car le problème était bien là, il n'en avait pas envie, mais alors pas envie du tout. Malgré la ressemblance entre les deux blonds, il arrivait (plus ou moins c'était vrai) à les distinguer, et pour celui qui lui faisait face, il ne nourissait pas que de tendres sentiments, loin de là.

Ceci dit, il fallait dire une chose quand même : Aoi faisait peine à voir comme ça. Et le brun ne voyait pas franchement ce qui pouvait le faire déprimer à ce point. N'avait-il pas eu ce qu'il voulait au fond ?

"Allons bon..." souffla-t-il, dépité.

Le brun tourna brusquement la tête vers l'autre garçon. C'était incompréhensible. Totalement idiot, incroyablement burlesque. Comment ? Comment pouvait-on haïr un homme au point de le tuer sans rien savoir de lui ? Comment pouvait-on ôter la vie d'un être que l'on hait mais dont on ignore tout ? Le voleur ne comprennait vraiment rien. La logique de la famille Toishima le dépassait, surtout quand ils avaient de la drogue ou de l'alcool dans le sang.

"Fier. Alcoolo, drogué, déprimé... Protecteur, têtu..."

Comment résumé un être en quelques mots ? Le décrire sous toutes les coutures ne suffirait jamais à donner une image exacte de celui qu'avait été Nihya. On ne décrivait pas un être humain comme on décrivait la couverture d'un bouquin...

Il ne s'était pas franchement attendu à faire pleurer le blond en lui disant ça. L'espace d'un instant, Sheikhan se demanda s'il n'était pas en plein cauchemar. C'était juste irréel comme situation. Lui, discutant avec le fils et néanmoins assassin de son amant, limite en le consolant. Quoique non, quand même. Mais bon, ça le surprenait, et c'était d'autant plus étonnant qu'il n'avait pas encore essayé de s'en prendre à Aoi...

Un petit rire sans joie sortit d'entre ses lèvres quand le blondinet eut fini de parler. Nihya lui manquait ? En voilà une ironie ! C'était de sa faute après tout, et ça n'était pas le brun qui compatirait à son sort. Si ça n'avait tenu qu'à lui, Ni' serait bien en vie.

"Tu as tout fait pour ne jamais avoir ce qui te manquait tant..."

Oh ça pour n'avori connu que les bons côtés... Ses côtes s'en souvenaient encore, desdits bon côtés du blon. De toute façon, Sheikhan n'avait pas besoin d'avoir cotoyé constamment son amant pour savoir comment il était. Ils s'étaient compris si vite, avaient saisi si rapidement quel genre d evie ils menaient et avait subi par la suite assez de choses pour que le brun sache parfaitement que Ni' pouvait être un magnifique salaud à ses heures. Mais le voleur ne valait pas mieux, et là, il ne trouvait pas qu'Aoi ait matière à donner des leçons à son défunt père.

D'un mouvement brusque, il plaqua le blondinet contre le sol, un bras près de son visage, les yeux rivés dans ceux du garçon. La colère du gamin était visiblement contagieuse, car son regard exprimait la sienne bien assez clairement.

"Tu crois vraiment que tu vaux mieux que lui ? Que nous ? Tu es un enfoiré, aussi égoïste qu'il a pu l'être à ses heures, aussi salaud qu'il l'a été parfois. Ne fais pas celui qui devrait être plaint. Dans l'histoire, tu n'es pas la victime !"

Oula. Sheikhan avait été surpris de le voir se relever, mais il aurait au moins penser que le jeune blondinet avait évalué la situation avant de tenter de se relever. Il était clair que non. Se retrouver nez à nez avec Sheikhan, si près que celui-ci pouvait l'embrasser sans problème ne devait pas faire parti du plan, si plan il y avait. De ça, le brun en doutait fortement. Aoi semblait juste être une boule de nerf ou un ressort humain. Un coup il s'agaçait, un coup il se calmait. On aurait dit sa demi-sœur...

Un micro sourire apparut sur ses lèvres lorsqu'il le vit baisser les yeux. Comme quoi, ça n'était vraiment pas prévu de se retrouver dans une telle situation. C'est à ce moment-là que le brun remarqua ce qu'il en était de leurs mains... enlacées. Le micro sourire (de toute façon invisible pour Aoi) s'effaça, et il ne bougea pourtant pas, fronçant juste légèrement les sourcils.

"Envie de remplacer ton père ?"

Sheikhan s'assit à nouveau normalement, face au blondinet. Il s'était dit que celui avait compris pour Nihya et lui au réfectoire, mais de toute évidence, il venait juste de saisir ce qui les avait réellement liés. Ou alors cela confirmait ses doutes... Comment savoir ? Le brun ne voulait pas faire l'effort de s'ouvrir à lui comme il l'avait fait avec son père. Quand on voyait où ça l'avait amené chaque fois qu'il s'était lié à quelqu'un...

"N'sois pas aussi vexé, on dirait que tu es jaloux."

Il disait surtout ça pour faire enrager l'autre gamin. Le brun avait bien vu qu'il n'était pas à l'aise avec ça, et de ce point de vue là, il retrouvait assez le comportement de son père au début de leur relation. Qu'est-ce quil avait pu s'amuser avec les nerfs de Nihya à cette époque-là...

Satisfait était le mot le plus approprié, même si la ressemblance pour le coup frappante entre les dents lui fit l'effet d'un couteau au cœur. Ca il savait qu'Aoi ne serait pas Nihya. D'ailleurs, ils n'en seraient pas là si c'était le cas. Même si ces derniers temps, la relation entre le blond et le brun n'était plus au beau fixe, ils n'en étaient pas rendu à se prendre la tête dans le parc d'une école qui les gonflait tous les deux.

"Je n'attends rien de toi." répondit-il calmement, froidement.

Les larmes d'Aoi ne suffiraient pas l’attendrir et sa colère ne le ferait pas fléchir. Sheikhan avait une idée en tête et s’y tiendrait. Il allait lui faire comprendre une bonne fois pour toutes que tout n’était pas aussi simpliste que le blondinet avait l’air de le croire.

"Et je ne te demande pas d’être Nihya. Tu ne vaux pas le quart de ce qu’il était, comment veux-tu que je te demande de le remplacer ?"

*Surtout que c’est toi qui me l’a enlevé...*

Allez savoir pourquoi le brun lui attrapa le bras pour le retenir. Peut-être à cause de la réelle tristesse qu'il avait vu dans les yeux du blondinet... Lui en tout cas n'était sûr de rien et fut aussi surpris que devait l'être Aoi de son geste. Puis, d'un coup, il l'attira vers l'arrière, le retenant au passage pour qu'il ne se casse pas (trop) lamentablement la figure.

"Arrête de chialer."

C'était pas possible ça. Infernal était même le mot juste. Aoi était pire qu'une madeleine. Il pleurait pour tout, pour rien, qu'il soit triste ou énervé.

"Tu avais l'air de croire que personne n'y tenait à ton paternel. Je sais pas ce que t'as dit ta mère sur lui, mais il faudrait que tu arrêtes de tout voir en blanc et noir."